dimanche 28 mai 2017

Fräulein France / Mademoiselle France - Romain Sardou.


Septembre 1940. L’offensive allemande éclair débute par une action magistrale en Belgique : la prise du fort d’Eben-Emael.

L’Occupation commence. À Paris, les Allemands profitent des plaisirs de l’existence. Les bordels ont rouvert. Dans l’un d’entre eux, l’arrivée d’une nouvelle pensionnaire fait sensation : Mademoiselle France est non seulement belle à tomber, mais elle est aussi exigeante. Elle et elle seule décide quels hommes peuvent jouir de ses faveurs. Que cache-t-elle derrière son apparente froideur ? Rien de ce qu’elle fait ou dit n’est laissé au hasard, car le dessein qu’elle s’est fixé occupe toutes ses pensées.

Dans un Paris aux mains de l’occupant, elle pénètre bientôt les plus hautes sphères de la société et côtoie ce que la collaboration fait de pire. Le secret qu’elle cache pourrait en surprendre plus d’un… La France de Vichy n’est pas née de l’invasion allemande, elle couvait depuis longtemps et a trouvé dans les événements tragiques de la guerre le terreau pour s’épanouir.



Ma tentative pour me remettre dans le bain avec la lecture fut avec ce livre. Au départ, je croyais découvrir Romain Sardou avec les deux tomes de sa série Notre Père, qui m'attendent sagement dans ma bibliothèque, mais ce roman a tapé dans l’œil de l'ancienne étudiante en histoire que je suis.

Je ne résumerai pas le livre, la quatrième de couverture l'a très bien fait à ma place, je me contenterai donc de passer directement à la critique.

Fräulein France s'est révélé être un roman plaisant, avec une histoire suffisamment plaisante et intéressante pour que les pages se tournent avec facilité et pour qu'on soit rapidement entraîné dans l'histoire, malgré un début qui peut rebuter certains puisque l'histoire débute avec des combats militaires visant à la prise du fort d'Eben-Emael en Belgique. J'ai eu un peu de mal à entrer dans l'histoire au départ. Ces quelques pages vacillent entre faits d'armes et tactiques militaires peuvent effrayer, voire rebuter certains. Cependant, les grands combats de la Seconde Guerre mondiale ne seront plus, après, évoqués de façon aussi détaillée mais inclus dans la narration pour marquer le passage du temps à travers le roman, car c'est l'histoire de la jeune France qui nous intéresse, et sur qui repose l'intrigue.

Parlons d'ailleurs de l'intrigue ! L'histoire est assez prenante pour qu'on ait envie de découvrir la suite, et j'ai d'ailleurs fini ce roman assez rapidement. Je pense cependant que le roman aurait beaucoup eu à gagner si l'histoire avait plus été en profondeur, et notamment au niveau de la psychologie des personnages principaux et notamment nos deux « tourtereaux », France et Grimm, qu'il y ait davantage de dilemmes, de passion, … Et attention mes bons, parce qu'à partir d'ici ça va spoiler :

SPOILER ON

D'un côté, il aurait été intéressant que l'auteur maintienne le mystère autour de France jusqu'au bout, en nous donnant juste quelques indices pour nous faire nous poser des questions sur qui est la vraie France, ses réelles motivations, son passé, et pour avoir été ainsi aussi surpris que Friedrich Grimm le jour où France s'est dévoilée à lui. Nous faire nous poser des questions sur qui est la vraie France, celle qui est amoureuse de son soldat allemand, ou celle qui semble avoir une autre motivation cachée, un passé sombre. Seulement voilà, on apprend trop vite une partie du but de France et ses origines.

De l'autre, même si nous avons appris l'objectif de France et ses raisons d'agir ainsi au milieu du roman (grosso modo), c'était une bonne opportunité de commencer à bien saisir ce personnage énigmatique. Je pense cependant qu'il aurait été intéressant de jouer sur cette « double personnalité », entre la vraie France qui cache sa vraie facette et ses motivations, celle qui a juré de venger sa famille quitte à mener plusieurs sacrifices, faire des choses qui la répugnent (coucher avec des soldats allemands, se rapprocher de Grimm, le rendre fou d'elle, fonder une famille avec lui, etc), et ce personnage qu'elle joue pour mieux mener à bien son objectif, à savoir France, la jolie prostituée qui ne couche qu'avec le gratin de l'armée allemande et des Aryens de surcroît, et la jeune femme qui tombe amoureuse de Grimm. Il aurait été intéressant de pouvoir se plonger psychologiquement sur ce personnage. Ses ressentis, ses convictions concernant l'Allemagne et la guerre, voir son obsession pour France devenir de plus en plus de l'amour, son désarroi alors que tout s'écroule autour de lui et qu'il pense que France est sa seule alliée.

De même, il aurait été intéressant de voir se construire la relation entre France et Grimm. Nous les voyons certes se rapprocher, Grimm devenir obsédé par elle mais j'ai eu l'impression que nous voyions la relation se développer... de loin. Que l'auteur nous raconte que Grimm est obsédé puis amoureux de France, de là à la voir comme son support, mais je n'ai pas ressenti cela au cours du roman ou alors pas aussi "profondément".

SPOILER OFF

Outre ces détails, j'ai apprécié retrouver l'ambiance de la Seconde Guerre mondiale, d'autant plus qu'il était intéressant de découvrir le côté, le point de vue de l'occupant nazi et de ceux qui ont volontairement coopéré, de découvrir leurs motivations d'agir de manière conciliante avec l'ennemi, les avantages qu'ils en tirent. Ce fut d'autant plus intéressant de découvrir la France sous Vichy et sous l'occupant nazi par l'intermédiaire des maisons closes et des fêtes et banquets que les Nazis fréquentent. C'est un aspect plutôt inédit de cette page de l'Histoire, qu'il fut intéressant de découvrir, d'autant plus que certains sympathisants des Allemands ne sont pas forcément écrits de façon manichéennes, ils nous paraissent même plutôt sympathiques, montrant ainsi par ces nuances que certaines personnes qui ont choisi de sympathiser avec l'occupant l'ont fait car elles pensaient avoir trouvé un moyen de protéger leur famille ou tout simplement parce que résister n'est pas toujours chose facile ou innée. On ne découvre pas une France en blanc et noir, entre les méchants collaborateurs et les courageux résistants, mais une population qui se débrouille comme elle peut pour survivre... même si on retrouve bel et bien des Résistants prêts à donner du fil à retordre à l'ennemi et des collaborateurs détestables ! Car on retrouve des personnages tourmentés par le destin, la guerre, l'occupation et ses conséquences.

Ensuite, malgré les reproches que j'ai pu faire sur le manque de profondeur des personnages, j'ai trouvé que France était un personnage plutôt intéressant à suivre. On ne sait que très peu de choses sur elle pendant une bonne partie du roman. On questionne sa véritable personnalité, ses motivations, qui elle est réellement. Elle étonne par sa dignité et son courage d'être exigeante alors qu'elle n'est qu'une prostituée, pourtant elle montre qu'elle est intelligente et qu'elle n'a pas froid aux yeux. Et malgré le fait qu'on commence à découvrir à partir du milieu du roman ses motivations, le tout ne nous est révélé qu'à la fin, et tout se tient. Si je n'ai pas réussi à avoir d'attaches avec ce personnage, je reconnais que France est une femme extrêmement forte, courageuse et intelligente, qui est prête à tout et qu'on ne peut rester insensible à ce personnage, tant au niveau de ses motivations, le poids lourd qu'elle porte que la psychologie du personnage.

En résumé, j'ai trouvé que Fräulein France était un roman plaisant à suivre et intéressant, assez pour que les pages se tournent avec facilité et rapidité. L'auteur explicite précisément et clairement son intrigues ainsi que ses causes et ses conséquences. C'est bien bâti, avec rigueur et intelligence. Le personnage de France en lui-même est intéressant. Je regrette toutefois le style presque détaché, neutre de l'auteur. Il y a un manque d'émotion dans la narration qui m'a gêné. J'aurais aimé être plongée au cœur des sentiments et des réflexions de nos personnages principaux, et aussi que le mystère autour de France ne soit pas dévoilé (du moins une partie) tout de suite mais entretenir le mystère jusqu'à la fin, histoire que personnage, tout comme Grimm, ne l'ait pas vu venir. Au final, on reste assez en retrait des personnages. Cela dit, l'auteur nous peint une fresque intéressante pendant la France occupée par les Allemands, sa manière de nous montrer qu'il n'y a aucune personne qui soit infiniment bon ou mauvais, car tout est très nuancé. Je salue enfin le travail de recherche de l'auteur effectué pour ce roman, nous permettant ainsi une immersion correcte dans cette période de notre histoire !


Youhou, j'ai enfin réussi à écrire et terminer un billet après tout ce temps \o/

Ce billet est une participation au :