vendredi 20 décembre 2024

Vous reprendrez bien un peu de magie pour Noël ? - Carène Ponte.


Victoria Delmas, trente-cinq ans, dirige d'une main de fer son agence de publicité. Dans son quotidien réglé comme une horloge, aucune place n'est laissée à l'improvisation, et encore moins aux relations humaines qu'elle considère comme une perte de temps pure et simple.

Jusqu'à un matin de décembre où sa vie bascule. Renversée par un bus, Victoria sombre dans le coma et atterrit dans un... centre de réhabilitation de Noël ! Cette mystérieuse organisation lui propose un marché : pour se voir accorder une seconde chance, elle devra se racheter auprès d'une personne qu'elle a fait souffrir par le passé, et ce avant le 26 décembre, minuit.

Une mission qui risque de lui donner du fil à retordre. Car si Victoria excelle dans son métier, nouer des liens avec ses semblables n'est pas son fort.

Mais s'il y a bien un moment de l'année où l'on peut espérer un miracle, c'est à Noël !


Après Embarquements immédiats pour Noël que j’avais beaucoup aimé, je me suis laissée tenter par un autre roman de Noël de l’auteure avec ce titre qui me paraissait bien prometteur.


Nous suivons deux femmes très différentes. Nous avons Victoria, une femme d’affaire ambitieuse qui ne vit que par et pour son travail, et qui doit être allergique au code du travail et à toute forme de divertissement. Elle tient d’une main de fer son entreprise et ne laisse aucune place dans son agenda pour les plaisirs, les loisirs ou l’amour. Puis, nous avons Dakota, orpheline qui vit avec sa grand-mère, et qui anime une émission de radio. C’est une jeune femme au grand cœur, tournée vers les autres, qui prend grand soin de sa grand-mère avec qui elle fait de nombreuses activités, et qui en pince pour un de ses auditeurs.


De façon paradoxale, j’ai préféré suivre Victoria que Dakota. En tant que personnage, j’ai trouvé que Victoria avait plus de peps et de saveur, et elle est assez amusante. Même si, avouons-le, avoir une cheffe comme elle serait un véritable cauchemar et on remercie le ciel qu’elle ne soit qu’un personnage fictif. J’espère en mon fort intérieure que l’auteure a bien poussé l’exagération même si je pense qu’il existe malheureusement des patrons comme ça.


Victoria tient vraiment d’une main de fer son agence de pub, et ne laisse aucune place au sentimentalisme, au lâcher-prise et à la convivialité. Elle interdit à ses employés de mettre des objets personnels sur leur bureau comme des photos de famille ou de leur animal de compagnie. Fêter Noël au bureau à travers un repas ou une réunion ? Il faudra lui passer sur le corps ! Un employé a de la fièvre et souhaite se reposer chez lui ? Qu’il prenne un paracétamol et vienne bosser ! D’ailleurs, si ça ne tenait qu’à elle, elle interdirait les fenêtres dans les bureaux de ses employés, car ils seraient tentés de regarder par la fenêtre et cela les distrairait, et ça nuirait à la productivité ! Elle n’écoute que des podcasts sur la réussite professionnelle. Travail, productivité, rentabilité, voilà tout ce qui compte pour Victoria, qui doit très certainement avoir un compte LinkedIn et détester devoir dormir la nuit car cela fait des heures de travail en moins.


Bref, l’auteure fait tout pour nous la rendre détestable, mais elle est drôle par ces aspects (en tant que personnage j’entends, si elle existait vraiment, ce serait un cauchemar de patronne !)


Dakota est… sympathique, sans plus. Je m’attendais tout de même à ce que les deux jeunes femmes se lient davantage, car si Victoria tisse vraiment un lien avec quelqu’un, c’est avec son frère Austin qui ne la laisse pas indifférente, mais surtout Antoinette, dite « Mounette », la grand-mère de Dakota. Cela dit, on peut comprendre pourquoi. Mounette est hilarante, pétillante, même si elle commence à souffrir de troubles de la mémoire. C’est une bulle d’air frais et de bonne humeur, cette petite dame. On gagnerait tous à avoir une Mounette dans sa vie ! J’ai beaucoup aimé les interactions entre Victoria et Mounette, deux forces de la nature qui se rencontrent, pour former des étincelles. Là où Mounette ne jure que par des marathons de films Sissi pour Noël (la base), Victoria, elle, préfère encore Les Gremlins comme film de Noël.


C’est un roman de Noël divertissant qui fait passer le temps, il y a des répliques piquantes, des situations savoureuses. Sous couvert d’humour et de légèreté, l’auteure évoque des thèmes comme la solitude, la vieillesse, la réussite sociale, l’empathie. C’était intéressant de voir le développement de personnage de Victoria, dont on apprend qu’elle n’a pas toujours été ainsi mais qu’elle a été conditionnée par un père qui ne jure que par la réussite professionnelle et le travail, et qui l’a éduqué dans ce sens, en bannissant toute forme de divertissement.


Cela dit, je trouve à ce roman moins de saveur que Embarquements immédiats pour Noël que j’avais adoré. Je l’ai trouvé avec moins de mordant et de piquant que d’habitude avec des personnages un peu plus lisses, mais aussi une fin trop brutale à mon goût. La conclusion aurait mérité un peu plus de développement. En résumé, un bon petit roman de Noël qui ne me laissera pas un souvenir mémorable.


- Allons-y ! Et on les mangera devant Sissi !

- Tu veux encore regarder ce film ? me lamenté-je aussitôt.

- C’est une tradition de Noël ! Chaque année, juste avant de décorer le sapin, on regarde Sissi. Une tradition est une tradition, pas question d’y déroger.

- Tu aurais dû proposer ça à Lucienne hier soir.

- Pour qu’elle gâche tout ? Certainement pas ! Si tu veux mon avis, elle est encore pire que l’archiduchesse Sophie. C’est la belle-mère de Sissi, mais avec des hémorroïdes en plus !

dimanche 15 décembre 2024

Le Voleur de Noël - Isabelle Lesteplume.

Et si vous passiez les fêtes avec les personnes les plus fortunées de la planète?

Shadow, gentleman cambrioleur hors pair, réussit à se faire inviter chez le Duc de Canterville pour les vacances de Noël. Une occasion rêvée de dérober l’Escarboucle Bleue, un bijou légendaire qu’il convoite depuis longtemps. Il en viendrait presque à aimer les fêtes de fin d’année !

Mais est-ce réellement une bonne idée de se rapprocher de l’héritier du duc, le bel Angelo, pour accomplir sa mission ?

Il ne manquerait plus que le voleur se fasse dérober son cœur…


Le Voleur de Noël était l’un des écrits d’Isabelle Lesteplume que j’attendais avec le plus d’impatience. Une romance de Noël M/M sous fond d’enquête et un protagoniste qui s’inspire d’Arsène Lupin. Ça ne pouvait que m’intéresser !



Notre protagoniste, c’est Léo. Ce jeune homme a de multiples talents mais surtout de multiples identités. À l’image d’Arsène Lupin dont il a dévoré les aventures, Léo s’est fait un nom en tant que Shadow, gentleman cambrioleur et insaisissable qui dérobe bijoux et autres biens précieux. Son objectif actuel : voler l’Escarboucle Bleue, chez un Duc mystérieux qui a invité famille, amis et connaissances pour une semaine de jeux et festivités à l’approche de Noël ! Léo s’y rend sous une fausse identité et se mêle aux invités qu’il sait charmer avec brio, tout en préparant le vol de l’Escarboucle Bleue, et pourquoi pas séduire Angelo, le charmant petit-fils de son hôte. Après tout, il n’y a aucun mal à mélanger plaisir et travail…. Cependant, tout ne se passera pas comme prévu et il devra s’allier à Angelo pour percer le mystère de l’Escarboucle Bleue !



J’ai retrouvé avec beaucoup de plaisir l’écriture fluide et addictive de l’auteure. Bien que nous sommes ici dans une romance de Noël, elle ne prend pas pour autant le pas sur l’enquête et les deux sont au final plutôt bien dosées. On appréciera les petits clins d’œil à Sherlock Holmes et à Arsène Lupin. Si l’issue de l’affaire du vol de l’Escarboucle ne m’aura pas surprise, cela ne m’a pas empêché d’apprécier le plot twist pour autant, et je ne cherchais pas spécifiquement de la complexité dans une romance de Noël, même si celle-ci contient une enquête.



Concernant la romance, elle démarre un peu trop rapidement à mon goût, encore que je ne peux pas vraiment parler de romance. La relation entre Shadow (ou Léo) et Angelo ne s’est pas définie comme romance au départ. S’ils ont ressenti très rapidement une attirance mutuelle, c’est plutôt une relation sur le plan physique qui s’est mise en place au départ. En effet, l’auteure nous l’avait averti avant parution, mais Le Voleur de Noël est une histoire plus mature que ses précédents romans. On y retrouvera beaucoup de scènes explicites, et celles-ci ne sont pas mal décrites. On pourrait cependant reprocher le fait qu’il y en ait trop, mais heureusement, leur relation n’est pas restée que sur le plan physique car des sentiments ont commencé à se mettre en place entre nos deux personnages. Bien que Shadow/Angelo ne fasse pas partie des couples de l’auteure à m’avoir le plus marqué dans ses écrits, ils restent très appréciables et sympathiques à suivre. J’ai beaucoup aimé suivre cette aventure à leurs côtés et être témoin de l’évolution de leurs sentiments.



Les autres personnages ne sont pas si mal et suivent bien leur rôle, sans être mémorable. Je retiendrais surtout Pétunia qui a plus d’un tour dans son sac, mais aussi Angelo et sa passion pour les pulls de Noël et qui est plus qu’une jolie bouille d’ange. Sinon, je n’ai pas grand-chose à dire concernant cette histoire qui se révèle être une lecture de Noël très appréciable, et que j’aime toujours autant la plume et l’imagination de l’auteure.


- Moi, je n'ai pas arrêté de penser à ce vol ! Tu imagines, juste sous nos yeux ?! Mon grand-père doit friser l'apoplexie ! Qui a bien pu faire une chose pareille ?! J'ai établi une liste de suspects, et si nous vérifions leurs alibis, nous pourrions...

Je l'interrompis en levant la main, amusé.

- Attends, attends... Tu te prends pour Sherlock Holmes ?

- Je te laisserai être Watson, si tu veux ! répondit-il avec entrain.

- Je ne suis pas certain que notre relation soit aussi professionnelle que la leur.

- Des décennies de fanfictions sont là pour te contredire, répliqua-t-il, amusé.

samedi 23 novembre 2024

L'Épouvanteur (T.8) Le Destin de l'épouvanteur - Joseph Delaney.



L'épouvanteur, Tom et Alice partent dans le sud de l'Irlande pour fuir la guerre qui ravage le comté. La seule chose qui protège Tom et Alice est la fiole de sang. S'ils s'éloignent de trop ou si la fiole est brisée, ils seront à la merci du diable.

Pendant ce temps, Tom est recruté pour faire face à une alliance maléfique de mages, et prend possession de la Lame de l'Épouvanteur. Une épée avec une face sombre et qui a soif de son propre sang ... C'est la seule arme qui a une chance de battre le Diable en combat. Mais d'abord, Tom a besoin de s'entrainer, et la seule personne qui peut l'aider est Grimalkin, la sorcière assassin. Viendra-t-elle ?




Obligés de fuir l’île de Mona, John Grégory, l'Epouvanteur, Tom son jeune apprenti et la jeune sorcière Alice se dirigent maintenant vers l’Irlande, ne pouvant toujours pas retourner chez eux à cause de la guerre. Comme nous nous en doutons, ce séjour ne sera pas de tout repos pour nos personnages qui doivent empêcher les Mages d’Irlande d’accomplir un sombre rituel visant à invoquer le dieu Pan, mais Pan n’est pas ici leur seule préoccupation car, au dehors, le Malin rôde toujours, menaçant plus que jamais de faire sombrer le monde dans l’Obscur.

 

C’est toujours un plaisir de me plonger dans un tome de L’Epouvanteur, j’ai toujours la garantie de passer un bon moment. C’est une série que, sans faire partie de mes coups de cœur, j’aime beaucoup pour sa forme et son contenu. 

 

Comme à son habitude, l’auteur nous met dans le vif du sujet dès les premières lignes. Nous n’avons pas le temps de nous ennuyer. La lecture reste fluide et l’auteur n’édulcore rien, comme il nous a habitué. C’est un univers très sombre où nos personnages évoluent parmi des sorcières redoutables, des gobelins suceurs de sang, de mauvais esprits, ou d’humains perfides. Ce tome est plus sombre et violent que les précédents : sacrifices humains, tortures à la fois physiques et mentales, morts violentes… et jamais Tom et Alice n’auront été autant malmenés ou désespérés que dans ce tome. D’ailleurs, l’amitié inconditionnelle qui les unit est incontestablement le point fort de ce tome, voire même de la saga. Ils sont vraiment prêts à tout l’un pour l’autre et ne peuvent vivre l’un sans l’autre et leur relation ne peut que me toucher. Ils sont d’ailleurs forcés ici à faire des choix dont les conséquences morales deviennent lourdes à porter. Ce tome et surtout sa fin m’a fait m'interroger sur le devenir de nos jeunes héros, et surtout celui d’Alice.


Je déplore cependant le fait qu’Alice semble prendre un peu plus le devant sur l’intrigue par rapport à Tom, mais peut-être n’est-ce qu’une impression. Je suis quand même curieuse de voir de quoi sera fait l’avenir de notre sorcière, surtout vu le changement qui s’est opéré en elle dans ce tome. J’ai aussi apprécié voir Tom plus débrouillard, même s’il continue de tomber dans des pièges qui me semblent évident. J’aimerais bien que Tom arrête d’écouter des inconnus suspects lui demandant de le suivre, en abandonnant armes et bagages, ou même de sortir sans son bâton, la chose la plus précieuse qu’un Epouvanteur possède. Il est quand même censé avoir gagné en expertise et en maturité, que diable ! Pourtant, je l’adore ce personnage, c’est pour ça que ça m’exaspère qu’il continue à tomber dans les mêmes pièges que dans les premiers tomes.

 

J’ai retrouvé avec plaisir Grimalkin qui se joint ici à Tom et l’Epouvanteur dans la lutte contre le Malin, et quel combat ce fut ! Je n’ai pas boudé mon plaisir, c’était une confrontation de la plus haute intensité et l’issue de cette nouvelle rencontre avec le Malin laisse présager des choses intéressantes pour la suite. Je suis curieuse de voir comment l’univers va continuer à évoluer avec ce nouveau bouleversement dans l’intrigue.

 

Ce tome nous ouvre de nouvelles perspectives pour l’avenir de nos personnages et je suis curieuse de voir comment la série va continuer d’évoluer. La suite au prochain épisode.


« Cela me tourmente que la magie noire soit la seule arme pour les jaboteurs. Mais peut-être les choses sont-elles en train de changer. Peut-être l'avenir offrira-t-il aux épouvanteurs une façon différente de combattre, en utilisant l'obscur contre l'obscure. Pour moi, je ne le supporterais pas, mais je suis d'une autre génération. J'appartiens au passé; toi, petit, tu représentes le futur. »

dimanche 17 novembre 2024

Bazaar - Stephen King.



Castle Rock est une petite ville paisible du nord-est des Etats-Unis. La vie s'y déroule sans surprise jusqu'au jour où un étrange commerçant vient y ouvrir Le Bazaar des rêves. Chacun peut venir y acquérir l'objet de ses rêves, et pour trois fois rien. Un simple petit supplément est demandé à l'acheteur : de faire une farce à la personne de son choix. Histoire de rire...

Mais ces plaisanteries apparemment anodines vont provoquer des réactions en chaîne. La violence se déchaîne, la haine et la folie ne cessent de croître et, finalement, c'est toute la ville qui est bientôt à feu et à sang.

Qui pouvait réussir un tel exploit sinon le Démon ?




Il n’y a que Stephen King pour rendre horrifique à souhait une histoire sur le consumérisme.


Cela faisait un moment déjà que je prévoyais de lire ce roman, après avoir été conquise par son adaptation cinématographique (celle-ci a pris quelques libertés que je lui pardonne bien volontiers, car j’ai passé un très bon moment).


Bazaar ? Qu’est-ce que c’est que ce bazar ?


À Castle Rock, une boutique fait parler d’elle avant même son ouverture… Il s’agit du Bazar des Rêves. Le gérant et vendeur, Monsieur Leland Gaunt, est tout ce qu’il y a de plus charmant et avenant. Tout ce dont votre cœur désire, même si vous n’en rêviez pas auparavant, le Bazar des rêves le propose et ce, pour un prix dérisoire. Mais il n’est pas question d’argent. Monsieur Gaunt vous demandera simplement, en échange, de lui rendre un service, faire une petite blague aux dépens de quelqu’un, par exemple… Rien de bien méchant, n’est-ce-pas ? Sauf que ces petites blagues sont destinées à monter petit à petit les habitants les uns contre les autres, alimentant de plus en plus de feu des tensions et de l’animosité… jusqu’à ce que l’étincelle explose, mettant la ville à feu et à sang. Comme possédés, les habitants se révèlent en effet prêts à tuer pour la possession de l’objet convoité.


Bazaar, c’est l’histoire d’une longue descente aux Enfers pour Castle Rock et ses habitants. C’est l’histoire d’un antagoniste qui, tel un marionnettiste, manie avec dextérité les fils auxquels sont reliés les habitants. Il sait parfaitement lire en eux, découvrir leurs désirs et les animosités et en jouer. C’est un véritable maître de la séduction et de la manipulation. Il est tout simplement diabolique mais qu’est-ce que je l’aime, ce Gaunt. Je le figure dans mon top trois des meilleurs méchants de King avec Kurt Barlow (Salem) et Pennywise le clown (Ça). C’est un méchant très réussi, et j’ai été fascinée par les quelques brides que King nous a donnés concernant la véritable nature de Gaunt. Je n’ai qu’un seul regret, c’est que la rencontre entre Gaunt et le shérif Pangborn ait tant tardé à se mettre en place, mais il faut dire que Gaunt se méfiait du shérif comme la peste et l’a perçu dès le début comme un adversaire redoutable. J’ai beaucoup aimé la scène où il essayait indirectement de tenter Pangborn et comment Pangborn est le seul à avoir su résister, non sans mal.



Art by sharpt00th sur tumblr (source) qui imagine Leland Gaunt
sous les traits de Vincent Price (ce rôle lui aurait bien convenu, avouons-le)


Stephen King oblige, on retrouve ici une petite bourgade du Maine où tout le monde connaît tout le monde. Il nous présente chaque personnage, sa petite vie, ses petits secrets, ses défauts, ses qualités, les vices aussi. Il y a une panoplie de personnages, si bien qu’il est aisé de s’y perdre et de retenir qui est qui… et qui a acheté quoi en échange de quoi auprès de notre cher Leland Gaunt. Parmi les personnages récurrents, nous avons le shérif Alan Pangborn, le seul dont Gaunt évite la confrontation, Polly Chalmers la petite-amie du shérif et qui souffre d’arthrite, Nettie Cobb et son amour de molosse, le petit Brian qui est le premier client qui ouvre la machination du Bazaar des rêves, Hugh Priest alcoolo détestable et détesté, Wilma Jerzyck, fermière avec un sale caractère, etc.

 

J’avais des craintes, au début du roman, quant au nombre de personnages mis en scène, mais elles se sont évanouies avec le plaisir de lecture, tellement elle était addictive. Il y a une forme d'intensité particulière dans ce roman. La façon dont tous les citoyens perdent peu à peu l’esprit au profit de leur désir, de leur objet de convoitise et le plan de Gaunt pour semer le chaos à Castle Rock est tout simplement diabolique et intelligent.

 

Je n’ai plus rien à dire sur le style de l’auteur. J’aime toujours autant son écriture et son imagination et je le considère comme un grand écrivain. L’histoire prend certes du temps à se mettre en place mais le final est digne des plus grandes catastrophes. D’ailleurs, le côté horrifique ne se situe pas seulement dans l’horreur des machinations de Gaunt, mais aussi à travers des scènes qui peuvent heurter la sensibilité [spoiler] j’ai d’ailleurs sauté le passage de la mort du chien de Nettie, et j’ai tout simplement été horrifiée de la scène avec l’araignée [/spoiler]

 


Bazaar (Needful Things en VO) a été adapté une fois au cinéma 
en 1993, il prend le titre de Bazaar de l'Epouvante en VF


Stephen King a en outre la volonté de dénoncer certains maux comme les dérives des sociétés de consommation, comme l’avait fait notre Alain Souchon national avec sa Foule sentimentale, qui poussent les hommes à faire le pire pour posséder ce qu’ils désirent et réaliser leur rêve.

 

En résumé, j’ai passé un excellent moment de lecture, malgré les longueurs. Bazaar est pour moi l’un des meilleurs romans de Stephen King et l’un de mes préférés (même si rien, pour le moment, ne saurait détrôner Salem).



Leland Gaunt se voyait en électricien de l’âme humaine. Dans une petite ville comme Castle Rock, tous les fusibles étaient sagement alignés dans leurs boîtes. Ne restaient qu’à ouvrir celles-ci… et à entrecroiser les branchements.

samedi 26 octobre 2024

Contes des royaumes oubliés (T.6) Le Prince et le Chasseur - Isabelle Lesteplume.

Il était une fois une reine voulant un enfant. Désespérée, elle brave les interdits pour s'aventurer dans la forêt ensorcelée. Une malédiction s'abat alors sur le royaume, plongé dans un hiver éternel, et un conflit sanglant éclate entre les créatures magiques et les humains.

La reine revient de la forêt enceinte, sans vouloir dire à personne ce qui s'y est passé. Elle met au monde un fils à la peau pâle comme la neige, aux cheveux noirs comme l'ébène et aux lèvres rouges comme le sang. Un enfant étrange, inquiétant, terriblement beau... Et pas tout à fait humain.

La reine meurt, puis le roi se remarie et décède à son tour, laissant le trône à une sorcière cruelle. Prête à tout pour se débarrasser de son beau-fils, elle fait appel à Guerre, un impitoyable chasseur décidé à éradiquer les créatures magiques. Mais l'espoir de briser la malédiction pousse le prince et le chasseur à s'allier, malgré leur haine mutuelle, pour s'enfoncer au cœur de la forêt... Dans ce royaume de secrets, qui sait si les monstres se cachent dans les ombres ou les reflets ?



Ce qu’il y a de bien, avec les romans d’Isabelle Lesteplume, c’est que j’ai toujours la garantie de passer un bon moment. Ça n’a pas loupé avec le petit dernier qui se présente comme une réécriture M/M du conte de Blanche-Neige.



Bien que ce qui m’a attiré avant tout était la promesse d’une romance entre nos deux protagonistes, l’auteure a su démontré une nouvelle fois qu’elle sait construire un univers riche et complexe ainsi qu’une intrigue intéressante, tout comme elle sait mener ses personnages à travers moult périples, leur fait vivre bien des péripéties et des dangers qui sauront les faire évoluer et créer des liens.



Parmi eux, nous avons le Prince Siloë, un homme aussi magnifique que méprisé au sein de la cour de sa belle-mère qui cherche à se débarrasser de lui. C’est un jeune homme qui a peu d’estime de lui-même et de son importance, car il n’est pas habitué à ce qu’on s’attache à lui, mais qui a une langue bien acérée et qui n’hésite pas à balancer des piques à Guerre, d’abord pour l’attaquer puis ensuite pour le taquiner. Malgré son vécu tragique, il a un côté joueur et une part de mystère qui entoure ce personnage, de par ses origines mystérieuses et la magie de sang qu’il pratique. Je me suis beaucoup attachée à ce personnage.



Ensuite, nous avons Guerre (nous apprendrons plus tard qu’il ne s’agit pas de son vrai nom), un chasseur endurci qui a passé de nombreuses années à traquer et tuer les créatures magiques pour qui il n’éprouve que haine et méfiance. Penser que ce personnage n’est que le stéréotype du chasseur ou guerrier dur, sans sentiments, serait mal connaître l’auteure et nous apprenons au fil des pages que Guerre a lui-aussi ses blessures et qu’il a fallu qu’il s’endurcisse. C’est le personnage qui va le plus évoluer au cours du roman, en apprenant à aller au-delà de ses préjugés et à briser peu à peu les barrières qu’il s’est forgé autour de lui (bon, avouons-le, Siloë a aussi pris un malin plaisir à le faire) pour se laisser être vulnérable et s’attacher à nouveau à quelqu’un. Ce ne sera pourtant pas chose facile, notre chasseur est quelqu’un de têtu et son vécu tragique fait qu’il a peur de s’attacher à nouveau à quelqu’un. J’ai vraiment beaucoup aimé son développement de personnage et la relation qui se noue entre lui et Siloë.



Il s’agit ici d’un slow burn enemies to lovers, donc une romance qui évolue lentement entre deux personnages qui se détestent, mais l’attente en vaut largement la peine et c’est un bonheur de les voir se rapprocher petit à petit, d’autant que la plupart de leurs échanges provoquent de vraies étincelles. C’est un délice de les voir se taquiner tout comme les voir se rapprocher à travers des confidences ou des périples partagés.



Nos personnages secondaires ne sont pas en reste. Il y a également les deux fées gardiennes, Magda, capable de se transformer en louve, et Akim, capable de se transformer en corbeau, qui vont former, avec Siloë et Guerre, un groupe haut en couleur qui collaborent bien malgré eux pour venir à bout de la malédiction. La collaboration n’est pas toujours aisée. Magda et Akim ne font pas entièrement confiance à Siloë, dont elles considèrent la mère comme responsable de leurs malheurs. Guerre a pour devoir de ramener le cœur du prince à sa belle-mère, et il déteste les créatures comme les fées ou les trolls. Le voyage n’est pas toujours de tout repos entre les nombreux périples et les tensions entre les personnages, surtout du côté de Guerre qui est buté et qui est fermé comme une coquille. Le voyage est donc une bonne occasion pour eux d’apprendre à se connaître, voir au-delà des apparences, voir se briser peu à peu leurs préjugés, et enfin se lier petit à petit jusqu’à devenir inséparables. Que des choses que j’aime !



J’ai aussi bien aimé le troll et l’elfe Toky et Fidelin qui vont accompagner notre groupe pour une partie du voyage, ainsi que le mystérieux Roi Cerf que je ne décrirai pas pour ne rien dévoiler, mais c’est un personnage important du roman, malgré le peu de fois qu’il apparaît, et il dégage une présence vraiment imposante et charismatique !



J’ai aimé cet univers où humains et créatures magiques se côtoyaient, vivant en parfaite harmonie, jusqu’à la guerre qu’ils se sont menés, avec cette histoire de malédiction qui aurait été déclenchée par la reine Gwendolyne, mère de notre héro, et qui aurait plongé le royaume dans un hiver éternel où les fleurs et les arbres verdoyants appartiennent au passé, où les créatures sont soit traquées et tuées par les chasseurs, soit contraintes de se cacher. Je me suis interrogée sur les tenants et aboutissants de cette malédiction, sur la nature réelle du prince Siloë ainsi que ses origines. L’auteure nous offre les informations au compte goutte, parfois elle nous ajoute des interrogations au lieu de réponses. Qui est ce mystérieux Roi Cerf qui régnait sur la forêt, pourquoi a-t-il disparu, qu’a fait réellement la reine Gwendolyne et quels secrets a-t-elle emporté dans sa tombe, pourquoi les créatures se sont retournées contre les humains après des années de vie en parfaite harmonie, etc. Que de mystères dont les réponses sont, pour moi, satisfaisantes.



J’ai aussi aimé la présence de la diversité dans ce roman, au-delà de la romance entre Siloë et Guerre, mais quand on connaît les romans de l’auteure, on ne sera pas surpris et même plutôt ravis ! J’ai aussi aimé la façon dont l’auteure a su réutiliser les éléments cultes du conte d’origine, à savoir la pomme, le cercueil de verre ou encore le miroir magique. En bref, ce roman a été une réussite de mon côté et Isabelle Lesteplume confirme de plus en plus sa place parmi mes auteurs.es préférés.es.


- Nous avons fait un peu de reconnaissance, déclara la fée-louve. Val'artar avait raison, les collines du nord sont contaminées, et un conflit a éclaté à l'est depuis notre dernier passage. Nous allons bel et bien être obligés de traverser le Marécage des Âmes.

- C'est ironique, s'amusa amèrement Akim. Tout le monde évitait cet endroit avant la malédiction, et voilà qu'il devient le moins dangereux...

- Je suppose qu'il ne s'agit pas d'un joyeux petit marécage verdoyant où nagent les canards ? s'enquit Siloë sans grand espoir.

Les deux fées lui jetèrent un regard amusé.

mardi 22 octobre 2024

Orgueil et Préjugés - Jane Austen.



Élisabeth Bennet a quatre sœurs et une mère qui ne songe qu’à les marier. Quand parvient la nouvelle de l’installation à Netherfield, le domaine voisin, de Mr Bingley, célibataire et beau parti, toutes les dames des alentours sont en émoi, d’autant plus qu’il est accompagné de son ami Mr Darcy, un jeune et riche aristocrate. Les préparatifs du prochain bal occupent tous les esprits… Jane Austen peint avec ce qu’il faut d’ironie les turbulences du cœur des jeunes filles et, aujourd’hui comme hier…




Orgueil et Préjugés est l’un de ces classiques qui reste, à ce jour, acclamé par les critiques, si bien qu’il se présente comme un « must » à lire dans la littérature classique. Forcément, je m’attendais à être conquise et j’étais très curieuse de débuter ce roman.



Au final, je suis complètement passée à côté. Si ma lecture a été divertissante et intéressante sous certains aspects, je dois avouer que le charme n’a malheureusement pas opéré chez moi et que j’ai un peu de mal à comprendre tout l’engouement qu’on prête à ce roman, tout en lui reconnaissant ses qualités. Je ne sais si c’est du au style d’écriture ou aux personnages, pour la plupart oubliables et peu attachants, ou si ce n’était tout simplement pas le bon moment pour moi de découvrir ce roman.



Concernant les personnages, il n’y a bien que Darcy et Elizabeth pour se démarquer. Le premier n’étant pas toujours sympathique mais suffisamment énigmatique et intéressant pour me subjuguer et me faire attendre chacune de ses scènes. Quant à Elizabeth, elle a une répartie qui fait plaisir, une certaine indépendance, un comportement qui frise parfois l’insolence jusqu’à me faire lever les yeux aux ciel mais qui laisse de la place à un développement de personnage plutôt intéressant. En effet, blessée dans son orgueil suite à une remarque que Darcy a faite à son sujet, Elizabeth a décidé de se forger sa propre opinion de Darcy, alimentée par les ragots d’une tierce personne, et de se montrer insolente et provocatrice en sa présence, comme pour se venger de la mauvaise impression qu’il lui a laissé au départ. Bien-sûr, tous deux sont en tord. Darcy a fait une remarque sur Elizabeth sans avoir pris la peine de la connaître avant et Elizabeth, offusquée, a décidé de le détester depuis ce jour et s’est formée sa propre image de lui avec les préjugés qu’elle lui porte. Tous deux se sont faits une image de l’autre, sans apprendre à le connaître.



Au fil du roman, nos deux futurs tourtereaux vont apprendre à se connaître, avec Darcy qui va finalement tomber sous son charme et je dois avouer que c’était très divertissant de le voir aussi courtois avec elle avec notre héroïne qui ne se doute pas un instant de la raison de son étrange comportement et qui se demande bien quelle mouche l’a piquée. J’ai aimé leur dynamique, avec un Darcy d’abord fort peu courtois puis maladroit dans sa façon d’agir avec Elizabeth pour finir par tomber sur son charme et toutes les attentions qu’il fera pour elle, puis les piques d’Elizabeth qui finira par voir que, malgré sa clairvoyance dont elle est si fière, la vanité et sa fierté l’auront bien aveuglé parce qu’elle a été froissée par Darcy à leur première rencontre. Tous deux ont un développement de personnage plutôt intéressant, une occasion pour l’auteure de nous faire ces morales intemporelles : il ne faut pas toujours se fier à la première impression, les apparences sont parfois trompeuses, il faut apprendre à connaître avant de juger, etc.



Les autres personnages sont assez oubliables et peu attachants, outre une petite poignée. Je pense notamment à Jane, sœur aînée d’Elizabeth, qui sont toutes les deux très proches, autant des amies et confidentes que des sœurs, Mr Bennet est assez amusant dans son humour grinçant (ses remarques à l'encontre de ses filles ou de sa femme sont cependant parfois cruelles, même si elles sont drôles...) et Mrs Bennet est amusante aussi mais à travers le ridicule de son comportement avec son insistance à marier toutes ses filles à tout prix et les sempiternelles allusions à ses « pauvres nerfs ». Sinon, les autres personnages et notamment la sœur de Bingley ou les autres sœurs d’Elizabeth (surtout Lydia) sont tout simplement agaçants.

J’ai eu beaucoup de mal à avancer dans ma lecture. Il faut dire qu’il ne se passe vraiment pas grand-chose. On suit simplement la famille Bennet et le train train quotidien de la petite bourgeoisie anglaise du XIXe siècle avec ses bals et autres rencontres mondaines, les éternels cancans, et qu’est-ce qu’il y en a ! à peine un personnage quittait la pièce, les autres occupants de la pièce s’empressent de raconter sur son dos. Ça jacasse, ça caquette, ça raconte sans cesse sur les uns et les autres, et qu’est-ce que c’est agaçant ! Je me rends pourtant bien compte que c’était délibéré de la part de Jane Austen qui a choisi, dans son roman, de nous peindre, voire dénoncer et se moquer de la petite bourgeoisie anglaise de son époque. Comme quoi, l’Humanité n’a pas changé depuis tout ce temps !



Bien-sûr, j’admets bien volontiers que, derrière ces occupations frivoles, les thèmes abordés par Jane Austen sont plus profonds et portent sur la condition féminine à son époque. Il n’y a en effet pas de vie pour une femme en dehors du mariage, et si les tentatives de Mrs Bennet de marier à tout prix ses filles peuvent nous paraître dérisoires, il se cache une réalité plus dure. C’est pour échapper à la disgrâce ou la pauvreté et la misère que ces filles sont poussées au mariage. Le mariage leur apporte une place dans la société mais c’est surtout une sécurité, c’est la garantie d’avoir quelqu’un pour subvenir à ses besoins, lui offrir un foyer qu’elle devra gérer, en plus de la descendance à assurer. Le fait que Jane Austen ait pu dénoncer tout cela à son époque force quand même l’admiration !



Le roman n’est donc pas dénué d’intérêt, et je lui reconnais bien volontiers ses qualités. Le fait est que je me suis quand même ennuyée pendant une bonne partie de ma lecture. Peut-être avais-je besoin d’une intrigue pour que ce roman me passionne, ou d’un contexte autre que cette vie au quotidien, ou peut-être ce contexte de quotidien de cette gentry n’a tout simplement pas suffi à m’intéresser, notamment avec la vie oisive de ces dames et messieurs qui n’ont comme soucis que les papotages, les mariages, les réceptions, les chasses, etc.



Darcy (Matthew Macfadyen) et Elizabeth (Keira Knightley)
dans l'adaptation de 2005


Heureusement qu’il y a des dialogues pour rendre le récit plus vivant et quelques touches d’humour et de sarcasmes toujours bienvenues. Cela dit, je n’ai pas toujours adhéré au style d’écriture. Jane Austen a une jolie plume mais son charme n’a pas entièrement opéré sur moi, j’ai même parfois trouvé son écriture alambiquée, avec de grandes phrases pour ne pas dire grand-chose au final et certaines scènes, que j’aurais aimé voir à travers des dialogues, qui ne sont que des paragraphes [spoiler] par exemple, la seconde demande en mariage de Darcy et Elizabeth qui consent, et le bonheur qu’ils partagent suite à cela [/spoiler]



J’aurai donc enfin découvert ce classique. Je ne suis malheureusement pas tombée sous le charme, ni ai compris tout l’engouement autour de ce roman. Cela dit, il n’est pas dénué d’intérêt ou de qualités, il possède de nombreux aspects positifs, mais ma lecture fut tout de même très laborieuse et je me suis souvent ennuyée. Cela dit, je suis contente d’avoir enfin pu découvrir cette œuvre majeure de la littérature anglaise, et de faire enfin connaissance avec Monsieur Darcy !


- Arrivez ici, mademoiselle, lui cria son père dès qu'elle parut. Je vous ai envoyé chercher pour une affaire importante. Mr Collins, me dit-on, vous aurait demandée en mariage. Est-ce exact ? 

- Très exact, répondit Elizabeth.

- Vous avez repoussé cette demande ?

- Oui, mon père.

- Fort bien. Votre mère insiste pour que vous l'acceptiez. C'est bien cela, Mrs Bennet ?

- Parfaitement ; si elle s'obstine dans son refus, je ne la reverrai de ma vie.

- Ma pauvre enfant, vous voilà dans une cruelle alternative. À partir de ce jour, vous allez devenir étrangère à l'un de nous deux. Votre mère refuse de vous revoir si vous n'épousez pas Mr Collins et je vous défends de reparaître devant moi si vous l'épousez.

Elizabeth ne put s'empêcher de sourire face à cette conclusion inattendue.

mercredi 9 octobre 2024

Trahison sanglante : Le dossier Dracula - Mark A. Latham.


Londres ne parle que de la mort violente d'un noble transylvanien, des mains d'un certain professeur Van Helsing.

Mycroft Holmes demande à son frère Sherlock d'enquêter sur les véritables causes de la mort de Lucy Westenra et du mystérieux aristocrate. Holmes soupçonne que ceux que l'on acclame comme des héros ne sont pas ce qu'ils paraissent être... et ce qui commençait comme une quête visant à laver le nom d'un homme révèle une conspiration qui entraîne Holmes et Watson dans les montagnes de Transylvanie, jusqu'au sinistrement célèbre château de Dracula.



Le mal a été vaincu ! Le comte Dracula est mort, tué par le Pr Abraham van Helsing et ses amis qui peuvent à présent dormir tranquille, à l’abri de toute menace. C’est mal connaître Sherlock Holmes qui a été chargé d’enquêter sur le dossier Dracula et d’apporter de la lumière sur les mystérieux meurtres du comte Dracula et de ses supposées victimes, et de remettre en question le récit héroïque dressé par Van Helsing et ses amis.



Sherlock Holmes et Dracula faisant partie de mes deux amours littéraires, un tel crossover ne pouvait que me plaire ! Notre détective rationnel se retrouve confronté à une histoire de vampire, bien avant les événements de la nouvelle du Vampire du Sussex, qui a mis en émoi toute l’Angleterre. Dracula, un vampire ? Sherlock Holmes n’y croit pas une seconde ! En revanche, derrière cette croyance, il y a des meurtres qui sont bien réels.



C’est ainsi que Sherlock Holmes et le Dr Watson vont éplucher chaque dossier de l’affaire Dracula, faire la rencontre des principaux acteurs de l’affaire et les interroger (le professeur Van Helsing, le couple Harker, le Dr Seward et Lord Godalming), se rendre dans les lieux emblématiques de l’histoire tels que l’abbaye de Whitby, l’asile de fous où travaille le Dr Seward en passant au château de Dracula en Roumanie ! Un bien vaste programme qui n’a pu que me ravir. J’ai beaucoup aimé la rencontre entre ces deux univers si chers à mon cœur.



Pourtant, l’auteur a pris un parti qui aurait pu facilement me déplaire. En effet, les héros de Dracula n’ont pas le beau rôle pour la plupart d’entre eux [spoiler] notamment Van Helsing qui est ni plus ni moins que l’antagoniste du roman, et Dracula est sa malheureuse victime que Van Helsing n’a eu de cesse de harceler de son vivant pour enfin monter toute une mise en scène pour justifier son futur assassinat [/spoiler]. Un tel parti pris aurait pu me contrarier, car Van Helsing fait partie de mes personnages préférés dans le roman de Bram Stoker et, qu’on se le dise, ce pastiche ne nous rend vraiment pas sympathique les personnages de Dracula. Pourtant, j’ai laissé passer cet aspect du roman car, honnêtement, j’ai trouvé l’intrigue très intéressante et vraiment prenante. J’ai passé un si bon moment avec ce pastiche que je lui pardonne volontiers d’avoir fait des personnages que j’adore des antagonistes.



Je n’ai trouvé que deux aspects à m’avoir chagriné au cours de ma lecture, qui est : une fin brutale (j’aurais voulu savoir ce qu’il advenait de certains personnages par exemple) et un Van Helsing qui parle avec un accent germanique caricatural. Un vrai cheu t’enfant, ja ja mein herr ! Toutefois, ces défauts ne m’ont pas gâché la lecture car j’ai passé un agréable moment avec ce roman.



Même dépossédée de son aspect surnaturel, l’affaire Dracula n’en demeure pas moins intéressante puisque Sherlock Holmes et le Dr Watson vont découvrir un complot d’envergure ayant entraîné la mort de plusieurs personnes. Si notre duo n’a aucun doute sur l’identité du coupable, reste à trouver les preuves nécessaires mais aussi découvrir le mobile des crimes et mettre à jour l’implication de Van Helsing et son équipe. Cela donne parfois lieu à des scènes savoureuses. J’ai notamment beaucoup aimé la première confrontation entre Holmes et Van Helsing, la rencontre avec Mina Harker, mais surtout la scène où Watson part interroger Seward (je pense que seules ses bonnes manières de gentleman l’ont empêché de se jeter sur son confrère pour lui donner une raclée et lui apprendre le vrai sens du serment d’Hippocrate !) qui font partie des temps forts du roman.



Les personnages de Holmes et Watson sont au plus près de ceux du canon Doylien. J’ai particulièrement apprécié voir un Watson comme je les aime : certes pas au même niveau intellectuellement que Holmes, mais pas idiot pour autant, avec un sens moral et une loyauté de fer, qui est débrouillard. Bref, notre Watson s’en sort très bien et on appréciera les scènes d’amitié entre Holmes et Watson.



Au niveau de l’intrigue, elle est bien menée malgré son dénouement précipité et sa fin brutale. Le roman n’est ni trop court ni trop long, ainsi l’enquête ne s’éternise pas mais elle n’est pas bouclée en deux temps trois mouvements. Le récit est fluide, sans temps mort, fidèle au canon Doylien, et offre une revisite intéressante du roman Dracula. Pour ma part, ce roman est une réussite et même un coup de cœur !



Nota bene : pour une meilleure compréhension du roman, il vaut mieux avoir lu Dracula de Stoker, cela permet de mieux appréhender certains détails. Toutefois, ce n’est pas indispensable. Trahison sanglante nous récapitule assez bien les événements de Dracula et le rôle de chacun de ses personnages, donc si vous n’avez pas lu le roman, vous comprendrez tout de même l’essentiel !


Holmes esquissa son plus léger sourire et inclina la tête pour saluer son adversaire.

— Magnifique déduction, dit mon ami. On dirait presque que vous attendiez notre venue.

— Ah, mais déduire est un cheu t’enfant, monsieur Holmes. Obzerver, zupposer… zimples devinettes. C’est une science, oui, mais une science bien paufre qui cherche touchours à dénouer le mystère du moment, plutôt que zelui de l’existence. Les plus grands esprits ne consacrent leur attention qu’aux grands problèmes.

Je lançai un coup d’œil hésitant à Holmes. Pour le spectateur occasionnel, Van Helsing ne faisait que soutenir une idée philosophique. Cependant, pour quiconque connaissait Holmes comme je le connaissais moi-même, il ne faisait aucun doute que le professeur venait d’adresser la pire des insultes au grand détective.

lundi 7 octobre 2024

Le Sad Ghost Club - Lize Meddings.


Vous êtes-vous déjà senti·e seul·e ou anxieux·euse ? Comme si vous n'aviez votre place nulle part et que vous étiez... invisible ? Trouvez votre famille d'âme avec le Sad Ghost Club ! 

C'est l'histoire d'un de ces jours - un jour si mauvais que vous ne pouvez pas sortir de votre lit et, si vous y arrivez, vous le regrettez instantanément. Mais même les pires journées peuvent vous surprendre. Lorsqu'un fantôme triste, seul, aperçoit un autre fantôme lors d'une fête à laquelle il ne voulait pas vraiment aller, il décide de lui parler.

C'est à partir de ce moment que tout change pour eux. Parce que cette nuit-là, ils créent le Sad Ghost Club - une société secrète pour les personnes anxieuses, un club pour tous ceux et toutes celles qui ont du mal à trouver leur place dans le monde.



Malgré sa couverture et son titre, nous n’avons pas affaire ici à un récit fantastique. Il y a bien des fantômes dans cette histoire, mais pas le genre auquel on pourrait s’attendre. Le fantôme est ici une métaphore de la dépression ou de l’anxiété sociale. Ce n’est donc pas un roman fantastique mais plutôt une histoire qui verse davantage dans la psychologie et qui évoque l’anxiété sociale. C’est un sujet qui commence à être de plus en plus mis en lumière, notamment dans la fiction, ce que j’apprécie beaucoup en tant que personne anxieuse, ça donne ce sentiment d'être vu, entendu et compris.



Nous suivons Sam ou SG de son petit surnom, un fantôme anxieux et triste, dont l’esprit est bouleversé par plusieurs questions, incertitudes et pensées négatives : que va-t-il arriver de sa vie s'iel échoue à ses devoirs ? Finira-t-iel chez ses parents, sans travail et sans argent ? Iel est invité.e à une soirée, doit-iel aller à cette soirée où on l'a invité ? Et si personne n’allait faire attention à iel ? Va-t-iel paraître ridicule ? S.G. finit par se rendre à cette fête, à laquelle iel va rencontrer un autre fantôme avec qui iel va se lier d’amitié : Socks, un autre fantôme anxieux chez qui S.G. va se retrouver. Au fil des discussions, S.G. et Socks vont se trouver des points communs et découvrir qu’ils ne sont pas seuls dans ce monde, et S.G. décide de se mettre en quête d’autres personnes comme eux.



S.G. est un personnage sympathique à suivre. On ne sait pas si S.G. est une fille ou un garçon, les dialogues anglais laissent planer le doute et les traducteurs ont choisi une écriture inclusive pour garder la neutralité de l'original et pour permettre aux lecteurs, même dans la version française, de s’identifier à nos personnages.



L’idée de représenter les personnages souffrant d'anxiété et de dépression par le prisme d'un fantôme était originale, ça faisait une bonne métaphore de l'invisibilité. Les dessins ne sont certes pas révolutionnaires, mais simples et efficaces. C’est une histoire qui parlera, je pense, à beaucoup d’entre nous et dans laquelle on s’y retrouvera avec la manie de s’auto-dévaluer, d’avoir des pensées négatives et des doutes qui parasitent notre esprit et nous empêchent d’apprécier pleinement certaines choses ou de saisir des opportunités. Comment vit-on avec l’anxiété sociale, comment évoluer dans une société quand on ne correspond pas à ses standards, comment se faire des amis quand on a pas le contact facile ou qu’on ne sait pas comment aborder les gens, etc.



J'ai aimé les thèmes abordés. J’ai pu me reconnaître sous certains aspect dans ce petit fantôme qui angoisse pour son avenir, qui ne sait pas comment se comporter au milieu d'une fête et qui ne sait pas comment se faire des amis mais qui finit par découvrir que, peut-être, iel n'est pas seul.e dans ce cas-là, et qu'il y a quelque part une famille d'âmes qui est la sienne me touche. C’est un livre qui se veut optimiste et plein d’espoir et ça fait vraiment du bien ! Trouver des gens semblables à nous, profiter de la vie, se faire des amis, malgré l'anxiété.



C’est donc une BD réconfortante qui traite avec justesse l’anxiété sociale, tout en abordant d’autres facettes de la santé mentale comme la dépression. L’histoire est douce-amère dans le sens où elle aborde des thématiques dures et pas forcément joyeuses mais le récit est optimiste et réconfortant. Pour autant, j’ai trouvé qu’il ne se passait pas grand-chose. L’histoire est sympathique et la lecture fluide, mais j’aurais bien voulu un récit un peu plus rythmé, car ça reste assez léger en terme de contenu, voire d’avancement de l’histoire. J’ai bien aimé le premier tome que j’ai trouvé doux et réconfortant, j’ai moins aimé le second qui est plus dur car il traite de la dépression et que j’ai trouvé qu’il ne se passait pas grand-chose d’intéressant. Peut-être que cela s’arrangera dans la suite. Cela dit, la lecture est fluide, le récit doux et réconfortant et ça explore avec justesse la santé mentale. Une découverte sympathique mais sans plus.