lundi 16 janvier 2023

Sherlock Holmes et le démon de Noël - James Lovegrove.


1890. Peu avant Noël, Sherlock Holmes et John Watson reçoivent à Baker Street la visite d'une nouvelle cliente. Eve Allerthorpe, fille aînée d'une dynastie prestigieuse, mais quelque peu excentrique du Yorkshire, se trouve dans une profonde détresse : elle se croit possédée par un démoniaque esprit de Noël.

Eve doit hériter d'une fortune à condition d'être saine d'esprit, mais il semble que quelque chose - ou quelqu'un - menace son équilibre mental.

Holmes et Watson partent enquêter au château de Fellscar, demeure familiale des Allerthorpe, mais s'aperçoivent vite que l'affaire est plus complexe qu'il y paraît.

Un autre esprit hante la famille ; et lorsque l'on découvre le cadavre d'un membre de la maisonnée, le duo comprend que nul n'est au-dessus de tout soupçon...




Après avoir beaucoup apprécié ma lecture de Sherlock Holmes et la bête des Stapleton, j’étais résolue à découvrir un autre pastiche holmésien de l’auteur avec Sherlock Holmes et le démon de Noël, qui s’est révélé être une lecture qui tombait à pic pour le Cold Winter Challenge.



Nous débutons ce roman avec un Père Noël en fuite, coursé par Sherlock Holmes et le Dr Watson. Car oui, ce père Noël est une ordure crapule qui a décidé que la générosité et la charité que l’on prête à la saison de Noël commencerait tout d’abord et surtout par lui-même, en subtilisant une panoplie de bijoux. Nous commençons ainsi ce roman avec une mise en bouche amusante et qui nous fait entrer directement dans l’action.



Sitôt le Père Noël arrêté, une jeune femme du nom de Miss Eve Allerthorpe – qui a assisté à la scène – prend son courage à deux mains pour demander de l’aide au célèbre détective. Appartenant à une ancienne et illustre famille, Eve Allerthorpe fêtera sa majorité peu de temps après Noël. Sa tante décédée a fait d’elle l’unique héritière de sa fortune, à la seule condition d’être saine d’esprit. Un jeu d’enfant n’est-ce-pas ? Pas pour la jeune femme dont la mère, que l’on disait folle, s’est tragiquement donnée la mort dans la fleur de l’âge et l’on craint au sein de sa famille que sa folie ne soit héréditaire… Or, Eve Allerthorpe craint pour sa santé mentale depuis qu’elle est victime de vilains tours qu’elle attribue à un personnage du folklore de son enfance : Thurrick le Noir, sorte de Père Fouettard, qui enlève les enfants si on ne lui fait pas d’offrande et qui laisse un paquet de brindilles dans chaque maisonnée. Eve Allerthorpe est persuadée de l’existence de ce sinistre personnage qu’elle affirme avoir croisé en pleine nuit, d’autant plus qu’elle retrouve des brindilles sur son rebord de fenêtre. Pour Sherlock Holmes, on joue un tour à la jeune femme pour lui faire douter de sa santé mentale et lui subtiliser son héritage. C’est ainsi que le détective et son ami décident de passer Noël au manoir des Allerthorpe pour mener l’enquête.



J’ai beaucoup aimé l’ambiance surnaturelle, folklorique qui se dégage du roman, entre la figure du Thurrick Noir et du fantôme de Perdita Allerthorpe qui hanterait l’aile du manoir où elle se serait suicidée et où personne n’ose mettre les pieds. Pourtant, bien que saupoudrée de surnaturel, l’enquête s’ancre définitivement dans l’univers rationnel de Sherlock Holmes. Ainsi, l’auteur nous offre – à l’instar de La Bête des Stapleton – une enquête policière où l’aspect surnaturel s’explique par des raisons rationnelles. On se doute bien que le Thurrick ne soit pas réel et que sous ce déguisement inquiétant se cache notre criminel en chair et en os. Cela n’enlève rien au charme de la campagne anglaise et de ses villages dans lequel s’ancre le manoir Allerthorpe et l’intrigue en elle-même, ainsi que l’ambiance de Noël dans les vieux manoirs anglais, que j’ai beaucoup aimé lors de ma lecture. Je déplore toutefois que l’auteur ait rendu le Dr Watson superstitieux, au point de croire en l’existence du fantôme ou du Thurrick alors que – dans mon humble opinion – c’est un homme terre-à-terre que des années passées en la compagnie du rationnel Sherlock Holmes auraient fini de convaincre que derrière chaque chose inexplicable se cache quelque chose de plus concret et rationnel. Et puis, personnellement, j’ai du mal à croire que Watson – qui a connu des criminels sans scrupules aux côtés de Holmes et qui est un vétéran d’une guerre où il a dit avoir vu ses camarades déchiquetés – prenne peut à la simple évocation d’un fantôme ou d’une créature folklorique, même si les peurs ne sont jamais rationnelles.



Toutefois, je ne peux pas nier que le duo Holmes/Watson fonctionne sous la plume de l’auteur et que les deux personnages restent fidèles à eux-mêmes. Holmes est toujours aussi efficace, cynique, rationnel, dynamique et intelligent. Si Watson est parfois un peu plus lent pour comprendre le raisonnement de son ami, il ne reste pas les bras croisés et sait montrer son utilité en tant qu’homme d’action ou en tant que médecin, et ses remarques parfois sarcastiques sont tout simplement savoureuses. L’amitié qui lie nos deux personnages reste perceptible, ce sont deux amis que l’on sait proches et qui le montrent, qui se taquinent, sont inséparables, s’aident mutuellement et qui travaillent très bien ensemble. On retrouve avec plaisir leur complicité et leur verve, d’autant plus que l’auteur nous a offert des moments touchants avec eux sur la fin du roman [spoiler] Holmes qui s’inquiète lorsque Watson est blessé par le coupable, ou encore lorsqu’il débarque chez les Watson déguisé en Père Noël [/spoiler]



L’enquête est classique mais bien ficelée, elle nous tient en haleine du début à la fin. Elle ne souffre pas de longueur et le rythme est soutenu avec un bon équilibre entre les moments de calme et les moments d’action. Il y a juste de qu’il faut en terme de longueur pour garder le suspense et l’intérêt du lecteur, sans s’éterniser. L’auteur a réussi à me surprendre concernant l’identité de Thurrick le Noir, sans que la révélation ne soit tirée par les cheveux. Son style reste très agréable à la lecture. Dans son style et sa façon de construire l’intrigue, il a su tirer son inspiration d’Arthur Conan Doyle. On sent bien l’influence doylienne ainsi que l’amour de l’auteur pour son univers, et il parvient à nous plonger dans une ambiance de roman gothique (le manoir mystérieux, le folklore local avec Thurrick le Noir, et le fantastique avec le présumé fantôme) et du conte de Noël victorien, ce qui nous donne un étonnant mélange entre la féerie et le macabre et qui fonctionne à merveille et qui doit beaucoup à l’ambiance très particulière du château.



En résumé, j’ai beaucoup apprécié cette lecture. L’auteur respecte l’univers et ses personnages, l’enquête est bien menée, l’ambiance est réussie, le tout donnant un sympathique pastiche holmésien à savourer à la période de Noël… voire hors saison !


Lorsque nous arrivâmes de nouveau à proximité du château de Fellscar, j’étais gelé jusqu’aux os. J’avais vraiment hâte de rentrer. Le château ne me semblait pas moins sévère et sinistre qu’avant, mais du moins offrait-il la perspective d’un minimum de chaleur.

Il s’avéra que Holmes avait d’autres projets.

— Si nous faisions le tour du lac ? proposa-t-il.

— Ai-je le choix ?

— Je ne suis pas votre maître. Vous êtes parfaitement libre d’aller où bon vous semble.

— Mais si je pars de mon côté, je risque de rater une partie de l’enquête.

— Ne pourrais-je être tout simplement pris d’une fantaisie ?

— Je vous connais, Holmes. Vous agissez rarement par fantaisie. En fait, vous êtes la personne la moins fantaisiste que j’aie jamais rencontrée.

— Ah diantre. Je crains de ne plus être une énigme pour vous.

— Au contraire. Vous demeurez diablement énigmatique. Mais j’ai appris certaines de vos manies les plus évidentes.

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