lundi 25 août 2014

Antigone - Jean Anouilh.


L'auteur :


Jean Anouilh (23 juin 1910 - 03 octobre 1987), est un écrivain et dramaturge français. Vivant et écrivant pour le théâtre, il est l'auteur d'une oeuvre théâtrale abondante, mais parmi ses œuvres, la plus connue reste Antigone, réécriture moderne de la pièce de Sophocle, écrite pendant l'Occupation allemande, et qui connu un succès, mais aussi une polémique, dès sa sortie.



Emprunt médiathèque.






Quatrième de couverture :

"L' Antigone de Sophocle, lue et relue et que je connaissais par cœur depuis toujours, a été un choc soudain pour moi pendant la guerre, le jour des petites affiches rouges. Je l'ai réécrite à ma façon, avec la résonance de la tragédie que nous étions alors en train de vivre."

Mon avis :

C'est compliqué de parler d'un livre qu'on a lu en une après-midi, surtout qu'Antigone m'a laissé une impression étrange tout au long de ma lecture. Acclamée par de nombreux lecteurs sur la blogosphère, sans avoir aimé ou détesté, j'ai trouvé cette lecture à la fois étrange mais intéressante.

Antigone est la fille incestueuse qu’Œdipe a eu avec sa mère, Jocaste. À la mort d'Œdipe, ses fils – Etéocle et Polynice – se sont disputés le trône du père jusqu'à s’entretuer. Etéocle fut porté en héros à Thèbes tandis que Polynice est considéré comme le frère disgracieux, le traître, ainsi le corps est laissé à l'abandon, condamné à pourrir à la vue de tous, tandis qu'on offre des funérailles nationales à Etéocle. Toute personne qui tente d'approcher et d'enterrer le corps est condamnée à être emmurée vivante. C'est très significatif car dans la Grèce antique, il fallait réserver au défunt des funérailles pour honorer son corps et assurer son voyage dans l'au-delà. Tout personne non enterrée avec les rites ne pouvait trouver la paix, et cela condamne son âme à errer pendant l'éternité.

Antigone est un personnage étrange, elle se démarque des autres héroïnes mythiques. Elle n'est franchement pas jolie, elle est petite, maigre, peu coquette, elle ne parvient pas à vivre en paix. Même lorsque son oncle essaye de la sauver d'une mort certaine, de la condamnation, elle ne peut se résoudre à vivre une vie simple. Pour elle, la vie doit être intense, violente, passionnée. Comme le dit son oncle, Créon, elle ressemble à son père, Œdipe, de ce côté-là. Ils ne peuvent se contenter de vivre une vie simple car la vie est faite de passions. Au départ, elle brave les interdits pour enterrer son frère dignement, mais plus tard elle avoue qu'il s'agira moins pour son frère, car au final elle n'était pas si proche que ça de ses frères, mais plus parce qu'elle tient à faire jusqu'au bout ce qu'elle a décidé de faire, elle tient à le faire pour elle, parce qu'elle en a décidé ainsi. C'est une rebelle assez obstinée qui causera bien du soucis à son oncle qui essayera maintes fois de la sauver. C'est un personnage têtu, tenace, qui n'a pas peur d'affronter la mort. Elle assume et défend jusqu'au bout ses idées. 

Elle a souvent évoqué en mois admiration mais souvent perplexité ! Elle défend ses idées jusqu'au bout, se dit prête à recommencer sans cesse ses tentatives d'enterrer son frère, mais avoue ne pas avoir été si proche que ça de lui, qu'elle regrette aussi son fiancé, Hémon (fils de Créon), et l'enfant qu'ils n'auront jamais. Alors que son oncle essaye de la sauver, elle enfonce le clou. Même si c'est un acte de résistance, de volonté de garder son libre-arbitre là où les autres essayent de forger son jugement, sa manière de penser, il y a quand même un certain égoïsme dans cette bravoure, cette rébellion face à Créon pour son frère décédé. Elle regrette le futur qu'elle n'aura jamais, une vie heureuse avec Hémon, mais tient à mourir pour ses actes. Beaucoup de lecteurs ont écrit avoir détesté le personnage de Créon, moi au contraire je trouve qu'il a offert toutes les issues possibles à Antigone pour la sauver, et qu'il m'a paru être un personnage intéressant. Il est une figure de vieil homme épuisé et usé par les exigences de la vie, un homme trop bon pour être un tyran (même si à la fin, il n'a d'autres choix que de condamner Antigone, de toute façon ce n'est pas une surprise, la fin est annoncée dès le début), et j'ai beaucoup aimé ses dialogues avec Antigone qui ont dynamisé la pièce.

Outre le personnage d'Antigone, cette pièce est très moderne et pas seulement dans la façon dont elle a été écrite. Cette histoire est une reprise du mythe d'Antigone, cependant il y a des éléments qui me font demander si la pièce ne se situe pas dans le monde moderne puisque des personnages parlent de carte postale ou de prendre un café... est-ce un mythe grec transposé dans un univers plus contemporain ? Sans compter les thèmes modernes comme les idéaux et l'importance qu'on accorde à ces idéaux, au point de s'y consacrer, de se sacrifier, cela m'a amené à me demander dans quel contexte cette pièce a été écrite car il est clair que le contexte historique a joué son importance dans l'écriture de cette pièce. J'ai appris plus tard que cette pièce date de 1942, soit en pleine occupation allemande, une période durant laquelle la Résistance s'affirme et les déportations massives de juifs également. Ce qui expliquerait donc les réflexions qu'on peut trouver dans l’œuvre sur les idéaux, la société, la vie, la mort et qu'Antigone, en elle-même, est considérée comme une figure de la Résistance car elle tient beaucoup à ses idéaux et s'y accroche jusqu'à la mort... car mine de rien, cette œuvre apporte quelques réflexions qui donnent à réfléchir ! C'est assez moderne, et pourtant le côté ancien de ce mythe s'accorde avec cette modernité, ce récit très actuel.

Cette œuvre m'a parfois laissé perplexe, mais elle est intéressante à lire. Antigone se rebelle contre la passivité de la vie,le temps qui passe et qui tue la passion de la vie, elle se rebelle contre les codes et les lois ; elle se réveille en enfant au début de l’œuvre et meurt en tant que femme, en ayant défendu ses idéaux jusqu'au bout. Le contexte historique dans lequel a été écrite cette œuvre est aussi important à discerner. L'auteur décrit aussi bien les sentiments humains. 

Extrait :

CREON

[…] Marie-toi vite, Antigone, sois heureuse. La vie n'est pas celle que tu crois. C'est une eau que les jeunes gens laissent couler sans le savoir, entre leurs doigts ouverts. Ferme tes mains, ferme tes mains, vite. Retiens-là. Tu verras, cela deviendra une petite chose dure et simple qu'on grignote assis au soleil. Ils te diront tous le contraire parce qu'ils ont besoin de ta force et de ton élan. Ne les écoute pas. Ne m'écoute pas quand je ferais mon prochain discours devant le tombeau d'Etéocle. Ce ne sera pas vrai. Rien n'est vrai que ce qu'on ne dit pas...

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