Lecture non prévue et de dernière minute pour boucler le Blossom Spring Challenge, Le restaurant des recettes oubliées n’en demeure pas moins une petite découverte sympathique.
Le roman propose un concept intéressant dans lequel nos protagonistes principaux, un père et sa fille, tiennent un restaurant mais aussi une agence d’enquêteurs gastronomiques. En plus de servir des repas faits maison, ils proposent à leurs convives de reproduire un plat qui les a marqué, qu’il s’agisse d’un repas de leur enfance, d’un met concocté par un être cher, ou qui est lié à un souvenir ou une personne.
Le roman est composé de six histoires dont le schéma reste le même. Le client trouve le restaurant, mange ce qui lui est proposé, puis le client est interrogé sur le plat qu’il souhaite retrouver. Origine des produits, temps de cuisson ou de préparation des ingrédients, lieu où le plat a été dégusté, en quelle compagnie, à quelle période de l’année, etc. Chaque détail, même minime, a son importance pour pouvoir recréer le plat. Ensuite, nos deux protagonistes donnent rendez-vous au client 15 jours après. Ensuite, le client revient, goûte le plat qu’il désirait et qui a été préparé par nos restaurateurs et ces derniers expliquent comment le cuisinier a mené son enquête et est parvenu à recréer le plat en question.
Le schéma répétitif des histoires peut déplaire. Pour ma part, comme il ne s’agissait que de six histoires, et que chaque plat et chaque client étaient différents, cela ne m’a pas gêné. Je regrette cependant de ne pas voir Nagare enquêter et que celui-ci se contente juste de raconter à ses clients son procédé. De ce fait, nous ne sommes que de distants spectateurs dans ce roman.
Je trouve aussi le concept du restaurant en lui-même étrange. C’est un restaurant caché, il n’a pas d’enseigne et ne dispose que d’une seule publicité qui en dit peu, et qui se revendique comme difficile à trouver et s’y complaît, ne désirant pas recevoir beaucoup de clients et semblant se contenter d’une petite poignée de clients, voire un à la fois. Koishi et Nagare imposent aussi le plat au client s’il vient pour la première fois et, seulement si le plat lui plaît et si le client décide de revenir une nouvelle fois, il sera servi le plat de son choix. Ça me semble bizarre et peu crédible mais, après tout, peut-être existe-t-il des restaurants avec le même concept.
Certains lecteurs ont déploré le peu d’informations sur Koishi et son père Nagare, ce ne fut pas mon cas. Je n’ai pas réussi à m’attacher à eux, je les ai même trouvé un peu antipathiques. Ils râlent souvent sur leur chat, Roupillon, parce qu’il agissait comme un chat et père et fille (mais surtout la fille) avaient parfois un comportement sec ou colérique envers les clients, surtout Koishi envers son propre père ou lorsqu’elle interrogeait les clients et qu’elle était frustrée ou irritée de leur réponse.
Cela dit, la force du roman ne repose pas tant sur les personnages mais sur son concept (retrouver des plats disparus de la même façon qu’une enquête policière) mais aussi son ambiance très dépaysante qui nous fait voyager au Japon, et qui nous fait découvrir davantage sa culture mais aussi et surtout la gastronomie (à noter que ce roman parle aussi de plats occidentaux). Et, ce qu’on peut dire, c’est que ça donne faim ! Chaque chapitre nous donne envie de nous replonger dans les plats de notre enfance ou bien de déguster de bons plats japonais et, là, je vous avoue, j’ai très envie de gyozas au poulet et de karaage, mais je m’interroge tout de même : si je pouvais déguster un plat associé à un souvenir, lequel choisirais-je ?
Ce que je retiendrais donc surtout du roman, c’est son ambiance japonaise dépaysante et son concept original qui permet, à chaque chapitre, de replonger dans le passé de chaque client et de lui faire revivre les émotions qui accompagnent la dégustation d’un plat qui l’a marqué et qui était préparé par un être cher. C’est la preuve qu’un plat est plus qu’un moyen de se nourrir, c’est vecteur de souvenirs, de nostalgies. On peut rattacher un plat à une personne, à un lieu, à un souvenir, quelque chose de très cher. Un plat peut nous rappeler un premier rendez-vous galant, notre enfance, un parent.
C’est très doux-amer car, dans ces histoires, il y a parfois un goût de regret. Une personne à jamais disparue, un plat que l’on mange pour la dernière fois avant de changer de vie, quelque chose d’inachevé. J’ai bien aimé l’histoire du client qui veut manger une dernière fois au plat de son épouse décédée avant de mener une nouvelle vie dans une autre région et avec sa nouvelle compagne, mais aussi l’histoire du business man qui veut retrouver le ragoût au bœuf de sa mère, et sa relation avec sa belle-mère.
En somme, un roman court et sympathique qui se lit avec fluidité, avec un concept original et une ambiance dépaysante. Je trouve cependant dommage qu’on ne s’attache pas aux personnages et qu’on ne soit que des spectateurs distants car il n’y a pas réellement d’enquête à suivre, on se contente juste d’attendre que Nagare explique son procédé à ses clients. Ça reste une petite lecture sympathique et qui ouvre l’appétit !
Les gens prennent facilement les choses pour acquises. Même s’ils jugent qu’un nouveau plat est bon, peu à peu, cela devient banal. Il ne faut jamais oublier son premier ressenti.