samedi 17 janvier 2015

M le Maudit

M le MauditM – Eine Stadt sucht einen Mörder


Réalisé par Fritz Lang.
Durée : 1h57 (version initiale)
1h30 (version de 1960)
1h50 (version numérique, restaurée en 2014)
Sorti en 1931.


Avec : Peter Lorre (M/Hans Beckert), Ellen Widmann (Mme Beckmann), Inge Landgut (Elsie Beckmann), Otto Wernicke (Inspecteur Karl Lohmann), Theodor Loos (Inspecteur Groeber), Gustaf Gründgens (Schränker, chef de la pègre), etc.




Synopsis :

Berlin au début des années 30. Un tueur d'enfants vient de faire une nouvelle victime. La police multiplie alors les rafles dans les bas-fonds. Gênée par toute cette agitation, la pègre décide de retrouver elle-même le criminel...

Mon avis :

Film découvert à l'occasion de mes cours à la fac, où il a fait l'objet d'un exposé. L'analyse de ce film a attisé ma curiosité, ainsi j'ai pris un peu de temps pour moi un soir pour le visionner. Au vu de sa date de sortie, on peut facilement trouver ce film sur internet; pour ma part, j'ai pu le visionner sur YouTube. Avant de commencer ce billet, je tiens à vous avertir : je spoile des éléments du film, donc si vous voulez découvrir ce film, je vous conseille de survoler ce billet (j'ai d'ailleurs pris un autre synopsis, celui qui est courant spoile un peu les éléments du film)

Dans le Berlin des années 1930, un assassin sème la terreur, et en particulier chez les mères car ce sont les enfants que cet assassin vise et plus particulièrement les petites filles qu'il aborde dans la rue avant de les tuer après leur avoir offert un jouet ou une friandise. Ces crimes répétés plongent la ville dans la peur et la tourmente. La police multiplie les rafles et va jusqu'à mener l'enquête du côté de la pègre berlinoise, en pensant que le criminel pourrait en faire partie. Cela gêne les activités des criminels de la pègre qui décident de traquer l'assassin eux-mêmes. Alors que l'assassin rôde, à la recherche d'une nouvelle victime, pègre et police enquêtent chacune de leur côté, avec leurs propres méthodes (méthodes scientifiques et modernes pour la police, délation et aide des mendiants pour la pègre). La pègre propose un stratagème : sitôt l'assassin repéré, il faudra le marquer de la lettre "M" pour qu'il soit ainsi visible aux yeux de la pègre et des habitants...


Une des premières apparitions de "M"
M le Maudit n'est certes pas le film le plus connu de Fritz Lang, grand réalisateur de la période, mais c'est un film qu'il est intéressant de visionner et même d'analyser, d'autant plus que la fascination des gens pour les meurtres ou affaires criminelles présente dans les années 1930 est encore présente de nos jours, ce qui a permis à ce film d'avoir un certain succès lors de sa sortie, et de connaître encore aujourd'hui un certain intérêt; d'autant plus que Fritz Lang a utilisé des méthodes de réalisations particulières pour rendre son film réaliste et de susciter l'émotion, ce qui nous donne un film à la fois remarquable et dérangeant.

Il y a en effet un travail de recherche et de réalisme dans M le Maudit. Fritz Lang nous présente en premier lieu un portrait réaliste d'une métropole contemporaine dans les années 1930, dans l'Allemagne de la République de Weimar (soit après l'abdication de l'empereur allemand après Première Guerre Mondiale et avant l'avènement d'Hitler) où Lang nous décrit l'appareil d'Etat de cette République, le Ministère de l'Intérieur, la préfecture de police... ainsi que la société berlinoise, les classes sociales, et la société des brigands avec ses syndicats (les cambrioleurs, faussaires, proxénètes, etc), une pègre aussi organisée que la société officielle. C'est le portrait d'une période difficile où l'Etat présent ne convainc pas et manque d'autorité. En effet, au vu des crimes présents dans le film, il est difficile de croire en à crédibilité de l'Etat, d'autant plus que ce ne sont pas les figures d'autorités qui parviennent à retrouver et à attraper l'assassin, puis à le juger mais plutôt la pègre des criminels de la ville ! L'ordre social est menacé et les rôles inversés puisque ce sont les criminels eux-mêmes qui, avec l'aide des mendiants, traquent et font justice eux-même... jusqu'à ce que la police ne découvre leur stratagème et décide d'interrompre le procès de M fait par les criminels, et que la loi de l'autorité ait le dernier mot.

Le désir de réalisme de Lang l'a poussé à consulter des psychiatres et a réunir une importante documentation, pour le personnage de M. Son but n'était pas seulement de nous offrir le portrait d'un assassin terrifiant, mais aussi à nous marquer en nous présentant un assassin qui est un Monsieur tout le monde, un homme à la personnalité double, et à chercher à nous faire comprendre comment un homme peut en arriver au meurtre. M est un Monsieur tout le monde, il peut être n'importe qui ! Il faut le marquer (la marque du fameux M fait à la craie) pour le reconnaître. Après, loin de moi de dire que M est un pauvre homme qui n'a rien fait de mal, après tout c'est un tueur d'enfants, ni ne pense à justifier ses actes. Mais Lang nous montre comment un homme peut en arriver au meurtre et dans le cas de M, la personnalité double, sa personnalité cachée, d'autant plus que Peter Lorre incarne son personnage avec un tempérament timide et réservé, il n'a rien des apparences des tueurs en série ! Bref, c'est un peu comme une sorte de docteur Jekyll et Mister Hyde. Ce thème revient d'ailleurs souvent dans le film, notamment à travers les miroirs. Le but de Lang concernant M est de susciter de l'intérêt, de la sympathie et du dégoût pour ce personnage. On ne sait pas s'il est vraiment responsable de ses actes ou s'il est malade psychologiquement, victime de sa folie, qu'il ne peut pas se contrôler.

Hans/M, découvrant qu'il a été marqué.

Ce film est aussi une réflexion sur la nature humaine : ce n'est pas manichéen où tout le monde est blanc ou noir, gentil ou méchant comme dans les productions américaines. Lang nous montre que chacun a une part d'ombre, de gris. Après, le film ne joue pas sur la surprise : on voit tout de suite la silhouette de l'assassin et il se fait reconnaître facilement par son sifflement (un air de musique que M siffle lorsqu'il s'apprête à tuer un enfant), cependant par un subtile stratagème d'ombre et de lumière, d'apparition et de dissimulation, son visage nous est progressivement révélé et l'un des points forts du film est la traque. La traque de M est quelque chose d'angoissant et de passionnant à assister. Police comme criminels sont à sa recherche, tous le traquent, mais M se fond très bien dans la foule. L'ironie est que c'est un mendiant aveugle, vendeur de ballons, qui va le reconnaître à cause de l'air que M siffle (un air qui restera gravé dans ma mémoire tant les scènes où M le siffle sont prenantes, mais aussi parce que le garçon de ma classe à avoir fait cet exposé l'a sifflé pendant plusieurs semaines ;p)

Bref, je ne m'étendrais pas là-dessus davantage. J'ai beaucoup décrit le film, concernant mes impressions, je dirais que M le Maudit est un film intéressant à regarder et à contempler (dans le sens, analyser). C'est une histoire assez prenante, qui suscite l'intérêt, l'émotion. D'autres aspects comme le jeu des miroirs, le parallèle entre la pègre et la police, la traque de l'assassin, ... font de ce film un film remarquable et intéressant à visionner.

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