vendredi 24 novembre 2023

L'Épouvanteur (T.7) Le Cauchemar de l'épouvanteur - Joseph Delaney.


« Je rêvais de Lizzie l'Osseuse... Elle trônait dans une grande salle. Le Malin se tenait à côté d'elle, une main posée sur son épaule. Des prisonniers hurlant de terreur attendaient d'être décapités, et le sol était rouge de sang. »

La guerre. qui faisait rage au sud du Comté, a maintenant gagné l'ensemble du pays. A leur retour de Grèce. Tom Ward et John Gregory découvrent que les soldats ont mis le feu à la maison de Chipenden, réduisant en cendres la précieuse bibliothèque. De plus, pendant leur absence, les sorcières de Pendle ont libéré Lizzie l'Osseuse, que l'Epouvanteur avait enfermée dans une fosse. Rester dans le Comté s'avère trop dangereux. 

En compagnie de la jeune Alice, et des trois chiens, Griffe, Sang et Os, Tom et son maître s'embarquent pour l'île de Mona, gouvernée par le cruel lord Barrule. Seulement, ils n'y sont pas les bienvenus...




Je continue doucement mais sûrement ma progression dans la série L’épouvanteur. Dans ce septième tome, nous retrouvons Tom, John Grégory et Alice qui ont quitté la Grèce après les événements du tome 6 pour revenir dans leur Comté. Le retour n’est pas aussi serein qu’ils l’avaient pensé, bien au contraire. Ils se rendent compte plus que jamais que la guerre fait rage dans tout le pays. John Grégory découvre sa maison saccagée par les soldats et sa précieuse bibliothèque, gardienne du savoir accumulé par Grégory et les épouvanteurs avant lui, réduite en cendre. Pire que tout, les sorcières de Pendle ont profité de l’absence de Grégory et la destruction de sa maison pour libérer Lizzie l’Osseuse, que l’Epouvanteur gardait enfermée au fond d’une fosse depuis le premier tome. Nos personnages doivent se rendre à l’évidence. Avec les soldats qui rôdent et Lizzie en liberté, ils ne sont plus en sécurité dans le Comté. C’est alors qu’ils décident d’embarquer pour l’île de Mona. Les ennuis ne font toutefois que commencer pour notre trio, car l’île est gouvernée par un cruel Lord et la chasse à l’obscur y est plus forte que jamais.



C’est toujours un réel plaisir de retrouver cette saga et la plume de Joseph Delaney. Ses romans se dévorent toujours en un rien de temps, sa plume reste toujours fluide et addictive. À l’instar des tomes précédents, j’ai été happée dès la première page et l’auteur m’a rapidement embarqué dans l’histoire. Je prends toujours plaisir à retrouver cet univers et sa richesse. À chaque tome, une nouvelle menace, de nouvelles créatures. L’imagination de Joseph Delaney ne cesse de me surprendre. Il n’a pas son pareil pour nous imaginer des créatures de l’obscur menaçantes et effrayantes à souhait. Lorsque je pense avoir découvert une créature de l’obscur bien flippante, l’auteur nous en présente une nouvelle dans le tome suivante qui surpasse en cruauté ou en effroi la précédente. Dans ce tome, Tom va devoir faire face à un chaman qui maîtrise une créature bien effrayante, le buggane. Un démon qui murmure à l’oreille de ses victimes des choses effrayantes jusqu’à ce qu’elles perdent la folie, et qui permet au buggane d’aspirer peu à peu leur énergie vitale. Une fois dépourvue de cette dernière, la victime devient une coquille vide mais toujours vivante, et le buggane se repaît de son corps et stocke l’énergie vitale dans une caverne. C’est un démon particulièrement redoutable qu’il est invulnérable au sel et au fer, armes des épouvanteurs.



Outre le buggane, Tom et ses compagnons doivent affronter une créature tout aussi redoutable… La sorcière Lizzie l’Osseuse qui entend bien se venger. La tâche sera d’autant plus ardue que John Grégory s’affaiblit. Si on commençait à s’en apercevoir dans les tomes précédents, c’est plus que jamais évident dans celui-ci. John Grégory n'est plus l'Épouvanteur vaillant des premiers tomes, il vieillit et s’affaiblit. On sent que l’auteur prépare peu à peu le passage entre le maître et l’apprenti. J’espère toutefois que Grégory sera encore là pour quelques tomes encore, à la fois pour mon attachement envers ce personnages mais aussi parce que je ne sens pas Tom prêt pour endosser le rôle d’Epouvanteur.



C’est d’ailleurs l’un de mes griefs, un que j’ai déjà malheureusement constaté dans les précédents tomes. Si Tom n’est pas dénué de courage et de capacités, il n’est pas encore bien dégourdi à mon goût. Il continue encore et toujours de se faire sauver par Alice, alors que j’aimerais bien voir Tom réussir à se sortir lui-même du pétrin de temps en temps, sans avoir constamment besoin d’être sauvé par quelqu’un d’autre, et de voir Tom prendre une part active dans la défaite de l’adversaire de l’aventure. S’il parvient à donner des coups, c’est rarement lui qui porte le coup final et ce dernier revient surtout à Alice ou à l’Epouvanteur. Nous sommes quand même au septième tome, et Tom est apprenti Epouvanteur depuis un bout de temps déjà, et j’aimerais bien qu’il prenne une part plus active dans la lutte contre l’obscur et se montrer plus débrouillard. Il nous a déjà prouvé, dans certains tomes, qu’il en était capable, et j’espère vraiment qu’il va évoluer favorablement en ce sens dans la suite. Je déplore également l’absence des frères de Tom, et j’espère que nous les verrons par la suite.



L’histoire s’assombrit au fur et à mesure que nous avançons dans l’histoire, bien que ce soit catégorisé comme une saga jeunesse, il y a des scènes qui peuvent être dures à lire et l’auteur démontre une nouvelle fois que ses créatures de l’obscur ne sont pas les seuls êtres monstrueux de sa saga mais que les humains n’ont parfois rien à leur envier en terme de cruauté. Les passages autour de la chasse à l’obscur le prouvent bien.



De façon globale, j’ai trouvé ce tome légèrement en-dessous des précédents, ce qui ne m’a pas empêché d’apprécier ma lecture. On sent qu’un tournant est sur le point d’être pris dans l'histoire entre Alice qui, si elle reste plus que jamais fidèle à Tom, flirte de plus en plus avec l’obscur, Tom prend de plus en plus de décisions par lui-même, et elles vont souvent à l'encontre des principes de son Maître et Grégory lui-même est amené à réviser plusieurs de ses jugements et devenir légèrement plus souples sur des choses qu’il n’aurait jamais acceptés dans les premiers tomes. De plus, la fin de ce tome nous laisse apercevoir ce qui nous attend dans le prochain tome, et ça risque d’envoyer du lourd ! Il me tarde de lire la suite !


- Je vous en prie, monsieur Gregory, suppliai-je. Ne renoncez pas…

Levant enfin le regard vers moi, il secoua tristement la tête:

- Tu ne mesures pas la perte que nous venons de subir. Cette bibliothèque en m’appartenait pas, petit. Je n’étais que son dépositaire. C’était à moi de l’enrichir et de la préserver pour l’avenir. J’ai failli à ma tâche. Je suis fatigué, fatigué pour tout ça. Mes vieux os se refusent à continuer. J’en ai trop vu, j’ai vécu trop longtemps.

mardi 14 novembre 2023

Notre-Dame des Loups - Adrien Tomas.


En 1868, Jack, Würm, Evangeline, Jonas et les autres sont des Veneurs, des chasseurs de loups-garous. Ils ne peuvent plus être définis autrement, ils ont renoncé à tout le reste afin d’accomplir leur devoir : décimer les meutes, protéger les colons, et surtout, pourchasser celle par qui tout a commencé, la légendaire Notre-Dame des Loups.

A travers une Amérique glaciale, battue par les vents et couverte de neige, insensibles au froid, à la fatigue et au découragement, les Veneurs avancent, encore et toujours. Guidés par des chiens de guerre, équipés d’armes crachant des balles d’argent, protégés du Mal par la mystérieuse sorcellerie de leurs amulettes, ils pourchassent, malmènent, et acculent les loups-garous, qui n’ont d’autre choix que les affronter… et mourir.

Mais l’ennemi n’est pas le seul à dissimuler sa véritable nature…


Ce roman m'a été conseillé par Anders, que je ne remercierai jamais assez pour la découverte de ce roman page turner que je peux classer parmi mes coups de cœur du Pumpkin Autumn Challenge 2023.


Nous suivons une panoplie de personnages qui forment un groupe, la Vénerie, et qui parcourent les États-Unis du XIXe siècle, à la poursuite de la Dame, une louve-garou au pelage blanc, aussi cruelle qu’intelligente, qui sème la mort par où elle passe. Consciente d'être traquée, elle traverse bois et forêt et rassemble ses troupes, les meutes de loup-garous (ici, nous parlerons plutôt de wendigos) pour exterminer les chasseurs, sinon les ralentir. Au plein cœur de la forêt, nos personnages sont sans cesse sur le qui vive, devant à la fois affronter l'hiver rude et les Rej (les rejetons/wendigos obéissant à la Dame) qui peuvent attaquer à tout moment.



Le roman s’enchaîne avec une alternance de points de vue. Chaque chapitre est consacré à un personnage de notre groupe, ce qui nous permet de mieux les cerner, découvrir leur personnalité, leur histoire, comment ils ont fait partie de la Vénerie et ce qu'il advient d'eux [SPOIL] oui car le roman partage une similitude avec Dix Petits Nègres/Ils étaient dix d'Agatha Christie : nos personnages meurent un à un [/SPOIL]. Ainsi, nous faisons la connaissance d’Aidan Malcom Arlington, ancien journaliste et tireur d’élite, Jonas Jorgensen, armateur, Billy Winters, jeune cowboy, Wilhelm Friedrich Würst, ancien acteur de théâtre et responsable de la Vénerie, Evangeline, muette, ancienne esclave et maîtresse et éleveuse de chiens de chasse, Jack le maître de chasse, et Waukahee Oowesha, une jeune indienne avide de vengeance après avoir vu sa tribu décimée par les wendigos.



De façon globale, les personnages ne m'ont pas paru marquants ou attachants, j'ai toutefois pris plaisir à les suivre et les découvrir plus en tant que groupe qu’en tant qu'individus. Le groupe qu'ils forment, la Vénerie, avec ses codes, ses mœurs et son histoire, et comment chaque personnage qui la constitue est venu à connaître et faire partie de la Vénerie. Quelques personnages auront toutefois réussi à se démarquer et à m'intéresser, notamment Jack, le meneur têtu, pas forcément sympathique mais qui m'a intéressé, surtout dans sa dynamique avec la Dame, la jeune Waukahee et Würst. Sans m'être attachée aux personnages, j'ai quand même espéré leur victoire jusqu'au bout, surtout avec une adversaire comme la Dame.



Nos antagonistes ne sont pas en reste. La mythologie autour des wendigos est intéressante. Loup la nuit, humain la journée, la contamination, leur rapport avec les humains le jour, leur intelligence, leur cruauté. Comment ne pas parler non plus de la Dame. C'est l'Ennemie avec un grand E. Redoutable, rusée, cruelle, narguant nos personnages. L'auteur lui consacre d'ailleurs un chapitre qui me mitige. D'un côté, c'est intéressant d'en apprendre plus sur la Dame, ses origines, son histoire, comment elle est devenue ce qu'elle est. D'un autre côté, son histoire me paraît un peu invraisemblable [SPOIL] faire d'elle l'apprentie de Circé, pourquoi pas, faire d'elle la mère adoptive de Remus et Romulus, fondateurs de Rome, ça me paraît un peu gros, d'autant plus que son chapitre s'achève brutalement, avec la scission entre la Dame et Rome et qu'elle ne résume que brièvement le reste [/SPOIL] et m'a laissé frustré.



L’une des forces du roman est son ambiance. La tension ne redescend pas, nos personnages comme le lecteur sont sans cesse sur le qui vive car une attaque peut se dérouler à n’importe quel moment. Ils avancent dans leur périple avec une épée de Damoclès qui ne cesse de planer au-dessus de leurs têtes. S’ajoute à cette tension l’environnement hostile dans lequel nos personnages évoluent. Les wendigos ne sont pas la seule menace du roman. Nous nous situons dans des régions reculées de l’Ouest sauvage, en pleine saison hivernale où le froid est mordant, dans des forêts enneigées qui sont semblables à des labyrinthes, où les munitions et provisions menacent de s’appauvrir. Face à cette double menace, les chasseurs risquent de devenir les chassés à tout moment.



Notre-Dame des Loups est un roman court mais intense, dont la tension monte peu à peu au fil des pages, au fur et à mesure que les chasseurs se rapprochent de la Dame. C’est une atmosphère particulière que l’auteur a réussi à retranscrire et j’ai été incapable de lâcher ce livre avant de l’avoir terminer. J’ai d’autant plus aimé le dénouement étonnant qui a su clôturer avec brio cette aventure courte mais intense. J’ai seulement moins apprécié les révélations autour de la Dame, même si ce fut intéressant d’avoir un chapitre la concernant.


Le silence est omniprésent. Il est lourd sur ma nuque et mes épaules. Il m'entoure, m'étouffe, me pèse. À chaque fois que mon cheval traverse de son sabot la couche de neige fraîche, à chaque fois que j'inspire l'air glacé ou que j'exhale un souffle de nuage blanc, j'ai l'impression d'être en train de profaner une église, un temple, ou je ne sais quoi de sacré.

Je n'ai jamais été très porté sur la religion, mais par la Dame, ce que je me sens païen et ignorant dans cet endroit ! La forêt Blanche m'écrase de sa majesté, de son immensité, me réduit à ce que je suis certainement : un intrus, minuscule et vain, dans un territoire qui ne lui appartient pas.

1. Cathédrale des Neiges.