mercredi 11 juin 2025

Les enquêtes d'Hercule Poirot - Agatha Christie.



On ne le répètera jamais assez : Hercule Poirot est le plus grand détective de tous les temps.

Quel mystère pourrait le dérouter ? Disparition de bijoux inestimables, suicide suspect, espions retors, meurtre crapuleux, escroquerie du haut vol ou sombre affaire d'héritage, rien ne lui résiste. Mais surtout, pas d'acrobaties à quatre pattes dans l'herbe, une loupe à la main. Pas de dissertation sur un mégot taché de rouge à lèvres. Non, Hercule Poirot laisse ces divertissements aux besogneux de Scotland Yard.

Il se contente de s'installer dans un fauteuil et de laisser fonctionner ses illustres petites cellules grises.




Je débute le Ice Cream Summer Challenge avec un recueil de nouvelles d’Hercule Poirot, parce que je ne peux pas envisager un challenge littéraire sans policier mais aussi parce que j’ai pris l’habitude de lire un livre d’Agatha Christie en été.



Les Enquêtes d’Hercule Poirot est donc un recueil de 14 nouvelles :





L’énigme de « l’Etoile de l’Occident » : Poirot reçoit la visite d’une célèbre actrice qui lui explique avoir reçu trois lettres de menace au sujet d’un diamant dont elle est propriétaire : l’étoile de l’Ouest. Hastings, l’ami de Poirot, reçoit quant à lui la visite d’une autre dame possédant un diamant, l’étoile de l’Est, qui aurait elle-aussi reçu des lettres de menace concernant son diamant. Si les deux pierres ne sont pas restituées, elles seront volées.



Tragédie à Marsdon Manor : Poirot est amené à enquêter sur une affaire de meurtre. Pourtant, tout porte à croire que le riche Maltravers est mort dune simple hémorragie interne. Sûrement le fait qu’il ait contracté une police d’assurance maladie d’un montant de 50 000 livres n’a rien à voir…



Un appartement trop bon marché : où l’on apprend que même un détective peut s’intéresser à une affaire concernant un appartement dont le loyer est curieusement bien bas. En se penchant sur l’affaire, Poirot découvre une vérité bien plus sombre… Il se pourrait bien que des histoires d’espion et de mafia se cachent derrière tout ça !



Le mystère de Hunter’s Lodge : Poirot est grippé et cloué au lit… mais n’allez pas croire que cela l’empêchera de mettre de la lumière sur une sombre affaire de meurtre. Envoyant son ami Hastings et l’inspecteur Japp sur place, Poirot prouvera que même la maladie ne saurait avoir raison de ses cellules grises et qu’il est tout à fait capable de résoudre un meurtre depuis sa chambre.



Un million de dollars en bons volatilisés : Des bons de valeur ont disparu de la banque Bentley et Son. Les soupçons se portent vite sur des employés et des clients influents. À Hercule Poirot de les innocenter sur cette affaire bien énigmatique.



La malédiction du tombeau égyptien : Plusieurs membres d’une expédition archéologique en Égypte sont retrouvés morts de façon bien mystérieuse après avoir découvert la sépulture d’un pharaon. Nouveau mystère à la Toutankhamon ou meurtrier se servant des superstitions pour commettre ses méfaits ? Poirot et Hastings se rendent en Égypte pour découvrir la vérité.



Vol de bijoux à l’Hôtel Métropole : Ciel, mes bijoux ! Mme Opalsen est dans tous ses états, on lui a volé ses bijoux ! La bonne et la femme de chambre de Madame s’accusent. Lorsque les bijoux sont retrouvés dans le lit de la bonne, Japp croit l’affaire classée, mais Poirot n’est pas de cet avis.



L’enlèvement du Premier Ministre : Poirot doit enquêter sur la mystérieuse disparition du premier ministre britannique, enlevé juste avant une conférence internationale de grande importance, en France. Qui a kidnappé le premier ministre et dans quel but ?



Une étrange disparition : Un banquier et célèbre homme d’affaire a disparu, et son coffre-fort forcé et son contenu (de l’argent et des bijoux) envolés. Son collègue est vite soupçonné, d’autant plus qu’ils n’étaient pas en termes très chaleureux. Poirot, en revanche, porte ses soupçons ailleurs…



Un dîner peu ordinaire : Hercule Poirot et Hastings reçoivent la visite d'un de leurs amis et voisin proche, le docteur Hawker. Alors qu’ils discutent de cas d'empoisonnements criminels, la femme de chambre de Hawker surgit, affolée, affirmant avoir reçu par téléphone l'appel à l'aide d'un homme disant avoir été « tué ». Lorsqu’ils se rendent sur place, il est déjà trop tard. Seuls indices, les restes d’un dîner et une statuette ensanglantée…



L’affaire du testament disparu : Violet Marsh a hérité un petit manoir de son vieil oncle. Celui-ci, doutant des capacités intellectuelles de sa nièce et regrettant qu’elle ait choisi les études à une vie de femme au foyer, a rédigé un testament selon lequel elle avait un an pour trouver le second testament soigneusement caché dans la maison, faute de quoi l'ensemble de l'héritage sera attribué à des œuvres caritatives. En dépit de ses efforts, Violet ne trouve rien et vient solliciter l’aide de Poirot…



La boîte de chocolats : à la demande de son ami Hastings, Poirot révèle une enquête dans laquelle il a échoué, tout ceci à cause d’une boîte de chocolats et une mort suspecte d’un adversaire farouche du catholicisme, alors que Poirot était enquêteur dans la police…



La mine perdue : Le directeur de la banque de Londres doit acheter une carte d'une mine d'argent en Birmanie mais le porteur, un homme d'affaires chinois, a disparu. Il engage donc Poirot pour retrouver le Chinois et la carte…



La femme voilée : Poirot reçoit la visite d’une femme voilée, fiancée du duc de Southshire, dont une lettre écrite pendant la guerre est tombée dans de mauvaises mains… celles d’un maître chanteur qui lui réclame une somme importante en échange de la lettre, somme que la dame ne peut se permettre de payer. Le temps jouant contre elle, elle se tourne vers le détective en désespoir de cause.




Un petit recueil bien sympathique ! Il y a pas mal de références et clins d’œil à Sherlock Holmes (Poirot qui se plaint, comme Holmes, du manque de cas criminels, le mot qui fait référence à un échec du détective, un personnage du nom de Violet, une affaire en rapport avec le premier ministre, etc), ce que l’amatrice holmesienne en moi a beaucoup apprécié.



C’est un recueil dans lequel le personnage d’Hercule Poirot s’affirme, où l’on découvre plus de détails sur ce personnage, notamment son aversion des voyages, lui qui aime tellement son petit confort, sa maniaquerie (qu’on pourrait aussi appeler « toc » car Poirot aime quand tout est symétrique et rangera des objets selon sa taille ou sa forme), le fait aussi qu’il se nomme parfois « Papa Poirot ». On découvre davantage de facettes de ce personnage, autant l’homme que le détective, ce que j’ai beaucoup apprécié.



Poirot et Hastings (source)

Je ne peux malheureusement pas en dire autant de son ami, le capitaine Hastings, qui n’a guère l’occasion de briller dans ces nouvelles. Ce garçon n’est pas bien brillant, et il peut être parfois franchement désagréable avec Poirot, à manquer de patience avec lui et à prendre la mouche pour rien. À se demander pourquoi Poirot continue d’apprécier sa compagnie et de l’amener dans ses enquêtes. Pourtant, je voudrais bien aimer ce brave Hastings, il a souvent un bon fond, quand son sale caractère ne prend pas le dessus. Il peut être un ami sympathique et il ne se laisse pas faire, mais ce n’est pas le couteau le plus aiguisé du tiroir… Bien-sûr, il faut un Watson à qui le détective doit expliquer les tenants et aboutissants de l’enquête et sa résolution, mais enfin, même Watson avait ses moments d’éclat et d’utilité. J’aurais voulu qu’Hastings brille un peu, pas une lumière en lui-même mais un conducteur de lumière, voire qu’il se rende utile au moins une fois.



Pour parler des nouvelles, celles-ci sont d’intérêt inégal. J’en connaissais déjà quelques-unes pour les avoir déjà lu dans de précédents recueils mais je les ai redécouvertes avec plaisir. Certaines nouvelles ne me laisseront pas un souvenir mémorable, mais d’autres ont été un pur régal de lecture. Je pense notamment à La malédiction du tombeau égyptien qui nous emmène en Égypte et qui n’est pas sans rappeler la malédiction de Toutankhamon, mais aussi l’affaire du premier ministre disparu, celui du testament caché, La boîte de chocolats ou encore Un dîner peu ordinaire. J’ai beaucoup aimé certains retournements de situation (l’accusé idéal qui est en fait innocent, parfois c’est même le client de Poirot le vrai coupable, on a même la présence de la mafia et du premier ministre, rien que ça !). Les enquêtes sont diversifiées, certaines sont résolues grâce à des déguisements, des tours de passe-passe, mais d’autres sont plus complexes et auraient mérité d’être un roman plutôt qu’une nouvelle !



Encore une réussite donc pour Lady Agatha Christie, je retrouve toujours son petit détective belge avec grand plaisir. Si certaines nouvelles ne me laisseront pas un souvenir bien marquant et seront vite oubliées, je relirai d’autres avec plaisir !


— Pardonnez ma franchise, mais étant donné le gâchis que vous avez fait, ne croyez-vous pas qu'il serait plus délicat de notre part de quitter les lieux ? 

— Et que devient le dîner ? Cet excellent dîner préparé par le chef de lord Yardly ?

— Bah ! quelle importance ! m'exclamai-je, impatient.

Poirot eut un geste horrifié. On eût dit un Français, alors qu'il n'est après tout que Belge.

— Seigneur ! Dans ce pays vous traitez vraiment la gastronomie avec une indifférence criminelle.

samedi 31 mai 2025

Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates - Mary Ann Shaffer et Annie Barrows.



Janvier 1946. Tandis que Londres se relève douloureusement de la guerre, Juliet, jeune écrivain, cherche un sujet pour son prochain roman. Comment pourrait-elle imaginer que la lettre d'un inconnu, natif de l'île de Guernesey, va le lui fournir ? 

Au fil de ses échanges avec son nouveau correspondant, Juliet pénètre un monde insoupçonné, délicieusement excentrique ; celui d'un club de lecture au nom étrange inventé pour tromper l'occupant allemand : le « Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates ». 

De lettre en lettre, Juliet découvre l'histoire d'une petite communauté débordante de charme, d'humour, d'humanité. Et puis vient le jour où, à son tour, elle se rend à Guernesey...



Ceci est la chronique inutile pour un roman qui a été relu et chroniqué des milliers de fois depuis sa sortie. Je n’aurais pas grand-chose à dire qui n’ait déjà été dit par de nombreux lecteurs, mais il était temps que je dépoussière ce roman qui dormait sur mes étagères depuis au moins 2010. Après tout, le ménage de printemps concerne aussi nos PAL !



Sous ce titre très original se cache une histoire qui parle de livres, d’amitié, de Seconde Guerre Mondiale, et d’une charmante île du nom de Guernesey.



Juliet Ashton est une écrivaine londonienne à la recherche d'un sujet pour son prochain livre. Par une heureuse coïncidence, elle reçoit une lettre d’un dénommé Dawsey Adams, habitant de l’île de Guernesey, qui a trouvé un livre ayant autrefois appartenu à Juliet. Il a tant aimé le livre qu’il souhaite en apprendre plus sur la vie et les autres œuvres de l’auteur, ce que Juliet fait avec joie. S’ensuit alors un échange de lettres entre Juliet et Dawsey, où Juliet apprend l’existence d’un cercle littéraire au nom bien original qui s’est crée de façon inattendue pendant la Seconde Guerre Mondiale. C’est en cherchant à en apprendre plus sur l’histoire de ce cercle et de ses membres que Juliet sera amenée à correspondre et à se lier avec chacun d’entre eux…



Il y a plusieurs aspects que j’ai aimé dans ce roman. Déjà le côté épistolaire qui, s’il peut faire fuir certains lecteurs, a ici son charme et nous permet de faire connaissance avec chaque personnage. Les lettres se suivent mais ne se ressemblent pas, les sujets se répondent et rebondissent les uns sur les autres, pour former peu à peu une construction cohérente. L’histoire va à son rythme tranquille, sans pour autant être long. Il prend le temps de se poser et de nous introduire chaque personnage avec fluidité.



Ensuite, on a le contexte historique (et vous connaissez mon goût pour l’Histoire), nous sommes sur une île anglo-normande au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, et le roman pose à la fois de contexte d’après-guerre avec la reconstruction aussi bien psychologique que matérielle, mais aussi le contexte de la guerre car nos personnages reviendront sans cesse sur leurs souvenirs de la guerre et notamment l’occupation allemande de leur île et ce que ça a engendré (les restrictions alimentaires, le couvre-feu, les relations amoureuses avec des soldats allemands, l’évacuation des enfants, la position du Royaume-Uni concernant Guernesey, etc).



J’ai été charmée par l’atmosphère conviviale et bucolique de Guernesey et la chaleur de ses habitants dont j’ai aimé faire la connaissance. Ils ne sont pas seulement des gens habitant un lieu, ils forment une véritable communauté, notamment nos chers membres du cercle littéraire qui sont plus que des voisins et des amis, c’est une famille unie. On ne peut qu’être sensible à la solidarité qui règne entre eux, ainsi qu’aux épreuves qu’ils ont vécues, les proches qu’ils ont perdus, les joies et les drames qu’ils ont partagés. Le caractère de chacun s'affine au fil des lettres et on s’attache petit à petit à eux au fur et à mesure qu’on apprend à les connaître au fil de leurs lettres, à l’image de notre protagoniste Juliet. J’ai également beaucoup aimé les liens qui se sont tissés entre Juliet et les différents membres du cercle littéraire, et comment elle a été accueillie, d’abord à travers ses lettres, puis lors de son arrivée à Guernesey. On a aussi une romance qui s’installe, certes prévisible mais plutôt mignonne.



Malgré certains sujets graves évoqués au fil de l’histoire (disparition de proches, les camps de concentration, bombardements, etc), il se dégage du récit de la solidarité et de l’optimisme face à l’adversité et l’espoir dans la reconstruction et vers l’avenir. C’est un roman qui traite avec sensibilité et bienveillance à de nombreux thèmes variés autour de l’Histoire, les relations humaines, l’entraide, la reconstruction (de soi comme du foyer) mais aussi sur les bienfaits de la lecture. J’ignore si l’expression « feel good historique existe » mais, comme l’a déjà dit une lectrice sur Babelio, je trouve que ça correspond bien à ce roman. En outre, ce fut une jolie découverte !



Je me demande comment cet ouvrage est arrivé à Guernesey. Peut-être les livres possèdent-ils un instinct de préservation secret qui les guide jusqu’à leur lecteur idéal. Comme il serait délicieux que ce soit le cas.

jeudi 29 mai 2025

Le restaurant des recettes oubliées - Hisashi Kashiwai.


Caché dans les ruelles de Kyoto se trouve le petit restaurant des Kamogawa d’où s’élèvent d’exquises odeurs de riz cuit, de nabe et de légumes sautés. En plus de savoureux repas faits maison, Nagare et sa fille Koishi proposent une expérience qui sort de l’ordinaire : reproduire un plat que leurs clients ont en mémoire, mais dont la recette est depuis longtemps oubliée. 

Nabeyaki udon, sushis au maquereau, tonkatsu ou spaghettis à la napolitaine... pour chaque nouveau plat, la famille Kamogawa enquête et propose à ses convives de déguster une nouvelle fois les délicieux mets qui ont marqué leur vie. 

Et grâce à un soupçon de magie, ces saveurs perdues enfin retrouvées permettent de rêver à de nouveaux départs.



Lecture non prévue et de dernière minute pour boucler le Blossom Spring Challenge, Le restaurant des recettes oubliées n’en demeure pas moins une petite découverte sympathique.


Le roman propose un concept intéressant dans lequel nos protagonistes principaux, un père et sa fille, tiennent un restaurant mais aussi une agence d’enquêteurs gastronomiques. En plus de servir des repas faits maison, ils proposent à leurs convives de reproduire un plat qui les a marqué, qu’il s’agisse d’un repas de leur enfance, d’un met concocté par un être cher, ou qui est lié à un souvenir ou une personne.


Le roman est composé de six histoires dont le schéma reste le même. Le client trouve le restaurant, mange ce qui lui est proposé, puis le client est interrogé sur le plat qu’il souhaite retrouver. Origine des produits, temps de cuisson ou de préparation des ingrédients, lieu où le plat a été dégusté, en quelle compagnie, à quelle période de l’année, etc. Chaque détail, même minime, a son importance pour pouvoir recréer le plat. Ensuite, nos deux protagonistes donnent rendez-vous au client 15 jours après. Ensuite, le client revient, goûte le plat qu’il désirait et qui a été préparé par nos restaurateurs et ces derniers expliquent comment le cuisinier a mené son enquête et est parvenu à recréer le plat en question.


Le schéma répétitif des histoires peut déplaire. Pour ma part, comme il ne s’agissait que de six histoires, et que chaque plat et chaque client étaient différents, cela ne m’a pas gêné. Je regrette cependant de ne pas voir Nagare enquêter et que celui-ci se contente juste de raconter à ses clients son procédé. De ce fait, nous ne sommes que de distants spectateurs dans ce roman.


Je trouve aussi le concept du restaurant en lui-même étrange. C’est un restaurant caché, il n’a pas d’enseigne et ne dispose que d’une seule publicité qui en dit peu, et qui se revendique comme difficile à trouver et s’y complaît, ne désirant pas recevoir beaucoup de clients et semblant se contenter d’une petite poignée de clients, voire un à la fois. Koishi et Nagare imposent aussi le plat au client s’il vient pour la première fois et, seulement si le plat lui plaît et si le client décide de revenir une nouvelle fois, il sera servi le plat de son choix. Ça me semble bizarre et peu crédible mais, après tout, peut-être existe-t-il des restaurants avec le même concept.


Certains lecteurs ont déploré le peu d’informations sur Koishi et son père Nagare, ce ne fut pas mon cas. Je n’ai pas réussi à m’attacher à eux, je les ai même trouvé un peu antipathiques. Ils râlent souvent sur leur chat, Roupillon, parce qu’il agissait comme un chat et père et fille (mais surtout la fille) avaient parfois un comportement sec ou colérique envers les clients, surtout Koishi envers son propre père ou lorsqu’elle interrogeait les clients et qu’elle était frustrée ou irritée de leur réponse.


Cela dit, la force du roman ne repose pas tant sur les personnages mais sur son concept (retrouver des plats disparus de la même façon qu’une enquête policière) mais aussi son ambiance très dépaysante qui nous fait voyager au Japon, et qui nous fait découvrir davantage sa culture mais aussi et surtout la gastronomie (à noter que ce roman parle aussi de plats occidentaux). Et, ce qu’on peut dire, c’est que ça donne faim ! Chaque chapitre nous donne envie de nous replonger dans les plats de notre enfance ou bien de déguster de bons plats japonais et, là, je vous avoue, j’ai très envie de gyozas au poulet et de karaage, mais je m’interroge tout de même : si je pouvais déguster un plat associé à un souvenir, lequel choisirais-je ?


Ce que je retiendrais donc surtout du roman, c’est son ambiance japonaise dépaysante et son concept original qui permet, à chaque chapitre, de replonger dans le passé de chaque client et de lui faire revivre les émotions qui accompagnent la dégustation d’un plat qui l’a marqué et qui était préparé par un être cher. C’est la preuve qu’un plat est plus qu’un moyen de se nourrir, c’est vecteur de souvenirs, de nostalgies. On peut rattacher un plat à une personne, à un lieu, à un souvenir, quelque chose de très cher. Un plat peut nous rappeler un premier rendez-vous galant, notre enfance, un parent.


C’est très doux-amer car, dans ces histoires, il y a parfois un goût de regret. Une personne à jamais disparue, un plat que l’on mange pour la dernière fois avant de changer de vie, quelque chose d’inachevé. J’ai bien aimé l’histoire du client qui veut manger une dernière fois au plat de son épouse décédée avant de mener une nouvelle vie dans une autre région et avec sa nouvelle compagne, mais aussi l’histoire du business man qui veut retrouver le ragoût au bœuf de sa mère, et sa relation avec sa belle-mère.


En somme, un roman court et sympathique qui se lit avec fluidité, avec un concept original et une ambiance dépaysante. Je trouve cependant dommage qu’on ne s’attache pas aux personnages et qu’on ne soit que des spectateurs distants car il n’y a pas réellement d’enquête à suivre, on se contente juste d’attendre que Nagare explique son procédé à ses clients. Ça reste une petite lecture sympathique et qui ouvre l’appétit !


Les gens prennent facilement les choses pour acquises. Même s’ils jugent qu’un nouveau plat est bon, peu à peu, cela devient banal. Il ne faut jamais oublier son premier ressenti.

jeudi 8 mai 2025

Dot de Sang - S. T. Gibson.


Dans les décombres d'un village ravagé par la guerre, un mystérieux inconnu arrache Constanta, simple paysanne, aux bras de la mort. Elle devient en un instant l'épouse d'un immortel, qui lui offre le baiser éternel du vampire. Rien dans sa courte vie ne l'avait préparée à l'intensité de l'amour qui naît alors entre eux. Ensemble, ils vont traverser les époques et goûter aux plus grands délices du monde.


Mais bien qu'ils soient tous deux insensibles au passage du temps, les sentiments de Constanta vont quant à eux être peu à peu souillés par le doute... Est-elle vraiment maîtresse de son destin ? Pour retrouver sa liberté, elle devra oser le plus grand des sacrifices.




Un bon petit roman vampirique à se mettre sous la dent et qui raconte l’histoire de Constanta, sauvée de la mort par un mystérieux individu qui lui offre l’immortalité à ses côtés. Simple paysanne, Constanta devient maîtresse d’un château et l’épouse d’un homme à qui elle doit tout. Ensemble, ils vont traverser l’Europe et les siècles, découvrir les différents chamboulements de l’Histoire, et se lier à d’autres personnes qui les rejoindront dans ce long chemin qu’est l’éternité.


Une belle histoire d’amour ? Pas forcément.


Il s’agit bien de l’histoire de Constanta, épouse d’un maître vampire à qui elle doit tout et qu’elle suit avec amour et dévotion, supportant l’ignorance dans lequel il la met concernant ses pouvoirs et sa nature de vampire, mais aussi sa jalousie, sa possessivité, ainsi que la passivité de Constanta face à son emprise, les excuses qu’elle lui trouve, et les manipulations de son époux qui rejette la faute sur elle ou minimise ses tourments émotionnels.


Au cours de leur longue vie, deux compagnons se joindront à eux. Tout d’abord Magdalena, jeune femme pétillante et habile dans la politique, puis Alexi, jeune homme qui croque la vie, et qui subiront également l’emprise de leur époux possessif qui cherche à les isoler du monde et les garder sous son influence. Peu à peu, les trois compagnons vont se faner sous le joug et l’amour écrasants de cet époux autoritaire… jusqu’aux premières étincelles de rébellion.


Au-delà donc de l’aspect fantastique du roman, celui-ci traite donc de maltraitance domestique et conjugale qui ne se fait pas forcément sur le plan physique (rarement le maître vampire lève la main sur ses conjoints) mais plutôt psychologique car il maintient ses conjoints dans l’ignorance, il les rabaisse, il les isole, il y a aussi du gaslighting, de la manipulation psychologique. Il est à la fois un mari aimant (car il aime ses compagnons immortels, à sa façon tordue, possessive et autoritaire) mais aussi un bourreau.


On plonge dans un univers sombre, tantôt cruel, tantôt sensuel. D’ailleurs, l’auteure nous dresse une liste d’avertissement en début de roman, ce que je trouve appréciable.


L’histoire est narrée par Constanta qui s’adresse à son époux, « son amour, son bourreau », une histoire d’amour puis de haine, et comment il était son protecteur et son bourreau à la fois, comment il l’a sauvé puis protégé et couvert d’amour avant de la couper du monde extérieur pour devenir son seul centre de gravité, puis le schéma qu’il a répété avec les deux autres compagnons. J’ai aimé voir les étincelles de rébellion s’installer petit à petit. Ce n’est pas une décision prise du jour au lendemain. Nos trois compagnons vont avoir du mal à se décider à sauter le grand pas en faisant l’interdit, c’est-à-dire tuer leur bourreau, car il y a la crainte de ne pas survivre sans lui, ne pas savoir comment vivre dans ce monde inconnu, la crainte d’échouer et les représailles, puis enfin les transgressions qu’ils vont faire, les petits actes de rébellion, les désobéissances, comment ils cherchent à en apprendre plus sur leur nature et leurs pouvoirs.


Je tiens également à féliciter l’auteure sur la prouesse d’avoir écrit un roman sur les épouses (enfin épouses et époux) de Dracula sans mentionner une seule fois le nom du vampire. On ne devine que c’est lui uniquement parce que les Harker sont mentionnés une fois, ce qui laisse donc supposer que ce roman est une réécriture et une réadaptation de Dracula puisque ses compagnons ne meurent pas dans le roman [spoiler] et que ce sont eux qui tuent Dracula et non les Harker et leurs amis  mais du coup, j’avais espéré que les événements du roman d’origine soient évoqués et comment l’auteure a choisi d’adapter ces événements car on ne comprend pas comment Dracula a survécu à Van Helsing et cie, s’il a simulé sa mort, etc. On a rien de tout cela, ce qui est frustrant [/spoiler]


J’ai également été un peu déçue de la fin du roman et de la direction qui a été prise [spoiler] par exemple je ne comprends pas que les trois compagnons décident de vivre leur vie de leur côté, ou que Constanta décide de transformer d’autres personnes, ou que Magdalena se serve d’un humain comme serviteur et amant, ce que j’ai trouvé étrange, surtout après leur passé auprès de Dracula. J’aurais trouvé plus cohérent que les trois soient restés ensemble vu l’amour qu'ils se portent [/spoiler]


Toutefois, j’ai aimé le fait qu’il y ait une relation polyamoureuse entre les compagnons eux-mêmes, et pas uniquement avec Dracula. Il y a une relation touchante entre ConstantaMagdalena et Alexi, faite d’amour, de désir, de passion et de complicité, avec un besoin profond de se soutenir mutuellement.


C’est un roman qui se dévore, en tout cas ça l’a été pour moi. L’écriture est fluide, envoûtante et poétique. J’ai été happée par l’ambiance gothique qui se dégage du roman, et j’ai aimé suivre Constanta et découvrir son histoire et la voir reprendre petit à petit sa vie en main. En outre, j’ai beaucoup aimé ma lecture !


J'ai su à cet instant que j'irais jusqu'en enfer pour glaner le moindre de vos moments de faiblesse, aussi infimes soient-ils. Qu'y a-t-il de plus charmant, après tout, qu'un monstre vaincu par le désir ?


lundi 21 avril 2025

La Vie secrète des arbres - Peter Wohlleben, Fred Bernard et Benjamin Flao.


Peter Wohlleben est le forestier le plus célèbre du monde, auteur du best-seller La Vie secrète des arbres, traduit dans plus de quarante langues. Ce livre est son histoire.

Avec un formidable talent de conteur, il nous plonge dans l'intimité des arbres, jusqu'à leurs racines. Au fil des pages, il nous entraîne à la découverte de l'extraordinaire fonctionnement de la forêt : comment les arbres interagissent, communiquent, se déplacent et se défendent.

La Vie secrète des arbres nous donne accès à un monde merveilleux mais fragile.

Protéger les arbres, c'est protéger l'humanité tout entière.




Cette bande-dessinée est une adaptation du livre du même nom de Peter Wohlleben, un ingénieur forestier allemand qui nous parle de sa vie, de son amour des arbres et de la nature, et de tout ce qu’il y a à savoir sur les arbres.


Cet ouvrage se présente comme une véritable petite Bible des arbres dans lequel l’auteur nous communique sa passion et son savoir. On en apprend notamment sur les différentes espèces d’arbres, comment ils vivent en forêt comme en ville, comment ils grandissent (un processus pas si évident qu’il n’y paraît), comment ils se reproduisent, comment ils migrent, comment ils communiquent entre eux, comment ils survivent et font face au danger (intempéries, incendies, parasites, etc), mais aussi leur vie sociale (entre eux ou avec les animaux) et les bienfaits des arbres pour nous mais aussi pour la Terre et l’écosystème.


Ce que je peux reprocher à cette bande-dessinée est l’accumulation d’informations. On a en effet un trop plein d’informations parfois décousues et redondantes et qui sont présentées de façon trop académique. J’ai parfois du persévérer dans ma lecture, et il m’a fallu faire de nombreuses pauses. Ce n’est pas un livre qu’on peut lire en une fois car, malgré son format bande-dessinée, la lecture n’est pas toujours fluide, et c’est parfois difficile d’assimiler toutes les informations.


Pourtant, le sujet est passionnant ! N’allez pas croire que j’ai passé un mauvais moment, bien au contraire. J’ai beaucoup aimé en apprendre davantage sur la vie et le fonctionnement des arbres. J’ai appris beaucoup de choses intéressantes et je vois les arbres d’une autre façon à présent !



Ce sont des organismes qui sont plus complexes et intéressants qu’on pourrait le croire de prime abord. Bien que dépourvus de cerveaux, ils sont capables d’apprendre et de mémoriser certaines expériences. Quand un arbre est attaqué par des insectes par exemple, il peut apprendre à se défendre ou à mieux se protéger. C’est notamment le cas des hêtres et des chênes quand trop de sangliers dévorent leurs glands : pendant quelques années, ils vont produire beaucoup moins de glands, forçant leurs prédateurs sangliers à aller chercher à manger ailleurs. Une fois la menace éloignées, ces arbres se remettent à produire. Nous avons aussi des arbres qui rendent leurs feuilles toxiques quand elles sont mangées par des girafes, mais aussi comment certains arbres peuvent développer une écorce épaisse pour se débarrasser de parasites comme les champignons ou des bactéries.


Les arbres sont également capables de communiquer entre eux grâce à un réseau de racines combinées à celles de leurs congénères ou bien grâce à des molécules volatiles, et se prévenir en cas de danger (quand un animal mange leurs feuilles par exemple). En forêt, la communauté des arbres résiste plus facilement car ils s’épaulent et peuvent s’appuyer sur leurs voisins tandis que des arbres plus isolés sont plus fragiles face aux intempéries et autres menaces, ce qui me fait me sentir triste pour les arbres des villes qui ne s’épanouissent pas comme les arbres dans les forêts et qui sont plus isolés et dans un environnement moins sain (l’air est moins pur en ville qu’en forêt).


C’est aussi un ouvrage biographique car l’auteur revient sur sa vie depuis son enfance et son attirance pour le monde forestier depuis le plus jeune âge, son déménagement à la campagne, son métier d’ingénieur forestier qui l’a conduit à utiliser les arbres comme des produits à utiliser, pour le profit, ce qu’il a détesté faire, et comment il en est venu à gérer enfin la forêt de sa ville comme il l’entendait, et faire mieux connaître à la population ce monde qui le fascine tant et les sensibiliser à cette cause qui lui est si chère. J’ai beaucoup aimé cet aspect biographique et la passion de l’auteur est communicative.



L’auteur a aussi parfois un discours alarmiste et provocateur, à raison car on ne peut pas lui reprocher de souligner le maintien fragile de l’écosystème et comment l’Homme traite l’arbre et la nature, davantage comme une source de profit que quelque chose à respecter, à chérir et à protéger. Heureusement, malgré ce discours alarmiste, il nous partage tout de même quelques nouvelles rassurantes et que, même si la situation est inquiétante, il y a des progrès, une prise de conscience, des tentatives d’amélioration.


En outre, une bande-dessinée instructive et passionnante, une véritable plongée dans le monde des arbres qui est constitué de secrets et de richesses insoupçonnés, mais des informations pas toujours présentés de la façon la plus attrayante qui soit. C’est un livre à lire à son rythme, en prenant son temps pour assimiler toutes les informations données. Cela dit, c’était instructif et les dessins, sans être époustouflants, font leur travail. On voit les arbres d’une autre façon, et ça donne envie d’un bon bol d’air frais en forêt !


mardi 8 avril 2025

Sa Majesté Mène l'Enquête (T.1) Bal tragique à Windsor - S.J. Bennett.


Windsor, printemps 2016. La reine Elizabeth II s'apprête à célébrer ses 90 ans et attend avec impatience la visite du couple Obama. Mais au lendemain d'une soirée dansante au château, un pianiste russe est découvert pendu dans le placard de sa chambre, quasiment nu.

Shocking ! Quel scandale si la presse l'apprenait ! Lorsque les enquêteurs commencent à soupçonner son fidèle personnel d'être impliqué dans cette sordide affaire, Sa Majesté, persuadée qu'ils font fausse route, décide de prendre les choses en main. Mais être reine a ses inconvénients, et notamment celui de ne pas passer inaperçue. C'est donc Rozie Oshodi, sa secrétaire particulière adjointe, une brillante jeune femme d'origine nigériane, qui va l'aider à démêler ce sac de nœuds en toute discrétion...

God save the Queen du cosy crime !



Ce qui m’a attiré dans ce roman policier, c’est que, comme son titre l’indique, sa majesté la reine Elisabeth II mène l’enquête ! J’ai apprécié cette originalité et, même si elle envoie sa secrétaire interroger quelques personnes et faire quelques tâches, il n’empêche que sa majesté fait marcher ses cellules grises, à l’instar d’un célèbre détective belge. J’ai aimé suivre l’histoire du point de vue d’Elisabeth, de suivre la reine, la femme mais aussi l’enquêtrice, et de découvrir que son altesse n’en est pas à sa première enquête, loin de là, mais qu’elle souhaite rester discrète et laisser d’autres personnes récolter les fruits de son labeur.

 

Ce que j’ai trouvé plaisant et intéressant dans ce roman, c’est qu’on accède à l’intimité de la reine. On voit l’envers du décor, grâce à une auteure qui connaît manifestement son sujet, et qui s’attache à mettre en relief l’humanité de la reine. J’ai aimé cette plongée dans le quotidien de la monarchie britannique, les rôles de chacun, le poids des mondanités et du protocole, les nombreuses réceptions. Heureusement, les échanges avec le prince Philip sont savoureux, avec son humour particulier et le fait qu’il ne soit pas toujours très conventionnel.

 

La reine est présentée avec respect, on y voit bien les limites et les contraintes de son rôle. Elle doit diriger l’enquête sans en avoir l’air. Que dirait l’opinion et ses sujets ? Mais elle ne peut laisser passer l’affaire, surtout quand les soupçons se posent sur ses proches collaborateurs. C’est pourquoi elle a recours à sa secrétaire, Rosie, qu’elle envoie interroger les témoins ou faire quelques emplettes.

 

Le paradoxe de ce roman est que j’ai davantage préféré les scènes sur Elisabeth, ses échanges avec son mari, sa vie de famille, ses tâches de reine, et les petits détails sur la vie de la monarchie, que l’enquête criminelle en elle-même qui ne m’aura pas bien palpité. Pourtant, ça partait très bien au début ! On est dans un cozy mystery, mais avec des tenants et aboutissants politique entre la Russie, la Chine et l’Angleterre. Ça parle d’attentat, d’espionnage, de Poutine et ses magouilles. Nous avons même la visite du couple Obama ! Autant dire que j’ai été agréablement surprise.

 

Malgré cela, l’intrigue policière est loin d’être à la hauteur. J’ai trouvé l’enquête molle, avançant à un rythme bien trop long. Je me suis ennuyée à plusieurs reprises, j’ai été tentée de survoler plusieurs passages, et j’avais hâte d’en finir avec ce roman. Les rebondissements ne sont pas très nombreux et le suspense est moyennement prenant. Je ne suis d’ailleurs même pas sûre d’avoir tout compris à l’intrigue et à la résolution de l’enquête. Outre les scènes sur Elisabeth, ce roman ne me laissera malheureusement pas un souvenir bien mémorable, et je ne pense pas lire les prochains tomes. U voyage en Angleterre sympathique mais non mémorable, malheureusement.


La reine était assise sur son lit, occupée à écrire son journal. Elle n’y notait jamais beaucoup de choses et surtout pas de cette nature. De nombreux historiens devaient déjà rêver d’avoir accès aux pages qu’elle remplissait rigoureusement chaque soir à la main, et qui seraient un jour déposées aux archives royales, dans la tour Ronde, avec celles de la reine Victoria. Il y avait cependant de fortes chances qu’ils soient déçus. Ceux qui liraient ces documents au XXIIe siècle y trouveraient des informations détaillées sur les courses hippiques, des observations sur le manque de vivacité d’esprit de certains premiers ministres et des anecdotes familiales mineures. Ses réflexions les plus profondes restaient entre elle et Dieu.

dimanche 30 mars 2025

Jules César - William Shakespeare.



Préférez-vous César vivant, et mourir esclaves, ou César mort, et tous vivre libres? César m'aimait, je le pleure. Il connut le succès, je m'en réjouis. Il fut vaillant, je l'honore. Mais il fut ambitieux et je l'ai tué. Pour son amitié, des larmes. Pour sa fortune, un souvenir joyeux. Pour sa valeur, du respect. Et pour son ambition, la mort. Qui parmi vous est assez vil pour accepter d'être esclave ? Si un tel homme existe, qu'il parle. Car lui, je l'ai offensé. Qui est assez grossier pour ne pas désirer d'être un Romain ? Si un tel homme existe, qu'il parle. Car lui, je l'ai offensé. Qui est abject au point de n'aimer pas son pays ? Si un tel homme existe, qu'il parle. Car lui, je l'ai offensé.

(Acte III, scène 2)




« Prends garde aux Ides de Mars. »


A l’approche du mois de mars, internet prépare blagues et memes à l’occasion des Ides de Mars, une façon se de moquer gentiment de la mort de Jules César, journée devenue mémorable sur les réseaux sociaux. A cette occasion, j’ai décidé de me coller enfin à la pièce de Shakespeare. Au final, je termine cette pièce le 30 mars (à 15 jours près, ça va, ça passe xD)


Cela faisait très longtemps que je n’avais pas lu de pièce de théâtre. L’avantage, c’est que ça se lit vite. Ce qui m’a aussi rendu la lecture agréable est que cela touchait une période historique qui me passionne, à savoir la Rome antique, et plus particulièrement la fin de la République romaine. Les événements de la pièce n’ont donc pas été une surprise pour moi, mais c’était intéressant de voir ce tableau historique peint par Shakespeare et comment il a choisi de représenter les personnages.


Parmi les personnages, nous avons Brutus, qui m’a bien surprise car il est souvent représenté comme le pire des traîtres. Ici, il est décrit comme un personnage noble et moral, peut-être même le seul dans cette œuvre, tiraillé entre son affection pour César et sa crainte que celui-ci n’abuse de ses pouvoirs et ne devienne un tyran, mettant à mal la démocratie à Rome. Au final, s’il décide de se joindre aux conspirateurs, ce n’est pas de gaieté de cœur, mais pour le bien public, car il craint que César ne devienne un tyran, mais jamais il n’aura un mot visant à salir César. Néanmoins, je pensais tomber sur une histoire père-fils tourmentée et tragique, ce qui n’est pas tant le cas. Brutus est davantage une figure tragique car il est influencé et entraîné dans l’histoire bien malgré lui, ce qui lui vaudra sa perte, alors qu’il ne voulait que le bien commun.

 

Nous avons également Cassius, un des conspirateurs, qui est un paradoxe. Homme envieux et sans scrupule, il est prêt à tout pour convaincre Brutus de se joindre à la conspiration mais il voue d’ailleurs à Brutus une amitié et une loyauté qui vont jusqu’à la dévotion presque amoureuse. Ensuite, Marc-Antoine, proche de César, j’ai beaucoup apprécié sa loyauté envers César, mais aussi son intelligence, on peut même dire son côté calculateur et fourbe que l’on voit parfaitement illustré dans son discours funèbre au peuple, auprès de la dépouille de César, qui fut tout simplement un délice à lire lorsqu’il fait mine de ne pas avoir de griefs pour les conspirateurs tout en les accusant indirectement et en attisant la colère du peuple sur eux. Le peuple est ici vu comme une girouette, elle a un côté versatile qui est assez comique mais aussi réaliste. Il faut se l’avouer, le peuple a toujours été ainsi, se faire amadouer par nos politiciens.

 

Finalement, le seul qui soit plus discret dans cette œuvre, c’est bien celui qui donne à la pièce son titre, alias Jules César lui-même. Après la première moitié du 3e acte, exit le grand César, terrassé par les conspirateurs. Mais, au final, que ce soit avant et après les Ides de Mars, César est au cœur même de l’intrigue. Tout d’abord, à travers les conspirations visant à l’assassiner, puis après sa mort, lorsque Octave, petit-neveu de César, et Marc-Antoine vont s’atteler à venger César et à traquer les conspirateurs.

 

Je n’ai pas grand-chose à dire concernant César. Shakespeare a su en faire un personnage humain. Il est au sommet de sa gloire mais on sent la fragilité de l’âge et, peut-être, de nombreuses années de guerres. Shakespeare reste énigmatique finalement sur la question : César voulait-il abuser de son autorité pour devenir roi et régner sans partage, ou les conjurés ont-ils anticipé un péril qui n’avait pas lieu d’être ?

 

J’ai aimé me plonger dans cette fresque historique, entre complots, assassinat, tensions politiques et guerre civile. La tragédie monte en intensité au fur et à mesure qu’arrive le meurtre de Jules César puis la dernière partie est tout aussi intense dans la guerre que se livrent Brutus et Cassius d’un côté et Octave et Marc-Antoine de l’autre, jusqu’à la victoire d’un camp. Un classique que je ne regrette donc pas d’avoir découvert, de par l’histoire qu’elle met en scène, où l’Histoire se mêle à l’histoire de nos personnages qui sont complexes et finalement humains.


Ô jugement tu t’es réfugié chez les bêtes brutes, et les hommes ont perdu leur raison ! Veuillez me supporter avec patience ; mon cœur est ici dans ce cercueil avec César, et il faut que je m’arrête jusqu’à ce qu’il me revienne.

vendredi 28 mars 2025

Mémoires de la forêt (T.4) La Saison des adieux - Mickaël Brun-Arnaud et Sanoe.


Autour de la famille Renard, on s'active aux préparatifs de l'anniversaire des quatre-vingts ans de la librairie de Bellécorce quand soudain, une branche craque. C'est le premier signe d'une terrible maladie : le croquebois. 

Pour en venir à bout, une seule solution : couper l'arbre. Mais, ça, Ernest Renard ne peut s'y résoudre. Le vieux chêne abrite les souvenirs et les œuvres de sa mère, Anouchka. S'il disparaît, c'est aussi elle qui s'en ira encore un peu plus. 

À moins que l'arbre des souhaits, un pommier magique dont Anouchka lui avait parlé quand il était petit, n'accomplisse un miracle. Sa quête à travers la forêt lui réservera bien des pépins, et la vie à croquer.




Ça me fait bizarre de dire au revoir à cette série.


Comme les tomes précédents, celui-ci est un petit bijou, tant au niveau du récit qu’au niveau visuel. C’est mignon, tendre, émouvant, gourmand et intergénérationnel. On retrouve les thèmes chers à la série : la mémoire, la transmission, la famille et l’amitié.


J’ai malgré tout trouvé l’histoire moins touchante et prenante par rapport aux tomes précédents, sans que ça n’entache la qualité du roman. C’est clairement l'histoire la plus triste de la série, l’ambiance est plus sombre, il y a moins d’humour, moins de légèreté et les lieux visités m’ont moins fait rêver. Pour autant, ça reste une jolie histoire, l’auteur vise toujours juste au niveau de la psychologie des personnages et des thèmes abordés.


À ma grande surprise, nous ne suivons pas Archibald dans ce dernier tome mais Bartholomé, son neveu devenu adulte et papa de deux jeunes renardeaux, Ernest et Lothaire, et qui a repris la librairie familiale. Alors que toute la famille Renard et Bellécorce fêtent l’anniversaire de la librairie, l’assemblée découvre avec stupeur que l’arbre qui abrite la librairie est en train de tomber en ruine. Le verdict est sans appel. L’arbre est atteint de la terrible maladie du croquebois dont le champignon ronge le bois petit à petit et dont il n’existe aucun remède.


Alors que Bartholomé, le cœur lourd, se résout à déménager sa petite famille et les livres, son aîné Ernest ne peut s’y résoudre. C’est qu’il a tous les souvenirs de sa maman disparue dans cette maison, il refuse de croire que c’est sans espoir. C’est ainsi qu’il se met en quête, en compagnie de son amie taupe Mathilde, de retrouver l’arbre aux souhaits dont sa maman lui racontait l’histoire, dans l’espoir de sauver la librairie familiale.




À l’insu de leurs parents, Ernest et Mathilde partent donc à l’aventure, traverser Bellécorce et faire différentes rencontres. Je dois avouer que [spoiler] je m’attendais à ce qu’ils ne puissent pas sauver l’arbre [/spoiler] mais cette issue ne m’a pas déçue et je m’y attendais, et ce n’était pas vraiment le but de l’intrigue mais plutôt de délivrer un joli message touchant sur le fait de grandir, de devoir laisser derrière soi des choses pour avancer dans la vie et ce malgré les épreuves. On ne peut que trouver touchant Ernest, ce petit renardeau si jeune mais déjà marqué par la vie et qui forme une amitié touchante avec Mathilde. Concernant celle-ci, j’ai eu un peu de mal à cerner qui était cette Lilas au départ avant de comprendre qu’il s’agissait [spoiler] d’une allusion à son handicap, sa peau pelée, l’occasion pour l’auteur d’aborder les thèmes du handicap, de l’acceptation de soi [/spoiler]


On repart aussi plusieurs fois en arrière, dans le passé de Bartholomé quand il était jeune renardeau et son amitié avec Ferdinand Taupe. Bien que j’aie trouvé leur amitié touchante, surtout leur dernière scène ensemble, je dois avouer que j’aurais préféré que ce soit Archibald à la place de Bartholomé, je trouvais ce choix plus pertinent et plus logique de terminer la saga sur les deux personnages avec qui nous avons commencé la série, et cela aurait donné une dimension plus forte et touchante à l’amitié entre Archibald et Ferdinand. Cela dit, les scènes avec Ferdinand étaient très touchantes, et la dernière scène avec ce personnage m’aura fait verser ma petite larme, d'autant que ce roman aura été l'occasion de revoir tous les personnages de la saga, peut-être pour un au revoir aux lecteurs également... 



Archibald m’aura quand même manqué ans ce tome, mais j’ai été agréablement surprise d’apprendre que [spoiler] il est marié à Célestin Loup. Monsieur Brun-Arnaud, je veux une histoire courte nous racontant cette histoire d’amour !! [/spoiler]



Je quitte donc cette saga et cet univers avec regret, et je remercie l’auteur et l’artiste pour ces incroyables aventures touchantes comme cozy. Si l’auteur écrit d’autres romans jeunesse, je les découvrirai avec grand plaisir !


- Ton amie Mathilde a raison, mon amour, murmura tendrement Anouchka, une patte sur sa joue. Dans la vie, il y a des choses qu’on doit tout faire pour retenir, et d’autres qu’il faut accepter de laisser partir. Je suis certaine que tu trouveras la force, la patience et le courage de les discerner les unes des autres. N’oublie jamais, mon ange, même lorsque ta patte refuse de lâcher prise, même lorsque tu as mal à en pleurer, perdre, c’est parfois retrouver… Un arbre ne peut grandir que si on lui laisse la place de pousser, tu ne crois pas ? Fais-moi confiance, Ernest. Maintenant, tu peux lâcher prise.