vendredi 21 mars 2025

Sherlock Holmes et le complot de Mayerling - Nicole Boeglin.



En cet hiver 1889, une jeune femme se présente au 221B Baker Street. La dame de compagnie de l'impératrice Sissi vient, dans la plus grande discrétion, requérir l'aide de Sherlock Holmes. En effet, le fils de l'impératrice a été retrouvé mort dans le pavillon de chasse de la propriété de Mayerling. L'enquête officielle a conclu au suicide. Un peu vite. Holmes et Watson découvrent rapidement des indices pour le moins suspects.

Qui est cette jeune femme retrouvée morte aux côtés du prince et que l'on a enterrée en secret ? Et pourquoi un tableau a-t-il été volé au moment du meurtre ? La mort du prince n'est que la partie émergée d'une vaste affaire. Sherlock va devoir faire appel à toutes ses capacités de déduction pour en démêler les fils...




Ce roman me laisse une impression plus que mitigée…


Pourtant, il avait tout pour me plaire ! Sherlock HolmesSissi, la tragique histoire de Rodolphe de Habsbourg, un polar historique sur l’une des affaires les plus passionnantes et les plus mystérieuses de la fin du XIXe siècle. Tous les ingrédients étaient là, et j’ai commencé ma lecture avec beaucoup d’enthousiasme.


Il faut dire que c’est une affaire encore non élucidée à ce jour, qui a fait couler beaucoup d’encre depuis 1889. Que s’est-il passé ? Le prince héritier Rodolphe s’est-il réellement suicidé après avoir tué sa jeune maîtresse ? Pour quelle raison ? Sa dépression ou la maladie incurable dont il était atteint ? Ou bien s’agit-il d’un assassinat politique déguisé en suicide ? Plusieurs théories vont se succéder au fil des ans, sans qu’aucune ne soit totalement avérée, d'autant plus que l'enquête a été bâclée et que de nombreuses preuves ont disparu, voire ont été volontairement détruites comme la scène du crime. Avec un tel mystère, pas étonnant que la fiction s’en soit emparée, et pour mon plus grand plaisir !


J’ai retrouvé avec plaisir Holmes et Watson qui sont plutôt fidèles à ceux écrits par Doyle. Je n’aurais pas été contre un Watson plus dans l’action et un petit moins long à la détente, surtout sur des choses qui ont semblé évidentes même à la modeste lectrice que je suis, même si tel est le rôle de Watson. À l’instar du canon, il est perdu, pose de nombreuses questions à Holmes pour nous permettre de mieux comprendre les aboutissants de l’intrigue. Je dois aussi avouer avoir été déconcertée de voir Watson appeler et désigner Holmes par son prénom, chose qu’il n’a jamais faite dans le canon. Vous me direz, je chipote pour un petit détail mais c’est un détail qui a son importance pour moi.


Toutefois, j’ai pris plaisir à suivre Holmes et Watson qui, depuis ma toute première lecture de SH, sont comme des compagnons qui m’accompagnent depuis longtemps et que je prends plaisir à retrouver. J’ai ainsi aimé les suivre dans une nouvelle enquête. Étant fan de l’histoire de Sissi, des Habsbourg et la tragédie de Mayerling, l’enquête ne pouvait que me plaire. Si le récit peut s’alourdir en nous présentant tout l’arbre généalogique des Habsbourg et de voir apparaître plusieurs noms de cette illustre famille et les liens entre eux, ça n’a pas gâché mon plaisir puisque j’étais déjà, de base, très intéressée par tout ça. Sans être une spécialiste, je peux toutefois affirmer que l’auteure s’est basée sur de solides sources et a su reconstituer fidèlement le cadre familial mais aussi socio-politique de l’époque et se réapproprier ces éléments, notamment dans le cadre de l’enquête (l’affaire demeurant irrésolue à ce jour).


J’ai aimé le cadre socio-politique qui se dévoile au fur et à mesure que l’on avance dans l’intrigue. Un jeune prince libéral qui critique la politique conservatrice de son père, des relations fragiles entre l’empire autrichien et le jeune empire germanique qui gagne en puissance, une alliance fragile entre l’Autriche et la Hongrie, sans compter les tensions et secrets au sein de la grande famille des Habsbourg. L’auteure a su nous repeindre fidèlement le portrait du prince Rodolphe, et on en apprend davantage sur lui, ses engagements, son passé difficiles, etc. En bref, je n’ai pas boudé mon plaisir, bien au contraire ! La plume de l’auteure est fluide et on ne peut que féliciter son travail de documentation parfaitement élaboré.


Puis, en plein milieu de roman, nous sommes propulsés dans les années 1990 à suivre la correspondance entre deux jeunes femmes, Tania et Lily, qui enquêtent elles-aussi sur l’affaire Mayerling [spoiler] on apprendra d’ailleurs que l’une est une descendante des Habsbourg et l’autre une descendante d’Irène Adler ; je n’ai pas compris l’intérêt que Tania soit une Adler, comme ça ne sert strictement pas à l’intrigue [/spoiler]. J’ai eu du mal à m’habituer à ce changement de ton soudain puisque le récit se fait plus contemporain et surtout épistolaire. Non pas que les romans épistolaires me déplaisent mais le changement de style m’a dérouté. Surtout, je ne comprends pas ce choix. Pourquoi, dans les années 90, nos deux protagonistes n’auraient pas utilisé le téléphone pour échanger des informations censées être importantes et urgentes concernant leur enquête ? D’autant que certaines lettres faisaient juste du remplissage (par exemple, nous avons une lettre de deux lignes où Machine dit à Trucmuche qu’elle va se promener. C’est tout).


Au cours de leur enquête, l’une sera accompagnée par un journaliste dont nous ignorons l’identité réelle mais qui a des capacités de déduction et une intelligence semblables à celles de Holmes ainsi que des yeux gris… Nous n’avons pas de nom mais on peut imaginer qui était son ancêtre.


Je dois avouer avoir un peu décroché pendant cette seconde partie dont le rythme de lecture a été plus lent. Cette partie n’est pas dénué de qualités et elle se laissait lire bien volontiers mais avec moins d’enthousiasme de mon côté.


Je n’ai réussi à avoir un regain d’intérêt que lorsque nous repartons sur le récit de Watson. J’ai trouvé la résolution de l’enquête (la véritable nature de la mort du prince héritier) et les raisons du silence de Holmes et Watson sur cette affaire plutôt crédibles, le méchant un peu moins [spoiler] le fait de faire de Moriarty un prince de la famille des Habsbourg m’est plus risible qu’autre chose, et que son descendant veuille poursuivre sa vengeance, alors que l’empire austro-hongrois n’est plus et les Habsbourg ayant perdu leur puissance et influence d’antan, pas franchement crédible [/spoiler]. Je dois cependant avouer avoir été frustrée par la fin qui n’en est pas vraiment une pour moi puisqu’elle nous laisse sur un cliffhanger, et je suis laissée frustrée et sur ma faim. Peut-être aura-t-on droit à une suite… Mais si elle se penchera surtout sur Tania et Lily, sans Holmes et Watson, je pense que je passerai ma route…


En conclusion, malgré des ingrédients prometteurs (une enquête historique, plusieurs personnages historiques et notamment présence de Sissi et Franz, la présence de Mycroft, etc), l’ensemble du roman peine à convaincre et me laisse donc un avis mitigé.


L'année 1889 fut chargée. Elle le fut tout particulièrement en cette fin du mois de janvier. J'avais promis à mon ami Sherlock Holmes que tout ce que j'allais écrire sur cette affaire le serait dans le plus grand secret, et que mon récit ne serait jamais publié de notre vivant. Car cette histoire pourrait semer le chaos et la consternation dans les plus hautes sphères de la société, et surtout, mettre l'Europe à feu et à sang. Je n'ai nul besoin de préciser qu'une semblable indiscrétion est impensable et que ces archives seront soigneusement dissimulées. Le monde n'est pas encore prêt.

jeudi 13 mars 2025

Un jardin de mensonges - Susan Fletcher.


Certains fantômes hantent les demeures, d'autres les cœurs...

Londres, 1914. Atteinte de la maladie des os de verre, Clara vit recluse depuis toujours, choyée par une mère qui lui raconte le monde. À sa mort, la jeune femme prend son destin en main et s'initie clandestinement à la botanique.

Elle est bientôt engagée par Mr Fox pour créer sur son domaine une serre de plantes exotiques. Mais, à peine arrivée à Shadowbrook, elle ressent un étrange malaise. Le mystérieux maître des lieux brille par son absence, la gouvernante est terrifiée, et une présence semble hanter les couloirs de la demeure, où les fleurs fanent en quelques heures...

Avec son étrange héroïne à la peau diaphane, Un jardin de mensonges est un brillant hommage aux grands romans gothiques. C'est aussi le récit de l'émancipation d'une femme qui tente de reprendre possession de sa vie et de son corps, servi par une plume aussi vénéneuse que sensuelle...


Je sors de cette lecture mitigée.


Ce roman me présentait des éléments prometteurs : une héroïne infirme (chose rare dans la fiction), qui s’intéresse à la botanique, une ambiance gothique avec un manoir ancien et hanté, des mensonges et des secrets, un fantôme tourmenté, le contexte historique qui est celui de la belle époque, à l’aube de la Première Guerre Mondiale. Tout était là pour me plaire et je me suis plongée avec enthousiasme dans ce roman.


J’ai beaucoup aimé le début, avec un premier chapitre assez long qui nous présente Clara, sa mère, son beau-père, sa maladie. Comment, à défaut de sortir, elle a découvert le monde à travers des cartes et des ouvrages. Puis, son émancipation suite à la mort de sa mère, comment elle décroche son travail pour s’occuper de la serre de Mr Fox, la découverte du manoir et des employés, les absences fréquentes et mystérieuses de Mr Fox, puis les histoires autour des anciens propriétaires du manoir.


Clara est une protagoniste qui ne laisse pas indifférente. Elle a la maladie des os de verre. De ce fait, tout pour elle représente un danger. Rien qu’une légère bousculade peut lui briser les os. Elle a longtemps vécu enfermée dans la maison familiale, auprès d’une famille aimante, et qui a eu comme compagnons les livres qui lui ont parlé de ce monde extérieur inaccessible. C’est une jeune femme qui a du se forger une carapace et qui cherche à s’émanciper, à vivre sa vie comme elle l’entend, sans être limitée ou définie par sa maladie. Elle est déterminée, cultivée et elle a son franc-parler.


Le hic ? Clara n’est pas une héroïne attachante. Elle m’a semblé bien antipathique pendant une bonne partie du roman. Elle est TROP curieuse d’une part, une curiosité qui frise souvent le côté mal élevé, avec des questions déplacées, ce qui m’a pas mal dérangé, et j’ai un peu de mal à comprendre pourquoi elle se projette tellement dans les problèmes du manoir où elle travaille et ce depuis les premiers jours.


Bien-sûr, il faut bien que l’histoire progresse et celle-ci nous présente un mystère, mais je trouve un peu ridicule la curiosité mal placée et l’entêtement de l’héroïne qui trouve offensant que son employeur soit souvent absent du manoir et qu’il ait mis du temps pour l’accueillir enfin, rien que pour citer un exemple.


Clara est aussi paradoxale. Elle souhaite se débrouiller seule et être vue au-delà de son handicap, mais c’est souvent elle qui met sur la table sa maladie et elle se permet d’être franchement antipathique avec des personnages qui ne le méritent pas et qui sont, pour la plupart, agréables avec elle, malgré son côté mêle-tout et abrupte.


Pour parler de l’autre élément à m’avoir chagriné, c’est l’intrigue en elle-même. En vérité, je ne saurais dire si je dois applaudir un tel plot twist ou ne pas apprécier le fait qu’on m’a mené en bateau. Encore que je peux excuser le fait que [spoiler] il n’y ait pas un fantôme et que c’est un mensonge taillé de toute pièce, après tout, le roman ne s’intitule pas « Le jardin des mensonges » pour rien ; non, c’est la raison de l’existence de ce mensonge qui me paraît franchement tiré par les cheveux. Un mensonge qui terrorise les villageois et les employés du manoir… tout ça pour que Machin attire chez lui son fils qui est en froid avec lui et la fille qu’il n’a jamais connu, inutile d’ailleurs de vous dire QUI est la fille en question [/spoiler]


L’intrigue reste malgré tout bien menée et nous propose une réflexion intéressante sur le poids de la rumeur et des mensonges qui peuvent se révéler incontrôlables et que certains parviennent à manipuler à leur avantage, ce qui m’a un peu rappelé L’île aux mensonges, de Frances Hardinge. L’écriture de l’auteure est également fluide, il y a des messages forts qui dégagent du texte.


Malheureusement, il y a des longueurs et je n’ai pas été conquise par le dénouement que j’ai trouvé tiré par les cheveux, ni par son héroïne qui – bien que non détestable – est franchement antipathique la plupart du temps. J’ai aussi trouvé la fin un peu trop rapide et elle m’a laissé un peu en suspens. Les personnages secondaires auraient également mérité d'être plus approfondis de mon point de vue (surtout le père Matthew). Je ne dirai pas avoir été déçue de cette lecture car le roman a de très bons aspects, malheureusement les points noirs ont fait que je ressors assez mitigée. Dommage… 


Et vous avez dit « infirme » mais, mademoiselle, n’y a-t-il pas des plantes qu’il faut relever par du bambou ? Elles n’en sont pas moins ravissantes. Alors, je vous en prie, n’écoutez pas les racontars de ceux qui n’ont pas de cervelle.

dimanche 9 mars 2025

La Princesse et le croque-monsieur - Deya Muniz.



La jeune Lady Camembert veut vivre sa vie comme elle l'entend et refuse de se marier. Ou plutôt, d’épouser un homme. Or la loi du royaume de Fromage stipule que les femmes ne peuvent pas hériter. 

À la mort de son père, elle n’a d’autre choix que se déguiser en homme et s'installer dans la capitale où personne ne la connaît, pour prendre un nouveau départ en tant que Comte Camembert. Mais il est difficile de faire profil bas quand l’audacieuse princesse Brie, militante passionnée à la pointe de la mode, attire son attention. Camembert ne peut pas résister à l'envie d’apprendre à connaître Brie. 

Mais alors que les deux se rapprochent, son secret pourra-t-il être préservé ?



Sous son titre original se cache un album qui fait fondre comme il donne faim, avec une histoire qui manie habilement l’humour, la tendresse et la romance, et des personnages qui pétillent de vie.



Le comte Camembert peine à marier sa fille qui rejette chacun de ses prétendants, et pour cause, elle aime les femmes. Mais le comte de Camembert se fait vieux et sa santé fragile et, sans mariage, sa fille ne pourra prétendre à son héritage. C’est alors qu’il élabore un plan en suggérant à sa fille de devenir un homme et déménager à la capitale, Fondue, avec Feta une domestique de confiance, pour mener la vie qu’elle entend, tout en lui recommandant la discrétion absolue pour que jamais son secret ne soit percé. Mais, enfermée toute la journée, la jeune femme s’ennuie et décide de prendre l’air. C’est là qu’elle tombera sur une affiche annonçant le bal anti-fourrure organisé par la princesse Brie. Malgré les recommandations de Feta, le nouveau comte Camembert décide de se rendre aux festivités… où elle se fera malgré elle remarquer par tout le monde, y compris la princesse.



C’est une histoire très drôle et touchante, avec des situations rocambolesques et des personnages très expressifs qui m’ont souvent fait sourire. J’ai apprécié l’originalité de l’histoire avec des personnages qui portent tous un nom de fromage, un univers qui mêle l’ancien temps (les costumes, les bals d’antan, etc) et notre monde moderne (présence de la technologie), ce qui offre un contraste assez déjanté. J’ai aussi beaucoup apprécié voir une histoire d’amour entre deux femmes, chose rare dans la fiction par rapport aux romances M/M.



Je suis également en admiration devant les graphismes qui sont très colorés, un brin girly, avec des couleurs chatoyantes, mais très gourmands aussi ! L’œuvre dégage un tel peps, un tel dynamisme et de la jovialité à travers son récit et ses graphismes. On sent que l'auteure s’est amusée en passant d'un trait délicat à un trait plus cartoonesque, et je suis admirative devant les robes, surtout celles de la princesse Brie.



Nous avons aussi des personnages très expressifs mais aussi attachants. J’ai aimé le caractère enjoué de Camembert, son intrépidité, sa passion communicative pour la mode, son insouciance, sa petite folie, mais également la princesse Brie si adorable et attachante, douce et joviale. Les personnages secondaires ne sont pas en reste, avec Feta la domestique, presque figure maternelle, et les amies de la princesse, à savoir Lady Ricotta et Lady Gorgonzola qui ne sont pas uniquement là pour faire jolies mais qui vont apporter un rôle de soutien moral, voire vont contribuer à faire avancer l’histoire.



J’ai aimé faire la connaissance de Brie et Camembert et voir l’évolution de leur relation, les voir tomber amoureuses, avec bien entendu le secret de Camembert et les normes patriarcales qui vont compliquer un peu les choses, sans toutefois douter du happy ending. C’est une romance d’autant plus touchante car on apprend, en fin d’ouvrage qu’elle est inspirée de la propre histoire d’amour de l’auteure et que celle-ci donne ses traits et ceux de sa femme aux personnages de Brie et Camembert, transformant l’ouvrage en hommage personnel à sa femme.



C’est aussi un ouvrage qui véhicule des messages de tolérance, d’acceptation de soi, de bienveillance, qui traite de la liberté d’aimer, quelque soit le sexe de son partenaire.



En résumé, c’est drôle, adorable, mignon, ça nous embarque dans un voyage d’émotion et de douceur, ça donne le sourire aux lèvres dès les premières pages, et ça donne surtout sacrément envie d’un bon croque-monsieur !! Bref, coup de cœur pour cette comédie romantique aussi déjantée que mignonne.


vendredi 28 février 2025

Le Loup et le Sorcier (T.1) Le Garçon au Chaperon Rouge - Isabelle Lesteplume.


Tous ceux qui se perdent dans la forêt ne craignent pas le loup.

Dans un univers couvert d'une immense forêt, un enfant erre, les mains serrées sur un panier d'osier. Sa mère l'a vêtu de rouge en espérant qu'il se fasse dévorer par des animaux sauvage.

Par chance, le destin le place sur le chemin d'Astre, un garçon-loup qui le prend sous sa protection.

Les années passant, leurs âmes se lient irrémédiablement.

Mais des monstres rôdent dans la forêt, des créatures aussi anciennes que destructrices. Pour les vaincre, le loup devra devenir guerrier et le jeune homme sorcier.

Sauront-ils surmonter les épreuves sans se perdre l'un l'autre ?



Isabelle Lesteplume poursuit ici sa revisite des contes de fée façon queer, en s’attaquant ici au Petit Chaperon Rouge sauf qu’il ne s’agit pas ici d’un tome faisant partie de ses « Contes des royaumes oubliés » mais d’une saga à part entière avec ce premier tome, et un second prévu pour cette année.

 

Je peux comprendre pourquoi cette histoire ne fait pas partie de sa série sur les contes, cela s’explique à la fois par le fait que ce sera une série (j’ignore encore le nombre de tomes) mais aussi de par son contenu plus mature que celui des Contes des royaumes oubliés. Les scènes de sexe sont très présentes, peut-être même un peu trop à mon goût, mais heureusement pas au détriment de l’intrigue.

 

Le Garçon au Chaperon Rouge est l’un de ces rares cas où je préfère l’intrigue à la romance, alors qu’habituellement, je n’ai aucun de mal à apprécier l’une comme l’autre. Pourtant, je dois avouer ne pas avoir été plus attachée que ça à notre couple principal, sans que les scènes de sexe en soient la cause. J’ai été moins sensible à leur romance, par rapport aux couples des autres fictions de l’auteure, ce que j’ai trouvé dommage car j’aurais tant voulu m’attacher davantage à leur couple. Il y a beaucoup de différences entre nos deux personnages et ce n’est pas facile pour eux de se comprendre, car ils viennent de deux mondes et deux espèces différentes (même si Astre est humain, il a vécu toute sa vie avec les loups et donc il agit et vit comme eux). Astre ne comprend pas certains sentiments si typiquement humain, comme lorsque Neige parle de construire un futur ensemble ou lorsqu’il ressent le besoin d’entendre des « je t’aime ».

 

Il y a de nombreux désaccords et de petits problèmes de communication mais, on peut le reconnaître, ils restent malgré tout soudés et n’ont pas peur de se remettre en question pour l’autre. Si le couple est assez rapidement établi, il est sans cesse entretenu par nos deux personnages et chaque épreuve ne fera que le renforcer. Pour autant, il m’a manqué un « je ne sais quoi » pour me les rendre vraiment attachants. Je ne saurais dire pourquoi je me suis moins attachée à eux en tant que couple, alors que je les aime en tant que personnage, surtout Neige qui a un vécu qui nous le rend attachant et qui nous touche, et qui reste énigmatique de par sa véritable nature, ses étranges pouvoirs et ses origines obscures, et il me tarde d’en apprendre plus sur lui.

 

Les autres personnages ne sont pas en reste. J’ai aimé Solana, la sorcière qui s’est occupée d’eux et qui a aidé Neige dans l’apprentissage de sa magie, j’ai aimé Antoine le bibliothécaire et j’ai aussi aimé Calendre, le chat parlant, ainsi que la communauté de chats qui agissent comme des familiers auprès des habitants.

 

J’ai beaucoup aimé le côté fantasy du roman. L’auteure nous pose les bases d’un univers sur lequel les humains ont jadis régné avant de vivre dans une période de peur causée par les Chasseurs, des géants avec des cheveux blancs et une peau pâle, capables de magie, qui sèment la terreur par où ils passent, attaquant les hommes et leurs villages. On ignore encore d’où ces Chasseurs viennent ou encore leur but, ou d’où neige tient ses pouvoirs, pourquoi il était considéré comme un paria dans son village (du moins au départ). C'est aussi un monde où se mêlent des sorciers et magiciens, et des Croisés (fruit d'une union entre un Chasseur et un humain), et de créatures douées de parole. Je suis aussi curieuse de voir comment l’auteure va continuer à s’inspirer du conte d’origine car ici on retrouve seulement le chaperon rouge et le loup… sauf qu’ici, Neige se fait volontiers dévorer par celui-ci.

 

A noter également que, fidèle à elle-même, l’auteure fait la part belle à la diversité en nous proposant une belle diversité d'origines et de genres, ce qui est toujours plaisant.

 

En résumé, un premier tome bien sympathique. Je ne sais cependant pas encore si je lirai la suite. Si je le fais, elle ne sera pas dans mes priorités de lecture.


— C’est-à-dire ? Qu’on m’explique une bonne fois pour toutes ! Qu’est-ce que ça veut dire ? 

— Aimer… répéta lentement Antoine. 

Il se tourna vers Carol et son visage s’adoucit jusqu’à s’illuminer de l’intérieur. 

— Aimer, ça ne signifie pas la même chose pour tout le monde, déclara-t-il enfin, sans détourner les yeux. Pour moi, cela veut dire que sa simple existence suffit à me combler de joie. Tout m’est précieux chez lui, de son rire à sa voix, de ses expressions à ses habitudes… Tous les sourires qu’il n’adresse qu’à moi, et ce lien unique, spécial, qui nous unis. Je chéris son bonheur plus que je chéris le mien, et j’aimerais simplement qu’il soit là pour toujours, à mes côtés. Je veux partager ses joies et ses peines, être son compagnon, son partenaire, celui sur qui il s’appuie. La personne que je suis avec lui est celle qui me plaît le plus, celle qui me porte et me pousse à devenir quelqu’un de mieux. Quelqu’un de bien. Qu’est-ce que je ne sacrifierais pas pour le rendre heureux ? Et qu’est-ce que je ne donnerai pas pour savoir qu’il voit en moi quelqu’un qui lui est aussi cher que ça ? Oui, le désir y joue une part, et je brûle de le toucher au point de me consumer parfois, mais ce n’est pas vraiment le cœur de ce qui est important, dans tout ce que je ressens.

mardi 11 février 2025

La variante du dragon - Christophe Lambert.

Washington, 1943. Markus Eisenberg, dix-huit ans, est un juif originaire d’Allemagne émigré aux USA avec sa mère et sa tante suite à la « nuit de cristal » où son père a trouvé la mort. Marqué par ce drame, Markus rêve de se venger des nazis. Il s’est donc engagé volontairement dans l’armée et attend d’être envoyé en Europe.

Mais son supérieur a un autre projet pour lui…

Il lui apprend l’existence d’un camp de prisonniers très particulier, situé non loin de Washington : le camp 11-42, où sont retenus des soldats et scientifiques allemands. L’état-major a choisi d’employer la manière douce à l’égard de ces « invités de marque » dont on estime qu’ils ont des renseignements importants à donner.

Des jeunes gens maîtrisant parfaitement la langue de Goethe sont chargés de sympathiser avec eux et de leur tirer les vers du nez, une fois leur confiance gagnée.

Markus a donc été choisi pour rencontrer l’officier Hans Reinhardt, haut gradé des services secrets allemands capturé peu de temps auparavant à bord d’un sous-marin au large des Caraïbes. On a essayé de le faire parler sans succès : interrogatoires musclés, intimidation… rien ne fonctionne. Apparemment, il n’a qu’une seule passion dans la vie, en dehors de son Führer bien aimé : les échecs…

Cette même passion qui habite Markus depuis son enfance. À contrecœur, le garçon accepte la mission.


La variante du dragon est un roman qui me faisait envie dès sa sortie. Par certains aspects, il m’a rappelé Le jeu de la dame (ou Queen’s Gambit) mais en période de Seconde Guerre Mondiale, et je me délectais d’avance des nombreuses rencontres entre Markus et de Reinhardt, m’imaginant des rencontres semblables à celles de Clarice Starling et Hannibal Lecter dans Le Silence des Agneaux.

 

J’ai beaucoup apprécié cette lecture qui m’a permis de découvrir un peu plus les États-Unis pendant la Seconde Guerre Mondiale. Il faut savoir que les services secrets américains employaient réellement des réfugiés allemands comme « chaperons » pour des hauts dignitaires nazis, et notamment des Juifs, et dans l’espoir de leur soutirer des informations, ce qui rend d’autant plus réel les événements du roman.

 

J’ai beaucoup aimé les différentes rencontres entre Markus et Reinhardt et la tension qui se découle de celles-ci, surtout lorsqu’ils s’affrontent aux échecs. Aussi brillant soit-il, Markus sera mis en difficulté plus d’une fois et essuiera bien des revers face au monstre de stratégie qu’est le Nazi, surtout lorsque le jeune homme a bien du mal à ravaler sa colère et son animosité envers le Nazi. Markus souffrira de nombreux échecs, désillusions et découragement. Notre jeune ami perdra souvent patience face à Reinhardt qui sait très bien lire les émotions de ses adversaires et en tirer profit, et lâcher les phrases qu’il faut pour décourager, faire douter ou faire perdre patience à ses adversaires… Oui, notre Nazi est un adversaire bien redoutable qui donnera bien du fil à retordre à notre protagoniste.

 

Le personnage de Reinhardt m’a bien intéressé. C’est un antagoniste redoutable, intelligent, perfide et sournois, qui se conduit comme un hôte parfait auprès de Markus qu’il appelle affectueusement son « jeune Juif ». Il agit parfois de manière paternelle avec lui, souhaitant même lui donner des conseils pour sa vie sentimentale, l’encourage à découvrir certains livres ou film. On pourrait se demander s’il n’éprouve pas de l’affection pour Markus, ou bien un amusement qu’on a face à un animal inoffensif qui nous montre ses griffes, mais on s’aperçoit bien vite que sa politesse et son amabilité n’est qu’une façade, notre Nazi cachant un tempérament colérique lorsque les choses ne tournent pas en sa faveur. Pour autant, j’ai apprécié la dynamique entre ces deux personnages, entre leurs parties d’échecs et leurs échanges verbaux sarcastiques, courtois et presque admiratifs.

 

Plus que tout, j’ai aimé que, même s’il s’agit d’un roman jeunesse, l’histoire reste douce-amère. Il y a des victoires, mais au prix de nombreux sacrifices, et Markus lui-même a fini par sacrifier bien des choses à son obsession de gagner contre Reinhardt.

 

Les autres personnages ne sont pas en reste et font leur travail efficacement, sans être mémorable. Le seul qui sort du lot, à part Markus et Reinhardt, est le vieux réfugié ukrainien, aussi brillant aux échecs, qui aidera Markus à se perfectionner et à mieux gérer ses émotions pour tenter d’arracher une victoire à l’Allemand. Il a un vécu qui nous le rend attachant, et j’ai aimé sa relation presque père-fils entre lui et Markus. C’est un personnage qui m’a beaucoup touché.


Pour les non familiers des échecs, de très nombreux diagrammes illustrent les parties (basées sur celles de divers grands maîtres) et permettent de visualiser l’évolution des forces en présence, entre le héros et son adversaire. Pour autant, je ne me suis pas trop attardée sur ces schémas, ayant eu un peu de mal à les comprendre.


Si le déroulé du roman peut sembler linéaire et sans surprise, il n’en est rien car l’auteur nous réserves quelques surprises et diverses révélations, surtout durant les derniers chapitres, ce qui fait que l’intrigue continue de nous tenir en haleine jusqu’au dénouement. En résumé, j’ai passé un très bon moment avec ce roman historique.