jeudi 25 novembre 2021

Les amants de la mer de Chine - Eve Terrellon.

Shanghai, 1861. Dans une Chine ravagée par les guerres de l'Opium, Jonathan se retrouve livré à lui-même lorsque sa mère disparaît sans laisser de traces. Confié aux bons soins d'un orphelinat tenu par un couple de britanniques, c'est là qu'il fait la rencontre qui bouleversa sa vie. À peine plus âgé que lui, Bao est le fils du joaillier le plus réputé de Shanghai. Celui-ci tombe immédiatement sous le charme des longs cheveux blonds et de la discrétion du jeune orphelin. 

Les années passant, cette amitié d'enfant se transforme en une passion d'une toute autre nature que rien ne démentira. Mais en dépit de la bénédiction d'un mystérieux dieu et de ses guerriers dragons qui semblent veiller sur eux, secrets, tragédies et duperies n'auront de cesse de séparer les deux amants. 

Des palais de Shanghai jusqu'aux confins les plus reculés de la jungle chinoise, Bao et Jonathan devront apprendre à ne compter que sur eux-mêmes pour percer le secret de Qinqiè Aiqing. Et, pourquoi pas, enfin découvrir cette terre promise à ceux dont la société réprouve les amours ?




Je n’avais pas prévu cette lecture, j’ai cédé à la curiosité avec comme intention initiale de lire quelques pages pour me faire une idée. Je ne m’étais pas attendue à le dévorer en deux jours !

Nous suivons l’histoire de Bao et de Jonathan.

Jonathan est un jeune garçon d’origine anglaise que les aléas du destin placent rapidement dans un orphelinat en plein cœur de la Chine du XXe siècle. Ses yeux verts et sa chevelure blonde, qu’il porte longue et tressée ou nattée, ne laissent personne indifférent, et suscitent la fascination sinon la méfiance auprès de ses pairs. C’est un jeune garçon cultivé et parfaitement au fait des coutumes chinoises, parlant aussi bien l’anglais que les différents dialectes chinois… Le fait qu’il soit un étranger n’est pas son seul défaut aux yeux de son entourage. Malgré sa discrétion ainsi que son caractère solitaire et renfermé, il fait parler de lui dans tout Shangai et jusqu’en Occident de par sa particularité d’étranger devenu Chinois, mais aussi de par sa relation avec Bao, fils du bienfaiteur de son orphelinat et héritiers d’un des plus grands joailliers de Chine. Leurs tendres sentiments d’amitié se transforment, au fil du temps, en sentiments amoureux forts et profonds, ce qui n’est pas pour plaire à tout le monde… Dès leur jeunesse, Bao et Jonathan placent leur relation sous la protection d’un dieu ancien, Qingié Aiqing, un dragon ayant pris une apparence humaine et qui se veut protecteur des amours impossibles, promettant à tous les amants en peine un lieu caché où ils peuvent vivre leur amour au grand jour. Bao et Jonathan sont persuadés que la légende est réelle et espèrent bien trouver ce monde utopique un jour… 

J’ai aimé cette immersion dans la Chine du XIXe siècle. Je ne connais pratiquement rien à cette période historique dans ce pays, ainsi je ne saurais dire si l’auteure a su dépeindre fidèlement la Chine à cette période, toutefois il m’a semblé qu’elle s’est fondée sur quelques bases historiques plutôt solides et j’ai aimé en savoir un peu plus sur les coutumes chinoises ainsi que le contexte historique des guerres d’Opium et les conséquences en Chine. La mythologie présentée est également intéressante, autour de cette divinité s’incarnant en dragon et veillant sur les personnes dont l’amour est réprouvé, cette terre secrète où les amants peuvent s’aimer librement.

J’ai aimé suivre Bao et Jonathan ainsi que l’évolution de leur relation, voir leur amitié d’enfance se transformer en amour, et être témoin de toute la dévotion qu’ils se témoignent, les aventures et sacrifices qu’ils ont dû faire face pour préserver leur relation. J’ai bien aimé Bao. Comme nous ne connaissons pas son point de vue, il semble plus énigmatique que Jonathan, et c’est un jeune homme qui porte le poids de son rôle et de ses responsabilités d’héritier d’une noble famille ancestrale. J’ai également aimé la douleur et la dévotion qu’il semble ne garder que pour Jonathan et, oui, aussi guimauve peuvent-ils être, j’ai aimé ses nombreux surnoms pour Jonathan.

Après, j’ai certaines choses à redire concernant Jonathan. Il a des moments d’abattement assez chroniques et ne fait pas vraiment d’effort pour avoir d’autres liens à part Bao. Pendant une bonne partie du roman, il ne cherche à s’attacher à personne, même des personnes cherchant à le défendre, lui parler, lui donnant un petit côté « grande dame », froide et distante. Il s’isole volontairement, ne veut se mêler de rien qui ne soient ses affaires et sa relation avec Bao, et j’ai souvent regretté qu’il ne soit pas très débrouillard dans le sens où ça rejoint un cliché du genre M/M : le personnage qui s’éloigne de son amant suite à une dispute, pour vivre sa propre aventure, mais il est naïf et ne se débrouille pas si bien, et c’est son amant qui doit le tirer d’affaire. Il est souvent pris au jeu de ses propres émotions, si bien que ça lui joue souvent des tours. Après, je n’irais pas jusqu’à dire que Jonathan est un personnage passif car il y a des scènes où il sait faire preuve de courage et on le sait prêt à tout par dévotion pour Bao. Et ça, on ne peut pas y rester insensible. Mine de rien, ils sont mignons nos tourtereaux.

Jonathan demeure un personnage intéressant de par sa “dualité”. Anglais né en Chine, orphelin dès le plus jeune âge, éduqué dans le respect de la culture chinoise dont il est davantage pétri que la culture anglaise. Cela fait de lui un personnage très particulier aux yeux d’une société très divisée entre les Chinois de souche et les occidentaux qui tentent de cohabiter avec eux, ce qui n’est pas une mince affaire dans un contexte qui se situe après les guerres de l’opium, et il évolue dans une société pétrie de manigances et on en manque pas ! On a des révélations assez intéressantes sur le passé de Jonathan, le père de Bao, les manigances à la Cité Interdite, des complots, trahisons, secrets dévoilés, ce qui a rendu la lecture plus palpitante et intéressante…  

Un autre bémol que j’ai noté était la présence de quelques fautes d’orthographe, sans doute des erreurs d’inattention de la part de l’éditeur. J'ai tout de même beaucoup apprécié ma lecture, et c'est une histoire que je relis encore régulièrement en ce moment et que je relirai encore avec plaisir.


— As-tu envie que je te montre le gardien secret de l’orphelinat ? lui proposai-je, en refoulant ma timidité.

Intrigué, il me suivit dans le dédale de bâtiments qui délimitaient le fond du jardin. Alors que nous progressions, je lui expliquai que ces constructions s’élevaient à l’emplacement d’un ancien temple. Seul un vieil autel subsistait de ce passé révolu. Fier de mon savoir, je l’entraînai derrière un muret camouflé par des arbustes. Là, se dressait le vestige du dieu tutélaire que je désirais lui présenter, et dont tout le monde paraissait avoir oublié le nom.

En l’apercevant, Bao marqua un arrêt surpris et appréciateur. Cachée des regards, une statue en terre cuite s’érigeait sur un socle de pierre soutenu par deux dragons couchés. Un petit auvent de tuiles rondes la protégeait des intempéries. Aussi grande qu’un adulte, elle représentait un très bel homme, coiffé d’un chignon haut, et vêtu d’une longue tunique qui laissait apparaître ses pieds nus. D’un geste à la grâce étudiée, il tendait une de ses mains en avant, et semblait sur le point d’offrir quelque chose que dissimulait son poing fermé. Mon nouvel ami s’inclina avec respect devant la sculpture.

— Sais-tu qui est ce dieu ? me demanda-t-il, en relevant les yeux au bout de quelques instants.

Impressionné par sa déférence, je répondis simplement en secouant négativement la tête.

— Puisque nous venons de nous rencontrer, nous dirons que c’est notre dieu protecteur, décida-t-il. Et pour sceller notre amitié, nous allons lui rendre hommage. Nous le ferons chaque fois que nous nous reverrons. Cela nous portera chance.

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