jeudi 26 février 2015

Le chant d'Achille - Madeline Miller.


Patrocle, jeune prince maladroit, est exilé à la cour du roi Pelée. Il y rencontre Achille, son exact contraire, doué pour tout ce qu’il entreprend. 

Malgré leurs différences, les deux jeunes hommes deviennent inséparables. Quand débute la guerre de Troie, Achille part combattre. 

Tiraillé entre son amour pour son ami et la peur du danger, Patrocle décide de l’accompagner. La violence des hommes et des dieux transformera leur histoire en drame.







Ce livre fait partie de mes coups de cœur de l'année 2015 ! J'ai d'ailleurs eu du mal à attendre sa sortie en livre de poche et j'ai préféré me le procurer en broché.

Ce roman est narré par Patrocle, le compagnon d'Achille. Il nous raconte d'abord sa jeunesse plutôt solitaire, avec une mère que l'on dit folle et un père indifférent, ainsi que l'accident qui lui a valu son exil à la cour du roi Pélée (un roi que l'on dit sage et qui aurait combattu aux côtés de héros illustres tels que Persée ou Héraclès) où il fera la connaissance de celui qui changera sa vie : le prince Achille, qui se trouve être son exact contraire. Malgré leurs différences, les deux garçons deviennent amis, ce qui n'est pas pour plaire à Thétis, mère d'Achille et Néréide de son état (nymphe marine), qui fait tout son possible pour les séparer, ne considérant pas Patrocle comme digne de son fils. Cependant, plus les années passent et plus Achille et Patrocle se rapprochent... jusqu'à la violence de la guerre de Troie.

J'ai été emportée par ce roman. L'auteur a une belle écriture, je me suis laissée facilement transportée par ce roman, et les pages se sont tournées très vite. Patrocle nous raconte cette histoire jusqu'à sa mort... et même au-delà ! J'ai beaucoup aimé suivre Patrocle. Parmi tous les personnages de la guerre de Troie, il est rarement (voire pas du tout) celui à qui on s'intéresse. Il est souvent oublié ou à l'arrière-plan dans les différentes adaptations faites de L'Iliade. Ainsi, je suis très reconnaissance envers l'auteur de s'être intéressée à Patrocle et de lui avoir consacré cette histoire. Il s'oppose au torrent tumultueux qu'est Achille, il est doux, calme, posé, gentil. S'il n'a rien de la puissance, de la grandeur d'Achille, présenté comme beau, charmant, puissant, rapide, il est placé sur un même pied d'égalité qu'Achille, par l'auteur et par Achille lui-même.


Patrocle, de Jacques-Louis David (1780)
Achille, dans cette histoire, est à l'image du personnage tel qu'on se le représente : il est grand, beau, blond, musclé, invincible. Oui mais pas que ! Dans cette version, l'auteur nous fait découvrir un Achille sensible. Un Achille humain qui se cache sous son masque de jeune héros que l'on dit invincible et à qui on prédit gloire éternelle. A travers d'autres personnages, peut-être est-ce cette image qui revient souvent; avec Patrocle, c'est une autre histoire, car Achille n'a jamais été plus humain qu'avec Patrocle, son plus cher compagnon. Achille est plus qu'un guerrier. Achille aime jouer de la lyre, composer, se gaver de figues, taquiner Patrocle, qui est espiègle, même s'il deviendra vaniteux lorsque viendra la guerre de Troie et qu'il s'aperçoit qu'au combat, il est invincible.

Un point important de l'histoire : la relation entre Achille et PatrocleCes deux-là forment un lien très fort que personne ne peut briser. Plusieurs fois, on tentera de les séparer, seulement l'un finit toujours par retrouver l'autre ! Ils forment un lien que même la mort ne peut briser. J'ai beaucoup aimé suivre l'évolution de cette relation. Nous les voyons grandir, faire leur apprentissage auprès du centaure Chiron, qui a entraîné beaucoup de héros, jusqu'à la guerre de Troie. C'est une relation qui évolue et s'intensifie au fur et à mesure que le temps passe. Il y a d'abord l'insouciance de l'enfance, puis les dangers de la guerre où Patrocle ne cesse de s’inquiéter pour Achille. Mais il y a un aspect important à relever au sujet de leur relation : Achille et Patrocle deviennent amants dans ce roman. C'est même d'ailleurs la principale raison qui m'a fait choisir ce roman.

Achille et Patrocle amants, ce n'est pourtant pas une histoire qui date d'hier ! Depuis Homère, nombreux ont été les hommes à spéculer sur la nature précise de leur relation, puisque Homère ne l'a pas révélé. On pense facilement, dans L'Iliade, qu'ils sont amis, cependant les Grecs, dès le Ve siècle avant notre ère, voient davantage. Le débat à l'époque n'était d'ailleurs pas de savoir si Achille et Patrocle sont amis ou amants, mais pourquoi Homère est resté si réservé sur ce sujet et qui d'Achille ou Patrocle dominait dans ce couple. Des auteurs antiques célèbres comme Platon ou Eschyle ont beaucoup spéculé sur cette relation ! La théorie d'Achille et Patrocle amants m'intéresse beaucoup (bien que, qu'ils soient amis ou amants, leur relation dans L'Iliade et le canon grec reste très forte), ainsi j'étais curieuse et intéressée au sujet de ce roman, qui me semble être la première oeuvre contemporaine à exploiter cette relation mais du point de vue romantique. J'ai beaucoup aimé la façon de l'auteur d'exploiter cette relation. D'abord amis, la relation entre les deux jeunes hommes va évoluer jusqu'à la naissance de sentiments plus profonds. Patrocle est d'ailleurs le premier à faire le premier pas et on découvre, en même temps que lui, la naissance de ses sentiments pour Achille, la profondeur de son amour pour lui, sa peur de le perdre, sa façon de voir et décrire Achille (amoureux comme il est, il décrit Achille de façon parfaite, presque poétique, c'est imagé, c'est beau même, donc on est loin des descriptions de Bella au sujet d'Edward !!)


Madeline Miller, avec un exemplaire en VO du roman.

Si Achille, Patrocle et leur relation sont un point important du roman, ce récit relate tout de même des événements de L'Iliade et de la mythologie grecque : la guerre de Troie bien-sûr, mais pas que ! L'épisode où Ulysse découvre Achille, déguisé en jeune femme, pour échapper à ceux qui veulent le persuader de se battre à Troie; l'épisode du sacrifice d'Iphigénie, etc. Ainsi, nous sommes plongé dans la Grèce antique et revisitons, sous la plume de l'auteur, de célèbres épisodes de la mythologie. On côtoie aussi les hommes et les femmes faisant partie de la vie d'Achille et Patrocle : le prince Hector, le roi Pélée, Chiron, la jeune esclave Briséis (j'ai beaucoup aimé ce personnage, l'auteur s'est beaucoup intéressée à elle dans la seconde partie du roman et elle a fait d'elle un personnage secondaire important, ainsi qu'une amie très chère à Patrocle), Ménélas, Ulysse bien-sûr bien qu'il soit peu présent, ainsi que Thétis, la mère d'Achille. Celle-ci prend une grande place dans le destin d'Achille. Elle nous paraît détestable car elle ne voue à Patrocle que mépris et froideur. Seulement, il faut comprendre que c'est une déesse qui ne comprend pas les sentiments humains, mais elle aime son fils, de façon un peu possessive, elle refuse que les mortels lui enlèvent son enfant et veut qu'il accède à l'immortalité pour qu'il puisse ne jamais mourir et donc ne pas devenir inaccessible à Thétis. C'est pourquoi elle ne voit pas l'arrivée de Patrocle dans la vie d'Achille d'un bon œil : il rend Achille humain et en s'attachant à Patrocle, Achille en vient à négliger sa destiné et à vouloir mourir à ses côtés. Cependant, pour toute sa froideur, Thétis a su me toucher à la fin, en faisant preuve de compassion pour Patrocle, par égard pour son fils.

Le gros point négatif que je pourrais retenir de ce roman au final : le personnage de Patrocle. Si je remercie l'auteur de s'être intéressée à Patrocle et d'avoir fait de lui un personnage important de son histoire, quelques points m'ont chagriné. Afin de montrer les différences entre les deux personnages, Patrocle a été présenté comme l'exact contraire d'Achille. D'une beauté banale, faible et maladroit. Ce que Patrocle, dans l'histoire d'Homère, n'était pas. Patrocle est présenté comme semblable à Achille (c'est pourquoi personne n'a su deviner que c'était lui sous l'armure d'Achille lors de son dernier combat avec Hector) et fort, habile. Chez Madeline Miller, Patrocle ne sait pas se battre et doit, au départ, rester près d'Achille pour que celui-ci le protège, et ensuite il devient guérisseur et reste la plupart du temps au camp, à soigner les malades et attendre le retour d'Achille. Si Patrocle, dans L'Iliade, a quelques attributs considérés alors comme féminin (à s'occuper de l'armure d'Achille, à offrir vin et nourriture quand lui et Achille ont de la compagnie), il n'en reste pas moins que Patrocle faisait partie des soldats les plus brillants des Grecs et à avoir tué un grand nombre de Troyens. C'est un valeureux guerrier, et il a fallu à Hector l'intervention d'un dieu pour venir à bout de Patrocle. J'ai toujours aimé cette image du compagnon d'Achille, doux et loyal mais en même temps redoutable et habile. Si Patrocle reste plein d'empathie et loyal à Achille, dans ce roman il est présenté comme faible physiquement, un peu gringalet, bullié par les plus fort au combat et maladroit. J'ai donc déploré ces changements que l'auteur a apporté à Patrocle. Sans compter la haine de Thétis envers Patrocle, alors que rien ne présageait dans L'Iliade que ces deux-là ne s'entendaient pas (d'autant plus que Thétis a pleuré, avec Achille, la mort de Patrocle)

Malgré ce point négatif, j'ai énormément aimé cette lecture. Madeline Miller a su faire revivre le mythe et a raconter une belle histoire en exploitant, avec justesse, l'histoire d'une amitié forte entre deux jeunes hommes que rien, pas même la mort, ne peut séparer. D'une relation amoureuse entre deux hommes différents mais très proches, qui leur permet d'avancer, de grandir, de se surpasser. Achille et Patrocle m'ont beaucoup touché, et j'avoue sans honte avoir pleuré comme une madeleine, sans savoir me calmer, lorsqu'est venue la scène où Achille découvre la mort de son bien-aimé et laisse libre court à sa rage et à son chagrin, tandis que l'esprit de Patrocle ne peut que se désoler et regarder Achille se laisser porter par sa colère et son chagrin. C'est vraiment une lecture qui m'a touché et transporté et je garderais toujours un profond souvenir de cette lecture.



- Ah ! Voilà une histoire qui vaut la peine d'être racontée. Il faut tout de même que je dise d'abord un mot au capitaine, poursuivit-il [Ulysse] avec un geste en direction du soleil, déjà assez bas dans le ciel. Nous allons bientôt devoir nous arrêter pour installer notre camp.Diomède quitta le coin de rambarde auquel il était appuyé.- C'est moi qui vais y aller, déclara-t-il. J'ai entendu celle-là au moins autant de fois que l’écœurant épisode du lit.- Tant pis pour toi, lança Ulysse dans son dos. Ne faites pas attention à lui. Sa femme est une sale garce, ce qui rendrait n'importe qui aigri, précisa-t-il pour notre gouverne. Ma femme, elle...La voix de Diomède nous parvint depuis l'autre bout du navire.- Si tu finis cette phrase, je te jetterai par-dessus bord et tu nageras jusqu'à Troie, je le jure !- Vous voyez ? fit Ulysse en secouant la tête. Il est amer.


Chapitre 15.


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