mardi 3 avril 2018

Donatien Lachance, détective de Napoléon (T.1) L'énigme de la rue Saint-Nicaise - Laurent Joffrin.


Le jour de Noël 1800, une bombe manque de tuer Bonaparte qui se rendait en carrosse à l'Opéra. Le Premier consul décide d'employer les grands moyens pour trouver les coupables, qu'il désigne aussitôt par le calcul politique. Pour lui, ce sont des républicains nostalgiques de la Terreur, qui risquent de gêner son ascension.

Le commissaire Donatien Lachance est chargé de l'enquête. D'une intelligence redoutable, ancien jacobin inflexible devenu un jeune loup du nouveau régime, précurseur de la police scientifique avec son mentor et ministre Joseph Fouché, Lachance suite une autre piste, celle des monarchistes extrémistes. Et il découvre que sur la liste des suspects établie par Bonaparte figure le mari d'Olympe, une jeune républicaine exaltée qu'il a follement aimée. Pour sauver ses amis, il doit résoudre en quelques jours l'énigme de la rue Saint-Nicaise.

Dans le salon de Madame Récamier, dans les luxueuses maisons de plaisir du Palais-Royal, sur les côtes de la Manche où s'affrontent marins français et anglais, Lachance déploie tout son talent de policier et de séducteur pour remplir sa mission. Les idéologie et les passions s'affrontent dans une France à peine sortie de la Terreur qui cherche son destin sous la férule d'un petit homme adulé ou honni qui va devenir empereur.



Je suis revenue vers l'un de mes domaines préférés dans le domaine de la littérature, à savoir le polar historique et comme je faisais une fixette, il y a quelques semaines, sur Napoléon Bonaparte, je me suis penchée sur le premier tome de cette série.

L'auteur se base sur un épisode de notre Histoire et plus particulièrement sur celle de Napoléon, puisque l'attentat du 24 décembre 1800 s'est bel et bien déroulé, dans la rue Saint-Nicaise, aujourd'hui disparue (elle était située au 1er arrondissement de Paris). J'ai trouvé intéressant le fait que l'auteur s'intéresse de près à un épisode méconnu de la vie de Napoléon pour imaginer une enquête, voire une période assez méconnue de l'Histoire. La Révolution française, et par extension la Terreur, est connue de tous (au moins les grandes lignes), idem pour le Premier Empire, mais la période entre les deux ? Un peu moins. Pourtant, avant d'être empereur, Napoléon était général puis Consul.



Détail sur Bonaparte, Premier Consul,
peinture réalisée par Ingres en 1804.
Notre cher Bonaparte fait ici quelques apparitions, et j'ai apprécié le découvrir sous la plume de l'auteur qui a repris le personnage le plus fidèlement possible. Napoléon est consul et non l'empereur que la France a connu, son fabuleux destin n'est pas encore connu de nos personnages dans ce roman, et forcément quelques-uns des personnages, de gens de la société, – dont notre détective – s'interrogent parfois. Ce Bonaparte est indéniablement un grand homme, mais comment le considérer ? Comment considérer cet homme ? Peut-il redresser une France vidée de son sang après la révolution puis la Terreur, se contenter de son rôle de Consul ou ses victoires vont-elles lui permettre de prendre de l'assurance et transformer la nation en un pays rayonnant ou en dictature… Car Napoléon est vif et borné, fougueux mais fin stratège, il épuise son entourage et peut être impitoyable comme il peut être un homme non pas dénué de cœur et d'humour. J'ai beaucoup apprécié découvrir Bonaparte avant Napoléon Ier.

Et puisque ce roman prend place dans une période méconnue de notre histoire, cela nous donne l'occasion de découvrir des personnages historiques moins connus que ce cher Napoléon et son épouse, Joséphine, à savoir : Joseph Fouché, ministre de la Police, Georges Cadoudal, général français, ou encore Juliette Récamier, grande célébrité du monde littéraire et artistique qui réunit beaucoup de monde à travers ses salons parisiens. Des personnages historiques de milieux différents nous permettant de découvrit cette société du début du XIXe siècle (la police, le ministère, les salons, …).

Du côté des personnages fictifs, ils s'en sortent bien. Donatien Lachance est un personnage intéressant, bien qu'il n'attire pas d'emblée notre sympathie et c'est en grande partie du à son sanglant passé sous la Révolution (j'ai cependant trouvé intéressant que l'auteur se démarque un peu des autres personnages détectives de fiction en donnant à Donatien un passé lourd, montrant qu'il n'est pas tout blanc), mais on lit peu à peu un homme intelligent, avec un certain idéal et fidèle en amitié. Il forme un trio intéressant avec son ami Hyacinthe et son épouse Olympe, deux personnages à m'avoir souvent laissé de glace mais qui ne sont pas dénués d'intérêt pour autant. Cependant j'ai eu du mal à m'intéresser à eux pendant une bonne partie du roman, et j'ai été quelque peu déconcertée lorsque le roman a coupé pendant l'enquête pour nous présenter, en quelques chapitres, l'histoire et les relations entre  ces trois personnages. Des chapitres certes nécessaires pour nous aider à mieux comprendre et découvrir ces personnages, mais j'ai pris plus d'intérêt à suivre l'enquête (et attendre chaque scène où apparaissait Napoléon… on assume sa fixation sur un personnage historique ou on ne le fait pas ;p).

Le point fort et à la fois l'inconvénient de ce roman, c'est le contexte. D'un côté, j'ai été parfois déconcertée lorsque l'auteur coupait une scène pour nous parler, pendant quelques pages, du contexte sur un sujet donné, pour nous apporter des explications sur un élément. Lorsqu'on commence un chapitre ou une scène et que c'est interrompu pour des explications de quelques pages, ça peut surprendre ! Il y a quelques digressions et lenteurs qui ralentissent l'enquête, ce qui était un peu dommage… J'aurais aussi favorable à ce que l'auteur nous explique un peu ce qu'est un Jacobin, un Chouan, etc, et la différences entre ces partis car, à moins de connaître cette période de l'Histoire, on peut s'y perdre.


Rue Nicaise, 3 Nivose an 9 de la Répque fse
Gravure d’époque à l’aquatinte sur l’attentat du 24 décembre 1800.

De l'autre côté, je ne peux pas nier le travail de recherches de l'auteur pour nous fournir un roman retraçant fidèlement l'époque dans laquelle l'intrigue se situe. On retrouve, relaté fidèlement, le contexte social et politique de l'époque, ainsi que le climat de cette société à peine sortie de la Terreur mais pas encore pendant l'Empire de Napoléon. Le climat reste tendu, on ne sait à qui faire confiance, il y a des tensions entre les différents partis (Jacobins, royalistes, républicains, chouans, etc), des gens dénoncent, la société réprime sévèrement, la société est observée, contrôlée, sous l’œil d'une inquisition parfois cruelle et parfois bienveillante… quelques traces, encore visibles, de ce règne de Terreur qui a tant marqué. Le nouveau gouvernement veut l'ordre et la paix et utilise tous les moyens pour cela.


Pour parler rapidement de l'enquête sans spoiler, celle-ci est bien menée. Comme Donatien, on s'interroge et se demande qui est/sont le ou les coupable(s), comment ils s'y sont pris, obéissent-ils à quelqu'un ou était-ce de leur plein gré ? On suit progressivement l'enquête et on découvre tout en même temps que notre détective. On peut reprocher que l'enquête traîne un peu, mais la police scientifique n'existait pas alors, les témoignages et l'observation et l'analyse comptent beaucoup et, une fois que l’étau se resserre au niveau de l'enquête, ça en devient passionnant et on ne lâche plus le livre avant la résolution de l'affaire !

Pour résumer : un roman avec un cadre historique retracé fidèlement, une enquête qui tient la route et nous tient en haleine jusqu'à la résolution, des personnages intéressants ; mais cependant quelques longueurs et digressions. Heureusement, cela ne gâche pas la lecture du roman, et je serais éventuellement tentée de découvrir le second tome, un jour !



Donatien regarda l'échiquier, désarçonné. Il trouvait son roi découvert alors qu'il avait pris soin de le protéger derrière un pion lui-même soutenu par un fou et un cheval. Ce pion avait disparu [...] Déconfit, Donatien refit mentalement les mouvements qui l'avaient conduit dans ce traquenard. Décidément, il n'arrivait pas à comprendre comment ce pion à la position si importante avait pu échapper à son attention. Que diable en avait-il fait ? Puis une idée jaillit dans son esprit. Il se redressa et porta un œil inquisiteur sur son adversaire. Celui-ci avait suivi ses mimiques. Il prit un air innocent puis éclata de rire, faisant se retourner les autres joueurs occupés à ranger leurs cartes. Il sortit sa main de derrière son dos et l'ouvrit. Le pion noir s'y trouvait. Bonaparte rit encore plus fort, très content de son tour.
- Vous avez gagné, Lachance. Ne faites pas cette figure ! Vous jouez mieux que moi. Mais ce sera une leçon pour vous. Avec cette méthode, j'ai gagné plusieurs batailles. A la guerre, sachez-le, il n'y a pas de règle. Le tricheur est absous s'il est vainqueur.


9. Mme Récamier.


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2 commentaires:

  1. bonjour Marion
    j'espère que tu vas bien
    il m'a l'air sympa ce livre
    tu en fais une belle présentation
    bises et A+ du troubadour Emmanuel

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    1. Bonsoir cher troubadour, je me porte bien merci, et j'espère qu'il en est de même pour toi :)

      Merci pour le compliment, ça me touche d'autant plus que j'essaye de plus en plus de soigner la présentation de mes articles. Apparemment, cela porte ses fruits !

      Bises et à bientôt !

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