jeudi 14 novembre 2013

Broderies - Marjane Satrapi.


Quatrième de couverture :


En marge de Persépolis, à la fois dans la forme et dans le sujet, Marjane Satrapi profite de la collection Côtelette pour réunir des anecdotes vraies de femmes Iraniennes. Chez les Satrapi, lors des fêtes de famille, le ventre bien rempli et les hommes à la sieste, les femmes se réunissent autour d'un samovar pour pratiquer la "ventilation du cœur " : c'est à qui racontera l'histoire la plus croustillante, et l'on comprendra bientôt le sens ambigu du terme Broderies.







Mon avis :

Cela fait déjà un petit bout de temps que j'ai fait connaissance avec les œuvres de Marjane Satrapi et leurs adaptations, et je ressortais toujours de chaque rencontre avec un avis positif. Sans me considérer comme une fan, je prends plaisir à lire les BD concoctées par l'auteur. En ce moment à la fac, manque de temps pour pouvoir lire un roman digne de ce nom, je me rabats sur les mangas et BD qui ont l'avantage de me faire passer un moment de divertissement et de ne pas m'accaparer beaucoup de temps de lecture. Ainsi, quand j'ai eu la surprise de découvrir une BD signée Marjane Satrapi à la bibliothèque de la fac, je n'ai pas hésité.

A l'instar des deux BD chroniquées ici, Marjane nous livre un peu plus de sa famille à travers le crayon. De Persépolis, on se souviendra bien-sûr de la grand-mère de Marjane et de son caractère si particulier mais qui la rendait attachante, un personnage difficile à oublier que nous retrouvons ici en compagnie de sa petite-fille, Marjane, et d'autres femmes de la famille qui, après un dîner de famille, s'accordent un moment à elle. C'est le moment privilégié du samovar où les femmes de la famille boivent du thé longuement préparé tout en papotant. Papoter n'est cependant pas le mot adéquat, plutôt  assister à une séance de ventilation du cœur, joliment nommé par la grand-mère qui affirme que : "parler derrière le dos des autres est le ventilateur du cœur". Ainsi, sept femmes se retrouvent après le dîner, laissant leurs hommes entre eux, pour ventiler, principalement sur les femmes de la famille et leurs déboires amoureux et sexuels.

Ainsi, la grand-mère racontera une anecdote amusante sur une ancienne amie qui, de leur jeunesse, est venue un jour la voir, désemparée, car elle était promise en mariage et qu'elle avait perdu sa virginité avec un amant et qu'elle redoutait la réaction de son mari s'il venait à apprendre que la belle n'est pas aussi pure qu'il ne le pensait. La grand-mère lui offrit alors une astuce pour sauver la mise... On passe au récit d'une autre femme qui, malgré un mariage et quatre enfants, ne vit jamais un sexe et des organes masculins et Grand-Mère de rétorquer "Tu n'as rien raté !". Vient le récit d'une tante de Marjane qui a été forcée d'épouser, à l'âge de 13 ans, un homme de 56 ans son aîné... et qui a choisi de s'enfuir, la nuit de noce venue, chez sa tante aux idées plus modernes. Une autre femme parlera de ses amours avec des européens. Marjane parlera d'une amie qui, pour "libérer" son amant de l'emprise d'une mère trop encombrante, a utilisé des moyens peu orthodoxes... et d'autres histoires s'ajoutent à cela.

En plus d'apporter des éléments biographiques sur sa famille, l'auteur nous montre à travers ces histoires la place de la femme en Iran avec le poids des coutumes et de la société iranienne, leur émancipation progressive, entre conservateurs et modérés. Par chance, la famille de Marjane est plus libérée, moderne et non coincée dans les traditions conservatrices. Nous avons ici affaire à un groupe de femme aux expériences diverses et issues de différentes classes sociales, ce qui nous permet d'explorer leur condition : mariage arrangé, port du voile, virginité... mais qui nous éloigne des images des femmes orientales que l'on perçoit comme cloîtrées, battues et exploitées.

Comme d'habitude, la présence de la grand-mère est très appréciée. C'est une femme de caractère, opiomane, qui s'est mariée trois fois, qui respecte son mari mais n'a pas peur de lui demander d'aller voir ailleurs si elle y est. J'aime son franc parlé, sa façon de voir et prendre la vie, c'est un personnage hors-norme et je regrette qu'on sache peu de choses de sa vie. J'aime beaucoup aussi le personnage de la mère de Marjane, qui me séduit par sa modernité dans un pays qui ne l'est pas forcément. Elles détonnent dans une société traditionaliste.

Cet ouvrage est une petite source de divertissement, une agréable bouffée d'air et un parfait exutoire pour les femmes en mal d'amour, sans tabou et avec humour, avec des thèmes comme le mariage, la sexualité, la virginité, la liberté. L'auteur nous offre des histoires divertissantes mais touchantes, racontées sans mièvrerie. L'auteur va droit au but dans une BD où le décors reste simple, naturel, mais le décors n'a pas d'importance ici, l'essentiel reste l'humain et surtout les femmes qui nous livrent leurs expériences et leur façon d'envisager l'amour, le mariage et la fidélité. C'est assez provocateur et féministe... autant dire que les hommes n'ont pas toujours le beau rôle dans cette BD , gentiment étiquetés et justement critiqués, même si je dois saluer le mot de la fin dite par le grand-père après s'être "gentiment" fait rabrouer par sa femme : "Quand le serpent vieillit, la grenouille l'enc*le".

Petit extrait : "Le mariage, c'est comme à la roulette : des fois on gagne, souvent on perd."

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