dimanche 30 octobre 2022

Sherlock Holmes et la Bête des Stapleton - James Lovegrove.


1894. Voilà cinq ans que le monstrueux chien des Baskerville et son maître, le naturaliste Jack Stapleton, sont morts. Sir Henry Baskerville vit heureux dans son manoir ancestral avec son épouse Audrey et leur fils.

Du moins jusqu’au jour où l’on retrouve sur la lande le corps exsangue d’Audrey. Une nouvelle créature démoniaque hanterait-elle le Dartmoor ? Lorsqu’on les appelle à la rescousse, Sherlock Holmes et le Dr Watson sont confrontés à une véritable créature de cauchemar. Il semblerait que Jack Stapleton ait survécu et qu’il soit décidé à se venger…


Cela fait un peu plus de dix ans depuis que j’ai découvert Sherlock Holmes. J’avais décidé de faire connaissance avec le détective avec Le Chien des Baskerville, qui demeure l’une de ses meilleures enquêtes. James Lovegrove nous propose ici une suite qui se situe cinq ans après les événements du roman de Conan Doyle.



Sherlock Holmes apprend, par le biais d’un dénommé Grier, qu’Henry Baskerville, alors qu’il semblait avoir gagné son « heureux pour toujours », s’est cloîtré chez lui depuis la mort de son épouse, avec son fils qu’il couve par crainte de le perdre. Lady Baskerville a en effet été assassinée… par une bête immense qui s’abreuverait du sang de ses victimes, humains comme bétail, jusqu’à la mort et qui hante la région du Dartmoor…



Sherlock Holmes qui retourne sur les terres des Baskerville, non pas pour traquer le chien maudit, mais une autre créature. J’adhère tout de suite ! Ce qui m’avait plu dans le roman d’origine, c’était bien cette ambiance écossaise mystérieuse et une histoire inquiétante d’une créature que l’on croit surnaturelle et meurtrière. J’ai donc retrouvé avec plaisir la lande lugubre et sauvage du Dartmoor et, si on se doute bien que la créature en question n’a rien de surnaturel et que l’on devine rapidement la supercherie, cela n’enlève rien au suspens du roman qui nous emmène de suspect en suspect, d’indices en indices pour découvrir qui est le véritable auteur de ces meurtres ainsi que ses motivations, mais aussi la nature du lien avec l’ancien meurtrier.



L’enquête est efficace, intéressante, elle tient la route et nous tient suffisamment en haleine jusqu’à la fin avec la traque du meurtrier. Toutefois, il y a quelques points à m’avoir chagriné. J’ai notamment trouvé que cela devenait un peu too much sur la fin avec le lien entre le meurtrier et un personnage dont le nom ne sera pas inconnu aux holmesiens [spoiler] imaginer un frère au professeur Moriarty qui a fait tout cela pour venger son défunt frère, il est un peu sorti de nulle part ce personnage… [/spoiler]



Mon autre soucis est que l’auteur a donné à Watson une phobie des chiens et qui préfère rester à Baker Street plutôt que d’accompagner Holmes dans le Dartmoor, de crainte d’un nouveau chien des Baskerville. Si la soudaine phobie des chiens suite aux événements du roman paraît logique, cela me paraît tout de même un peu gros que Watson, vétéran d’une guerre dans laquelle il a vu ses camarades mutilés, ancien médecin de l’armée et compagnon d’un détective qui le suit dans ses affaires les plus sombres, soit trop peureux et lâche pour accompagner Holmes. Heureusement que Holmes insiste pour que Watson l’accompagne en deuxième partie de roman. C’est toujours mieux quand les deux inséparables partent ensemble à l’aventure… Cela m’a donc chagriné de voir Watson absent pendant une partie de l’intrigue.



La seconde partie du roman peut déconcerter car nous changeons radicalement de cadre. L’auteur laisse l’Écosse derrière lui pour le Costa Rica où HolmesWatsonHenry Baskerville et d’autres personnes de leur cercle embarquent en catastrophe dans un bateau pour traverser l’océan puis le Costa Rica à la recherche du meurtrier pour retrouver l’un des leurs que le meurtrier a kidnappé. Cette partie s’apparente davantage à un thriller et apporte un petit vent de fraîcheur et n’est pas dénué d’intérêt malgré tout. Les rebondissements ne manquent pas jusqu’à l’affrontement final où, malheureusement, le dénouement fut assez rapide et la chute un peu facile.



Au niveau des personnages, je n’ai rien à redire. L’auteur respecte les personnages de Conan DoyleHolmes et Watson forment une dynamique sympathique. On voit bien qu’il s’agit ici de deux amis qui se taquinent et qui sont attachés l’un à l’autre. Watson a ses moments d’utilité, ainsi son rôle n’est pas réduit à celui de faire-valoir de Holmes et il n’est pas présenté comme un benêt, ce qui est agréable. Le caporal Grier, qui a partagé la vedette avec Holmes dans la première partie du roman, est un personnage plutôt sympathique et il est assez amusant dans ses taquineries sur HolmesGrier et Watson forment également un duo sympathique, et le personnage de Grier se présente comme une figure loyale, forte et courageuse, malgré la ségrégation raciale et le racisme dont il est victime, il ressort toujours la tête haute.



Pour résumer, il s’agit d’un pastiche holmesien plutôt sympathique. Les pages se sont tournées avec beaucoup de plaisir et de fluidité. L’auteur mène son enquête à un rythme qui ne faiblit pas, nous apporte son lot d’énigmes et de rebondissements malgré quelques éléments prévisibles et un final un peu rapide. Le cadre du roman est plaisant et dépaysant, entre l’Écosse sombre et humide, ses vents battants, ses tourbes et le Costa Rica chaud et humide et son exotisme. Pour ma part, le pari d’apporter une suite convaincante au Chien des Baskerville est relevé haut la main !


— Holmes, j’ai pensé à quelque chose, dit sir Henry alors qu’ils étaient en plein petit déjeuner le lendemain matin.

S’il existe une phrase risquée quand on parle à Sherlock Holmes, c’est bien celle-là. Personnellement, je n’ai jamais l’imprudence de la prononcer, celle-ci ou une autre du même genre, lorsque je me trouve à portée de voix de Holmes. Cela provoquerait presque inévitablement une réponse sardonique comme : « Penser, c’est une affaire de professionnel » ou : « Le cerveau est un organe délicat, il faut faire attention à ne pas trop lui en demander. »

Pour l’occasion, néanmoins, Holmes se montra charitable, ce qui se comprend après la peur que sir Henry avait eue dans la nuit. Holmes, donc, se contenta de répondre :

— Et quelle est, je vous prie, l’issue de vos délibérations ?

jeudi 27 octobre 2022

L'épouvanteur (T.5) L'erreur de l'épouvanteur - Joseph Delaney.

 « — Lève-toi, m’ordonna-t-elle d’une voix dure. L’heure est venue, le danger est proche. Nos ennemies ne vont pas tarder.

Nos ennemies ? soufflai-je. Il y en a plusieurs ?

Bien sûr, petit ! La fille du Malin ne sera pas seule. Les sorcières d’eau convergent de tous les côtés vers cette colline. Le combat est imminent. »

Plus que jamais, l’obscur menace le Comté. John Gregory envoie Tom dans le nord, pour qu’il poursuive sa formation auprès d'un autre épouvanteur, Bill Arkwright. Ce dernier habite un moulin hanté, non loin de dangereux marécages, et il se montre un maître implacable. Tom a du mal à supporter ses méthodes ! Or, le Malin charge sa propre fille, une puissante sorcière d’eau, d’anéantir Tom. C’est alors que Bill Arkwright commet une erreur, et le garçon se retrouve seul pour affronter sa redoutable adversaire.


Il y a un peu plus de dix ans (déjà ! Que le temps passe), j’avais découvert la série L’épouvanteur et dévoré les quatre premiers tomes en deux mois. La bibliothèque ne possédant pas les tomes suivants, j’avais mis en pause la saga. Puis, j’ai lu d’autres livres et j’ai laissé L’épouvanteur de côté… Les années ont passé et la série a commencé à refaire surface dans mon esprit. L’univers me manquait et j’étais désireuse de connaître la suite, par chance, depuis le réseau de bibliothèque avait fait l’acquisition des tomes suivants ainsi ai-je repris ces derniers mois la lecture en relisant tout d’abord les quatre premiers tomes pour me remettre dans le bain et me remémorer ce que j’avais oublié. J’ai redécouvert avec beaucoup de plaisir l’univers et les personnages, constatant que la magie opérait toujours et que je dévorais chaque page, chaque chapitre, comme il y a quelques années. Entre deux, j’ai appris avec tristesse la mort de Joseph Delaney qui, même si je n’avais pas grandi avec ses livres, avait toujours su me charmer par ses mots, son univers et ses personnages.


Me voici donc, mes relectures achevées, à reprendre officiellement la série, en partant en terrain inconnu avec L’erreur de l’Epouvanteur.


Dans le tome précédent, les sorcières de différents clans s’étaient réunies pour invoquer le Malin et le relâcher sur Terre afin qu’il accomplisse leur dessein, celui de tuer le jeune Tom Ward. Bien qu’il ait échoué à cette tâche, le Diable est à présent libéré de toute contrainte et libre d’arpenter où bon lui semble. Depuis, la situation s’obscurcit dans le Comté. Craignant que le Malin ne cherche à s’en prendre à Tom et incapable de lui enseigner une forme d’entraînement, qu’avec son âge il ne peut lui prodiguer, John Gregory envoie son apprenti passer six mois chez un autre Epouvanteur, Bill Arkwright, pour qu’il poursuive son apprentissage. Arkwright est un ancien apprenti de Gregory et vit dans un moulin hanté par les fantômes de ses parents, en compagnie de Croc et Griffe, deux chiens féroces. Tom a bien du mal à s’acclimater, d’autant plus qu’Arkwright est très exigeant, sévère et porté sur la boisson, et que les ennuis parviennent malgré tout à le trouver sous la forme d’une monstrueuse sorcière. Arkwright lui révèle qu’il s’agit de Morwène, une redoutable sorcière des eaux, qu’il pourchasse depuis des années et qui sème la terreur depuis des siècles…


À l’instar des tomes précédents, j’ai dévoré ce livre et, alors que je prévoyais une lecture progressive, je n’ai pas su résister et je l’ai terminé en quelques heures. L’écriture de Joseph Delaney est toujours aussi efficace, il parvient à nous entraîner aisément dans son histoire et à nous faire tourner les pages avec avidité. Il sait manier le suspense, nous surprendre, nous attendrir comme nous faire ressentir de l’appréhension.


Avec ce tome, Joseph Delaney nous entraîne ici à la découverte des sorcières d'eau, selkies, skelts et autres créatures des marais. Son folklore continue ainsi à s’étoffer à mesure que la saga progresse. J’ai beaucoup aimé le changement d’environnement, on se retrouve dans un cadre marécageux, brumeux mais toujours sombre et inquiétant, où vivent des créatures inquiétantes.



J’ai retrouvé avec plaisir les personnages et même si j’aime toujours Tom, je déplore le fait qu’il ait moins brillé dans ce tome par rapport aux précédents, qu’il reste encore celui qui se fourre malgré lui dans les ennuis et qui doit être sauvé par AliceGregory ou un autre personnage. Je suis bien consciente que Tom est encore en stade d’apprentissage et qu’il fait face à des créatures bien plus puissantes que lui, mais même lorsqu’il est en déroute face à des humains, j’aurais aimé qu’il soit un peu plus débrouillard, comme ce fut le cas dans les tomes précédents. Même à son moment le plus intense, celui où il a du combattre Morwène, il ne l’a pas fait seul et s’est battu avec un autre personnage qui a fini par achever le travail et sauver Tom. J’espère vraiment que Tom brillera davantage dans les tomes suivants car il en a les capacités, il l’a déjà prouvé, et que nous lecteurs aimerions voir la certitude que, oui, Tom est bien le meilleur apprenti que Gregory ait jamais eu, comme l’affirment certains personnages.




Gregory est moins présent dans ce tome, mais c’est toujours un plaisir de le revoir, d’autant qu’on devine bien dans ce tome son inquiétude pour Tom, prouvant qu’il est attaché à son apprenti et ne veut que son bien, et le protéger tout en le préparant au pire, pour qu’il ait une chance de survivre. Il a été difficile de s’attacher à Bill Arkwright, comme ce fut le cas avec Tom qui du mal à se faire à cet Epouvanteur si différent de John Gregory, avec des méthodes brutales, qui se montre antipathique, violent et porté sur la boisson. Au fil des chapitres, Tom et le lecteur sont amenés à comprendre le passé de cet homme et réaliser ce qu’il peut apporter à Tom. Malgré tout, Arkwright a un vécu qui le rend touchant et il nous montre petit à petit d’autres facettes de sa personnalité. Je serais curieuse de voir s’il va apparaître de nouveau dans la série. Bien que je n’ai eu aucune sympathie pour Arkwright au début, sans pour autant le détester, j’ai apprécié de découvrir les méthodes d’un autre Epouvanteur, et qui différent de celles de John Gregory, de voir comment Arkwright voit le rôle d’Epouvanteur et l’exerce, ce qui permet à Tom d’ouvrir ses horizons et de voir que la vision de son maître n’est pas la seule. Cela fait un parallèle intéressant avec la vision que nos personnages se font concernant l’obscur ainsi que d’autres choses, notamment les différences d’opinion concernant Alice.


Alice est très énigmatique dans ce tome. L’attachement qu’elle et Tom se portent est toujours aussi attachant, on ne peut pas être insensible à la loyauté et l’affection qu’ils ont l’un envers l’autre, et combien ils sont prêts à tout pour l’autre. Néanmoins, on sent qu’elle change, que son destin n’est pas tout à fait défini… Si on ne doute pas de son attachement pour Tom, elle n’est pas définie entre « bonne sorcière » ou « mauvaise sorcière ». On ignore quel chemin elle va prendre, ce qu’il va lui arriver, comment elle va évoluer… d’autant plus que ce tome nous révèle des secrets bien surprenants sur Alice et sa famille et qui pourraient faire pencher la balance. Je suis très curieuse de voir ce que l’auteur a en réserve pour nous concernant ce personnage et voir si sa relation avec Tom sera plus forte que son ascendance ou pas…


J’ai été ravie de retrouver Grimalkin, la sorcière assassine. Elle n’est que peu apparue dans le tome quatre mais elle m’avait laissé une forte impression. Son importance se confirme dans ce tome, et laisse deviner que ce sera le cas dans les suivants. C’est vraiment une sorcière pas comme les autres et j’aime beaucoup ses interactions avec Tom. [spoiler] si elle se confirme bel et bien comme alliée, elle sera une alliée de poids pour Tom et elle semble lui être attachée, du moins je l’espère, et j’espère retrouver cette dynamique dans les prochains tomes [/spoiler]


Je ne peux pas parler de ce tome sans parler de l’Adversaire avec un grand A. Le Malin. Celui-ci en impose par sa présence, chacune de ses apparitions ne laisse pas indifférent tant elles semblent figer le temps pour ne laisser que de l’effroi et de l’appréhension. Il est vil, corrupteur, malin et manipulateur. J’ai aimé chacune de ses apparitions ainsi que ses interactions avec Tom pour qui il voue un intérêt glaçant mais fascinant. Je ne demande qu’à découvrir au cours des prochains tomes ses autres apparitions ainsi que découvrir la véritable nature de son intérêt pour Tom.


Même lorsque l’affrontement s’achève, nous ne sommes pas au bout de nos surprises et d’autres éléments s’ajoutent, nous tenant en haleine et nous donnant envie de lire le tome suivant, qui promet notamment le retour de la mère de Tom. Ce tome continue de confirmer mon amour pour la série qui se révèle de plus en plus passionnante. Ce qui ne ressemblait au début qu'à un enchaînement d'aventures fantastiques et effrayantes prend plus d’épaisseur pour devenir une lutte plus globale contre un ennemi de choix.


L’horreur reste vibrante et Joseph Delaney n’hésite pas à amener des événements assez violents dans le récit [spoiler] notamment choquée d’une scène où Tom découvre l’un des chiens de Arkwright mort d’une horrible façon par une sorcière d’eau [/spoiler], bien que ce ne soit pas trop explicite. Les rebondissements ne manquent pas, le rythme est toujours soutenu, l’intrigue ponctuée par de nombreux événements. Bref, encore une belle réussite ! Il me tarde de découvrir le tome suivant… 


Je ne le voyais pas, mais ses pas l'amenaient vers moi. Chaque fois que l'un de ses pieds invisibles se posait sur le plancher, il laissait la marque d'un sabot fendu, qui rougeoyait un instant en grésillant avant de noircir. Grimalkin m'avait dit que, pour leur inspirer la crainte et les forcer à l'obéissance, il étai apparu aux clans de sorcières sous sa véritable apparence, le jour de Halloween. Cette vision était si épouvantable, prétendaient certains, que quiconque y était confronté mourait de saisissement. N'était-ce vraiment qu'un conte de bonnes femmes pour faire frémir à la veillée ? Allait-il me montrer son visage ?

(...) Il était devant moi, en bottes et veste de cuir, tel qu'à notre première rencontre, avec le même sourire amical et confiant.

- Eh bien Tom, me dit-il, comme je te l'ai fait remarquer récemment, au lieu de me nommer le Malin, on pourrait m'appeler l'Ami. Qui veux-tu que je sois pour toi ? Voilà ce que tu devras décider dans les minutes qui suivent. De cette décision dépend le reste de ta vie, ainsi que le sort de tes trois compagnons.

26. L'impensable.

samedi 22 octobre 2022

Momies ! : Corps conservés à travers le monde - Juliette Cazes.

 
« Vous parler des momies, c’est vous raconter les destins uniques d’hommes et de femmes à travers les époques et le globe. 

Ce livre n’a pas vocation à entrer dans les détails biologiques des différents types de corps conservés ni à dresser une chronologie précise des phénomènes de momification, mais il vous invite à quitter ce monde pour un autre, le temps d’une lecture.

Car les corps qui habitent cet ouvrage sont des individus à part entière. Leurs histoires variées vous feront voyager et, je l’espère, vous passionneront autant que moi. »

Depuis 2017, Juliette Cazes vulgarise la mort sur son site à succès, Le Bizzareum. Des célèbres momies égyptiennes, aux têtes réduites d’Amazonie, de la pratique de l’auto-momification des moines japonais, aux corps retrouvés conservés dans la glace du Groenland, elle vous embarque autour du monde, à la découverte des momies dont le repos éternel ne manque pas de rebondissements !



Momie : 

- Corps d'un humain (ou d'un animal) mort ayant subi un traitement destiné à assurer sa conservation.

- Corps humain desséché, entouré de bandelettes et conservé par des procédés d'embaumement, qu'on trouve dans les sépultures d'Égypte.

- Corps qui s'est conservé naturellement, sans se putréfier (le plus souvent sous l'effet d'une forte chaleur sèche).



Deux ans après son premier ouvrage, Funèbre !Juliette Cazes du Bizzareum revient cette année avec une nouvelle publication qui reste dans ses thèmes de prédilection et qui est consacrée aux momies. Une lecture plutôt appropriée à l’approche d’Halloween… Pourtant, point de momie vengeresse poursuivant ses malheureuses victimes dans la nuit, mais un récit historiques et instructifs sur les momies à travers le monde…


L’exemple célèbre des momies égyptiennes…


Lorsque l’on pense aux momies, cela nous évoque immédiatement les momies de l’ancienne Égypte. Juliette Cazes nous en dit un peu plus sur les techniques d'embaumement pour conserver le corps et la préparation du défunt pour sa nouvelle vie dans l'au-delà, ainsi que sur les nombreux pillages. Bien-sûr, il faut garder à l’esprit que les techniques d’embaumement n’étaient pas toutes les mêmes en fonction du statut social de la personne ainsi que de l'époque, l’Égypte antique étant une période historique très vaste.


L’imaginaire collectif tend à décrire les momies comme maudites ou conservées précieusement dans des pyramides truffées de pièges pour les protéger des pilleurs de tombes. Les pillages ne datent pas d'hier et ont commencé dès l’Égypte antique, ainsi il arrivait effectivement que les anciens Égyptiens usent de certains stratagèmes pour empêcher cela. Pourtant, il n’existe pas une momie qui n’ait pas été pillée et cela n’a pas uniquement concerné les momies égyptiennes comme l’auteure nous le dévoilera au cours d’autres chapitres. Les momies ont attiré très tôt les pilleurs, que ce soit pour les objets funéraires, les bijoux et autres objets de valeurs que les tombes contenaient, ou pour obtenir un morceau du corps… voire le corps dans son intégralité car on prêtait alors aux momies des vertus médicinales, ou tout simplement pour attirer du public et parce que posséder un morceau de momie renvoyait immédiatement à l’exotisme. Cela continue encore malheureusement de nos jours, le trafic de momies continuant à être d’actualité et il n’est pas rare de voir des ventes de restes humains sur internet…



Ici, pas d'Imhotep, ni même aucune momie vengeresse mais chaque
momie présente dans l'ouvrage présente un intérêt !


Les momies, une véritable source d’informations !


Les momies ne sont pas l'apanage de l’Égypte ancienne, car on en retrouve un peu partout dans le monde et celles-ci sont une véritable source d’informations sur le peuple auquel le défunt a appartenu, sinon l’époque dans laquelle il a vécu par le biais des techniques d’embaumement, les objets qui accompagnent le défunt, voire le corps en lui-même, surtout lorsque celui-ci est bien conservé.


L’un des exemples les plus frappants est celui de la marquise de Dai en Chine, dont le corps est exceptionnellement préservé avec sa peau encore élastique, les cheveux encore présents et le visage expressif. La découverte de cette momie a permis de lever le voile sur l’époque de la dynastie des Han ainsi que le mode de vie de la marquise ainsi que son état de santé. Il en est de même avec les corps gelés que l’on a retrouvé au Groenland qui ont permis de nous renseigner sur les peuples inuits, ou encore sur des époques plus proches de nous à travers l’expédition Franklin (une histoire tragique et fascinante sur les vaisseaux Erebus et Terror dont les équipages ont trouvé la mort dans les contrées glaciales alors qu’ils tentaient de traverser l’Arctique) et sur les alpinistes Mallory et Irvine, disparus en montagne dans les années 1920 après avoir tenté l’escalade du mont Everest. Les corps conservés des défunts de l’expédition mais aussi du corps de l’un des alpinistes ont permis de lever le voile sur le mystère de leur disparition… ou du moins une partie du mystère. Comment sont-ils morts, où ont-ils réussi à aller, etc.


Les momies, ces attractions !


On trouve donc des momies un peu partout dans le monde (y compris en France), bien que les rites funéraires et techniques d’embaumement n’ont pas été les mêmes partout. Un élément que l’on retrouve dans de nombreux cas, pourtant, est l’exposition de ces momies.


Juliette Cazes nous présente quelques exemples. Parmi ceux à m’avoir marqué, il y a les momies fumées de Papouasie-Nouvelle Guinée (fumées car le cadavre est installé sur une chaise suspendue au-dessus d’un feu pour assécher le corps sans le brûler. Ce corps est ensuite emmené sur une colline surplombant le village, rejoignant ainsi les autres défunts dont le rôle est de veiller sur les vivants). Je parlerai également du temple de de Wat Phrabat Nam Phu en Thaïlande qui accueille les malades du sida et expose les cadavres des malades décédés, ce qui peut nous paraître choquant, bien que le temple expose ses défunts dans un but de discours sanitaire et politique autour du sida (avec une fiche sur chaque défunt sur la façon dont il a été infecté).


Qu’il s’agisse des momies d’édifices religieux en France, des momies fumées de Papouasie-Nouvelle Guinée, des corps du temple de Wat Phrabat Nam Phu, de nombreuses momies se dévoilent aux regard des curieux. C’est souvent un moyen pour financer les lieux exposant les momies (souvent des églises, voire un hôpital dans le cas du temple) et qui ont souvent besoin d’être rénovés ou d’un soutien financier pour continuer à être ouvert et fonctionnel. Il s’agit également d’un moyen de faire découvrir un patrimoine, des traditions méconnues, souvent en danger, d’éduquer sur des peuples méconnus ou sur l’Histoire, ou tout simplement pour permettre au visiteur de faire face à sa propre mortalité… sinon d’avoir sa dose d’exotisme ou d’avoir sa curiosité assouvie.



Momie d'enfant rapportée d'Egypte par Champollion (332 - 30 av JC, époque ptolémaïque),
exposée au Louvre-Lens pour l'exposition temporaire "Champollion, la voie des hiéroglyphes"
(28 sept. 22 - 16 jan 23), d'après l'une de mes photographies.



Juliette Cazes nous offre ici une réflexion intéressante sur le dark tourism (une forme de tourisme assez macabre qui propose la visite de lieux liés à la mort généralement) dans lequel les visiteurs font souvent des selfies avec les momies et recherchent une forme d’exotisme assez malsain, et pourtant la problématique se pose : faut-il empêcher les touristes de visiter certains lieux par soucis d’éthique et pour mieux préserver les traditions, ou laisser faire puisqu’il s’agit d’un moyen de faire connaître un patrimoine méconnu, des rites et traditions parfois en perdition, et que l’argent de ce tourisme aide à financer les dits-lieux.


Sujet de dissertation, vous avez quatre heures !


Quand la nature conserve…


Les momies nous renvoient souvent aux techniques d’embaumement, et pourtant elles n’ont pas toujours été le résultat de techniques humaines et la nature a parfois joué un rôle dans la momification. Dame Nature a de nombreux talents… et pas toujours là où on l’attend !


Le climat froid et glacial des montagnes et de certains pays du froid a souvent permis la bonne conservation des corps (par exemple, ceux de l’expédition Franklin ou du peuple inuit au Groenland). Cependant, il arrive parfois que des zones plus humides aient pu conserver certaines momies. J’ai un souvenir encore vif de mes cours d’archéologies sur les momies des tourbières et qui ont droit à leur propre chapitre dans l’ouvrage. Les tourbières sont des zones humides et privées d’oxygène, ce qui empêche la prolifération d’organismes responsable de la décomposition d’autres matières organiques, ce qui fait que la végétation se minéralise que très lentement, s’accumulant et formant un dépôt. Les corps retrouvés dans ces tourbières (des bog bodies) sont donc exceptionnellement conservés naturellement, au point même d’avoir gardé leur chevelure. Ces momies portent souvent des marques de coups et blessures, signes d’une mort violente. L’étude de ces corps permet souvent de dater le décès, les causes de la mort et sur le défunt en lui même (âge, sexe, état de santé, etc).


On ignore comment et pourquoi ces corps se retrouvent dans ces tourbières. Rituel consistant en un sacrifice au nom d’une divinité, condamnation à mort, assassinat ou accident, les tourbières cachent encore bien de nombreux secrets…



Gravure représentant une expédition rapportant les restes de deux membres
de l'équipage de l'expédition Franklin ayant mystérieusement disparue dans les années 1850



D’autres formes de momification…


Si je vous disais que l’on peut devenir momie ? Pas en se déguisant pour Halloween, mais à travers un processus spirituel au Japon qui s’apparente à l'auto-momification, le sokushinbutsu qui est lié au bouddhisme et dans lequel les moines d’un certain âge se préparent petit à petit à leur momification en se coupant progressivement leur alimentation jusqu’à obtenir un état de faiblesse avancé, puis se retirer dans une grotte et adopter la position du lotus en attendant le trépas. Tout cela pour assurer la préservation de leur corps et devenir Bouddha.


Les momies, ce sont aussi les têtes réduites ! En Amazonie, le peuple Shuars avait pour tradition de fabriquer des têtes réduites (souvent les têtes de leurs ennemis, ceux des autres tribus) que l’on appelle aussi une tsantsa. Nous découvrons le processus pour obtenir une tête réduite, et comment elles étaient confectionnées dans un but cérémoniel et destinées à être bénéfiques à la communauté. Outre son rôle spirituel, elles avaient également un rôle commercial car les Shuars en vendaient aux Occidentaux qui voyaient en ces tsantsas un symbole d’aventure, d’exotisme, d’exploration.



* * *


C’était un plaisir de retrouver la plume de Juliette Cazes qui est fluide, légère, parfois avec de l’humour, et surtout très respectueuse des sujets dont elle parle. Les momies ne restent pas moins des gens comme vous et moi, qui ont vécu il y a des siècles et dont l’auteure parle toujours avec respect. On sent d’autant plus le travail de recherche effectué pour cet ouvrage et nous communique avec efficacité sa passion. On pourrait reprocher que certains sujets ne sont pas autant développés qu’on aurait souhaité, mais son but n’est pas ici d’entrer dans les détails, notamment biologiques, et nous laisse le soin d’approfondir le sujet tout en nous présentant des synthèses intéressantes et instructives sur les momies dans différentes parties du monde.


Si l’on ne retrouve pas de photographies, qui auraient pu être appréciables, je peux comprendre la volonté de l’auteur de ne pas en fournir (sans doute par pudeur, par copyright, par respect pour le défunt, ou tout simplement par choix personnel), j’ai moi-même hésité à utiliser des photos de momies pour cet article tant j'étais mal à l'aise à l'idée d'exposer sur mon blog les dépouilles de personnes ayant autrefois vécu. D’ailleurs, les gravures de Mathilde Payen nous accueillent à chaque début de chapitre et c’est un petit plus très appréciable.


Enfin, j’apprécie beaucoup les réflexions que Juliette Cazes aborde sur les momies, sans tout à fait apporter une réponse définitive pour nous laisser développer notre propre opinion, et il est vrai que certaines questions poussent à la réflexion. Faut-il privilégier la recherche scientifique ou bien la sensibilité et les souhaits des descendants des ces défunts ? Faut-il cacher ces corps par égard pour les défunts et les laisser reposer en paix ? Les musées sont-ils légitimes dans leur exposition des momies (surtout si ces momies viennent d’autres pays), tout en reconnaissant que les musées sont parfois la seule solution pour protéger les momies du pillage ? Risque-t-on de transformer les momies en attractions macabres même si cela permet de mettre en lumière un patrimoine et l’histoire ? Sans oublier le problème des pillages ainsi que la banalisation de la vente de restes humains. Tant de questions légitimes qui poussent à la réflexion tout au long de la lecture, voire même après…


En résumé, une lecture instructive (mais trop couuuurte, même en ralentissant mon rythme de lecture, je n’ai tenu que deux jours avec) sous la plume experte et agréable de Juliette Cazes qui nous en apprend bien plus que l’on aurait cru au départ sur les momies !


Pour en savoir plus :


Grâce au septième art, la momie a enfin voix au chapitre (…) et se réveille pour faire valoir ses droits et punir ceux qui ont osé la déranger. Je trouve intéressant que les momies soient souvent considérées au cinéma comme des monstres vengeurs, alors que, si l’on réfléchit, il s’agit plutôt de personnes qui se rebellent contre le tord qui leur est fait. D’ailleurs, ne prévient-on pas depuis l’Antiquité les pilleurs de tombes des risques qu’ils prennent à jouer avec l’autre monde ?

1. Les momies d’Égypte, les plus populaires.

mardi 18 octobre 2022

Pumpkinheads - Rainbow Rowell et Faith Erin Hicks.

Deja and Josiah are seasonal best friends.

Every autumn, all through high school, they've worked together at the best pumpkin patch in the whole wide world (not many people know that the best pumpkin patch in the whole wide world is in Omaha, Nebraska, but it definitely is). They say goodbye every Halloween, and they're reunited every September 1.

But this Halloween is different - Josiah and Deja are finally seniors, and this is their last season at the pumpkin patch. Their last shift together. Their last goodbye.

Josiah's ready to spend the whole night feeling melancholy about it. Deja isn't ready to let him. She's got a plan: What if instead of moping they went out with a bang? They could see all the sights! Taste all the snacks! And Josiah could finally talk to that cute girl he's been mooning over for three years...

What if their last shift was an adventure?


Deja et Josiah sont deux amis qui se retrouvent chaque automne pour travailler dans un « pumpkin hatch » qui accueille de nombreuses personnes chaque automne et chaque Halloween. Cette saison revêt une importance toute particulière pour eux, car il s’agit de leur dernière saison avant de partir pour l’université. Lors de leur dernière soirée ensemble, Deja est bien décidée à aider son ami Josiah à déclarer sa flamme à Marcy, qui travaille également au ranch, et qu’il aime depuis qu’il a commencé à travailler au Pumpkin Hatch. Une quête bien plus difficile qu’il n’y paraît pour ce jeune amoureux transit qui n’ose pas avouer ses sentiments et qui, à chaque fois que lui et son amie se rendent à l’endroit où la belle est supposée se trouver, celle-ci se trouve ailleurs. Commence alors une soirée où Deja et Josiah vont traverser tout le ranch pour retrouver Marcy. Une occasion à eux de profiter de leur dernière soirée ensemble, aussi…


Ce qui m’a enchanté dans cette lecture, c’est le cadre dans lequel l’histoire prend place, et ses décors. Les auteures parviennent à retranscrire une parfaite ambiance automnale à l’Américaine que nous, pauvres Européens, ne pouvons vivre. C’est la saison des bonnes tartes fumantes, des S’mores (deux biscuits crackers entre un marshmallow qui a été grillé au feu), des pommes enrobées de caramel, le traditionnel Pumpkin Patch où les familles viennent dans les fermes et champs alentours à la recherche de la citrouille parfaite pour Halloween. Nous avons une omniprésence de citrouilles, de feuilles colorées, chaque case est peinte avec des couleurs de saison, le rouge, l’or, l’orange, le marron, le mauve, etc.


On rêve tout simplement de se promener dans cette ferme qui s’est également improvisée comme marché automnal avec la ferme des citrouilles, vente de cidre, de pop corn, tartes et autres sucreries – c’est une lecture qui m’a mise dans l’agonie car elle donne très faim, j’en ai l’eau à la bouche rien qu’en repensant à tous les snacks qui sont évoqués tout au long de l’histoire ! Car si Josiah part en quête de l’amour, Deja part en quête de son estomac et on la comprend ! - s’asseoir près d’un feu pour faire griller des marshmallows, aller voir les animaux de la ferme, différentes activités ludiques (golf, course de petite voiture, labyrinthe de maïs). C’est une expérience automnale qu’on ne peut qu’envier à nos lointains voisins américains !


Nos personnages principaux ne sont pas en reste. Deja et Josiah forment un duo d’amis qui ont des personnalités différentes et qui se complètent. Deja est pleine d’assurance, dynamique, terre-à-terre, optimiste tandis que Josiah, dit « Josie », est moins sûr de lui, un peu réservé, romantique et rêveur, et Deja doit parfois lui rappeler sa propre valeur. Ce sont deux personnages attachants que j’ai pris plaisir à suivre (soit dit-en passant, j’ai beaucoup aimé le fait que Deja soit une jeune POC bisexuelle avec des formes généreuses, et non un poids mannequin. Mine de rien, ça fait du bien un peu de diversité et ça nous change des héroïnes hétéros et maigres) et découvrir le lien qu’ils ont crée et comment ils se sont connus. Je déplore un peu que cette amitié se soit transformée en romance (pour une fois, j’aimerais bien lire une histoire d’amitié sans qu’elle ne devienne une romance, car les relations platoniques sont aussi importantes que les relations romantiques), même si je m’y attendais après lecture du résumé.


L’histoire est, en somme, assez cliché et prévisible sur le personnage qui aide son ami.e à déclarer sa flamme à la personne qu’il aime, sauf que leur quête va permettre à l’amoureux de réaliser que c’est son amie qu’il aime, et ils se retrouvent à la toute fin, mais l’intrigue ne cherchait pas l’originalité, juste à raconter une histoire cocooning et automnale. Aucune surprise donc dans cette histoire, mais elle est suffisamment bien racontée et suffisamment entraînante pour que je me laisse porter et que je passe un très bon moment de lecture, d’autant plus que la romance n’est qu’un élément de l’histoire car l’humour tient également une place de choix.


L’ambiance du Pumpkin Patch est chaleureux et festif, et c’est un plaisir de voyager littéralement avec nos héros travers ce festival automnal. On appréciera également les runnings gags sur le bouc qui s’est échappé et sème le chaos là où il passe, et sur cette pauvre Deja qui aimerait bien goûter les snacks de chaque stand de nourriture mais qui n’a pas le temps de profiter des douceurs qu’elle achète car il se passe toujours un imprévu.


En résumé, une lecture bonbon, une douceur que l’on savoure, une histoire feel good parfaite pour la saison que je recommande (l’anglais est abordable, mais espérons que Pumpkinheads sera traduit et publié en France !)



vendredi 7 octobre 2022

L'île aux mensonges - Frances Hardinge.



Faith Sunderly, 14 ans, est la fille d'un révérend et éminent naturaliste. 

Accusé d'avoir trompé la communauté scientifique, il part s'exiler avec sa famille sur une île au large des côtes anglaises. Mais les rumeurs l'accablent et bientôt il est retrouvé mort. Suicide déshonorant comme le fait croire la respectable société victorienne ? Ou assassinat, comme en est persuadée sa fille ? 

Avec son insatiable curiosité, Faith mène seule son enquête, qui l'entraine de révélations en secrets précieusement dissimulés. Elle est prête à défier toutes les convenances sociales pour faire surgir la vérité. Mais cette vérité pourrait se révéler dangereuse...



L’histoire nous transporte sur l’île de Vane, dans l’Angleterre victorienne, où la jeune Faith et sa famille sont contraints de s’exiler pour une raison que Faith ignore. L’île lui semble bien inhospitalière et leur nouvelle maison manque cruellement de confort, entre le climat froid et l’humidité des lieux. Très vite, Erasmus Sunderly, son père et naturaliste de renom, est appelé à rejoindre l’équipe de fouilles archéologiques. La famille espère trouver ses marques sur l’île, malheureusement Faith s’aperçoit que les habitants qui les avaient accueilli se montrent vite froids et son père pointé du doigt. Puis un jour, son père disparaît avant d’être retrouvé mort. Pour l’île, il s’agit d’un suicide. Pour Faith, qui a passé la nuit avec son père en lui promettant de garder le secret, c’est un meurtre et elle entend bien rétablir la vérité pour sauver l’honneur de son père et la réputation de sa famille.



Mes débuts furent laborieux, n’ayant pas réussi à entrer véritablement dans le récit avant la dernière nuit de Faith avec son père. J’ai trouvé que le récit était long à se mettre en place mais une fois que c’est le cas, impossible de le lâcher ! L’enquête que nous offre l’auteure est bien menée avec une intrigue complexe qui mélange des thèmes aussi nombreux que variés : mystères, mensonges, naturalisme, science, religion, condition de la femme, enfance, trahisons, etc. C’est une intrigue qui mélange également différents genres, entre le thriller avec une ambiance sombre, pesante et gothique et une pointe de fantastique et une touche de féminisme.



Faith est une héroïne plaisante. C’est une jeune fille mature qui sait se débrouiller. Elle glane des éléments par-ci, par-là et comprend que sa famille aussi bien que l’île cachent bien des secrets. Elle est profondément attachée à son père – alors que celui-ci n’est pas toujours tendre avec elle, considérant qu’elle ne doit pas et ne peut pas réfléchir comme un homme, et le suivre dans ses traces car c’est une jeune femme – alors qu’elle méprise tout d’abord sa mère, avant de comprendre qu’elle n’a d’autre choix que de se servir des armes propres à son sexe pour se défendre et protéger sa famille. Faith est un personnage travaillé avec ses qualités comme ses défauts. Elle est curieuse et a soif de connaissance, tout en essayant de prime abord de contrôler sa curiosité qui n’est pas convenable pour les femmes à cette époque. Elle est intelligente et ne veut pas s’en cacher, même si les mœurs de l’époque tendaient à penser qu’une femme ne pouvait être douée de raison. Faith est un personnage tiraillé entre le poids de son éducation et ce qu’elle souhaiterait être.



Malgré tout, elle va défier les conventions sociales dans une société où l’intelligence et la curiosité sont l’apanage des hommes. Faith va mentir, tendre des pièges, manipuler, faire peur, dans le but d’obtenir la vérité et de se venger de la mort de son père. C’est un personnage que j’ai pris plaisir à suivre et qui va mener une enquête passionnante tout en évoluant au gré de l’histoire. La voir grandir en tant que personne mais aussi voir son regard se changer : reconnaître les erreurs de ce père qu’elle idolâtre, comprendre un peu mieux sa mère et protéger son frère. J’ai d’ailleurs beaucoup aimé la relation entre Faith et Howard, son jeune frère que la société n’accepte pas, tout comme sa sœur. Alors que la société veut modeler Faith dans sa vision de la femme, elle cherche à modeler Howard également qui est gaucher et à qui on force à écrire de la main droite.



Deux autres couvertures que j'aime beaucoup. La première reprend les couleurs associées
à Halloween et donne un effet très spooky. La seconde illustre parfaitement les thèmes
que l'on retrouve dans le roman, associant le fruit de l'arbre des mensonges à celui de l'arbre de la connaissance du jardin d'Eden.

J’ai beaucoup aimé la pointe de fantastique, qui ne jurait pas avec les thématiques autour des découvertes scientifiques de l’époque, à travers l’arbre que Faith découvre dans une grotte sombre et humide (et son père avant elle). Un arbre d’un genre unique, qui ne peut vivre que dans l’obscurité et dont les feuilles s’enflamment si elles sont au contact de la lumière du jour, un arbre portant des fruits semblables au citron mais au goût unique. Un arbre fait pour vivre en symbiote avec un être humain si celui-ci le nourrit… de mensonges. Lorsque cet arbre est nourrit, il porte un fruit qui – semblable au fruit du jardin d’Eden qui détient la connaissance – permet de faire découvrir une vérité à celui qui le mange… même si ce n’est pas sans conséquence. Ce fut intéressant de découvrir l’arbre en même temps que Faith et découvrir en même temps qu’elle les caractéristiques de l’arbre au fur et à mesure qu’elle va expérimenter ce spécimen unique et ses effets avec un esprit scientifique et analytique… et l’utiliser à ses fins pour découvrir l’identité du meurtrier de son père.



À travers son intrigue, l’auteure met en avant le pouvoir des mensonges et de la rumeur, comment les rumeurs se répandent au sein d’une société, comment elles poussent à la peur, à la dénonciation, à la destruction même d’une réputation. Comment une simple rumeur s’enfle et se transforme au point de devenir incontrôlable et avoir des conséquences imprévues et désastreuses. Le mensonge se nourrit de l’imagination de chacun et se répand dans les esprits. J’ai trouvé ce sujet encore d’actualité, surtout avec l’importance et l’omniprésence des réseaux sociaux et des fake news.



Enfin, on ne peut qu’apprécier l’élégante plume de l’auteure qui nous offre de belles et parfois saisissantes descriptions et qui nous plonge avec efficacité dans une Angleterre victorienne où les théories de Darwin sur l’évolution des espèces commencent tout juste à se faire connaître dans les milieux scientifiques, et n’en sont pas moins controversées puisqu’elles vont à l’encontre des écrits bibliques. C’est le temps des grandes découvertes, des grands explorateurs ; la science avance dans toutes les directions. Un monde en plein essor qui fascine Faith.



En résumé, un thriller victorien élégant aux limites du fantastiques, une ambiance sombre, gothique et parfois oppressante qui laisse toutefois la part belle à la science, sur fond de mensonges et un cadre féministe. Je ne partais pas convaincue, pourtant l’histoire est bien plus prenante que ne le laissait supposer les premiers chapitres !


Faith découvrait qu'un mensonge était comme u feu. Au début, il avait besoin d'être entretenu et alimenté, mais en douceur, avec circonspection. Un souffle léger attiserait les flammes naissantes, mais trop d'air les éteindrait. Certains mensonges prenaient si bien qu'ils se répandaient avec un crépitement allègre, sans qu'il fût besoin de les alimenter davantage. Mais, du coup, ils ne vous appartenaient plus. Ils vivaient leur propre vie et échappaient à votre contrôle.

25. Affronter le monstre.