mercredi 16 novembre 2011

Elle s'appelait Sarah - Tatiana de Rosnay.

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'Elle s'appelait Sarah, elle n'avait pas huit ans
Sa vie, c'était douceur, rêves et nuages blancs
Mais d'autres gens en avaient décidé autrement
Elle avait tes yeux clairs et elle avait ton âge
C'était une petite fille sans histoires et très sage
Mais elle n'est pas née comme toi ici et maintenant.'

- Comme toi, Jean-Jacques Goldman. -


/ ! \ Challenge Histoire / ! \







L'auteur :


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Tatiana de Rosnay
, née le 28 septembre 1961, est une journaliste, écrivain et scénariste française. Bilingue, la plupart de ses romans sont français tandis qu'un ou deux ont été écrits en anglais (Boomerang et Sarah's Key). Son roman, Elle s'appelait Sarah, a fait l'objet d'une adaptation cinématographique en 2010.





 
Quelques liens utiles :
Rafle du Vel d'Hiv I. / Discours de Jacques Chirac. / Rafle du Vel d'Hiv II. / Musée des enfants du Vel d'Hiv. / Fondation de la Mémoire pour la Shoah.


Quatrième de couverture :

Paris juillet 1942 : Sarah, une fillette de dix ans qui porte l’étoile jaune, est arrêtée avec ses parents par la police française, au milieu de la nuit. Paniquée, elle met son petit frère à l’abri en lui promettant de revenir le libérer dès que possible. Paris, mai 2002 : Julia Jarmond, une journaliste américaine mariée à un Français, doit couvrir la commémoration de la rafle du Vél d’Hiv. Soixante ans après, son chemin va croiser celui de Sarah, et sa vie changer à jamais. Elle s’appelait Sarah, c’est l’histoire de deux familles que lie un terrible secret, c’est aussi l’évocation d’une des pages les plus sombres de l’Occupation. Un roman bouleversant sur la culpabilité et le devoir de mémoire.

Mon avis :

C'est quand j'ai décidé de visionner le film, passé sur Canal+ il y a quelques semaines, que je me suis motivée à lire le livre. Dans la plupart des cas, voir le film adapté avant me motive plus pour lire le livre, peu importe si l'adaptation en question est mauvaise ou bonne. Comme cela faisait un moment que ce livre dormait dans ma PAL, il était grand temps que je le sorte et je ne le regrette pas.

En 2002, à Paris, le journal américain Seine Scenes décide de consacrer un article sur la rafle du Vel d'Hiv suite à l'approche de la date anniversaire de cette terrible tragédie, et c'est Julia Jarmond qui est chargé de cet article. Elle se renseigne via Internet et en lisant des livres sur le sujet, puis interroge des survivants, visite le lieu où se trouvait le Vélodrome et découvre avec horreur et stupeur le calvaire dont ont été victimes les familles juives déportées. Cela s'accentue alors qu'elle découvre que l'appartement où son mari avait l'intention d'emménager avec elle était le lieu ou avait grandi son père et ses parents, durant la seconde guerre mondiale, et que l'appartement en question était habité par des familles juives avant la rafle. Julia souhaite en savoir plus sur la famille ayant logé dans l'appartement et ce qui est advenu de ses membres. Mais remuer le passé n'est pas toujours une bonne chose et la vérité peut blesser...

Je suis une férue d'Histoire, ce n'est plus un secret pour ceux qui suivent ce blog et me connaissent suffisament bien, et la seconde guerre mondiale m'intéresse beaucoup plus, je connais en gros l'Histoire de la Résistance, du Troisième Reich, de Vichy, du sort des Juifs mais j'en sais finalement si peu sur la rafle du Vel d'Hiv. Cette tragédie n'avait eu qu'un paragraphe qui lui était consacrée dans mon vieux cahier d'Histoire du collège et malgrè quelques livres et films sur le sujet visionnés plus tard, je n'ai pas poussé la curiosité jusqu'au boût. Ce livre a été une vraie claque comme il m'a fait me poser des questions sur le passé, les secrets et le devoir du mémoire mais j'y reviendrais plus tard. En plus d'être un roman historique qui nous en apprend un peu plus sur cette tragédie, une véritable interrogation sur le devoir de mémoire, sur les ombres du passé, la volonté de ne pas minimiser et de ne pas oublier cet évènement sombre de notre Histoire, toujours se souvenir, ne jamais oublier. Et un rappel comme quoi certains sont survécus mais le passé les poursuit toujours même des décennies après.

Ce roman est rythmé par une alternance des chapitres entre le passé (l'histoire de Sarah en 1942) et le présent (la vie quotidienne de Julia Jarmond, journaliste américaine mariée à un français). En voulant sauver son petit frère, alors que la police française venait la chercher elle et sa famille, elle a - sans le savoir - lié son destin avec celui d'une autre famille via l'appartement où ces deux familles ont logé. Victime de la rafle, toute trace d'elle est perdue ensuite. En 2002, pour la commémoration du 60e anniversaire de la rafle, Julia Jarmond entame diverses recherches et se retrouve confrontée au passé et au silence qui couvre cette page cruelle de l'Histoire. Les français ayant vécu cette époque, encore en vie, sont récitents à évoquer ces évènements. Il n'est jamais bon de remuer le passé. Julia tente néanmoins de répondres à ses questions. En tant qu'Américaine, elle est quasi étrangère à cette partie de l'Histoire de sa seconde patrie, la France. Comment comprendre une France meurtrie par la seconde guerre mondiale, déchirée en trois parties : ceux qui aident et qui résistent, ceux qui collaborent, et les victimes : les Juifs ? Prise de curiosité sur la famille juive ayant habité dans l'appartement qui sera le sien, elle tente de réconstituer le parcours de la jeune Sarah, malgrè le silence des français et les désapprobations de la famille de son mari pour qui faire ressurgir le passé peut provoquer des mauvais souvenirs mais aussi changer le cours du présent comme Julia l'apprendra à ses dépends. Toute sa vie de famille sera remise en question à cause du passé d'une petite fille. Contre l'avis de son entourage et malgrè ses problèmes personnels, Julia mène l'enquête... Que s'est-il passé ? Qu'est devenue Sarah ? A-t-elle échappé au destin cruelle qui l'attendait ? Est-elle encore en vie ?

Deux héroïnes pour un roman. Ce roman se passe en deux temps à deux époques différentes mais reliée par la rafle et le destin de la jeune Sarah. Les chapitres du passé sont écrits en italique et on alterne très souvent entre présent et passé jusqu'à un certain moment où l'histoire de Sarah prend fin brusquement, jusqu'à ce que les recherches de Julia lui fassent découvrir l'existence de la fillette et c'est à Julia Jarmond de découvrir la suite. Les chapitres sont courts (pas loin de 5 ou 6 pages), donc on a pas trop le temps d'être frustré de quitter le passé ou le présent pour revenir dans l'autre époque (bien que j'avoue que les flash-back du passé étaient bien plus intéressants et émouvants), le récit est vif, on entre tout de suite dans le vif du sujet, la mise en place de l'intrigue et des situations sont rapides, le style est plaisant à suivre, on ne s'ennuie pas et on a très vite envie de tourner les pages, de lire encore et encore pour savoir la suite car le roman tourne surtout sur cette grande question : qu'est-il arrivé à Sarah ? La petite Sarah est un personnage très attachant, courageuse, téméraire, elle est très humaine et se voit obligée de grandir et mûrir vite dans ce monde cruel. D'abord fragile, elle mûri et devient déterminée. La partie sur sa vie m'a particulièrement plu, captivé et ému, on a vraiment mal pour elle. Vient ensuite la vie de Julia Jarmond, dans l'ensemble c'est un personnage fort sympathique, pas désagréable, elle est lasse d'une lutte pour garder son couple, elle aime son mari français mais elle doute, elle s'ennuie, ses recherches journalistiques lui permettent de s'éloigner de son quotidien et vont radicalement bouleverser sa vie, elle va chercher à se renforcer, à prendre des décisions sur la vie qu'elle mène : agir au lieu de subir. C'est le portrait de deux êtres face aux évènements.

Je n'ai vraiment pas grand chose à reprocher à Julia, c'est un personnage intéressant que j'ai aimé suivre, néanmoins certaines choses m'ont déplu à propos de ce personnage. Le fait qu'elle soit Américaine montre bien - et ce malgrè tout l'attachement qu'elle porte à la France qu'elle considère comme étant sa seconde patrie - les différences de culture entre la France et l'Amérique, elle ne connaît pas grand chose à l'Histoire de la France, normal qu'elle se sente éloignée de cette page de l'Histoire, qu'elle ne réagisse pas comme les Français qu'elle croise, d'ailleurs l'auteur elle-même s'est détachée de cela en écrivant ce roman en anglais et non dans sa langue maternelle. Et si ces différences entre les deux pays étaient intéressants (car on voit bien là les différences de cultures, de moeurs, de comportement entre Paris et New York), c'est un peu gonflant à la longue les 'en bonne américaine, je fais ceci, je fais cela.' Elle a beau être attachée à la France, aimer certains élèments typiquement français, elle ne peut s'empêcher de critiquer... en fait, elle critique tout court, pas tout le temps encore heureux ! mais... elle ramène souvent au tapis qu'elle est Américaine, et elle critique la France en la comparant à New York ou tout serait mieux PUIS quand elle va en Italie ou retourne à New York, elle critique ces deux lieux en les comparant à la France !

Mais bon, n'allez pas croire que je lui trouve que des mauvais côtés, elle montre quand même son amour pour la France, elle est tenace et on avançe bien dans l'histoire grâce à elle. Sa fille, Zoë, m'a plu, elle est sympathique et matûre pour son âge. Le mari, n'en parlons pas ! Un Parisien hautain, sarcastique, macho, qui refuse de vieillir, qui ment et qui pense que tout le monde est à sa disposition. Par contre, j'ai bien aimé le couple gay, et William [ le fils de Sarah ] dont je ne dirais rien pour ne pas spoiler. J'ai aussi aimé le beau-père de Julia, Edouard, d'abord dur au début mais qui devient plus humain, ses actions, son caractère, ses discours m'ont plu. Mais ce qui m'a le plus intéressée était l'aspect recherche de la vérité, la découverte d'un fait méconnu de notre Histoire car l'épisode de la rafle du Vel d'Hiv reste méconnu, on en sait peu alors que c'est un évènement tragique et affreux, l'auteur traduit bien les horreurs qu'on vécu les familles juives.

Le travail de recherche est vraiment bien décrit, elle évoque même des faits importants et plus réels comme le discours de Jacques Chirac sur cet épisode, l'anniversaire de la rafle en 2002. Je n'avais aucun mal à tout me visualiser. Ce livre m'a également fait poser des questions sur le devoir de mémoire, c'était presque accusateur ce que j'ai lu, du moins je l'ai compris comme ça : honte à nous de refuser de nous souvenir, de laisser le passé tel qu'il est et de ne pas chercher à en savoir plus et honte aux français qui ont collaboré, honte à nous de rejeter la faute sur les Nazis/Allemands alors que des français et Vichy ont collaboré. Certes, je suis moi-aussi horrifiée et dégoûtées de ces gens qui ont collaboré et ont aidé à envoyer des Juifs à la mort, nous sommes bien conscient de notre part de responsabilité dans cette affaire, tous les français n'ont pas été neutres ou résistants et les Français d'après-guerre ont eu honte de la collaboration et ont cherché à se défaire de cette image pour ne pas subir la même chose que les pays vaincus mais plus le temps passe et plus on sait sur le sort des Juifs, plus on prend conscience des horreurs et des évènements comme le discours de Jacques Chirac montrent bien qu'on reconnaît la collaboration. Les survivants parlent, il y a de plus en plus de témoignages, ce passé n'est plus fermé, il se dévoile de plus en plus au fil des ans et je peux comprendre le silence des français de l'époque, et contrairement à certains personnages du roman, je ne les blâme pas entièrement. Je peux comprendre même si je n'ai pas connu cette époque.

Nous sommes conscient que nous devons nous souvenir, ne jamais oublier, ce livre en est une preuve : n'oublions pas les tragédies de l'Histoire. Le récit de Sarah est poignant et marquant, comment ne pas frémir d'horreur en pensant à ce qu'ont vécu toutes les victimes juives ? Ce livre nous donne vraiment conscience du devoir de mémoire à entretenir et qu'il faut se souvenir du passé pour mieux vivre le présent, ne plus refaire les mêmes erreurs, comprendre ce qui a été le passé même s'il n'est pas toujours sage de remuer le passé. Ce roman a le mérite de traiter sur un sujet peu connu de la seconde guerre mondiale, d'un évènement qui dérange, dont on est pas très fiers en France, mais dont on se doit de se rappeller. Sans tomber dans le mélodrame, c'est une histoire bouleversante qui nous permet de ne pas oublier, et de nous apprendre plus de choses sur ce terrible évènement, un véritable coup de poing, cette lecture et une révélation...

Extrait :

Oui, la guerre est finie, enfin finie, mais pour ton père et moi, rien n'est plus pareil. Et plus rien ne sera jamais pareil. La paix a un goût amer. Et le futur est inquiètant. Les évènements qui ont eu lieu ont changé la face du monde. Celle de la France aussi. Notre pays n'est pas encore remis de ces sombres années. Cela arrivera-t-il un jour ? Ce n'est plus la France que j'ai connu lorsque j'étais enfant. C'est une autre France que je ne reconnais pas.

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