jeudi 31 août 2023

Dinosaurs Sanctuary - Itaru Kinoshita.


En 1946, l’humanité fait une immense découverte : une île abrite encore des dinosaures vivants. Grâce à des manipulations génétiques, en 1987, le professeur Suma réussit l’exploit de faire renaître de nombreux spécimens.

Quelques années plus tard, sa fille, Suzume, intègre le parc Dinoland en tant que soigneuse. Cependant, alors qu’elle pensait vivre un rêve, la réalité la rattrape. Le parc périclite, la curiosité pour les dinosaures s’est amoindrie et les visiteurs sont aux abonnés absents. Et entre ses connaissances théoriques et la pratique, le fossé est immense.

 Mais loin de se décourager et d’abandonner, la jeune fille se surpasse, comble ses lacunes et découvre la vie aux côtés de ces géants qui la fascinent avec le soutien de ses collègues et de leur passion commune. Ensemble, ils feront tout pour le bien-être de leurs pensionnaires !



Je termine le Ice Cream Summer Challenge avec une lecture qui n’était pas prévue au départ (ce qui m’est déjà arrivé deux fois pour ce challenge cette année, mais comme on dit « jamais deux sans trois ») et parce que je cherchais une lecture « rapide » pour finir le challenge à temps (même si, en soi, les règles du challenge ne sont pas strictes et ça n’aurait pas été bien catastrophique de déborder). Au final, je ne regrette pas du tout ce choix car Dinosaurs Sanctuary s’est révélé être une excellente découverte et me permet de terminer le challenge sur un coup de cœur !


Les dinosaures peuplent de nouveau la terre ! Grâce aux progrès de la science, l’Humanité a pu cloner des dinosaures. Depuis, le Japon a vu naître des parcs où il est possible aux visiteurs de découvrir des dinosaures en chair et en os. Une jeune fille pleine d’entrain, Suzume, intègre le parc Dinoland en tant que soigneuse. C’est avec enthousiasme et des étoiles plein les yeux qu’elle débute son travail, mais elle se retrouve rapidement confrontée aux dures réalités du métier, car Dinoland est le parc le moins visité du Japon et ses moyens techniques et financiers sont limités. Suzume s’aperçoit qu’entre ses rêves d’enfant sur les dinosaures et la réalité sur le terrain sont parfois radicalement opposés. Loin de se décourager, Suzume décide de redoubler d’efforts pour combler ses lacunes pour apprendre à mieux connaître et soigner ces géants qui la fascinent.


Nous entrons dans le quotidien d’un soigneur d’un parc de dinosaures à travers les yeux d’une jeune recrue inexpérimentée qui voit les dinosaures comme un rêve d’enfant, comme des créatures majestueuses et incomprises. Une bonne opportunité de voir la protagoniste évoluer au fur et à mesure qu’elle va gagner en expérience et découvrir de nouvelles choses sur les dinosaures.


Le mangaka ne prend pas le parti « les dinosaures sont de pauvres créatures incomprises et non violentes » ni le parti « les dinosaures sont des bêtes sanguinaires », mais plutôt que les dinosaures sont des animaux sauvages intelligents et sensibles, avec une zone de confort à respecter, qu’il faut soigner et chérir sans pour autant oublier que c’est un animal imprévisible, qu’un mouvement brusque ou des bruits trop assourdissants peuvent perturber, ce qui peut les amener à réagir de façon soudaine et brutale. C’est très bien d’aimer les dinosaures que l’on soigne, mais il ne faut pas oublier que ce sont des animaux sauvages et que la moindre perturbation peut l’amener à se retourner contre le soigneur auquel il est attaché, et c’est au soigneur de faire preuve de prudence à chaque instant.



Parmi les dinosaures du manga, on découvre Yuki le giganotosaure ; Vena et Niko,
un couple de trodoons ; et Masaru le tricératops.

J’ai trouvé cette approche intéressante et réaliste. On sent l’amour du mangaka pour les dinosaures et cette volonté de communiquer cette passion ainsi que ses connaissances, d’autant plus qu’il s’est entouré d’un scientifique et spécialiste pour l’aider à superviser le dialogue scientifique de Dinosaurs Sanctuary. On apprend des choses intéressantes sur chaque dinosaure (saviez-vous que la corne d’un tricératops pèse au moins 50 kg ?). A chaque chapitre, un dinosaure est mis en lumière. Un couple de trodoons qui attend l’éclosion de leurs œufs, un dilophosaure qu’il faut soigner de sa goutte, sensibiliser le public sur un tricératops en mal d’amour car les visiteurs le trouvent moins attrayants depuis qu’il s’est cassé une corne, jusqu’à l’alimentation d’un giganotosaurus. Comme pour les animaux d’un zoo, il faut également les stimuler aussi bien physiquement que mentalement et il faut apprendre à bien connaître les dinosaures que l’on soigne pour savoir quelle approche adopter avec lui en fonction de son caractère, ce qu’il aime et ce qu’il aime moins.


Les personnages restent sympathiques et agréables à suivre, même si un tantinet clichés entre Suzume, la nouvelle recrue naïve et enthousiaste, avec une volonté de faire les choses bien et de ne pas se décourager quand elle échoue, Kaidou, le soigneur blasé, un peu grincheux, qui ne s’ouvre pas facilement à cause d’une expérience tragique dans sa vie, et que l’on devine qu’il va peu à peu s’ouvrir aux autres grâce à l’entrain de l’héroïne, ou encore Karin l’employée boute-en-train et franche.


Des personnages plutôt sympathiques, mais les vraies stars de ce manga, ce sont bien les dinosaures ! Leur graphisme est très beau et réaliste au possible, ils sont colorés, avec des rayures ou des plumes, ils sont attachants, même si on n’oublie pas que ce sont des animaux sauvages et que tout peut basculer du jour au lendemain à la moindre faute. On découvre de nombreux dinosaures différents, herbivores comme carnivores, des dinosaures en pleine santé, des dinosaures avec un défaut physique, des dinosaures jeunes ou âgés et dont la prise en charge diffère en fonction de l’âge, la morphologie et les besoins de l’animal.


Dinosaurs Sanctuary est une sympathique découverte qui plaira aux lecteurs curieux comme aux amoureux des dinosaures. J’ai eu la chance de pouvoir lire les deux premiers tomes en anglais, mais je suivrais la série avec plaisir à sa sortie en France ! D’ailleurs, le premier tome sera publié le 21 septembre prochain aux éditions Michel Lafon. Je n’ai qu’une chose à dire : foncez !



mercredi 23 août 2023

Là où règnent les baleines - Jolan C. Bertrand.



Roanne adore les romans d'horreur et la natation synchronisée, d'accord, mais elle avait vraiment d'autres projets que de partir passer l'été chez son oncle Kierzic, qu'elle ne connaît même pas ! Ce type aussi grincheux que mystérieux vit en solitaire dans un phare planté au large de la côte Atlantique, avec pour toute compagnie une mouette rieuse et les rumeurs de l'océan. 

Dès son arrivée, Roanne est déterminée à s'en aller au plus vite de ce tas de caillou désert. Désert, vraiment ? Dans la bourgade du coin, on raconte que des naufrages auraient lieu les soirs de pleine lune. Au même moment, un bateau de pêche est porté disparu. Et d'où vient cette voix d'enfant qui l'appelle chaque nuit ? Plus le temps passe, plus Roanne se demande si Kierzic ne serait pas un...




Parce qu'elle privilégie sa passion pour la natation synchronisée au lieu de ses études, Roanne est envoyée par sa mère passer les vacances d'été chez son oncle, Kierzic. Celui-ci habite dans un phare, perdu au milieu de nulle part, sur une petite île, sans eau, électricité ou réseau et dont la seule agglomération potable n'est accessible que par bateau. L'enfer sur terre pour Roanne qui se désespère de passer ses vacances dans ce trou perdu avec un oncle qu'elle ne connaît pas et quelques romans. Alors qu'elle s'installe difficilement, elle croit entendre des voix. Son imagination, nourrie par les romans et films d'horreur et de fantastique, ne fait qu'un tour et Roanne enquête... jusqu'à rencontrer des créatures bien inhabituelles qui peuplent les océans et qui possèdent un lien que Roanne n'aurait jamais imagé avec son oncle Kierzic.


Là où règnent les baleines est un sympathique roman jeunesse qui sent bon l'océan avec son sel marin, ses vents et marées. Nous sommes pourtant loin des belles plages au sable doré, au soleil brûlant et aux eaux marines bleu turquoise. Imaginez plutôt un phare sombre et coupé du monde, un océan bleu foncé, voire gris ou noir, un ciel tantôt clément tantôt sombre, un climat froid et humide. On comprend que Roanne, dont la passion est l'eau et la natation, ne soit pas emballée, d'autant plus que son oncle est un véritable misanthrope. à l'inverse de Roanne, j'ai aimé l'atmosphère qui se dégage du roman (mais sans nul doute que j'aurais moyennement apprécié si j'avais été à sa place haha) et qui ne peut que plaire aux amoureux de la mer.


L'auteur a su construire un univers intéressant autour des Nelphides, ces créatures qui ressemblent à des sirènes tout en s'éloignant des stéréotypes liées à ces dernières. C'est un peuple de la mer énigmatique et intéressant à découvrir, les créatures en elles-mêmes, leur culture, leurs rites et coutumes, leur comportement face à la mort ou aux naissances, leur habitat. C'était très intéressant à découvrir, d'autant que l'auteur a agrémenté son roman d'illustrations à certains passages, pour mieux nous représenter les Nelphides.




Les personnages sont relativement attachants et agréables à suivre. J'ai aimé le piquant de Roanne et son imagination débordante, ainsi que son amour pour le fantastique et l'horreur à travers les figures de Lovecraft, Guillermo del Toro, Bram Stoker. C'est son attrait pour l'étrange qui lui permet d'affronter cette aventure avec aplomb, mais aussi d'avoir beaucoup d'empathie envers son oncle et les créatures marines. Ajoutons à ça que c'est agréable d'avoir un personnage considéré comme rond/gros, ça change de ce qu'on peut voir d'habitude. Kierzic, quant à lui, est un personnage solitaire, timide, qui a des difficultés à agir en société car moins il sort en compagnie des autres personnes et mieux il se porte, et il est davantage attaché aux Nelphides qu'aux humains. C'est le classique du personnage bourru au grand cœur qui va s'ouvrir peu à peu à la pile électrique qu'est sa nièce et leur relation est plutôt mignonne et assez hilarante, même si elle aurait gagné à être plus développée et approfondie.


Outre la fascinante mythologie autour des Nelphides, le roman est rythmé entre mystères, aventure et un ton drôle et piquant. L'auteur aborde des sujets comme la différence, le regard des autres, la grossophobie, l'isolement mais aussi l'écologie à travers la pèche illégale. C'est un roman riche en thématiques avec une dynamique familiale sympathique.


Pour autant, la thématique liée à l'écologie n'était que peu abordée au final. Le sujet a été abordé de façon subtile sans que ce soit un enjeu dans l'intrigue, mais juste un message subtil pour éveiller la conscience d'un jeune public, mais sans plus. Il m’a également manqué un je ne sais quoi pour que ce roman soit un coup de cœur, je ne parviens pas à définir quoi mais il m’a manqué quelque chose. Sans doute que j’espérais me sentir plus impliquée et attachée aux personnages et que je m’attendais à ce que les enjeux du roman soient plus importants.


Pour autant, cela reste une lecture agréable, le roman se lit avec beaucoup de facilité. Le rythme est bien présent et l’intrigue ne manque pas de mystères progressivement révélés. Pour moi, la force de ce roman est l’univers – aussi bien le cadre marin que les Nelphides et leur civilisation – ainsi que le ton piquant et humoristique de l’écriture. En bref, une lecture très sympathique mais pas marquante sur le long terme. J’ai passé un bon moment mais ce n’est pas le coup de cœur que j’espérais. Néanmoins, je suis très curieuse de lire l’autre roman de l’auteur et qui s’intéresse à des thèmes plus hivernaux !


Les corps sombres des deux baleines à bosse ressemblaient à des nuages de nuit constellés d’étoiles. Des tâches blanches s’étalaient le long de leurs nageoires et de leurs museaux. Elles glissaient en une brasse lente, étrangement délicate pour des créatures de cette taille. Roanne écarquilla les yeux. Une large queue, au dessous plus clair, se courba et, das son esprit elle entendit Mathilde, son entraîneuse : « On cambre le dos, les filles ! ». 

Le long corps épais de la baleine aurait dû être pataud et maladroit, mais il ployait pour suivre les mouvements des vagues, monter, redescendre, rouler lentement sur le côté. Le ventre strié de blanc se dévoila, les nageoires formant des arabesques si parfaites que la vue de Roanne se brouilla derrière son masque. Elle se surprit à courber le bras pour les imiter. Elle se mit à battre des palmes et se rapprocha d’elles. Elle flottaient dans l’immensité de l’océan – l’océan parfait, les baleines parfaites. 

Chaque bosse, chaque creux sur leur peau, chaque protubérance était comme un code ou un message, un symbole inscrit à cet endroit précis pour une raison précise. L’océan était fait pour les baleines, un royaume sur lequel elles régnaient. Roanne n’aurait pas su l’expliquer avec des mots, mais elle ressentait la même chose que lorsqu’elle plongeait dans la piscine. 

Quand la musique pulsait, étouffée par l‘eau. Quand elle tournait, exécutait les mouvements, dansaient. Quand ses bras créaient un son feutré et humide, si satisfaisant à entendre. C’étaient les moments où elle savait qui elle était, et qu’elle était à sa place. Quand elle faisait ce qu’elle aimait faire, ce pour quoi elle était faite. 

dimanche 20 août 2023

Sixtine (T.1) - Caroline Vermalle.


Elle est jeune. Belle. Amoureuse
Elle vient d'épouser le Prince Charmant.
Trois semaines plus tard, on la retrouve emmurée dans le ventre d'une pyramide.

Elle est la reine sur un échiquier dont elle ignore les règles. 
Autour d'elle gravitent les autres pions.
Le mystérieux ami de son défunt mari, au regard troublant. L'étudiant à qui elle doit la vie. Un faussaire insaisissable.

Il n'y a que trois choses dont elle est certaine : elle va retrouver son meurtrier, elle va se venger, elle s'appelle Sixtine.

Mais qui est-elle vraiment ?



Jessica Desroches est belle, elle est jeune, elle est amoureuse. Elle vient de se marier à Seth Pryce, le beau milliardaire, à Paris, la ville romantique par excellence pour tout le monde sauf peut-être pour les Parisiens. Mais, heureusement pour le lecteur et amateur de rebondissements, tout ceci ne dure pas. Le beau conte de fée s’évapore lorsque le couple disparaît brusquement lors de sa lune de miel au Mexique puis retrouvé en plein cœur de la pyramide de Khéops. Aux côtés de la dépouille de son mari, Jessica est entre la vie et la mort. Le monde entier s’empare de l’affaire. Comment ont-ils pu disparaître sans laisser de traces au Mexique pour se retrouver en Égypte, qui plus est dans une pièce secrète de la pyramide qui n’a pas été ouverte depuis l’Antiquité. Déclarée en état de mort cérébrale, Jessica se réveille pourtant en tant que Sixtine. Elle ne se rappelle de rien après son mariage, mais elle va tenter de comprendre ce qu’il lui est arrivé.

 

L'un des hommes les plus riches du monde disparaît au Mexique et est retrouvé mort en Égypte sans qu'on arrive à suivre la moindre trace de ses mouvements. Il est découvert dans une partie de la pyramide inconnue des égyptologues et même, soi-disant, du CSA. Tu ne vas pas me dire que pour réussir un coup comme ça, il ne faut pas un max d'argent, de l'influence et des informations ?

 

L'intrigue ne s'intéresse pas uniquement à Jessica/Sixtine, mais à une panoplie de personnages tous les plus différents les uns que les autres. Sans m’être attachée à eux, j’ai toutefois pris plaisir à les suivre. Nous avons Max Hausmann, un étudiant en architecture qui voue une passion aux pyramides d’Égypte ; Florence, journaliste à la BBC avec ses formes rondes et ses cheveux roses ; Franklin Hunter, mystérieux enquêteur ; Thaddeus, l’énigmatique meilleur ami de Seth, qui semble toujours dans l’ombre de l’héroïne, sans parvenir à déterminer s’il est un allié ou un ennemi, il est certain qu’il nous cache bien des choses ; Jessica alias Sixtine, la protagoniste, que nous suivons avec intérêt car nous voulons la même chose qu’elle : des réponses, découvrir le mystère de sa disparition et du meurtre de son époux, le comment, le pourquoi et surtout le qui.

 

À travers ces personnages, il nous semble tout d'abord suivre des sous-intrigues différentes. L'une veut faire un reportage sur la momie de Néfertiti, l'autre enquête sur le masque funéraire de Toutankhamon qu'il soupçonne d'être une contrefaçon et veut retrouver le vrai, un autre est persuadé de l'existence de galeries secrètes au sein de la pyramide de Khéops et veut le prouver. Nous avons également un directeur de musée, un faussaire, un policier. Une belle brochette de personnages ! Ceux-ci sont nombreux et le lecteur pourrait être dépassé et ne plus s'y retrouver, mais étrangement j'ai rapidement réussi à les situer. Mon seul souci est que je n'ai réussi à m'attacher à aucun d'entre eux, même s'ils sont tous globalement intéressants à suivre.

 

Avec ses différentes sous-intrigues, le roman peut nous sembler fouillis et partir dans tous les sens. On découvre pourtant progressivement que toutes ces sous-intrigues vont se retrouver liées de près ou de loin à l'intrigue principale autour de l'affaire de la disparition du couple Pryce. Disparition qui ne semble d'ailleurs qu'une infime partie d'un immense engrenage. Tout n'est pas très clair. Si le roman a su apporter son lot de réponses, il nous laisse encore avec de nombreuses questions qui, je le suppose, seront résolues dans les prochains tomes. Je suis notamment curieuse de savoir en quoi le masque de Toutankhamon est si important ainsi que le rôle de Néfertiti (ou du moins sa momie) dans cette histoire. Tout semble être lié à l’Égypte elle-même, son Histoire, son héritage antique. Peut-être même un pouvoir plus haut, celui des divinités. Je ne sais pas encore si Sixtine est un thriller qui va s'inscrire dans le fantastique ou rester ancré dans notre réalité. Seule la suite le révélera. J'ai hâte d'en apprendre plus !



Sixtine s’ancre dans un contexte qui m’a beaucoup intéressé, avec pour cadre l’Égypte. Nous connaissons l’Égypte antique que nous idéalisons et que les touristes recherchent, nous connaissons peut-être moins l’Égypte contemporaine. La réalité est loin de celle de l’Égypte des dieux et des pharaons et l'auteure s'emploie à nous la décrire avec beaucoup d'efficacité en nous entraînant dans une quête au cœur d'un pays déchiré par la révolution. En plein printemps arabe, l’Égypte connaît des périodes d'insécurité, de violence, d'instabilité mais aussi de corruptions liées au marché illégal d'art et d'antiquités.


Faites confiance à Hollywood pour rendre glamour ce qui est sordide. Croyez-moi, on est loin du trafic à papa où quelques gentilshommes-cambrioleurs se font plaisir avec deux ou trois trésors. Le marché illégal des antiquités, dans l'économie qu'il représente et dans son mode opératoire, a la triste distinction de faire partie du même club que le trafic d'armes, de drogue et d'humains. Les biens culturels sont une monnaie d'échange qui influe sur la géopolitique internationale, entre autres en finançant le terrorisme.


Les autorités égyptiennes sont déchirées par un dilemme. Faut-il laisser poursuivre le vol de ses antiquités pour permettre aux égyptiens de s’en sortir, financer des armes pour la révolution, et se laisser voler son Histoire et son identité, ou bien faut-il protéger ces œuvres à tout prix, et racheter les antiquités au prix fort, malgré la misère qui ronge le pays ? C’est un sujet, et même un débat, qui reste d’actualité. De nombreux pays européens se sont appropriés les trésors de l’Égypte et il est légitime que cette dernière veuille les récupérer, c’est son Histoire qui est morcelé aux quatre coins du monde, mais elle ne peut se permettre de les racheter à cause de la crise qu’elle connaît et les musées européens comme américains sont plus équipés pour protéger ce patrimoine, mais je m'égare (si je vous dis que j'ai étudié l'histoire et le patrimoine à l'université, est-ce que cela vous surprendrait ?)

 

L'auteure nous décrit une Égypte réaliste, avec ses périodes sombres mais aussi ses charmes. On a l'impression de sentir le vent du Sahara, l'odeur des lotus bleus, on a envie de boire du Karkadé, visiter les rues du Caire et le plateau de Gizeh

 

En résumé, une enquête intrigante qui nous entraîne dans une Égypte entre Antiquité et modernité, un pays qui souffre mais dont l'auteure fait ressortir toute la beauté, le mystère et le charme. Si je ne me suis pas attachée aux personnages, ils n'en demeurent pas moins intéressants et je suis curieuse de voir où l'auteure va nous emmener et quel est le fin mot de l'enquête.


- S'il n'y avait pas eu l'intervention de ces Européens que vous méprisez, il y a deux siècles, Khéops aurait été détruite brique par brique pour en faire un barrage, sur les ordres de votre pacha. Et votre musée...

Mais il [Max] ne finit pas sa phrase car il vit el-Shamy s'arrêter net. D'un coup, l'archéologue se retourna et fonça sur Max, cloué sur place.

- Soyez heureux, Hausmann, de n'avoir jamais eu à faire ce choix, d'être pauvre et pourtant d'avoir de l'or à portée de main. Vous savez combien les collectionneurs sont prêts à donner pour le plus petit morceau d'histoire pharaonique ? Nous n'avons pas les moyens de mettre une mitraillette derrière chaque antiquité. Alors, c'est à chaque Egyptien de choisir, tous les jours, entre vendre son âme pour des lendemains meilleurs et préserver son passé, parce que cet excité d'el-Shamy a dit que c'était tout ce qui nous restait. Si cette terre a encore des trésors, c'est parce qu'il y a des hommes et des femmes à travers l'Egypte qui gardent leur héritage avec des bâtons et des pierres contre les pilleurs avec des fusils d'assaut.

mardi 15 août 2023

Sous le soleil - Agatha Christie.



Même les plus aguerris des enquêteurs ont besoin d’un peu de répit de temps à autre et, que leurs faveurs aillent à la beauté d’un temple grec ou à la douceur d’une croisière sur le Nil, la saison chaude a de quoi séduire tous les caractères. Mais le crime, lui, ne prend pas de vacances, et nos fins limiers devraient se méfier : cet été, il se pourrait bien qu’ils aient à redouter davantage que des coups de soleil…

Sous le soleil rassemble dans toute leur diversité les plus grands enquêteurs de la reine du crime : d’Hercule Poirot à Miss Marple, sans oublier les plus atypiques, tels que le futé Parker Pyne ou le mystérieux Harley Quinn. Un recueil incontournable pour tous les amateurs de cosy mystery.




Je ne peux pas envisager mes vacances d’été sans un petit roman policier à me mettre sous la dent. J’ai ici jeté mon dévolu sur un recueil de nouvelles d’Agatha Christie. J’avais lu, pour le Cold Winter Challenge, le recueil Sous laglace qui regroupait douze nouvelles qui se situaient pratiquement toutes pendant l’hiver ou les fêtes de fin d’année. Sous le soleil nous propose, à l’inverse, douze nouvelles dont l’intrigue se déroule (le plus souvent) en été ou pendant les vacances, en compagnie des détectives Hercule PoirotMiss MarpleParker Pyne, etc.



Le seuil ensanglanté : Joyce Lemprière raconte à une assemblée d'amis ainsi que sa tante, Miss Marple, l'étrange événement dont elle a été témoin lors de ses vacances dans les Cornouailles. Alors qu'elle s'était posée pour peindre une toile, elle découvre des tâches de sang sur le paysage qu'elle a choisi de peindre. Quelques jours plus tard, la mer renvoie le corps sans vie de l'épouse du capitaine Dacre. Tragique noyade ? Pas si sûr, puisque la victime porte des blessures sur le crâne. Une bonne petite enquête que l'on pourrait coller à la définition de "folie à deux" tant nous avons affaire à un couple redoutablement efficace dans l'art du crime. Miss Marple est douée pour deviner le fin mot d'une enquête, même sans y avoir été confrontée de près !



Le double indice : Hercule Poirot est mandaté pour résoudre l'affaire du cambriolage de bijoux médiévaux et de pierres précieuses. Sur le lieu du vol sont découverts un gant ainsi qu'un étui à cigarette. Le cambrioleur est-il si négligeant ou ces indices ont-ils été laissés là exprès pour mener les enquêteurs sur une fausse piste ? Une nouvelle intéressante qui nous permet de faire la connaissance de la comtesse Rossakov, une femme intelligente et redoutable qui ne laisse pas Poirot indifférent !



Mort sur le Nil : Depuis qu'elle a embarqué sur un somptueux bateau de croisière, Lady Grayle est exécrable et se plaint de tout, au grand désespoir de ses proches. Lorsqu'elle apprend que le détective Parker Pyne a embarqué à bord, elle sollicite ses services. Lady Grayle soupçonne en effet son mari de vouloir l’empoisonner. Une nouvelle qui n’a rien à voir avec le roman du même nom, mais une enquête efficace où l’empoisonneur n’est pas toujours celui que l’on pense (et tant mieux, sinon le lecteur se serait vite ennuyé), j’ai trouvé efficacement sournois l’astuce du meurtrier [spoiler] de faire coïncider l’empoisonnement de Lady Grayle quand son mari était là, et cesser les doses en l’absence du mari, pour que les soupçons se tournent vers le mari et non lui [/spoiler].



Le sentier d’Arlequin : une enquête de M. Satterthwaite qui séjourne chez un couple d’amis, les Denman, où il s’ennuie fermement. Il y retrouve son ami, Harley Quinn. Pas d’histoire de meurtre ou de cambriolage ici, j’ai même eu du mal à voir où l’auteure voulait en venir avec cette histoire de paravent chinois et puis de spectacle de danse, mais l’histoire de cette mystérieuse danseuse russe et de l’aussi énigmatique Mme Denman reste divertissant, et c’est assez tragiquement romantique.



Un dîner peu ordinaire : Nous retrouvons Hercule Poirot. Alors qu’il était en compagnie du docteur Hawker, celui-ci reçoit un appel alarmé d’un de ses patients qui déclare être en train de mourir. Lorsque Poirot et Hawker arrivent sur place, il est déjà trop tard. Le valet, interrogé, avoue que son employeur avait reçu deux hommes pour dîner et qu’il a été question d’argent et de menaces. Ce n’est pas une enquête bien mémorable mais le meurtrier est astucieux et méticuleux dans les détails et la mise en scène… à un détail près. Les lecteurs, tout comme le capitaine Hastings, ne découvrent le fin mot qu’à la toute fin et tout nous semble plus logique une fois que Poirot dévoile tout !



Jane trouve du travail : Jane Cleverland cherche du travail. Elle découvre une intrigante offre dans le journal, recherchant une jeune femme entre 25 et 30 ans, cheveux blonds, yeux bleus, sourcils bruns, sachant l’art de l’imitation et la maîtrise du français. Une bien étrange demande mais, désespérée, Jane décide d’y répondre sans savoir à quoi s’attendre. On lui demande alors de se rendre dans un hôtel de prestige pour aller à la rencontre d’un comte russe. Là-bas, elle y découvre la véritable nature de son travail : se faire passer pour la grande-duchesse Pauline de Russie, menacée d’assassinat… Quel plaisir que la lecture de cette nouvelle ! Jane est un personnage qui n’a pas froid aux yeux, est pleine d’audace et de ressources ! Encore une fois, je n’ai pas vu venir la chute et je salue Agatha Christie pour cette sympathique nouvelle.


— Pour en revenir à mon histoire, j’étais allée passer quinze jours en Cornouailles pour y faire des croquis. Il y a une vieille auberge à Rathole : Aux Armes de Polharwith. On prétend que c’est la seule maison qui aurait résisté aux bombardements des Espagnols en 1500 et quelques.

— Pas aux bombardements, dit Raymond West en fronçant les sourcils. Tâchez d’avoir une vue plus juste de l’histoire, Joyce.

----- Le seuil ensanglanté. (Raymond West is me) 



Une étrange disparition : Poirot, son ami Hastings et l’inspecteur Japp discutent de l’étrange disparition de Davenheim, banquier et financier renommé. Un peu plus tard, son coffre-fort est dévalisé, sans aucun signe d’effraction venant de l’extérieur de la pièce. Joueur, Japp fait le pari avec Poirot que, d’ici son fauteuil avec uniquement les faits à sa disposition, il ne saurait résoudre l’énigme en une semaine. C’est mal connaître Poirot et l’efficacité redoutable de ses petites cellules grises. Un type qui espère tromper son monde et excelle dans l’art du déguisement, les piques amicales entre Japp et Poirot sous fond d’un pari, une petite lecture sympathique.



Le sanctuaire d’Astarté : Miss Marple et ses compagnons écoutent l’histoire narrée par un révérend. Alors qu’il était invité à séjourner chez son ami auprès d’autres convives, il s’aperçoit bien vite qu’une jolie femme mariée fait tourner la tête à son ami. Un jour qu’ils visitent les environs, la dame disparaît après s’être aventurée dans un bosquet que le révérend décrit comme maléfique. Une étrange scène se produit alors qu’ils retrouvent la disparue. Celle-ci n’est pas dans son état normal et le révérend voit son ami mourir subitement devant ses yeux. Comment le meurtre a eu lieu sans que l’arme du crime n’ait été visible aux témoins, qui est l’assassin, le bosquet est-il vraiment maudit ? Une enquête intéressante où l’on ne découvre le fin mot qu’à la fin et l’ambiance autour de ce bosquet mystique est plaisante.



L’émeraude du Radjah : Un dénommé James Bond a la surprise de sa vie en regagnant les cabines de plage pour se rhabiller après une journée au bord de la mer. Au fond de la poche de son pantalon, une magnifique émeraude. Ce pantalon n’est pas le sien ! D’où vient cette émeraude ? A-t-elle été volée ? Doit-il en parler à la police ? Pourrait-on seulement croire que sa découverte est tout à fait hasardeuse ? Le personnage n’a rien d’un espion mais il est audacieux et plutôt hilarant dans ses petites piques, j’ai beaucoup aimé le suivre et la fin est un délice !



L’oracle de Delphes : Après ses déboires dans la nouvelle « Mort sur le Nil », Parker Pyne aspire à des vacances tranquilles en Grèce. Mais voilà qu’il apprend que l’on utilise son identité pour un mauvais escient et qu’une dame consulte ce faux détective concernant l’enlèvement de son fils.



Le sinistre inconnu : Une enquête de Tommy et Tuppence dans laquelle ils sont sollicités par un médecin victime de supercheries au téléphone. Du moins, le croit-il. À la fin de l’appel, il s’aperçoit avec effroi que son bureau a été fouillé. Avec l’aide des deux détectives, il espère prendre le ou les responsables la main dans le sac. Cependant, ils s’aperçoivent tous deux que l’adresse donnée par le médecin n’existe pas. Moins mémorable que les autres en mon sens mais assez divertissant. Tout le monde trompe tout le monde et on ne sait pas à qui se fier, en dehors de notre duo.



L’invraisemblable vol : On termine le recueil avec Hercule Poirot, mandaté par un lord et politicien pour résoudre l’affaire du vol de plans du nouveau bombardier de la Royal Air Force. Le lord soupçonne un de ses invités d’être un espion au service des nazis. Au cours de son enquête, Poirot découvre que le voleur est encore dans les parages et que les plans du bombardier n’ont pas encore quitté les lieux tandis que le lord et son ami sont persuadés qu’il s’agit d’une invitée à qui ils prêtent tous les maux. Une nouvelle un peu plus longue présentant un huis clos intéressant. Fidèle à lui-même, Poirot ne dévoile la vérité qu’à la toute fin, surprenant son monde !



J’ai retrouvé avec plaisir les différents héros d’Agatha Christie pour ces douze récits, mais, je l’avoue, surtout Hercule Poirot et Miss Marple. Le format nouvelle donne parfois l’impression que l’intrigue est rapide et bâclée, pourtant je n’ai pas boudé mon plaisir à l’occasion de cette lecture, je dirais même avoir préféré ce recueil à Sous la glace. Si les nouvelles restent d’intérêt inégal, j’ai aimé la quasi totalité d’entre elles. Globalement, cette sélection de nouvelles est de très bonne qualité, même si l’action de certaines d’entre elles ne se déroule pas toujours forcément en été. On y retrouve tout de même parfois le cadre de la plage, d’un voyage en train ou en bateau ou lors d’un dîner ou de vacances où les personnages sont conviés par des amis ou connaissances. J’ai trouvé amusante la présence d’une nouvelle intitulée « Mort sur le Nil » qui comporte quelques points communs avec le roman du même nom, ainsi que la présence d’un James Bond dans une autre nouvelle et qui n’a rien à voir avec le célèbre espion anglais.


En résumé, un sympathique florilège de nouvelles de la reine du crime, parfait pour la saison estivale. De bons petits crimes à se mettre sous la dent sous le parasol, à la plage ou en repos chez soi.


« Tandis qu’il me parlait, j’avais continué de peindre et je m’aperçus soudain que, prise par son récit, j’avais peint quelque chose qui n’existait pas. Sur les dalles blanches où tombait le soleil, devant les Armes de Polharwith, j’avais représenté des taches de sang. Il me sembla inouï que l’esprit puisse jouer des tours aussi extraordinaires à la main, mais en regardant encore une fois l’auberge, j’éprouvai un nouveau choc. Ma main n’avait fait que peindre ce que mon œil voyait – des taches de sang sur les dalles blanches. Je les fixai un moment. Puis je fermai les yeux en me disant : ne sois pas stupide, en fait, il n’y a rien du tout. Mais quand je les rouvris, les taches de sang étaient toujours là. Je me sentis soudain incapable de le supporter. »