lundi 26 mars 2018

L'adoption (T.1) Qinaya - Zidrou et Arno Monin.


Lorsque Qinaya, une orpheline péruvienne de 4 ans, est adoptée par une famille française, c’est la vie de tous qui est chamboulée. Mais pour Gabriel, ce sera encore plus compliqué : il lui faudra apprendre à devenir grand-père, lui qui n’a jamais pris le temps d’être père. Des premiers contacts un rien distants aux moments partagés, Gabriel et Qinaya vont peu à peu nouer des liens que même le vieux bourru était loin d’imaginer.





J'ai longtemps été dans une période où j'étais incapable de me concentrer sur un roman, et donc de me replonger pleinement dans la lecture après des mois sans avoir touché un livre. Pour ne pas perdre cette habitude, je me suis penchée sur les bandes-dessinées et j'ai sélectionné plusieurs titres sur Livraddict, dont celui-ci.

Je ne regrette pas cette découverte, même si je n'ai pas encore lu le second et dernier tome, ce premier tome fut une agréable découverte. Nous faisons la connaissance de Qinaya, jeune péruvienne de quatre ans, ayant perdu sa famille et sa maison dans un terrible tremblement de terre ayant sévi dans la ville où elle a vécu. Elle est vite adoptée par une famille française qui tombe très rapidement sous le charme de la petite fille. Tout le monde… sauf le grand-père qui voit d'un œil surpris l'arrivée de cette petite étrangère et accepte, malgré lui, cette nouvelle situation qui bouleverse son quotidien. Cependant, au fil des pages, on voit ce grand-père un peu grognon mais pas dénué de cœur s'attacher peu à peu à sa petite-fille et à la faire entrer dans son quotidien… et son cœur.


Qinaya. Étrange petit œuf de pâques, couvé tout là-bas, au pays des condors, que deux gentilles cloches auront rapporté ici… au pays dont l'emblème est le coq. Quand tu as vu tous ces gens dans le hall de l'aéroport, des larmes te sont venues. Trop d'amour. Trop d'amour d'un seul coup, je veux dire. Trop d'amour tout court ? Qui inventera une échelle pour mesurer l'amplitude des émotions dans le cœur d'une petite fille de quatre ans ?

La bande-dessinée se penche donc sur le thème de l'adoption, mais de façon assez originale car les auteurs ont adopté le point de vue du grand-père, plutôt que des parents ou de l'enfant comme cela se fait d'habitude, et de l'autre car l'enfant est adoptée non pas parce que les parents désirent un enfant mais ne peuvent en concevoir un, mais pour offrir amour et foyer à une petite fille étrangère qui a tout perdu, après une catastrophe dans son pays.

De l'autre, ce qui est attachant et intéressant est la façon dont l'humain est représenté. C'est tellement familier et juste, les auteurs ont repris avec justesse ce qu'on peut ressentir et vivre. Lorsqu'on apprend qu'une catastrophe s'est produite dans un autre pays, on pense « C'est terrible, pauvres gens ! » mais au final, on finit par s'en désintéresser car nous ne sommes pas directement concernés et que cela s'est passé à l'autre bout de la planète. Mais on nous présente aussi une famille, ressemblant à tant d'autres, avec les réunions et les dîners, des grands-parents et leur quotidien, la ville où ils vivent. Il y a le grand-père, un ancien boucher qui a confié sa boutique à un Arabe qui a tout appris de lui, il y a la Sénégalaise qui tient un restaurant dans lequel Gabriel et ses amis se réunissent, il y a Gabriel qui rencontre ses amis un jour qu'il a baptisé le jour des Gégés car lui et ses amis ont tous un nom commençant par G, et que lui et ses amis tenaient autrefois un commerce dans la même rue. 

Un quotidien, une vie, qui ressemblent à tant d'autres et qui sont pourtant attachants car c'est réconfortant, c'est juste. Nous avons une tranche de vie peinte avec tellement de justesse qu'on peut s'y reconnaître, s'identifier, ou que ça peut nous apporter des souvenirs. La manière de raconter l'histoire est naturelle et touchante. Les dialogues sont à la fois touchants et plein d'humour :


« Tu avoueras tout de même qu'elle est mignonne comme un cœur. »
« On voit bien que tu n'as jamais vu de cœur de près, ma chérie ! Parole de boucher ! »
 
« Écoute-moi bien, Gabriel. Qinaya est ta petite-fille et pour un paquet d'années encore ! Il va falloir que tu t'y fasses ! Désormais, elle fait partie de ta vie ! »
« Comme mon arthrose, tu veux dire ? »
 
« Quinoa ? Comme les espèces de graines pour piafs que ma femme essaye de me faire avaler à chaque repas ? »
« Pas Quinoa, Qinaya ! »
 
« Mama Boubou possède le dictionnaire magique pour se faire comprendre de tous les enfants de la terre ! … La carte des desserts ! »

Le point fort, c'est évidemment la relation naissante et grandissante entre Gabriel et Qinaya. Ce grand-père a tout d'abord du mal à s'habituer à l'arrivée de cette petite au sein de sa famille, il a du mal à accepter cette étrangère, il est un peu bougre et maladroit, et pas vraiment à l'aise, mais il se prendra pourtant vite d'affection car, en voyant cette adorable petite bouille et ce sourire, comment résister à cette tendresse et cette sensibilité enfantines ? À travers Qinaya, Gabriel rajeunit et découvre en même temps ce qu'est être grand-père. C'est aussi l'histoire de Gabriel et sa femme, qui s'aiment tendrement depuis des années, entre Gabriel et son fils pour qui il a été un père absent à cause de son travail (ce qu'il rattrape avec Qinaya), entre Gabriel et ses amis, Qinaya et ses parents, Qinaya et ses ressentis par rapport à la catastrophe qui lui a pris beaucoup au Pérou.

Je n'ai rien à redire sur les dessins d'Arno Monin. Le dessin et les couleurs sont douces et agréables à l’œil et le dessin se complète très bien avec les textes de Zidrou. J'ai beaucoup apprécié découvrir un petit cahier graphique à la fin de ce tome, nous présentant plusieurs dessins représentant Qinaya et son grand-père.

Pour résumer : un premier tome touchant et plein de douceurs, sous la magnifique plume de Zidrou et les dessins de Monin, et qui traite de l'adoption sous un angle différent. La fin se révèle un peu grise, et il me tarde de lire le second tome afin de voir comment tout cela va aboutir !



mercredi 14 mars 2018

Les Enfants de la Résistance - Benoît Ers et Vincent Dugomier.


C'est vrai que, comme disait mon père, on s'était pris une fameuse gifle... Le matin du 10 mai 40, la guerre était là. Rapidement, ce fut la débâcle. Le 22 juin, un armistice était signé avec l'Allemagne. Nous étions vaincus.



C'était l'été de nos 13 ans, à mon pote Eusèbe et moi. Et nous n'étions pas prêts à nous résigner !






Les Enfants de la Résistance est une série de bande-dessinée encore en cours, et sur les quatre tomes déjà parus, je n'ai lu que les trois premiers, ainsi je suis dans l'ignorance concernant les événements du quatrième tome. Toutefois, ce ne sera pas un handicap pour la rédaction de cet article, car Les Enfants de la Résistance a suscité mon intérêt dès ma lecture du premier tome et cet intérêt n'a cessé de croître avec ma lecture des prochains tomes. Je dirais même que cette série est susceptible de devenir l'une de mes bandes-dessinées préférées, et je suis très curieuse de lire la suite !

La Résistance n'est pas un sujet inédit, elle a été maintes fois le sujet de nombreux documentaires papiers ou télévisuels. L'originalité ici, c'est que nous vivons la Résistance à travers des yeux d'enfants. Pour des raisons évidentes, les enfants étaient beaucoup moins nombreux à s'engager dans la Résistance et, s'il y avait beaucoup de jeunes dans la Résistance, il s'agissait essentiellement d'adolescents et de jeunes adultes. Pourtant, ces enfants ont existé et ont contribué, à leur manière, à la Résistance. Ils ont principalement rendu des services auprès des Résistants, ont servi de messagers, ont transporté de petits colis sans être soupçonnés par les Allemands au vu de leur jeune âge.


L'un de nos héros, François.

Les auteurs nous proposent, à travers un récit fictif, de découvrir la guerre et la résistance à travers des yeux d'enfants. À l'inverse d'il y a 75 ans, les enfants n'étaient pas encouragés à prendre la parole, encore moins lorsqu'il s'agissait d'un drame, et redécouvrir l'histoire du conflit à travers des yeux d'enfants apporte un souffle nouveau, d'autant plus que les auteurs parviennent à montrer comment trois enfants de village – François, fils de fermiers, impulsif, et le plus rebelle et déterminé à bouter les Allemands hors de France, Eusèbe, fils de l'instituteur du village, et Lisa, une jeune fille allemande dont les parents ont fui le pays – ont décidé de commettre quelques actes de résistance face à l'oppression allemande et de mettre ainsi en place les prémices d'un réseau de Résistance au sein du village, de manière réaliste. Ce sont d'abord des enfants qui, incapables d'accepter la défaite, commettent de petits actes en signe de résistance : déchirer des affiches de propagande, créer et poster dans les boîtes aux lettres des tracts imprimés sur du papier peint, etc. Au départ, leurs moyens d'agir sont limités et ils doivent faire preuve d'ingéniosité pour perturber l'occupant. C'est petit à petit que ces actes vont devenir plus importants et encourager peu à peu les villageois à résister eux-aussi, et à créer un petit réseau de Résistants.

Concernant les personnages : les enfants sont attachants et convaincants, les auteurs sont bien parvenus à reproduire la psychologie des enfants de façon réaliste. Ce sont des enfants qui tentent de vivre dans un village occupé par l'ennemi et qui continuent à vivre avec ce climat mais qui résistent avec les moyens du bords et qui sont assez limités car ce sont des enfants. Cela a son avantage (les Allemands ne soupçonnent pas les enfants) et son inconvénients (aux yeux des adultes du village, il paraît peu crédible que les personnes qui ont débuté la résistance sont… des enfants et ceux-ci doivent vivre avec ce secret). Et ce sont de petits résistants réalistes car ils ont leurs moments de gloire comme des défaites. Ils peuvent avoir du mal à rester discrets, ils font des erreurs mais, toujours, ils continuent à vivre et à résister. Les adultes sont aussi bien écrits. Tout n'est pas noir ou blanc, on nous présente des soldats allemands cruels comme sympathiques, un adulte adorable avec sa famille mais adhérant aux idées de Pétain et acceptant l'occupant.

On nous montre comment la Résistance ne s'est pas mise en place tout de suite, les villageois désirant surtout, après la débâcle de 1940, reprendre une vie normale et décident d'accepter la présence des Allemands, d'autant plus qu'au départ, tout semble ne rien avoir changé et que Pétain, le grand héros de la Grande Guerre, a pris les rennes du pays et les Français ont confiance en lui. C'est lorsque, progressivement, les Allemands vont mener la vie dure aux habitants et mettre en place des mesures jugées injustes que les habitants vont commencer à se rebeller.


Les auteurs : Benoît Ers et Vincent Dugomier, ayant fait une petite
plongée dans les années 1940 le temps d'une photo.

Les nombreuses phases du conflit sont évoquées, sans pour autant empiéter le récit ou ennuyer le lecteur, tels que : l'exode des populations, l'armistice, la propagande de l'ennemi, la lutte qui se poursuit de l'autre côté de la Manche avec l'Angleterre qui résiste, l'entrée en guerre des États-Unis, l'Allemagne qui tente d'envahir la Russie, le début des lois et répressions contre les Noirs, les Juifs, etc. Ces épisodes sont soit expliqués en voix off, soit ils s'insèrent dans le récit et servent celui-ci (Lisa qui nous est introduite par l'exode des populations, des affiches allemandes se mettant peu à peu en place dans le village et qui incitent à combattre le communisme ou à servir l'Allemagne, etc). Les auteurs nous offrent également, en fin d'album, un petit dossier documentaire reprenant les thèmes adressés dans le tome qui vient d'être lu. De ce côté-ci, la bande-dessinée se montre pédagogique et peut même très bien servir aux classes au collège, voire même au lycée, pour illustrer les cours d'Histoire. C'est très enrichissant et je pense que la BD est susceptible de plaire aux jeunes.

J'ai également beaucoup apprécié le dessin, très agréable à l’œil, avec des traits doux et ronds, des visages expressifs, des couleurs douces et non agressives et qui débordent parfois des cadres de la bande-dessinée, ce qui est original et très joli. Concernant l'histoire en elle-même, celle-ci est prenante, touchante, parfois drôle, parfois révoltante (lorsque nous découvrons les actes cruels des Allemands, notamment), réalisée avec une grande justesse. Le seul point négatif que j'ai à relever, c'est que lorsque nous avons des soldats allemands parlant dans leur langue, aucune traduction n'est disponible et à moins de chercher la traduction sur le web, il est pratiquement impossible de savoir ce que ces personnages se disent…

Pour résumer : cette plongée dans l'Histoire s'est révélée être passionnante, avec des héros attachants, qui nous permet de redécouvrir la Seconde Guerre Mondiale à travers les yeux d'enfants. J'attends avec grande impatience la suite, et j'espère mettre très rapidement mes mains sur le quatrième tome !


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