mercredi 18 octobre 2023

Les contes interdits : La légende de Sleepy Hollow - Simon Rousseau.




Un homme au bord du gouffre à la recherche d’un vieil ami disparu.

La dangereuse manie d’un maître chanteur à se faire trop d’ennemis pour son propre bien.

L’obsession d’un peintre misanthrope reproduisant la même toile, encore et encore.

Un neurochirurgien retraité fasciné par la cryptozoologie qui préfère vivre en marge de la société.

La légende d’un cavalier fantôme hantant depuis des siècles le pittoresque village de Val-Dormant.





La légende de Sleepy Hollow est une histoire que j'aime beaucoup, ainsi c'est toujours intéressant de la voir remaniée de différentes façons. L'adaptation libre de Tim Burton fait partie de mes films préférés et le roman Horseman de Christina Henry a été un de mes coups de cœur lors du Pumpkin Autumn Challenge de l'an dernier. Lorsque j'ai découvert que la saga des Contes Interdits proposait une réécriture de cette histoire, je n'ai pas hésité, d'autant que la couverture est très attrayante et juste parfaite pour la saison automnale/Halloween.


L'histoire se situe de nos jours, dans la bourgade du Val Dormant au Québec, un petit village d'apparence tranquille où chacun se connaît. Nous suivons en alternance Ichabod Crane et son ami, Eliott, informaticien de génie et pro dans le piratage informatique, à quelques semaines d'intervalle. Ichabod Crane souhaite changer de vie et emménage au Val Dormant où il officie en tant que facteur. Il ne tarde pas à se lier aux autres habitants et plus particulièrement Katrina van Tassel, institutrice adorée de tous, et dont il n'est pas insensible aux charmes. Quelques semaines plus tard, Elliott reçoit un message d'Ichabod sur son répondeur qui ne laisse rien présager de bon. Elliott décide de se rendre au Val Dormant et y apprend la disparition de son ami. Elliott mène donc l'enquête pour découvrir la raison et les coupables derrière la disparition d'Ichabod.


J'ai aimé l'ambiance qui se dégage du roman à travers le village du Val Dormant. Cela m'a rappelé les romans de Stephen King car on y retrouve des ingrédients chers au maître de l'horreur : une petite bourgade semblant sans histoire, où chacun se connaît. Nous faisons la connaissance de ses habitants, entrons dans leur vie privée et découvrons peu à peu leurs secrets [SPOIL] une épouse qui séquestre son mari devenu handicapé et se venge des violences conjugales qu'elle a subies, une belle serveuse qui trompe son mari, une petite-fille victime de maltraitance, un prêtre qui s'adonne à des activités pas très catholiques, etc [/SPOIL]. Qui de mieux qu'un facteur pour découvrir les petits secrets de chacun ? Car Ichabod Crane n'est pas aussi innocent qu'il en a l'air. Ichabod Crane est un véritable maître chanteur et il entend bien semer le trouble afin d'obtenir ce qu'il veut. Pour Elliott, il n'y a pas de doute. Ichabod a été découvert par un habitant qu'il faisait chanter et qui a veillé à le faire taire. Elliott garde pourtant espoir de retrouver son ami vivant et se met en quête du moindre indice pouvant le mener jusqu'à Ichabod, accompagné bien malgré lui de Loranger, un habitant qui a ses comptes à régler avec Ichabod.


J'ai trouvé intéressant que le roman alterne entre l'enquête d'Elliott et le quotidien d'Ichabod, quelques semaines avant sa disparition, son installation au Val Dormant, comment il s'est lié avec les habitants, comment il en est venu à découvrir leurs secrets et à les faire chanter, certains pour son propre profit, d'autres dans un certain sens de justice. J'ai pris un plaisir malsain, je l'avoue, à découvrir ces secrets et voir certains habitants récolter ce qu'ils méritaient. J'ai également apprécié l'étrange duo formé par Elliott et Loranger et les suivre dans leur enquête, à remonter la piste les menant à Ichabod et découvrir le fin mot de l'histoire, et c'est là où le côté horrifique propre aux Contes Interdits atteint son paroxysme.


La résolution est tout simplement horrible et nous retourne les tripes. Découvrir le secret de la disparition d'Ichabod ainsi que le véritable antagoniste de l'histoire et son mode opératoire, sans oublier ce qu'il advient d'Elliott et son compagnon. Je ne m'en remets toujours pas. Je ne pense pas avoir été déçue, même si ce n'est clairement pas ce à quoi je m'attendais. J'avais même espéré une autre résolution pour Elliott et Loranger, mais c'était oublier que ce livre fait partie des Contes InterditsSimon Rousseau a frappé fort pour marquer son public et il l'a fait avec efficacité. Je ne suis pas prête d'oublier ce roman et surtout la fin. J'avoue ressentir tout de même une certaine frustration concernant [SPOIL] l'histoire, les pouvoirs et la véritable nature de Katrina [/SPOIL], j'aurais voulu en apprendre plus, pour mieux cerner ce personnage, mais je comprends que l'auteur ait choisi de ne pas tout dévoiler pour garder une part de mystère.


En résumé, une réécriture moderne et intéressante de Sleepy Hollow qui ne laisse pas indifférent !


En dépit de son aversion pour les magouilles du maître chanteur, Elliot ne pouvait s’empêcher d’être impressionné par sa capacité à déterrer autant de sombres secrets sur tant de gens en si peu de temps. Chaque dossier mettait en lumière des actes abominables et difficilement pardonnables. Celui de Chantale Talbot, la mère de Marguerite, parut frapper particulièrement l’esprit de Loranger. C’était le dernier qu’ils avaient analysé, et le trafiquant ne semblait pas vouloir lâcher l’écran des yeux, tellement ce qu’il y voyait le choquait.

— Qu’est-ce que t’en penses ? osa demander Elliot par-dessus son épaule. Ils auraient tous un solide mobile pour en vouloir à Ichabod… Mais est-ce qu’il y en aurait un ou une là-dedans qui serait vraiment passé à l’action ?

Chapitre 20

mardi 3 octobre 2023

Nous ne sommes qu'ombre et poussière - Lyndsay Faye.



Londres, automne 1888. Les atrocités commises sur deux prostituées assassinées dans le quartier de Whitechapel vont convaincre l'inspecteur Lestrade de solliciter le célèbre spécialiste des affaires criminelles. Qui mieux que Sherlock Holmes, aidé du Dr Watson, saurait traquer l'homme qui sème désormais la terreur parmi la population de l'East End ?


Mais le grand détective ne sortira pas indemne de cette enquête. Pour démasquer son insaisissable adversaire, dont le nom, Jack l'Éventreur, restera longtemps gravé dans les mémoires, il devra enfreindre bien des règles, briser les codes, et tenter de sauver sa vie autant que sa réputation.




Confronter Sherlock Holmes à Jack l’Éventreur, il faut l’avouer, c’est une entreprise ambitieuse et assez casse gueule ! De nombreux auteurs s’y sont essayés avec plus ou moins de succès. Je garde un avis très mitigé du roman d’Ellery Queen et les extraits et avis du livre de Bob Garcia ne me donnent pas envie de m’approcher de ce roman, même armée d’une fourche, et quoique long j’avais aimé le jeu vidéo de Frogwares qui confrontait ces deux personnages.



Concernant Mme Lindsay Faye, je dois avouer qu’elle s’en est sortie avec brio et qu’elle nous offre une enquête qui tient la route et qui se lit même avec plaisir. Bien que ce ne fut pas un coup de cœur, j’ai tout de même passé un agréable moment de lecture et je repense encore à ce roman, plus d’une semaine après l’avoir achevé.



On retrouve avec plaisir Sherlock Holmes et le Dr Watson mais aussi l’inspecteur Lestrade. Nos personnages sont bien campés. J’y ai trouvé le genre de Watson que j’aime. Certes pas à la cheville du détective au niveau de l’intelligence, mais pas incapable pour deux sous. Notre docteur est débrouillard et ne manque pas de courage et d’humanité, et il a des moments fort sympathiques qui le mettent à l’honneur. Sherlock Holmes reste redoutable, intelligent, parfois froid, mais déterminé et pas dénué de sentiments pour autant. Son attachement pour son ami le montre bien, et même le grand détective est ébranlé par les crimes de la barbarie de Jack l’Éventreur. Nous faisons également la connaissance de nouveaux personnages, dont Miss Monk, une femme qui vit pauvrement et qui va se retrouver sur la route de Holmes et l’aider dans son enquête en devant ses yeux et ses oreilles dans Whitechapel et apporter un souffle d’air frais au roman.



De Baker Street à Whitechapel, on suit avec intérêt l’enquête du détective et sa traque du célèbre assassin. Sans être Ripperologue, je pense pouvoir affirmer que l’auteure s’en est bien sortie pour retranscrire ce que l’on sait des scènes de crimes et ce qui en avait été déduit à l’époque mais aussi la misère dans laquelle Whitechapel était plongée. Sans être révolutionnaire, l’enquête saura contenter également les holmésiens car l’auteure a su rester dans un cadre de cohérence digne de l’univers de notre détective et on sent, à travers son écriture, son amour et sa connaissance de l’univers.



J’ai été séduite et j’ai frémi devant l'ambiance glauque et sordide des ruelles sombres de Whitechapel mais aussi devant la cruauté impitoyable des meurtres, faisant s’intensifier les tourments d’Holmes et de Watson. Si l’intrigue peut sembler lente par moment, elle ne manque pas de rebondissements. On y retrouve du suspense, du mystère, de l’amitié, un peu d’humour pour alléger le récit déjà sombre, des fausses pistes, des courses poursuites, des guets apens, un assassin qui donne bien du fil à retordre et des tourments à notre détective.



Je me suis d’ailleurs demandée quelle option l’auteure allait privilégier, entre celle de Holmes qui met la main sur l’assassin mais qu’une raison valable l’oblige à taire l’identité de Jack l’Éventreur ou si ce serait une enquête que Holmes lui-même ne parviendrait pas à résoudre, car cette affaire reste l’un des plus grands mystères de l’Histoire. Les suspects étaient multiples, les pistes nombreuses et brouillées plus d’une fois… L’auteure a finalement choisi la première option et de nous rendre cette révélation plausible !



En résumé, un roman que l’on repose avec un pincement au cœur tant j’ai pris plaisir à retrouver les personnages de Doyle et à les suivre dans cette enquête sombre et passionnante. Indéniablement un pastiche qui tient bien la route et saura ravir les holmésiens !


Au cours des années qui suivirent, excepté lors de ce matin-là, jamais plus nous ne parlâmes de cette chambre. Chaque fois qu'il m'est arrivé par la suite de songer à l'enfer, à ce à quoi il devait ressembler, j'ai eu l'image de cette pièce. Des fissures lézardaient le mur humide. Une bougie était fixée sur un verre à vin cassé, des braises mouraient dans la cheminée, un lit de bois occupait un angle et l'odeur métallique du sang saturait l'atmosphère. Car, sur ce lit, était allongé un cadavre. Plus exactement, sur le lit et sur la table avaient été disposés différents morceaux de ce qui avait été le corps d'une femme.

Holmes était adossé au mur, blanc comme un linge.

- La porte était ouverte, bredouilla-t-il. Je suis passé et... la porte était ouverte.

- Holmes, murmurai-je, horrifié.

- La porte était ouverte.

Puis, il se cacha le visage dans les mains.

Chapitre 29. Le cœur

mardi 26 septembre 2023

Chambre 1408 - Stephen King.


« Dans une maison abandonnée ou dans le donjon d’un vieux château, votre incrédulité peut vous servir de protection. Dans la chambre 1408, elle ne fera que vous rendre encore plus vulnérable. »


Mike est écrivain et chasseur de fantômes. Non pas qu’il y croie lui-même, bien au contraire. Jusque-ici, rien n’est encore parvenu à vaincre son scepticisme. Rien, jusqu’à cette enquête qui le mène à l’hôtel Dolphin de New York, réputé pour sa tristement célèbre chambre 1408. Une chambre supposée hantée…


Je n’avais pas prévu de faire la catégorie sur la lecture commune pour le challenge, mais en découvrant les PAL des autres participants j’ai trouvé ce titre et j’ai voulu à tout prix l’ajouter à ma propre PAL. Cela faisait un petit moment que je voulais lire à nouveau Stephen King et une histoire du maître incontesté de l’horreur tombe à pile pour la saison.



Il s’agit d’une histoire courte dans laquelle nous suivons Mike, pas crédible ou impressionné pour un sou, et qui fait fortune en écrivant des livres où il relate ses visites dans des lieux paranormaux comme des châteaux, des maisons ou des cimetières. Pour son prochain livre, il s’attaque aux hôtels hantés et décide, pour cela, d’aller dormir dans la chambre d’un hôtel new-yorkais réputée hantée et dans laquelle ses précédents occupants ont trouvé la mort ou la folie.



Pendant la première partie de l’histoire, nous suivons Mike qui rencontre et écoute les nombreuses mises en garde d’Olin, le gérant de l’hôtel, qui fait tout pour convaincre Mike de ne pas mener son projet à terme et de faire demi-tour avant qu’il ne soit trop tard, lui racontant le passé de la chambre 1408 et les nombreuses tragédies vécues par les précédents occupants de la chambre mais aussi les mésaventures subies par le personnel qui vient nettoyer la chambre. Mort subite, accident peu de temps après, perte soudaine d’un sens. Tout porte à croire qu’il y a quelque chose de mauvais dans la chambre qui cause le malheur à celui ou celle qui foule son sol. Mike se borne pourtant, refusant d’y croire et déterminé à passer la nuit dans la chambre 1408 et c’est ainsi que nous abordons la seconde partie de l’histoire. Nous découvrons ensuite la chambre aux côtés de Mike. Si tout paraît anodin de prime abord, avec des détails étranges mais sans plus (par exemple des cadres penchés ou les murs d’un jaune un peu trop flamboyants), les étrangetés se multiplient [spoiler] les personnages des tableaux qui bougent, des appels téléphoniques effrayants, des hallucinations [/spoiler]. Très vite, on se sent oppressé en même temps que le personnage dans cette chambre où tout peut arriver.



Bien que je classe cette nouvelle dans le genre de l’horreur, je dois avouer qu’elle ne m’a pas vraiment fait frissonner, du moins en tant que lectrice car si j’avais vécu ce que le personnage principal a vécu, j’aurais été si traumatisée que des années de psy ne parviendraient à arranger. Encore que je n’aurais jamais mis les pieds dans cette chambre, voire même l’hôtel, même si l’on m’offrait tout l’or du monde. La façon de Stephen King d’effrayer son lecteur est ici subtile. Comme Mike, on ignore au début si c’est réel ou le fruit de son imagination. L’ambiance est oppressante et inquiétante. On se sent observé et étouffé. Sans avoir été effrayée, j’ai tout de même senti un certain malaise ainsi qu’un sentiment d’oppression.



Je trouve que Stephen King a su balancer l’histoire et son personnage parfaitement entre la folie et le « surnaturel ». À la fin, nous ne pouvons pas trancher si ce qui s'est passé dans cette chambre est dû à la folie de Mike ou quelque chose se cache bien entre ces murs. Peut-être un peu des deux, qu’il y a quelque chose de foncièrement mauvais et dérangeant qui joue beaucoup sur la psychose des personnages pour les mener à la folie puisqu’on ignore avec certitude si ce que Mike a vu est réel ou le fruit de son imagination [spoiler] que la personne que Mike a croisé quand il a fui la chambre s’est retrouvé étrangement attiré par la chambre et qu’il y serait entré si Mike ne l’en avait pas empêché [/spoiler].



Je suis assez mitigée concernant cette nouvelle. D’un côté, j’apprécie le fait que cette histoire d’horreur repose sur une atmosphère oppressante qui joue sur la psychologie, sans jumpscare ou montre sanguinolent ou mauvais esprit, d’un autre côté je m’attendais à être plus effrayée, à ce que le mal qu’abrite la chambre soit plus concret, que d’autres manifestations apparaissent un peu selon la façon d’agir de l’hôtel Overlook dans Shining qui jouait sur les craintes de sa victime et qui causait des manifestations maléfiques. J’ai eu un sentiment de trop peu avec Chambre 1408. Certes, Stephen King nous prouve qu’il n’a pas besoin d’écrire une longue histoire pour effrayer son lecteur, mais l’histoire a été trop courte pour que je me mette à angoisser.



En résumé, c’est une histoire qui se laisse lire, d’autant plus qu’elle est courte, et qui parvient à créer un sentiment de malaise et d’oppression avec efficacité. Pour autant, elle reste assez oubliable et ce n’est pas avec ce titre que je conseillerais pour découvrir Stephen King.


« Vous aurez quelque chose à redouter. Parce qu’il n’y a pas de fantômes, dans la chambre 1408, et il n’y en a jamais eu. Il s’y trouve par contre quelque chose, une chose dont j’ai moi-même ressenti la présence, mais il ne s’agit pas d’une présence spirituelle. Dans une maison abandonnée ou dans le donjon d’un vieux château, votre incrédulité peut vous servir de protection. Dans la chambre 1408, elle ne fera que vous rendre encore plus vulnérable. »

vendredi 22 septembre 2023

Le Jardin des fées - Audrey Alwett et Nora Moretti.

Règle n°1 : Le berger doit garder secrète l'existence des fées.

Règle n°2 : Jamais il n'exigera de vœu, car chaque vœu tue la fée qui l'exauce.

Règle n°3 : Il leur fournira des fleurs, pour qu'elles conçoivent le miel qui soigne tous les maux.

Règle n°4 : Pour cela, il ira sur les routes et un jour, il leur trouvera enfin UN JARDIN.


À mes débuts dans la blogosphère, je conversais occasionnellement avec d’autres lectrices et blogueuses littéraires, parmi elles Matilda de Raison-et-sentiments (blog à jamais disparu dont je porte encore le deuil ^^;) et Dame Méli du Bazar de la Littérature. Avec le temps, il y a eu moins de contact mais je continuais à suivre les publications de temps en temps tout en conservant de bons souvenirs de nos échanges. Ainsi, j’ai été surprise et attristée de découvrir la disparition de Maureen anciennement Dame Méli, du Bazar de la Littérature. Malgré la perte de contact, cette nouvelle m’a causé un grand choc et des larmes, je l’avoue, tant Maureen était un pilier de la blogosphère. Elle était toujours là et il me semblait qu’elle le serait toujours.



En son honneur, une catégorie du Pumpkin Autumn Challenge lui a été dédié, une initiative touchante mettant à l’honneur les thèmes préférés de Maureen. En faisant ma PAL, je voulais trouver un joli titre pour cette catégorie mais la tâche fut plus ardue que je ne le pensais. Les thèmes de cette catégorie sont intéressants et il y a de quoi trouver de quoi lire, pour autant ce ne sont pas mes thèmes de prédilection. J’ai jeté mon dévolu sur cette courte bande-dessinée, Le jardin des fées, qui s’est révélée être un coup de cœur !



C’est l’histoire de la jeune Lucie, dont la passion est le dessin, et qui est envoyée par sa mère vivre chez son oncle dans le mystérieux château gothique de Crapaudine en Normandie. La jeune fille y découvre très vite un oncle acariâtre, un cousin méprisant et une tante au comportement parfois étrange, sans parler de la domestique qui n’a rien d’accueillant. Lucie découvre également des phénomènes étranges, comma la présence d’un mystérieux symbole dans tous les coins du château ou le fait que personne ne soit capable de voir les fleurs, arbres et plantes de leur jardin, ou encore une étrange marque présente chez son oncle et le reste de sa famille. Alors que Lucie dessine ce qu’elle voit autour d’elle, elle fait la connaissance d’une fée, Marigold. Marigold est une jeune fée téméraire prête à tout pour sauver le jardin en souffrance et trouver à son peuple un berger ou une bergère pour les protéger et les aider à cultiver le jardin alors que celui-ci est de plus en plus gagné par la pourriture et les dangers.



J’ai beaucoup aimé découvrir les fées et leur monde. Les auteures sont parvenues à créer un petit peuple avec une physionomie et une organisation bien à eux, un langage avec un vocabulaire original (dont nous trouvons un lexique), une magie ancrée autour de la nature, leurs lois et coutumes. Ce sont des fées qui créent des remèdes à l’aide des pollens de fleurs et de miel, qui cultivent des jardins et qui, parfois, vivent sous la protection d’un berger, un humain chargé de les protéger et de leur trouver un jardin qu’il aide à entretenir pour elles car un jardin négligé n’est pas bon pour le bien de la communauté des fées. À travers les péripéties de Lucie mais également le journal intime du précédent berger, nous en apprenons plus sur les fées ainsi que leur mode de vie, leur magie, leurs coutumes, leur langage à travers leur vocabulaire étrange mais aussi à travers le langage des fleurs.




J’ai également beaucoup aimé l’intrigue qui s’est tissée progressivement. On se demande au début pourquoi la mère de Lucie a envoyé cette dernière chez son oncle peu avenant et pourquoi elle a demandé à sa vie de dessiner tout ce qu’elle trouvait, et quel est le mystère autour du symbole que l’on retrouve dans le château et la marque sur ses habitants. On commence par avoir quelques éléments de réponses alors que Lucie et Marigold découvrent le journal intime du précédent berger, qui n’était autre que le père de la tante de Lucie. La lecture du journal se progressivement, si bien que les révélations se font au compte goutte et que l’on parvient petit à petit à reconstituer certains éléments alors qu’on remonte dans le temps et qu’on en apprend plus sur le passé du berger ainsi que celle de sa famille et la ruche des fées, car l’ensemble est lié.



L’intrigue est très bien ficelée. J’ai été aussi passionnée par l’histoire et les coutumes de la ruche que par l’histoire du berger et de sa famille, et comment le jardin est tombé dans la décadence et la famille maudite. Il est question de secrets de famille, de trahison, de vengeance, de malédiction, de cupidité. On découvre peu à peu qu’au-delà de l’émerveillement autour du monde des fées et la beauté de la nature, il y a une ambiance sombre qui aborde parfois des sujets graves. Il y a des cœurs altruistes et des cœurs plus noirs. Si j’ai été enchantée par le monde des fées, je dois avouer que l’intrigue autour des secrets de famille et autour de l’étrange malédiction étaient l’autre aspect de la bande-dessinée qui a fait que celle-ci est devenue un coup de cœur ! Il y a une atmosphère gothique dans toute cette féerie, de la noirceur, de la tension, des dangers ainsi que des révélations et rebondissements qui m’ont beaucoup plu ! J'ai particulièrement apprécié les extraits du journal d'Angus, le premier berger, qui ajoutent une dimension supplémentaire à l’intrigue et permettent de mieux comprendre le rôle des bergers des fées mais aussi de découvrir l’histoire de la ruche.



L’histoire n’en demeure pas moins illuminée par des couleurs éclatantes et des personnages attachants. Lucie est attachante, c’est un personnage qui n’a pas eu une vie facile mais qui reste optimiste, courageuse, persévérante et altruiste. Son amitié avec Marigold, la petite fée têtue et téméraire, est touchante et mignonne. J’ai apprécié les voir évoluer. L’oncle antipathique et la tante gagnent en profondeur au fur et à mesure que l’on en apprend plus sur eux, bien que ça ne me fait pas plus les apprécier, et j’ignore sur quel pied danser avec le cousin. Il n’est pas entièrement antipathique ni foncièrement mauvais mais on devine qu’il n’est pas à sous-estimer et qu’il faudrait se méfier de lui, sans savoir comment il va réagir par la suite. J’avoue être restée sur ma faim, tant au niveau de l’histoire de Lucie et sa ruche de fées que celle de son cousin qui peut se révéler être un adversaire pour Lucie. Toutefois, il me semble que cette bande-dessinée aura une suite sous la forme d’une autre série, que je lirais avec joie tant j’ai été séduite par Le jardin des fées et que beaucoup d’éléments méritent d’être plus approfondis.




L’autre point fort de la bande-dessinée, ce sont les graphismes qui apportent une véritable beauté qui renforce l’immersion dans l’univers des fées et nous transportent dans une Normandie où la nature est à l’honneur. Les couleurs sont chatoyantes et les détails minutieux. On est transporté dans un monde enchanteur à chaque page et chaque planche nous laisse des étoiles plein les yeux.



En résumé, une bande-dessinée magique qui se dévore, tant au niveau de l’intrigue que des graphismes. L’univers des fées est travaillé et fascinant et nous permet une véritable immersion dans le monde des fleurs et des fées. Si je suis restée sur ma faim, je ne ressors que peu frustrée de ma lecture car je sais que cette bande-dessinée aura une suite qui permettra de nous plonger dans le grand bain et voir Lucie et ses fées se lancer dans une grande aventure, qui approfondira l’univers.

mercredi 20 septembre 2023

La forêt de l'étrange / Over the Garden Wall


Greg et Wirt se retrouvent perdus dans la forêt de l'étrange, sur laquelle le temps n'a pas de prise.

Avec l'aide d'un vieux et sage bûcheron et de Béatrice, un merle bleu au tempérament de cochon, Wirt et Greg vont devoir traverser ce monde étrange dans l'espoir de retrouver le chemin qui les mènera chez eux...


Bienvenue dans la forêt de l'étrange, les garçons. Vous êtes encore plus perdus que vous ne le pensez.


Cela faisait un moment que je tombais, sur Tumblr, sur différents posts vantant les mérites de ce court dessin-animé et il m’était resté en mémoire pour tout ce qu’il m’évoquait. Une ambiance purement automnale, presque gothique. Un univers entre le mignon et l’angoissant, la poésie qui se dégageait des extraits que je voyais et un dessin et des décors esthétiquement très beaux. J’ai fini par me jeter à l’eau et découvrir cette série entre l’été et l’automne 2021 et d’en parler enfin sur ce blog après avoir revisionné la série récemment, car Over the Garden Wall, c’est mon rendez-vous de l’automne (bien qu’il se savoure à chaque saison), la quintessence même de l’automne.



C’est une série très courte (10 épisodes d’une durée de 11 minutes). Pourtant, malgré sa petite taille, cette série est marquante à plus d’un titre. C’est court, c’est concis, c’est simple et efficace. J’avoue rester sur ma faim et que la courte durée est le seul bémol que je peux retenir contre la série tant j’aurais voulu passer plus de temps dans cet univers et auprès des personnages, mais la série sait très bien se suffire avec ses dix petits épisodes.



Nous suivons deux frères, Wirt et GregWirt, c’est le grand frère angoissé, pessimiste mais aussi avec une âme de poète, et Greg est le petit frère jovial et insouciant, qui s’est pris d’affection pour une grenouille qu’il a décidé d’adopter et il est en quête du nom parfait pour elle. Ces deux garçons se retrouvent perdus dans la forêt (on ne saura comment ils sont arrivés là qu’à la fin), une forêt étrange qui se révèle plus dangereuse qu’elle en a l’air car elle est hantée par une mystérieuse Bête dont la proie de prédilection sont les voyageurs égarés. Ils cherchent à rentrer chez eux et, au cours de leur voyage, vont faire plusieurs rencontres. Un oiseau bleu qui parle et répond au doux nom de Béatrice, un bûcheron qui n’a de cesse de les mettre en garde contre la Bête, des animaux anthropomorphisés, une sorcière menaçante, une jeune fille ensorcelée, un vieux comte hanté par un fantôme, etc.



L’univers dans lequel nos personnages évolue n’est pas uniquement forestier, car ils descendent une rivière, traversèrent un village campagnard, errent dans les marécages, un manoir gigantesque, une école pour animaux, etc. Il y a quelque chose d’original et d’absurde dans cet univers qui rappelle le monde d’Alice au Pays des Merveilles et qui donne à l’univers un aspect onirique, entre le mignon et l’angoissant.




J’ai été séduite par l’ambiance étrange, mélancolique, douce et un peu glauque aussi de l’univers et de l’histoire, qui s’apparente aux contes, tout comme j’ai été séduite par nos deux personnages principaux. Wirt et Greg sont le jour et la nuit et forment de ce fait un duo à la collaboration difficile mais toujours drôle et entraînant. Greg est un petit garçon très optimiste, qui consacre son énergie à rendre les gens heureux et qui prend le parti de ne jamais s’étonner ou s’effrayer des manifestations surnaturelles. C’est le gamin mignon, drôle et attendrissant. Wirt, à l’inverse, peut nous sembler plus antipathique. Il pense que le monde lui est hostile et manque d’assurance en lui, persuadé qu’il n’y a rien d’intéressant chez lui et il cache le moindre trait de sa personnalité pour qu’on ne se moque pas de lui. Il est névrosé mais aussi attachant que son frère. Il n’est pas montré comme antipathique malgré ses défauts. Il dit ou fait les choses que le spectateur dirait ou ferait à sa place, ou du moins ce qu’il pense et même s’il lui arrive de perdre patience avec son frère, je ne peux pas lui en vouloir, car c’est un personnage que je trouve aussi attachant que son frère et vraiment intéressant.



Les autres personnages ne sont bien-sûr pas en reste, même ceux qui ne font leur apparition que le temps d’un épisode, ainsi que les autres personnages récurrents comme Béatrice qui accompagne les deux frères, le bûcheron ou la fameuse Bête dont on ignore au départ qui elle est, ce qu’elle est, ce qu’elle cherche à faire mais qui est vraiment un antagoniste mystérieux et intéressant.



Ce qui fait aussi la beauté de la série, ce sont les dessins. S’ils nous semblent simples et enfantins, ils dévoilent parfois des planches lugubres et inquiétantes. Il y a un aspect parfois gothique et réussit très bien son décor, que l’on soit dans la forêt, les marécages ou dans un manoir hanté. Les dessins sont esthétiquement très beaux, très poétiques, ils sont réussis et parfaitement adaptés à l’intrigue.



Que ce soit au niveau du visuel ou de l’intrigue, Over the Garden Wall parvient à construire un monde étrange, onirique et angoissant dans lequel l’insolite fait loi, où l’humour et l’étrange se confondent, et dans lequel notre trio de personnages (Wirt, Greg et Béatrice) avance au gré d’épreuves qui ne sont jamais clairement définies, et interagit avec des protagonistes qui peuvent être autant opposants qu’adjuvants.




Bien qu’il s’agisse d’une série animée, elle ne s’adresse pas aux jeunes enfants, du moins de mon point de vue. Over the Garden Wall est une série qui a l’air très simple mais qui se révèle plus complexe qu’on aurait pensé au départ, avec plusieurs symbolismes qu’on ne déchiffre pas forcément au premier abord. C’est une série extrêmement soignée, pleine de référence et de réflexion [spoiler] on s’interroge si ce périple était finalement un rêve que les deux frères ont partagé ou s’ils ont fait un voyage dans les limbes après avoir manqué de se noyer [/spoiler], même la Bête en elle-même est plus qu’un monstre, elle représente aussi quelque chose de moins concret, de symbolique.



C’est également une série aux thèmes variés. Elle nous parle d’espoir qu’il faut garder et ne pas se laisser sombrer, elle parle d’entraide, nous pousse à aller au-delà des apparences. C’est une ode à l’enfance mais aussi à l’automne et ses nuances. Elle évoque des thèmes universels comme la famille (notamment la famille recomposée et les tensions que cela peut entraîner), l’amitié, l’entraide, l’espoir, etc.



En bref, Over the Garden Wall est un petit bijou d’animation, remplie d’humour et de tendresse à travers une atmosphère fantastique et lugubre. Je suis tellement fan de cette petite série et de cet univers que j’ai voulu prolonger le plaisir à travers les bandes-dessinées (non-traduites en français). Celles-ci ne présentent pas le même intérêt. J’ai trouvé longue la BD dans laquelle Greg évolue dans le monde des rêves et je l’ai trouvé plutôt ennuyeuse. À l’inverse, j’ai beaucoup aimé Distillatoria qui nous présente une sorte d’épisode bonus, juste avant la fin de la série, et qui imagine les deux frères comme rentrés chez eux un peu plus tôt dans la série avec une Béatrice bien désorientée, sauf que les apparences sont trompeuses et ce que l’on croit réel ne l’est peut-être pas.



Il y a aussi d’autres comics qui se proposent comme d’autres aventures de Wirt et Greg dans l’univers de la série, et qui n’apporteront rien d’inédit – à part dans les lieux et personnages qu’ils visitent et rencontrent – mais qui permettent de prolonger un peu plus l’histoire et l’univers. Certaines aventures sont sympathiques, d’autres sont très oubliables. Une de mes préférées est l’aventure qui se présente comme une préquelle à l’histoire et qui se concentre sur le Bûcheron et sa famille et comment la Bête en est venue à hanter le Bûcheron.



Pour revenir à la série, je vous laisse découvrir le générique qui donne le ton de la série. Le premier épisode est d’ailleurs disponible gratuitement sur Youtube sur le compte de Cartoon Network si vous voulez vous en faire une idée ! Allez découvrir cette série, vous tomberez sous son charme ! C’est gravé dans la pierre !