jeudi 18 juin 2020

Sissi et ses enfants : Drames et conflits - Hanne Egghardt.

Se souvient-on que la célèbre impératrice d'Autriche mit au monde quatre enfants ? Et que le destin semble s'être acharné à la meurtrir à travers eux ? 

Parce qu'on la jugea inapte à pouvoir s'en occuper, on lui retira sa première petite fille, qui fut confiée aux soins de sa terrible belle-mère, l'archiduchesse Sophie. La malheureuse enfant mourut à deux ans. Aucune intimité ne lia l'impératrice à sa seconde fille, l'archiduchesse Gisèle, qui lui fut également arrachée pour être élevée par sa grand-mère : elle fut mariée dès l'âge de seize ans à un prince de Bavière ! Plus tard, son fils unique, le prince héritier Rodolphe, doté d'un caractère fragile et exalté, se suicida à Mayerling dans les bras de sa maîtresse après qu'on l'eut marié à une princesse de Belgique qu'il n'aimait pas. 

Ce fut seulement avec sa dernière fille Marie-Valérie, née dix ans après ses autres enfants, que Sissi put enfin nouer une relation maternelle : elle imposa son désir de l'éduquer elle-même et la poussa à faire un mariage d'amour en résistant à toutes les pressions d'Etat. Mais, pour cette dernière, la tutelle d'une mère aussi excentrique ne fut pas de tout repos... 

Hanne Egghardt nous plonge dans l'intimité de la famille impériale et nous révèle un visage méconnu d'Elisabeth, impératrice d'Autriche.

L'impératrice Elisabeth d'Autriche, plus connue sous son célèbre surnom de Sissi, est renommée pour sa beauté, son destin tragique mais aussi son histoire d'amour avec François-Joseph, dit Franz (bien que tout ne fut pas rose, enfin passons). On lui connaît peut-être un peu moins ses enfants, elle en a eu pourtant quatre : Sophie, Gisèle, Rodolphe et Marie-Valérie.

Cet ouvrage nous plonge ainsi dans l'intimité de la famille impériale des Habsbourg à travers le couple que forma Elisabeth et François-Joseph ainsi que leurs enfants. L'auteur débute tout d'abord par le commencement, à savoir la recherche d'une épouse pour l'empereur François-Joseph, puis la rencontre, les fiançailles et le mariage de François-Joseph avec Elisabeth qui n'était pas la candidate idéale pour être impératrice : choisie à la place de sa sœur, Elisabeth était bien jeune et non préparée à la vie à la cour et son rôle d'impératrice. Enfant de la liberté, ayant vécu une enfance sans contrainte et avec tendresse, elle se heurte à la rigidité de l'étiquette de la cour de Vienne où elle est sans cesse surveillée et réprimandée par sa belle-mère, l'archiduchesse Sophie. Elisabeth a l'impression d'être un oiseau dans une cage dorée, et n'a jamais pu s'habituer à l'étiquette de la cour, occasionnant chez elle de nombreux épisodes de dépression et de maladie, ainsi qu'une volonté farouche de voyager partout, pour se remettre de ses maladies et, surtout, fuir Vienne. La jeune impératrice doit pourtant se plier à son rôle essentiel, qui est celui de donner des héritiers à la couronne des Habsbourg.

Le couple impérial avec Sophie et Gisèle,
Kriehuber (1857).
C'est ainsi que naît d'abord Sophie, première fille du couple, en 1855 alors que Sissi est âgée de 17 ans. Etant jugée comme trop jeune et immature, la garde de sa fille lui est enlevée pour être éduquée par sa grand-mère, l'archiduchesse. Jugeant que sa mère veut bien faire, l'empereur laisse faire tandis que son épouse ne peut voir sa fille sans qu'il y ait sa belle-mère dans le périmètre. Quelques rares fois pourtant, Sissi parvient à avoir sa fille pour elle. Le drame vient frapper la famille alors que la petite Sophie succombe à une maladie à l'âge de deux ans, alors qu'elle était en voyage avec ses parents, ce qui troubla profondément Sissi qui se sentira toujours coupable de cette mort. Le couple accueille ensuite une seconde fille en 1856, Gisèle, également arrachée à sa mère pour être éduquée par sa grand-mère. Petite fille pleine de vie, ayant le caractère terre-à-terre de son père, elle voue un profond attachement à son frère cadet pour qui elle est une amie fidèle et sa confidente dévouée. Elle souffre, autant que lui, de l'absence de leur mère. Elle s'investit par la suite dans de nombreuses sociétés de charité afin d'aider les plus démunis, les sourds et aveugles, et transforme son palais en hôpital pendant la Grande Guerre, ce qui lui vaudra le surnom d'ange de Vienne.

Vient ensuite l'héritier mâle tant espéré, Rodolphe, né en 1858, qui a subi le même sort que ses sœurs. Enfant sensible, précoce et intelligent, il est pourtant d'aspect fragile et peu robuste. Son père, souhaitant faire de lui un soldat, lui fait commencer des exercices militaires à un jeune âge. Séparé de sa sœur à l'âge de 6 ans, il est confié à un précepteur dont les méthodes dures, voire cruelles, traumatisent Rodolphe qui en a gardé des séquelles toute sa vie. Effarée, Elisabeth lance un ultimatum à son mari et récupère, de ce fait, la garde de ses enfants et a le champ libre concernant leur éducation. C'est ainsi qu'elle confie l'éducation de son fils à un précepteur plus pédagogue qui donne à l'enfant une éducation libérale qui influença Rodolphe toute sa vie. En effet, le prince héritier se démarque de la politique de son père, beaucoup plus conservatrice. Proche des milieux progressistes et libéraux, il n'a de cesse de critiquer le gouvernement conservationniste, l'aristocratie tournée vers les plaisirs et l'influence du clergé, et de se méfier de l'Allemagne à la puissance grandissante, ce qui lui a valu d'être régulièrement en désaccord avec son père. L'auteur nous peint également le portrait d'un prince brillant qui s'intéresse aux sciences naturelles et notamment l'ornithologie et voue, à l'instar de sa mère, un profond attachement pour la Hongrie. Cependant, Rodolphe est un jeune homme fragile, aux humeurs changeantes, souvent mélancolique, souffrant des absences répétées de sa mère, qu'il idolâtre, dont la tendresse est passagère ainsi que des conflits avec son père, toujours occupé aux affaires de l'Etat. C'est peut-être ce manque d'amour maternel qui le pousse à chercher l'affection de la gente féminine, avec ce désir irrépressible de plaire. Son mariage avec une princesse de Belgique, heureux au départ, tourne vite au naufrage, son épouse étant terne, snob et protocolaire alors que Rodolphe est impulsif et libéral. L'auteur nous parle également de sa liaison avec Mary Vetsera, ainsi que l'état psychologique inquiétant du jeune prince, sujet à de nombreux épisodes d'anxiété et de dépression, jusqu'à sa mort et celle de sa maîtresse à Mayerling, qui bouleversa profondément ses parents, et dont l'énigme reste non résolue.


Marie Valérie Habsbourg-Lorraine | Facebook
Gisèle et Rodolphe.

Elisabeth aura un dernier enfant en 1868, une autre fille, nommée Marie-Valérie, la seule enfant que l'impératrice a pu élever et choyer, faisant de Marie-Valérie la préférée de Sissi, causant quelques jalousies de la part de Gisèle et Rodolphe. Nous avons alors le portrait d'une mère surprotectrice, dont l'amour maternel virait parfois à la passion irraisonnable, étouffant Marie-Valérie. Seule enfant du couple née en Hongrie, un "caprice" scandaleux pour Vienne, elle est élevée dans cet univers hongrois qu'aime tant sa mère, presque jusqu'à l'excès, jusqu'à en avoir horreur. Elle souffrit avec patience de l'amour possessif de sa mère, et aima beaucoup la compagnie de son père qu'elle recherchait, et dont la mort de Sissi les rapprocha davantage. À l'instar de sa sœur, elle fit preuve de charité et fonda de nombreux hôpitaux   et, de son mariage, naquirent une nombreuse descendance.

L'auteur nous propose ainsi le portrait des enfants d'Elisabeth et François-Joseph : leur jeunesse, leurs accomplissements, leur mariage et les enfants (à l'exception de Sophie, morte trop jeune) et les relations avec leurs parents, essentiellement Sissi. L'impératrice ne se présente pas comme un modèle de mère. La faute en revient en partie aux circonstances : sur ses quatre enfants, elle n'a pu en élever qu'un, ayant été jugée trop jeune et irresponsable pour s'occuper des enfants royaux, et placés dans les mains expertes de l'archiduchesse Sophie, terrible belle-mère mais grand-mère affectueuse ; mais également du fait que Sissi n'aimait pas la cour de Vienne et son étiquette, dans laquelle elle se sentait étouffer, fragilisant sa santé à la fois physique et mentale, et l'obligeant à partir en cure loin de Vienne. Cela déclencha chez elle le démon de la bougeotte et une passion folle pour les voyages. Elle ne restait jamais bien longtemps à Vienne et était toujours prête à partir, parfois à l'improviste, parcourant l'Europe, ce qui faisait d'elle une mère souvent absente, notamment pour Gisèle et Rodolphe

Ce manque d'amour maternel a laissé des séquelles chez eux et surtout pour Rodolphe, déjà fragile psychologiquement et qui idolâtrait cette mère courant d'air. Elisabeth aimait ses enfants, c'est certain. Ses nombreuses lettres le témoignent, ainsi que ses accès de tendresse lorsqu'elle était à Vienne, lorsqu'elle revenait de ses voyages avec de nombreux jouets, et le fait qu'elle soit intervenue pour obtenir la charge de l'éducation de ses enfants, après la maltraitance de son fils par son précepteur. Toutefois, Sissi n'était pas vraiment un modèle de mère. En plus de ses absences, elle n'était pas attachée aux bébés et a souvent mal vécu ses grossesses. Elle détestait d'autant plus voir ses enfants grandir, car c'était une preuve qu'elle vieillissait, elle qui s'est toujours efforcée de rester jeune et belle, et de ce fait ne s'attachait guère à ses petits-enfants. N'oublions pas non plus sa préférence pour sa dernière fille qui a eu droit à l'amour et à la présence de sa mère auxquels Gisèle et Rodolphe n'ont pas souvent eu droit. Ce n'était pourtant pas forcément bénéfique pour Marie-Valérie, souvent étouffée par l'amour de cette mère possessive et excentrique.


Marie-Valérie à l'âge de deux ans, peinte
par Franz Schrotzberg (1870)
De ce fait, j'ai été agréablement surprise de voir décrits des aspects plus détaillés de la personnalité de l'impératrice, ainsi que la dégradation progressive de son état mental, alors qu'elle devenait de plus en plus mélancolique avec des idées sombres les dernières années de sa vie, ne s'habillant plus qu'en noir depuis la mort de son fils. Sissi est une personnalité hors du commun, on comprend aisément qu'elle fascine encore aujourd'hui, elle n'est toutefois pas aussi parfaite que certaines œuvres de fiction montrent (sans pointer certains titres en particulier, ceci dit), ainsi j'ai apprécié redécouvrir la véritable personnalité d'Elisabeth.

J'ai aussi apprécié l'originalité de consacrer un livre sur ses quatre enfants, d'autant plus qu'on ne dispose de peu d'ouvrages sur eux, à l'exception de Rodolphe (ce qui est compréhensible, compte-tenu de son destin tragique), et notamment en savoir un peu plus sur Gisèle et Marie-Valérie, leur vie, leurs œuvres et leurs enfants. C'était intéressant d'en apprendre plus sur eux, leurs différences et leurs similitudes, leur destin, leurs accomplissements. J'ai toutefois cette impression que le texte était parfois survolé, dans le sens où je trouve que certains points auraient pu bénéficier de plus d'approfondissements et que d'autres éléments de la vie de ces personnages ont été simplement évoqués ou passé sous silence. Je comprends qu'on ne puisse pas tout dire, sans se perdre dans les détails et de parfois se répéter, car ces personnages ont parfois vécu les mêmes événements. Je ressortirai toutefois de ce livre avec l'impression d'avoir lu un ouvrage intéressant et instructif, mais parfois peu approfondi, notamment l'impact qu'a eu la mort de Rodolphe sur Sissi, ou le fait que l'auteur présente la mort de Rodolphe comme étant un suicide alors que les historiens n'arrivent toujours pas à se mettre d'accord sur la cause de sa mort, à savoir un assassinat ou un suicide, et que c'est une énigme sur laquelle on n'arrive pas à se décider. Toutefois, j'ai apprécié ma lecture et j'ai pu apprendre beaucoup de choses intéressantes !


Gisèle et Rodolphe grandissaient ensemble. Ils s'aimaient profondément et partageaient joies et peines. Il est fort possible que l'absence fréquente de leur mère renforçât encore leurs liens affectifs et les unit davantage. Jusqu'au sixième anniversaire de Rodolphe, ils eurent la même gouvernante et les mêmes bonnes. Leur plus grand plaisir était de rouler tous les deux sans but dans leur petite calèche d'enfant, tirée par des poneys ou des ânes, ou encore de jouer ensemble. C'était leur grand-mère Sophie qui choisissait leurs jouets et elle le faisait en fonction des tâches qui leur incomberaient dans leur vie future : Gisèle, qui était destinée à devenir une excellente femme au foyer et une mère, recevait des poupées et des ustensiles de ménage, tandis que Rodolphe, promis à une carrière de soldat, avait des jouets guerriers, des armes et des uniformes.

lundi 8 juin 2020

Et ton nom sera Vercingétorix - Philippe Madral et François Migeat.

Amazon.fr - Et ton nom sera Vercingétorix - MADRAL, Philippe ...
Un jeune guerrier celte affronte le maître tout-puissant de la Gaule occupée. Entre l'attirance et la haine, un face-à-face grandiose.

Vercingétorix a tout pour séduire César. C'est un noble jeune et superbe, intelligent, fougueux. Et César a tout pour fasciner le prince arverne : c'est un stratège de génie, un patricien subtil pétri de culture et d'humanisme. Pourtant, ils vont se livrer une lutte à mort. 

Depuis les forêts profondes du pays arverne où les druides initient l'adolescent celte aux secrets des dieux jusqu'au vaste forum où César, général vieillissant rongé par l'ambition, déploie son triomphe, en passant par les ruelles populeuses de Gergovie et les fortifications titanesques d’Alésia, les deux hommes vont de rencontre en rencontre, de paroles d'estime en paroles de défi, de bataille en bataille, de victoire en défaite. Et jusqu'au bout, César espère se faire un ami, un amant, de Vercingétorix...



Intéressée par le personnage de Vercingétorix mais déçue par le film, je me suis mise à la recherche d'ouvrages afin de mieux découvrir ce célèbre et pourtant méconnu personnage historique. Au lieu de commencer par une biographie, pourtant, j'ai été séduite par le titre et le résumé de ce roman.

J'ai été plongée dès les premières pages dans l'histoire que celui qui s'appelait d'abord Khefnos, avant de s'appeler Vercingétorix. Khefnos n'est qu'un nom imaginé par les auteurs, car Vercingétorix, le nom sous lequel on connaît mieux l'homme, serait plus exactement un titre signifiant "Le plus grand roi des guerriers". J'ai été emportée, dès le début, dans cette atmosphère attirante de la Gaule (ou plutôt des Gaules), avec les mystères et rites druidiques, l'omniprésence de la nature et des dieux vénérés des Gaulois que l'on retrouve tout au long du roman. Les personnages gaulois sont fiers, courageux, profondément attachés à leur terre, à leurs dieux, à leurs racines, et cela se ressent. C'est un monde mystérieux peuplé d'hommes et femmes fiers et courageux.

Nous suivons ainsi Khefnos, avant qu'il ne devienne Vercingétorix. Sa jeunesse en Arverne qui devient ébranlée à l'assassinat de son père, les troupes romaines qui envahissent peu à peu la Gaule, son apprentissage par un druide qui deviendra l'un de ses fidèles compagnons, les querelles entre Gaulois dont profitent les Romains. Khefnos n'a qu'un désir : rejoindre l'armée romaine et s'approcher de Jules César, général romain intelligent, charismatique et fin stratège, afin d'apprendre la science de la guerre des Romains. Khefnos tente le tout pour le tout pour approcher le puissant général (il y a d'ailleurs une scène très intéressante avec Khefnos et le cheval de César, mais je n'en dirai pas plus). À la fois surpris et séduit par la détermination et le courage du jeune Arverne, César l'accepte dans son armée et, au fil de ses discussions avec Khefnos, s'attache au jeune homme et pense s'en faire un allié. Il se prépare à une véritable désillusion lorsque Khefnos, instruit et entraîné, quitte son armée pour rejoindre ses terres et compte mettre à profit tout ce qu'il a appris afin de combattre les Romains hors de Gaule, et de continuer son ascension pour le chef que l'on connaît. Désigné comme roi des Arvernes, Khefnos, devenant Vercingétorix, entre en contact avec les chefs des différentes tribus gauloises dans un seul but : combiner leurs forces contre l'envahisseur romain avec Vercingétorix comme chef et commandant...

Le roman oscille entre plusieurs personnages, majoritairement Vercingétorix et Jules César. Chacun est présenté comme un chef charismatique, intelligent et stratège, tous deux déterminés dans leur cause. Il serait tellement facile de peindre un schéma en noir et blanc, avec les gentils Gaulois qui se battent pour leur liberté et les méchants Romains cherchant à envahir le territoire, pourtant les auteurs ont su éviter ce cliché et nous donner des personnages très humains. On s'attache aussi bien à César qu'à Vercingétorix. César montre qu'il sait aussi bien séduire ses contemporains que les lecteurs, il a des pensées, voire des réparties qui prêtent à sourire, c'est un personnage capable de cruauté comme de magnanimité, attaché à son esclave et amant, à ses amis, et à sa regrettée fille. Il se présente également comme un homme visionnaire, avec des pensées se révélant en avance sur son temps, ce qui a été un aspect étonnant mais pas désagréable. Vercingétorix n'est pas en reste, avec sa bravoure, son humanité, sa soif de liberté, son audace, sa fougue, son esprit. Il se montre comme étant le parfait miroir de César et, même si l'on connaît l'issue de la guerre des Gaules, on ne peut s'empêcher d'espérer jusqu'au bout que Vercingétorix s'en sortira.

Un des aspects du roman à m'avoir plu est la relation entre César et Vercingétorix. Bien que le résumé mentionne que César espère s'en faire un amant, je n'ai pas trouvé que c'était le cas. Un allié, un ami, certes, mais pas un amant. Jusqu'au bout, César voudra le faire gagner à sa cause. Ils sont présentés comme étant à la fois le contraire mais aussi, et surtout, le miroir de l'autre. Ils ont été initialement attirés par l'autre, par ses qualités, puis seront obsédés par l'autre au fur et à mesure que la guerre des Gaules atteint son zénith. Chacun est le miroir de l'autre, son ombre, si bien qu'on découvre que, s'ils sont ennemis à cause des circonstances, ils auraient très bien pu être amis car sous beaucoup d'aspects, ils se ressemblent et auraient pu s'entendre, dans un autre univers. À travers eux, c'est également deux conceptions du monde qui se font face : d'un côté, la magie des rites celtiques et druidiques, l'importance de la nature et l'omniprésence des dieux, de l'autre côté la raison et les coutumes romaines.

Ce roman est une véritable fresque historique, qui nous fait voyager : la Gaule mystique et rebelle, la Rome fastueuse et flamboyante. On y découvre divers personnages, aussi bien Gaulois que Romains. J'ai d'ailleurs beaucoup aimé les scènes avec Cicéron, Pompée et Marc-Antoine. L'histoire est prenante et les pages se tournent sans difficulté. Les scènes de bataille sont maîtrisées avec les stratégies, embuscades, chevaux au galop, la bravoure des soldats, le choc des armes, etc. Toute la guerre des Gaules est racontée de façon prenante et le roman se présente comme une fresque historique plutôt fidèle, ce que j'apprécie beaucoup. Je n'ai toutefois pas compris la présence de Brutus, fils adoptif de César et son célèbre assassin, qui n'a jamais participé à la guerre des Gaules, et que j'aurais davantage vu Marc-Antoine à sa place, car il était un de ses lieutenants les plus proches et les plus fidèles, et j'ai déploré qu'il n'arrive que peu de temps avant la fin du conflit.

Je trouve aussi que l'ouvrage, aussi bien le livre que l'ebook, aurait pu bénéficier d'une couverture plus attractive, surtout l'ebook tandis que la couverture du roman manuscrit fait plutôt penser à Excalibur avec le roi Arthur que Vercingétorix et son épée, mais ce n'est que mon opinion. L'histoire en elle-même est prenante, j'ai pris beaucoup de plaisir à lire ce roman historique que je pense classer parmi une de mes meilleures lectures de l'année !


Description de cette image, également commentée ci-après
Vercingétorix jette ses armes aux pieds de César, tableau de Lionel Royer (1899)

La seule humanité de ce cauchemar, il la trouve dans Servilius. Esclave étrusque, le gardien n'a jamais quitté Rome de sa vie. Vercingétorix lui parle de sa terre, la Gaule généreuse et nourricière, et du pays averne. Il lui fait entrevoir un monde étrange et mystérieux : les chants sacrés destinés au dieu Borvo, tapi au fond des eaux du lac noir, ou les interminables cavalcades de la déesse Epona sous la lune bleue. Il lui raconte la cérémonie de la cueillette du gui par les druides resplendissants d'or et de blanc. Il lui parle avec chaleur de la fête du printemps, tandis que s'allongent sur les flancs de la montagne les cortèges de jeunes vierges aux fronts ceints de leurs et que, dans les rues de Gergovie, au son des sistres et des tambourins, s'enflamment les danseurs. Il lui dit le bonheur des moissons, les amours des jeunes gens à l'ombre des charmilles, la nuit de la Samain qui marque le début de l'année celte, à l'automne, lorsque tout peut se produire, au moment où les morts viennent visiter les vivants. Servilius aime ces contes d'un ailleurs inconnu, ces divinités fantastiques, ces prêtresses sensuelles, ces cultes dont les forêts sont les temples.