dimanche 3 décembre 2017

Coco.

Fiche technique :

Réalisation : Lee Unkrich et Adrian Molina.
Scénario : Adrian Molina et Matthew Aldrich.
Société de production : Walt Disney Pictures, Pixar Animation Studios
Durée : 1h40
Sortie : 21 novembre 2017 (USA), 29 novembre 2017 (France)

Avec les voix de :

- VO : Anthony Gonzalez (Miguel), Gael Garcia Bernal (Hector), Benjamin Bratt (Ernesto de la Cruz), Alanna Ubach (Mama Imelda), Ana Ofelia Murguia (Mama Coco), etc.
- VF : Andrea Santamaria (Miguel), Ary Abittan (Hector), Bernard Gabay (Ernesto de la Cruz), Brigitte Virtudes (Mama Imelda), Evelyne Grandjean (Mama Coco), etc.



Synopsis :

Miguel, un mexicain de 12 ans vivant avec sa famille dans une zone rurale du Mexique, résout un mystère générationnel lié à sa famille en déclenchant une série d'événements qui donnera lieu à une réunion de famille, entre défunts et vivants. L'action se déroule lors du traditionnel Jour des morts.

Mon avis :

Au départ, je n'étais pas emballée par ce film après visionnage de la bande-annonce, les avis enthousiasmes m'ont cependant fait changer d'avis et m'ont fait comprendre pourquoi le dernier Disney-Pixar est tant aimé par les critiques et les fans. Sans crier au chef d'oeuvre, Coco s'est révélé être une bonne surprise et un film très sympathique, mais aussi émouvant, à regarder. Mon avis est donc d'aller au-delà de la bande annonce car elle ne peut résumer, au risque de spoiler, tout ce que représente réellement le film car il s'agit plus qu'un film sur un petit garçon amoureux de la musique, mais empêché par la tradition familiale, et se retrouvant par inadvertance au royaume des morts.

Affiche teaser du film.
Les débuts de Coco n'ont pourtant pas été faciles, nombreux sont à avoir hurlé "appropriation culturelle" et "copier-coller de La Légende de Manolo", et il est vrai que ce fut un pari risqué de produire un film animé sur une tradition et fête religieuse célèbre au Mexique, pourtant les productions Disney et Pixar sont parvenus à reproduire fidèlement, sans dénaturer, le Mexique, ses traditions, son atmosphère et ses couleurs ; et si ce film présente quelques similitudes avec La Légende de Manolo (personnage aimant la musique mais pas sa famille, le contexte del Dia de los Muertos), les ressemblances s'arrêtent là, et Coco se présente comme un film avec une histoire différente.

Nous suivons le jeune Miguel, petit garçon Mexicain de 12 ans, vibrant pour la musique mais qui doit garder cette passion secrète, notamment auprès de sa famille qui, suite à une mauvaise expérience, a banni cet art il y a des décennies. Désintéressé par le métier de cordonnier, pratiqué depuis des générations par sa famille, Miguel ne rêve que de suivre les pas de son idole, Ernesto de la Cruz, musicien, chanteur et acteur de talent qui ne s'est arrêté à rien pour devenir quelqu'un. Cette passion pour la musique et son idole conduira Miguel par inadvertance au pays des morts lors du Jour des Morts, capable de voir les défunts venus rendre visite à leur famille. Profitant de cet incroyable coup du sort, Miguel se met en quête pour s'affranchir des traditions familiales et tracer son propre chemin...

Ce film nous fait voyager littéralement au Mexique et nous fait découvrir le pays et ses traditions jusqu'au plus petit détail : les décors avec par exemple les papel picado (ornements suspendus en papier coloré utilisés lors de célébrations), Flor de Muertos, les ofrendas laissées sur les autels pour les morts ; les personnages avec les musiciens Mariachi, Frida Kahlo qui nous apparaît lors de quelques scènes, même le chien Dante que vous pouvez voir sur l'affiche est un chien dit xoloitzcuintle, ou chien nu du Mexique, une race de chien très rare et ancienne originaire du Mexique qui, selon la légende, est supposé nous conduire dans le territoire des morts (et qui accompagne Miguel dans son aventure au territoire des morts ? Le chien). C'est un monde tout en couleur, on en prend plein les yeux, et notamment lors de notre découverte du royaume des morts : c'est vivant, coloré, musical, où les morts dont la mémoire est entretenue vivent une seconde vie. Mais il y a aussi les morts que l'on oublie, ceux qui ne peuvent se rendre auprès de leur famille encore en vie lors del Dia de los Muertos, et ceux qui sont voués à disparaître, nous présentant une dualité dans ce monde des esprits.

J'ai trouvé très intéressant que Disney et Pixar sortent des terrains battus pour se pencher sur une culture que nous Occidentaux ne connaissons peu sinon pas du tout. C'est dépaysant et vraiment très sympathique à découvrir, et cela ne s'arrête pas au niveau des graphismes, mais aussi du langage : ceux ayant étudié l'espagnol reconnaîtront quelques mots prononcés par les personnages (le dialogue n'est bien-sûr pas en espagnol, mais quelques mots espagnols se glissent par-ci par-là dans les paroles des personnages) et dans les chansons. La différence avec les autres Disney, c'est qu'aucun personnage ne chante pour expliquer un contexte ou sa situation (comme Ariel dans 'Partir là-bas', ou encore Raiponce dans 'Où est la vraie vie'), les chansons ici s'inscrivent dans un autre contexte : lors d'un concert, des membres de la famille chantant ensemble une mélodie familiale, ou lors d'une fête, et chaque chanson s'inscrit dans son univers, celui du Mexique. Il y a de très belles chansons, notamment La Llorona, Un Poco Loco ou Remember MeLe Mexique et ses traditions ont été très bien respectées ; bon après je ne suis ni une experte, ni d'origine Mexicaine mais je pense que Disney et Pixar s'en sont bien sortis, qu'ils ont fait du beau travail de recherche, allant même jusqu'à engager un dessinateur mexicain très critique.


Miguel devant l'autel de sa famille avec les ofrendas et flores de muertos.

Rien à redire au sujet de la bande-son et des graphismes, visuellement c'est super, on nous en met plein la vue et ça nous fait surtout penser à la mort sous un autre aspect ! Même si ce fut intéressant de voir abordé le sujet des morts dont le souvenir parmi les vivants commence à faiblir jusqu'à s'éteindre définitivement, et les morts qui n'ont pas leur photo sur des autels pour les ofrendas, et ce qu'il advient de ces morts. Mais sinon, au sujet de l'histoire ? Le thème passion du héros non approuvée par les membres de sa famille, ça n'a rien de nouveau et ici c'est assez exagéré 

[spoiler]

Genre, un membre de la famille ne veut plus entendre parler de musique depuis qu'un musicien de la famille est parti loin de la famille sans revenir... et tous les membres, même des générations suivantes, suivent le mouvement, sans avoir eu eux-mêmes de mauvaises expériences avec la musique ?? ça apporte certes des moments comiques que j'ai moi-même apprécié, surtout au travers du personnage d'Abuelita, mais il faut avouer que ça reste un peu exagéré surtout que ; outre le "dédain" pour la musique et leur respect des traditions, la plupart des membres de la famille de Miguel ne se démarquent pas trop...


 [/spoiler]

Sinon, c'est un beau film sur le thème des traditions et de l'importance de la famille sans pour autant dénigrer l'importance d'avoir une passion et de s'y consacrer, car ce film c'est aussi une histoire d'amour sur la musique, aussi bien que sur l'importance de chérir la mémoire de nos ancêtre, d'aimer nos proches. Pour parler rapidement de nos protagonistes, ils sont réussis dans l'ensemble. Si Miguel n'est pas, pour moi, le plus inoubliable, il reste sympathique à suivre et à découvrir. C'est un jeune garçon plein de courage et de détermination, créatif et passionné de musique, mais aussi très attaché à sa famille. Hector, qui le guidera au travers du royaume des morts, s'est révélé être une figure très attachante et sympathique, et bien plus qu'un comic relief avec un vécu le rendant tragique et attachant. Je parlerais bien des autres personnages, mais ce serait spoiler le film.

L'histoire est intéressante dans l'ensemble et aborde des thèmes à la fois universels et personnels, plus matures, comme la mémoire, la transmission des valeurs, la mort, la généalogie, l'importance de nourrir sa passion et de tracer son propre chemin sans pour autant dénigrer ce qui est important. Il y a du rose dans cette odyssée mais aussi du gris, voire même du noir, même si j'ai fini par deviner certains plot twists [spoiler] Pour être honnête, je m'y attendais dès le départ qu'Ernesto ne serait pas tout blanc et cacherait une part plus sombre sous les paillettes et la célébrité ; puis c'est progressivement que j'ai fini par me rendre compte qu'en fait, l'ancêtre de Miguel n'est pas Ernesto comme on le croyait... mais Hector. Comme quoi, on croyait qu'Ernesto comme ancêtre de Miguel était le plot twist, mais en fait non ! [/spoiler], l'histoire ne manque pas de qualité, et ne s'adresse pas qu'aux plus jeunes mais à tous... En somme, une belle découverte !


Manolo (Book of Life / Légende de Manolo) et Miguel.
(Source)

lundi 27 novembre 2017

Le Mystère Sherlock - J.M. Erre.


Meiringen, Suisse. Les pompiers dégagent l’accès à l’hôtel Baker Street. Cet hôtel, charmant et isolé, a été coupé du monde pendant trois jours à cause d’une avalanche. Personne n’imagine que, derrière la porte close, se trouve un véritable tombeau. Alignés dans les frigidaires, reposent les cadavres de dix universitaires. Tous sont venus là, invités par l’éminent professeur Bobo, pour un colloque sur Sherlock Holmes. Un colloque un peu spécial puisque, à son issue, le professeur Bobo devait désigner le titulaire de la toute première chaire d’holmésologie de la Sorbonne. Le genre de poste pour lequel on serait prêt à tuer





Avec Le Mystère Sherlock, j’avais envie de retourner vers mes premiers amours, à savoir Sherlock Holmes et la littérature policière. Pour autant, je n’ai pas cherché à me renseigner davantage sur ce livre avant sa lecture, outre la quatrième de couverture donc je n'avais pas de grosses attentes en particulier.

Ce qui frappe en premier, c'est le ton qu'emprunte le roman : de l'humour, souvent noir, dès les premières lignes et jusqu'à la fin ; ce qui est plutôt original pour un roman policier qui se veut une parodie moqueuse de la littérature policière, mais surtout du phénomène Sherlock Holmes et ses fans. Le ton est donné dès le début :

En ce joli mois de mai, la neige était tombée dru, juste pour énerver le réchauffement climatique. Dans la vallée suisse de Meiringen, dame Nature avait revêtu son blanc manteau. Sur le voile immaculé, saupoudré çà et là de fleurettes hardies, des marmottons pelucheux batifolaient gaiement. Des mésanges nonnettes enrobaient la scène de pépiements sucrés, de violons et de hautbois [...] Tous les clichés étaient convoqués pour faire de cette scène un moment inoubliable de beauté, de pureté et de Walt Disney. Mais heureusement pour l'amateur de polar, friand de sang chaud et de frissons d'échine, tout ça ne dura pas...

Autre couverture proposée par Pocket
Il arrive de reprocher au roman beaucoup trop d'humour noir et de vannes pour un roman policier, ce qui fut mon cas, car l'humour a parfois retiré à l'intrigue criminelle son sérieux. Les crimes ne sont pas présentés de façon tragique ou dramatique, les personnages sont de véritables caricatures difficiles à prendre au sérieux, mais… le fait est que le roman n'est pas censé être pris au sérieux car c'est une œuvre parodique. Dans un sens, j'ai trouvé ça… un peu dommage. L'humour était parfois lourd, et n'avait pas sa place à certains moments, même si j'ai beaucoup apprécié certaines vannes ou phrases. Je pense cependant que le roman aurait pu gagner avec un peu plus de finesse, de subtilité, avec une intrigue policière qui se prenait un peu plus au sérieux, d'autant plus que la « morale de l'histoire » s'y prêtait [spoiler] à savoir, ne pas se laisser trop influencer par ce qu'on lit dans les romans policiers [/spoiler].

Si j'ai souhaité avoir pu lire une intrigue plus complexe et sérieuse, j'ai néanmoins été prise dans l'affaire : un huit clos, avec une panoplie de personnages grotesques coupés du monde pendant quatre jours et assassinés un à un, en se demandant qui sera le prochain, comment le coupable va procéder et qui est le coupable et son motif, tout en voyant les personnages commencer à perdre peu à peu la raison et se soupçonner les uns les autres. Ce n'est pas une intrigue policière qui cherche à être complexe, mais elle reste suffisamment intéressante et divertissante pour qu'on ait envie de découvrir le fin mot de l'histoire, et celui-ci est surprenant et original, tout comme le coupable en lui-même [spoiler] Le fait que les meurtres soient tous des accidents et qu'il n'y ait aucun coupable, sinon la littérature policière et notre manie de tout ramener au meurtre et vouloir faire comme dans les polars même si, à la toute fin, un personnage s'interroge et se demande si ce n'est pas le détective venu résoudre le crime qui a commis les meurtres [/spoiler]. Je ne pense pas, d'ailleurs, qu'on puisse parler de ce roman comme un roman policier car il n'en a pas vraiment la prétention, il n'y a aucune enquête à proprement parler, on ne fait que suivre ces quatre jours de psychose en même temps que les victimes grâce aux notes d'un des personnages. Ce roman s'accompagne également d'une réflexion sur le roman policier et sur l'appropriation de la figure de Sherlock Holmes, que j'ai trouvé intéressante et pertinente.

Quant à moi, je me fis la réflexion que plus j'entendais parler de Holmes et moins je le cernais. Chacun semblait projeter sur lui sa propre personnalité, ses propres désirs. Chacun se l'appropriait, se voyait comme le gardien jaloux de sa mémoire, et vivait douloureusement les prétentions des autres à la garde du bébé... C'était une passion qui les habitait, qui les grandissait, qui les faisait vivre.
Mais qui était aussi en train de les détruire.

Pour parler des personnages, je dirais qu'ils ne sont pas spécialement attachants. Pas détestables, mais pas attachants non plus ainsi leur mort n'attriste pas le ou la lecteur/rice. Tous allumés les uns que les autres, parfois méprisables, ils manquent de crédibilité et pour cause, ils incarnent tous (ou presque) un stéréotype, ainsi que le Holmésien extrême. Souvent ridicules et parfois lourds, on les suit et les découvre un à un, sans éprouver un quelconque attachement, mais là encore était-ce voulu par l'auteur, puisque son roman est une parodie ? J'admire cependant les idées loufoques concernant Sherlock Holmes auxquelles ils ont adhéré [spoiler] Arsène Lupin, fils de Sherlock Holmes ? Mrs Hudson, épouse et collègue dans le crime de Sherlock Holmes ? Sherlock Holmes, personnage ayant vraiment existé et ayant été filmé ? [/spoiler] J'ai également apprécié les petits post-it du professeur Bobo et les notes et réflexions de la journaliste Audrey (la moins allumée de tous).

Au final, les deux points noirs relevés concernant les personnages et l'humour ne sont pas si dérangeants et si je n'ai pas été convaincu au début de ma lecture, j'ai fini par me faire une meilleure opinion du roman sitôt passé les premières longueurs du début et que les meurtres ont commencé (ce qui est un peu inquiétant, lorsqu'on se dit qu'un roman devient plus intéressant une fois que les meurtres commencent), et j'ai fini par m'habituer au ton déjanté du roman et aux personnages, du moins pour certains. De plus, on peut sentir le travail de documentation de l'auteur concernant le canon holmésien et les nombreux pastiches qui ont suivi, et c'est un point appréciable !


- Vous n'avez jamais lu autre chose que Sherlock Holmes ou quoi ? lâcha Oscar d'un ton méprisant (...). L'intrigue de Dix Petits Nègres, c'est dix personnes bloquées sur une île, sans possibilité de s'échapper et qui sont assassinées une par une. Ça ne vous rappelle rien ?
- Maintenant que tu en parles..., souffla Dolorès.
- Tu penses qu'un fou nous a réuni ici pour nous tuer un à un, comme dans le roman ? dis-je. Tu crois que c'était prémédité ?
- Personne ne pouvait prévoir que l'hôtel serait bloqué par la neige ! répliqua Eva.
- Et si c'était une action terroriste des poirotphiles destinée à éradiquer les holmésiens ? lança tout à coup Perchois (...).
- Hercule Poirot n'apparaît pas dans Dix Petits Nègres, fit Oscar, d'un ton redevenu conciliant.
- Justement ! s'excita Perchois. C'est pour masquer leurs traces : le poirotphile est sournois !

mercredi 18 octobre 2017

Ça, tomes 1 et 2 - Stephen King.



Enfants, dans leur petite ville de Derry, Ben, Eddie, Richie et la petite bande du « Club des ratés », comme ils se désignaient, ont été confrontés à l’horreur absolue : ça, cette chose épouvantable, tapie dans les égouts et capable de déchiqueter vif un garçonnet de six ans… 
Vingt-sept ans plus tard, l’appel de l’un d’entre eux les réunit sur les lieux de leur enfance. Car l’horreur, de nouveau, se déchaîne, comme si elle devait de façon cyclique et régulière frapper la petite cité.


« Ils flottent, Georgie. ». Sans avoir vraiment lu le célèbre roman de Stephen King, je pense que cette phrase est devenue suffisamment culte avec les années pour l'associer au terrible clown décrit par le maître de l'horreur des années auparavant. Ça n'est pourtant pas le roman que j'aurais pensé lire un jour, pour la simple et bonne raison que l'horreur n'est pas une thématique qui m'attire dans la littérature. Cependant vous connaissez la chanson : il ne faut jamais dire jamais, ou encore : il y a une première fois à tout. Et, je l'avoue, j'ai été tentée de découvrir ce roman après avoir visionné le téléfilm de 1990 par curiosité. Alors, ça passe ou ça casse ? Nous allons voir ça tout de suite !

Mais d'abord, de quoi ça parle ?

D'un clown tueur qui terrorise des enfants.

Oui, mais pas que ! Notre aventure débute en 1957 à Derry, ville américaine tout à fait normale, exceptée le monstre qu'elle abrite. Car en effet, depuis des siècles, Derry est hantée par une étrange créature inconnue qui se terre dans les égouts. Un jour, un petit garçon nommé Georgie s'amuse sous la pluie avant de rencontrer la créature qui se présente à lui sous le nom de Grippe-Sou le clown. Une funeste rencontre puisque le clown en question s'attaque au pauvre Georgie qui y laissera la vie. Les mois passent suivant cette tragédie, les enfants de Derry disparaissent petit à petit. Les rescapés raconteront avoir fait une étrange rencontre avec une créature ayant revêtu la forme de leur plus grande peur. Parmi ces survivants, un groupe de sept amis auquel fait partie Bill Denbrough, le grand frère de Georgie. Afin de découvrir l'identité de la créature terrorisant les enfants de Derry et pour l'empêcher de nuire, les sept enfants décident d'affronter leurs peurs et leurs traumatismes d'enfance pour vaincre la créature qu'ils ont baptisé Ça


Stephen King, maître incontesté
de la fiction d'horreur.
Ça fut une lecture très satisfaisante et intéressante, avec un univers et une intrigue très riches. Donc, on peut dire que ça a passé chez moi, mais que ça m'a un peu fatigué. Car oui, Ça est un roman très long. On n'approche certes pas des romans de G.R.R. Martin, mais c'est un roman relativement long et donc, pas toujours évident à lire. Il faut de la patience et surtout beaucoup d'intérêt pour l'intrigue. Stephen King décrit avec beaucoup d'attention et de détails son univers, en passant par l'histoire de la ville des siècles même avant sa création, à la vie de personnages secondaires voire tertiaires, ajoutons à ça une alternance au niveau des chapitres puisque nous plongeons non pas dans une, mais dans deux époques différentes.

Car oui, l'intrigue du roman est divisée en deux périodes différentes et se poursuit de façon non linéaire entre ces deux époques. Ainsi, nous découvrons peu à peu les événements qui ont pris place pendant ces deux périodes presque en même temps, à l'inverse du téléfilm de 1990 et du premier volet de la nouvelle adaptation, sortie cette année, qui ont d'abord choisi de raconter l'enfance de nos héros et les premières rencontres avec Ça, puis de passer aux années d'adulte avec la confrontation finale avec le clown. En fait, si nous alternons entre ces deux périodes, c'est que nos personnages adultes essayent de reconstruire ce passé, épisode par épisode. Car oui, avant de vaincre une bonne fois pour toute le monstre, il est nécessaire de se remémorer le passé et de comprendre ce qu'il s'est passé la dernière fois qui a permis de mettre en déroute le clown.

Au centre de l'histoire, sept enfants, tous bizutés à l'école et connaissant presque tous une situation familiale difficile. Nous avons Eddie, un asthmatique ayant une mère ultra-protectrice ; Richie, le comique de service virant un peu sur l'impertinent ; Beverly, la seule fille du groupe ; Mike, un Afro-Américain victime du racisme local ; Ben, rondouillard féru de l'histoire de Derry, Stan, Juif passionné par les oiseaux, et enfin Bill, souffrant d'être bègue et de parents indifférents depuis la mort de Georgie. C'est lui qui dirige le groupe qui s'est auto-nommé le Club des Ratés car les autres enfants voient en lui un leader, et là où chaque garçon du groupe en pince un peu pour Beverly, tous vouent une admiration sans borne pour Bill. Ces sept personnages forment l'une des amitiés les plus touchantes et les plus soudées que j'aie eu l'occasion de lire jusqu'à présent. Une amitié d'une force incroyable. Lorsqu'ils sont ensemble, on sait qu'ils sont à leur juste place, et le roman nous le montre bien. Chacun est mis en valeur, et chacun a une force égale à leur traumatisme, et c'est un pur bonheur de lire sur eux.


Le Club des Ratés, par Rich Kelly.
Mais Ça, c'est aussi l'histoire d'un clown, et pas n'importe quel clown car là où n'importe quel clown normal se satisfait des rires d'un enfant, celui-là se satisfait et se nourrit de leurs peurs, car Ça est une créature très ancienne venant de très loin qui se cherche plus que tout à effrayer les enfants avant de les dévorer, la peur les rendant plus… appétissants. Ça est une créature qui se terre dans les égouts de la ville et qui hiberne pour se réveiller tous les 27 ans et commencer un cycle de terreur de plusieurs mois pour se nourrir avant d'hiberner à nouveau. Chaque réveil de Ça est accompagnée d'une catastrophe au sein de la ville : incendie, explosion, … car Ça est le cœur de Derry, l'un ne va pas sans l'autre. Elle influence Derry, si bien que [spoiler] lorsque Ça est définitivement détruit, la ville ne lui survit pas et s'écroule à son tour, obligeant les rescapés à fuir et vivre ailleurs. Les scènes où Derry se meurt sont d'ailleurs tout simplement incroyables, j'ai rarement lu des scènes aussi intenses ! [/spoiler]

À côté de nos héros et du clown psychopathe, nous avons quelques personnages secondaires et tertiaires : les parents des enfants, leur famille une fois adulte, d'autres enfants détestables et dérangés qui n'ont presque rien à envier au clown en terme de cruauté. Les habitants de Derry, enfants comme adultes, sont influencés parfois indirectement par Ça, donc du coup on a une bande de tordus, racistes, homophobes. Aussi, des adultes soit indifférents, soit qui n'ont aucune emprise sur les événements et laissent leurs enfants se faire tuer ou entre-tuer sans pouvoir faire quoique ce soit, comme s'ils n'étaient pas conscients de ce qui se déroule, comme si le clown les rendaient aveugles de ce qu'il se passe réellement.

Mais finalement, est-ce que ça fait peur ?

La réponse est oui, ça fait peur, l'ambiance est pesante et menaçante, nous sommes sur le qui vive car on s'attend à rencontrer le clown (ou les petites brutes de l'école) à tout moment et cette ambiance, cette anticipation, résonne avec la peur des enfants. Donc oui, on peut dire que ça fait peur car l'auteur ne lésine pas avec les scènes horrifiques, mais on peut dire aussi que ça met surtout mal à l'aise. Si Ça a son lot de scènes terrifiantes (on en survit, rassurez-vous ! Moi qui suis une grande froussarde, je n'ai pas été traumatisée), nous avons aussi des scènes plutôt malsaines, donc attention aux âmes sensibles car le roman contient de nombreuses évocations de pédophilie, une scène où un enfant torture et tue un animal, une scène de sexe infantile… qui m'ont fait reposer le livre à plusieurs reprises et où il est aisé de comprendre pourquoi les différentes adaptations de Ça ont choisi de ne pas adapter ces scènes sur l'écran.

Néanmoins ces scènes malsaines ne sont pas parsemées partout dans le roman, et le roman n'en demeure pas moins palpitant et plaisant à lire (aussi plaisant un roman sur un clown tueur d'enfants peut-il être). Ce roman cherche avant tout à nous faire entrer dans  l'horreur et le malaise de la ville de Derry, et il y parvient ! On s'imprègne totalement de Derry, son atmosphère, son histoire, ses habitants. Mais, n'ayez crainte, ce roman ne contient pas que scènes d'horreur et scènes malsaines, même s'il s'agit d'un roman d'horreur, car ce roman c'est aussi une histoire sur l'enfance, le courage et sur l'amitié et Stephen King décrit merveilleusement bien ces thèmes. Ses héros, enfants comme adultes, sont le cœur du roman et ils le portent magnifiquement bien et ce n'est pas que la force de leur imagination et de leur conviction qui aide nos personnages à survivre, c'est aussi les liens profonds qui les unissent.

En somme, une première rencontre avec King plutôt satisfaisante. Je suis prête à retenter l'expérience un jour avec un nouveau roman du maître de l'horreur !


*a wild Pennywise appears*



Peut-être que ces histoires de bons ou mauvais amis, cela n'existe pas; peut-être n'y a-t-il que des amis, un point c'est tout, c'est-à-dire des gens qui sont à vos côtés quand ça va mal et qui vous aident à ne pas vous sentir trop seul. Peut-être vaut-il toujours d'avoir peur pour eux, d'espérer pour eux, de vivre pour eux. Peut-être aussi vaut-il la peine de mourir pour eux, s'il faut en venir là. Bons amis, mauvais amis, non. Rien que des personnes avec lesquelles on a envie de se trouver; des personnes qui bâtissent leur demeure dans votre cœur.

jeudi 10 août 2017

Le crime du comte Neville - Amélie Nothomb.






« Ce qui est monstrueux n'est pas nécessairement indigne. »













Amélie Nothomb, c'est des romans aux quatrièmes de couvertures trop courtes ne résumant rien du roman, c'est des couvertures représentant l'auteure, c'est des romans avec des personnages complètement frappés aux prénoms originaux, ce sont des romans courts qui ne laissent pas indifférents, c'est la Belgique, c'est l'étrange, c'est la loufoquerie. Souvent bizarre, parfois dérangeant, soit on aime, soit on n'aime pas, mais ça ne laisse jamais indifférent. C'est tout le charme de l'auteure et ses romans, ce qui m'avait bien manqué !

 

Henri de Neville est un comte dont la richesse est en déclin. C'est avec déchirement qu'il songe à se séparer de son château familial. Si seulement c'était le cadet de ses soucis ! En allant rechercher sa fille, Sérieuse, qui a fugué et qui a été retrouvée par une voyante, cette dernière lui annonce qu'il assassinera l'un des invités à la dernière garden party qu'il va organiser. Refusant tout d'abord de croire à ces sornettes, l'idée commence bien vite à hanter le comte... S'il doit tuer quelqu'un, soit ! Mais qui et comment et pourquoi ? Préméditation ? Il serait renié par ses paires et sa famille sera méprisée. En revanche, le meurtre suite à un coup d'éclat... c'est bien plus attrayant et compréhensible, et lui permettra de marquer l'histoire !

 

J'ai pris un certain plaisir à suivre les déboires de ce pauvre comte de Neville qui, après avoir refusé de croire à la prédiction de la voyante, décide que quitte à devoir tuer un invité, autant choisir sa victime et le voir égrener sa liste en quête de la parfaite victime à assassiner, allant jusqu'à demander l'aide d'un de ses amis aristocrates pour en apprendre plus sur l'histoire des meurtres au sein de l'aristocratie pendant une réception. Peu à peu, on s'éloigne des projets rocambolesques d'assassinat alors qu'Henri se retrouve hanté par la vision de la voyante. Qui assassiner sans que cela ne nuise à ses principes et à sa famille ? Peut-il vraiment échapper à son destin ? Peu à peu, Henri déprime... l'histoire prend ensuite un tournant un peu plus étrange lorsque Sérieuse propose à son père [spoiler] de la tuer, elle, car elle souffre de sa dépression et de ne plus rien ressentir [/spoiler]

 

Si Henri est un personnage plutôt plaisant à suivre, j'ai été régulièrement déconcertée par Sérieuse, de par son étrange demande, sa persistance auprès de son père à accomplir ce qu'elle souhaite de lui, sans oublier le fait [spoiler] qu'elle prenne un certain plaisir à voir son père souffrir de l'ultimatum qu'elle lui pose, tout ceci amenant Henry à perdre la boule alors qu'il finit par craquer de rage et vouloir provoquer un infanticide, même lorsque Sérieuse change d'avis [/spoiler]. Toutefois, le suspense est bien maîtrisé et jusqu'au dernier moment, on attend de voir si la prédiction va se réaliser. Les dialogues sont toujours un délice, les répliques fussent. L'auteure joue sans cesse avec l'humour, les beaux mots et le drame.

 

Bien-sûr, qui dit Amélie Nothomb, dit réflexions parfois philosophiques, et cela ne loupe pas dans ce roman. Madame Nothomb nous parle des rêves de gloire et le paraître auxquels aspirent beaucoup de gens, mais nous dresse aussi le portrait d'une aristocratie soucieuse de (trop) plaire lorsqu'elle reçoit, à travers Henri avec le soin et le déploiement d'attentions qu'il met à recevoir. Recevoir, c'est une finesse, un art dans lequel Henri entend exceller. Il sait qu'il appartient à l'aristocratie et cela lui confère un rôle ainsi que des devoirs. Amélie Nothomb prend un malin plaisir à se moquer des us et coutumes d'une aristocratie belge décatie, à tourner en dérision les codes d'honneur d'une aristocratie qui est davantage dans le paraître et à qui cela ne dérange pas de voir un meurtre en son cercle, pourvu que cela soit bien fait. Elle évoque également les relations parents-enfants, les façons d'être manipulé, de se laisser convaincre ou pas, et du poids des traditions et des générations.



Sans que ce soit un coup de cœur, j'ai aimé retrouver l'univers fantasque et farfelu de notre dame au chapeau. Ses œuvres ont un certain charme, une loufoquerie que j'aime retrouver de temps en temps, surtout lorsque j'aspire à un moment de détente. Amélie Nothomb nous livre comme toujours un récit rapide et déroutant, qui s'avale d'une traite.



Mon cher Evrard, j’ai besoin de tes lumières. Y a-t-il un précédent en matière d’assassinat au cours d’une réception, dans notre milieu ?

Il y en a beaucoup. Je ne pourrais pas tous te les citer, mon cher Henri.

Détail qui a son importance : y a-t-il eu un cas où l’assassin était celui qui recevait ?

Bien-sûr. Le prince de Retors-Carosse a tué le duc de Moilanwez lors du cocktail qu’il offrait en l’honneur de la fête du roi, la baronne de Bernach a tué la vicomtesse de Lambertye pendant un bal de charité qu’elle donnait chez elle, etc. Là aussi, les cas abondent. Il est plus rare que l’invité tue l’hôte : c’est plus difficilement défendable. Alors que l’hôte qui tue l’invité, tout le monde peut le comprendre.

Tu veux dire qu’il n’y a pas eu de conséquences ?

Que vas-tu imaginer ? La justice a sévi, bien-sûr.

Je voulais parler de l’opinion. Comment notre monde a traité ces assassins ?

Notre monde a très bien compris et a continué de recevoir ces gens et leur famille.

Comment recevoir des personnes qui sont en prison ou sur l’échafaud ?

En leur envoyant des cartons d’invitation à leur nom.

(…) — Pourquoi ces questions, mon cher Henri ?

Comme tu le sais, je prépare la garden-party pour ce dimanche, et j’avais le projet de t’assassiner, mon cher Evrard.

Je te reconnais bien là. À dimanche, cher ami, je me réjouis de te revoir.

mercredi 2 août 2017

Enquête sur Sherlock Holmes - Bernard Oudin.

Sherlock Holmes, création du romancier britannique Arthur Conan Doyle, est à coup sûr un des personnages les plus célèbres de toute l'histoire. 

Mais, au-delà de son succès proprement littéraire, il existe un " phénomène " Holmes, vieux maintenant d'un siècle et qui ne donne aucun signe de déclin. Il a été le héros le plus souvent porté à l'écran et des dizaines d'écrivains ont voulu donner une suite à ses aventures. Mieux encore, dès la parution des premières œuvres, des milliers de gens ont cru à l'existence réelle du détective. 

Aujourd'hui encore, du courrier arrive à son domicile supposé de Baker Street. Plusieurs centaines de clubs holmésiens dans le monde, jusqu'en Amérique et au Japon, perpétuent son culte. Bernard Oudin, spécialiste de Sherlock Holmes, démêle les fils de cet étonnant sortilège qui a amené un personnage de fiction aux frontières de la réalité et du fantasme.


Il est le plus célèbre de tous les détectives, l’incarnation même de l’Angleterre victorienne. Personnage british jusqu’au bouts des ongles, sa renommée est pourtant universelle. La légende le dépeint comme toujours affublé d’un deerstalker et d’une pipe recourbée, toujours accompagné de son ami, le Dr Watson. Vous me situez ? Je parle bien-sûr de Sherlock Holmes.


Ce court ouvrage se présente comme une étude sur le célèbre personnage ainsi que son créateur, afin d’en apprendre plus sur l’auteur, la naissance du personnage, le début de sa renommée et le culte holmésien à travers le monde.


La première partie se penche sur l’auteur, Sir Arthur Conan Doyle, ainsi que les débuts de Sherlock Holmes. Second fils d’une nombreuse fratrie d’origine irlandaise mais ayant grandi en Écosse, Conan Doyle est un colosse de 1,90 m, sportif, dynamique et aventureux. Il s’est consacré à ses études de médecine et a ouvert son propre cabinet, après avoir passé sept mois dans les mers arctiques à bord d’un baleinier comme chirurgien de bord (le premier d’une longue liste de voyages). Il est également féru de spiritisme et l’un des premiers à avoir pratiqué le ski en Suisse, était contemporain de célèbres personnalités comme Harry Houdini, Oscar Wilde ou encore Bram Stoker. Sa rencontre avec le professeur Joseph Bell, reconnu pour ses fabuleuses qualités de déduction, a marqué un tournant dans sa vie car il n’est ni plus ni moins que l’inspirateur de Sherlock Holmes.


Sherlock Holmes est apparu pour la première fois le 6 janvier 1887 (les fans ont ainsi retenu la date du 6 janvier pour l’anniversaire du détective) dans le roman Une étude en rouge (A Study in Scarlet). Pourtant, contrairement à ce que l’on pourrait penser, le roman est passé quasiment inaperçu, refusé par de nombreuses maisons d’éditions, du moins en Angleterre. Les Américains furent les premiers à comprendre l’intérêt du personnage et à s’en passionner. C’est cet intérêt outre-Atlantique qui a permis la naissance d’un second roman, Le Signe des Quatre. Ce n’est pas encore tout à fait espérer… jusqu’à la décision de Doyle de privilégier le format des nouvelles pour les aventures de son détective et de les publier dans le Strand Magazine, accompagnées des illustrations de Sidney Paget qui a immortalisé le personnage!


Sidney Paget est connu pour ses nombreuses illustrations de Sherlock Holmes.
Il aura au total produit pas moins de 356 dessins !



C’est enfin le succès pour ce médecin obscur et pauvre qui devient un écrivain riche et célèbre et pourtant ! Les rapports entre le créateur et la création furent bien orageux, ce que nous développe l’auteur dans sa seconde partie.


Sherlock Holmes est devenu un succès national, et même mondial, cela a atteint de telles proportions que Conan Doyle est dépassé et n’arrive pas à gérer cette célébrité. Il faut dire que nombreux furent les fans à être persuadés de l’existence de Sherlock Holmes, au point de lui écrire pour lui demander de résoudre leurs problèmes ou pour proposer leurs services. Conan Doyle reçoit du courrier des quatre coins du monde, toutes au nom de Sherlock Holmes, est l’objet de nombreuses plaisanteries, son quotidien est profondément perturbé. Bref, Conan Doyle fait une overdose holmésienne et a développé un certain mépris pour sa création, d’autant plus qu’elle l’empêche de se consacrer à l’écriture d’ouvrages qu’il estime plus nobles, comme le roman historique.


Conan Doyle prend alors une décision radicale : il décide de tuer son personnage. Pour cela, il choisit de lui donner une mort noble en le confrontant à une Némésis à sa hauteur, digne de lui, le professeur Moriarty. Comble de l’ironie, en voulant se débarrasser de Sherlock Holmes, il n’a fait que le conforter. Nombreux sont les fans à porter le deuil du personnage. Conan Doyle reçoit des lettres d’insultes ou de supplications, venant même de sa propre famille. Il résiste de longues années à ses admirateurs et ses éditeurs avant de finalement consentir à ressusciter son héro à la condition d’être bien payé. A ceux qui sont chagrinés de savoir une telle animosité de l’auteur envers son personnage, rassurez-vous. Il semble avoir fait la paix avec Sherlock Holmes dans ses dernières années, le considérant comme un « bon ami à bien des égards ». Il aura au final produit 56 nouvelles et 4 romans que composent ce qu’on appelle le Canon Holmésien.


La troisième partie est consacrée à la riche, riche, riche descendance de Sherlock Holmes à travers les nombreux pastiches, détournements (Herlock Sholmes, une version bien moins sympathique du détective, confronté à Arsène Lupin) et adaptations sur écran comme sur scène qui ont commencé dès le vivant de Conan Doyle. Nombreux furent les acteurs à incarner le détective, mais je retiendrai principalement William Gillette, qui incarna Sherlock Holmes plus de 1 300 fois sur scène et une fois au cinéma, il fut également celui qui suggéra l’utilisation de la pipe recourbée que l’on attribue à Holmes, car elle lui permettait de mieux parler ; Basil Rathbone, autre acteur iconique pour le personnage, le meilleur des Holmes pour la plupart (même si l’adaptation de Watson laisse franchement à désirer) ; ou encore Jeremy Brett qui est pour moi ainsi que de nombreux fans est l’acteur idéal, qui colle parfaitement au personnage et la série Granada dans laquelle il a joué a su reprendre le plus fidèlement possible le canon et rendre justice à la relation Holmes/Watson. A noter que cet ouvrage n'étant pas récent, il ne parle pas des adaptations de Robert Downey Junior et de la BBC qui offre une version plus moderne du personnage.



Nombreux furent les acteurs à endosser le rôle du détective. Parmi eux : William Gillette,
Basil Rathbones, Peter Cushing, Jeremy Brett, Robert Downey Junior et Benedict Cumberbatch

Enfin, la quatrième partie se consacre au monde des holmésiens, comment les fans à travers le monde le culte holmésien ou encore la sherlockholmesmania. La première association holmésienne naît à New York en 1934, The Baker Street Irregulars. De nombreux cercles de fans réunissent des gens de tous âges, professions et milieux sociaux, produisant de nombreuses réunions périodiques, projections, conférences, murder parties, jeux de rôles, réunions en costumes d’époque, visites dans les lieux emblématiques du canon ou encore des réunions pour débattre du canon (par exemple, combien de fois Watson s’est-il marié, quelle maison de Baker Street est le 221b, quels personnages historiques se cachent dans les histoires de Doyle, où et quand sont nés nos personnages, où ont-ils fait leurs études, etc).


On termine enfin sur une liste de documents, principalement un glossaire, un petit guide du tourisme holmésien, et la bibliographie d’Arthur Conan Doyle. C’est un ouvrage court mais qui est très instructif sur l’univers de Sherlock Holmes, même si cela n’apportera rien d’inédit aux fans qui s’y connaissent bien mais ça reste un petit ouvrage sympathique avec ce qu’il faut en information – sans nous perdre dans les détails – et en anecdotes, le tout agrémenté de nombreuses illustrations, photographies, gravures et peintures. On apprend ainsi que Sherlock Holmes n’a jamais dit « Élémentaire, mon cher Watson » dans les livres, et qu’il n’était jamais affublé d’un deerstalker dans les livres mais que c’est l’illustrateur, Sidney Paget, qui le dessina ainsi. On apprend également que Scotland Yard n’a pas tenu rigueur au fait que, dans le canon, ses policiers n’aient jamais été mis en valeur, puisqu’ils ont nommé leur ordinateur de recherche « Home Office Large Major Enquiry System », dont les initiales donnent tout simplement le nom... Holmes ! 


Conan Doyle a souvent évoqué ce qu’il devait à son professeur Joseph Bell (1837-1911), dont les facultés déductives étonnaient ses élèves. Il raconte dans ses mémoires une anecdote significative. En présence d’un inconnu venu le consulter, le docteur Bell affirme que cet homme avait servi dans l’armée dont il avait été libéré depuis peu. Pourquoi ? Parce que, quoique très poli, il n’avait pas ôté son chapeau. Or, on ne se découvre pas dans l’armée. Mais s’il avait été libéré depuis longtemps, il se serait conformé aux usages civils. Conan Doyle ajoute « A tous les Watson qui formaient son auditoire, ce qui avait semblé miraculeux devenait tout de suite assez simple. Il n’est pas étonnant que, pour avoir vu de près un pareil homme, j’aie utilisé son système quand j’ai essayé de créer un détective scientifique qui résout les problèmes par ses propres moyens. ». En 1892, il dédie à Joseph Bell le recueil des Aventures de Sherlock Holmes.

dimanche 23 juillet 2017

L'Aiguille Creuse - Maurice Leblanc.


Lors d'un cambriolage au château de Gesvres, la nièce du comte, Raymonde de Saint-Véran, tire sur un inconnu qui, bizarrement, ne laisse aucune trace. Peu après, la jeune fille est enlevée puis découverte inanimée auprès du corps d'Arsène Lupin. Il est donc mort ? 
C'est ce que croit la police, mais pas le jeune Isidore Beautrelet, détective amateur de génie, qui se met en tête d'enquêter.  
Comme par hasard, un document ancien d'une valeur inestimable - le secret de l'Aiguille creuse, connu des seuls rois de France - disparaît au même moment...




Je poursuis ma découverte d'Arsène Lupin avec ce roman, qui se révèle plus ambitieux que les deux précédentes aventures avec Herlock Sholmès. D'une part, nous avons affaire à un roman et non des nouvelles comme ce fut le cas auparavant ; de l'autre, c'est une véritable aventure qui s'offre à nous et qui nous fait voyager à Ambrumésy, Etretat et d'autres villes françaises, pour mon plus grand plaisir !

Dans cet épisode, Arsène Lupin organise un cambriolage pour récupérer des peintures mais il se fait tirer dessus alors que le méfait est découvert. Malgré sa blessure, personne ne parvient à retrouver sa trace et malgré le vol, personne ne parvient à dire ce qui a été dérobé ! C'est là qu'Isidore Beautrelet, un étudiant sans expérience mais intelligent, intervient. S'intéressant de près à l'affaire, il parvient à découvrir comment Lupin a réussi à s'enfuir et quels objets ont été volés ! Si les personnages ont d'abord du mal à croire ce jeune homme, ils placent en lui tous leurs espoirs alors que, dans un temps d'incertitude, Isidore parvient à répondre aux questions qui se posent et se révèle efficace dans cette affaire... Trop, même, aux yeux des complices de Lupin, dans la déroute alors que leur patron est ressorti blessé du cambriolage au château, qui menacent Isidore si celui-ci continue de parler ! Isidore refuse... et s'engage alors un combat entre ce jeune lycéen et le grand voleur qui va, progressivement et contre toute-attente, se transformer en chasse au trésor ! En effet, une étrange affaire autour d'une aiguille creuse surgit et laisse entendre qu'elle entrepose le trésor que les rois de France se sont transmis au cours de l'Histoire... Un trésor que l'on dit que Lupin cherche à s'approprier... de même que ses adversaires qui cherchent à le devancer, ainsi que l'Etat qui entend profiter de ce trésor.


Le petit (enfin, pas si petit) Isidore
Beautrelet dans la célèbre adaptation
télévisée. Regardez-moi cette bouille d'ange !
Avant de parler de l'intrigue, j'aimerais avant tout parler du personnage que nous introduit le roman : Isidore Beautrelet, et sans conteste mon personnage préféré du roman, et sans doute de la série Arsène Lupin. Jeune lycéen en rhétorique et féru de romans policiers, il se révèle être un détective amateur fort efficace. Extrêmement malin, c'est également un jeune homme sensible, enfantin (mais plus dans un sens naïf, à l'inverse de Lupin qui, s'il est parfois enfantin, l'est plus dans le sens où il est joueur et insouciant), un peu maladroit, qui se laisse parfois vite submergé mais il reste un personnage terriblement attachant, et humain. Isidore parvient assez rapidement à cerner des éléments de l'affaire là où la police piétine, et si c'est  Lupin qui a gagné la partie (comme il fallait s'en douter), Isidore a quand même eu le mérite d'avoir mis le cambrioleur en déroute plus d'une fois ! Outre son intelligence, il se révèle être un personnage attachant et amusant : il ne veut pas de publicité autour de lui car il ne veut pas faire de peine à son père, lorsqu'on lui demande pourquoi il ne s'acharne pas à capturer Lupin, il répond qu'il a tout de même des examens à passer, ou lorsqu'il reçoit une lettre de menace des complices de Lupin, tout ce qu'il trouve à dire est « Quel style ! on voit bien que ce n’est pas Lupin qui tient la plume. »  où, après s'être fait passer pour un journaliste pour avoir des détails sur l'enquête et s'être fait démasquer, il avoue son méfait sans se départir de son enthousiasme. Bless him ]. Oui, j'ai eu beaucoup d'affection pour ce personnage et malgré sa défaite, j'ai apprécié le fait qu'il ne devienne pas aigri (pas comme un certain détective anglais caricaturé à l'extrême...), et s'attache à Lupin, succombe à son charme, sa personnalité et que Lupin lui-même s'attache à lui et décide de lui révéler son but à la fin.

On m'a confié que le petit Isidore n'apparaissait que dans ce roman... Ce que je déplore, car il m'a beaucoup plu ce garçon. Cependant, on m'a révélé quelque chose d'intéressant : Gaston Leroux (auteur du "Fantôme de l'Opéra" ainsi que d'autres romans) se serait inspiré du personnage pour créer son personnage détective de Rouletabille, héros de nombreux romans policiers dont le Mystère de la Chambre Jaune ; du coup, je me sens tout à fait capable de lire ses aventures, tant j'ai adoré le personnage d'Isidore. J'ai tellement d'affection pour ce personnage, que j'avais envie qu'il l'emporte contre Lupin ! Mais Leblanc adorant son héros, il en était hors de question. Qu'importe, Isidore est l'un des points forts de ce roman, et s'il a perdu face à Lupin, il a fait un meilleur adversaire que ne le fut Herlock Sholmès, ou encore Ganimard. Mais là où Sholmès était ridiculisé, caricaturé, Isidore est pris au sérieux par l'auteur... et par Lupin, qui voit en lui une menace.

Un autre point que j'ai beaucoup apprécié au cours du roman, et qui me fait en partie regretter qu'Isidore n'apparaisse pas dans d'autres aventures, c'est la relation entre Isidore et Lupin. L'un est une menace pour l'autre qui est pris en chasse, cependant on comprend progressivement qu'Isidore éprouve du respect, de l'admiration et de l'attachement pour Lupin et que notre voleur lui-même avouera ressentir de l'affection et de l'admiration pour ce jeune homme brillant, et [spoiler] on le voit à la fin, il ne le traite plus comme un ennemi [/spoiler], nous n'avons pas affaire à une histoire en noir et blanc, il y a du respect et de l'attachement entre les deux personnages, et nous avons quelques passages qui le montrent bien :

A la manière dont Lupin lui étreignit le bras, Beautrelet sentit que toute résistance était inutile. Et puis, pourquoi résister ? N'avait-il pas le droit de s'abandonner à la sympathie irrésistible que, malgré tout, cet homme lui inspirait ?

Car malgré tout, comment ne pas résister à Lupin ? Il reste le cambrioleur futé et intelligent que nous avons rencontré dans les deux premiers livres de ses aventures. Sa gaieté, son insouciance, sa joie de vivre, sa gaminerie, son intelligence, comment il sait tirer les ficelles... Il est aussi futé que drôle. J'ai notamment adoré ce moment vers la fin où [spoiler] il se lance dans un grand discours grandiose devant Isidore mais qu'il est interrompu par l'inspecteur Ganimard, qui tambourine derrière la porte, et que Lupin s’agace en disant que, décidément, il ne comprenait pas l'importance historique du moment ! [/spoiler]. Malgré ceci, ce roman est plutôt sombre par rapport aux précédents (sans aller dans les détails, nous avons un Lupin bien malmené qui révèle une face sombre, et quelques scènes dramatiques qui surprendront plus d'un !), avec une trame complexe où Lupin se fait un plaisir de brouiller les pistes en changeant d'aspect, de nom, ou de stratégie, en menant ses ennemis sur de multiples fausses pistes. L'intrigue est bien orchestrée, et elle est riche en rebondissements, jusqu'aux dernières lignes ! La plume de l'auteur reste fluide et agréable, et le sujet travaillé. Maurice Leblanc nous fait voyager à travers la France, et c'est un véritable plaisir, d'autant plus qu'il a très bien su décrire les lieux, et surtout la campagne française.

On peut noter, dans cette aventure, l'importance des paysages de
Normandie, région bien connue de l'auteur, et notamment les falaises
d'Etretat, qui auront été rendues célèbres grâce au roman !

J'ai beaucoup apprécié la tournure de l'intrigue. D'enquête criminelle, on passe à véritable chasse au trésor avec l’énigme de l'Aiguille creuse dans laquelle continuent de s'affronter nos deux héros, ce qui lui donne une autre profondeur. Maurice Leblanc manie bien sa plume, et a su nous monter une énigme prenante, qui mélange histoire avec Histoire. Il utilise sa plume pour nous tromper et nous questionner sur ce qu'est cette aiguille et où elle se trouve, et Arsène Lupin s'en donne à cœur joie dans cette aventure ! Entre déguisements, tours de passe-passe, sans oublier de faire son charmeur, bien que le premier chapitre nous fait semer des doutes sur Lupin, et sur ce qu'il s'est réellement passé lors du cambriolage.

J'ai beaucoup apprécié ce roman ! L'enquête est complexe et intéressante, d'autant plus que Leblanc a donné un véritable adversaire à Lupin, et qu'il n'a pas, cette fois-ci, hésité à mettre son héros en difficulté, et à nous le montrer sous un jour plus complexe, plus violent, plus imprévisible que les tomes précédents.

"Mon cher Beautrelet, j'ai ordre de vous recommander, à propos de cette affaire, la discrétion la plus absolue.- Ordre de qui ? fit Beautrelet plaisantant. Du préfet de la police ?- Plus haut.- Le président du Conseil ?- Plus haut.- Bigre !"Ganimard baissa la voix."Beautrelet, j'arrive de l'Elysée. On considère cette affaire comme un secret d'Etat, d'une extrême gravité." 

Chapitre IX. Sésame, ouvre-toi !


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