mercredi 23 septembre 2009

Le fantôme de l'opéra - Gaston Leroux.



"Le fantôme de l'Opéra a existé.
J'ai été frappé dès l'abord que je commençais à compulser les archives de l'Académie nationale de musique par la coïncidence surprenante des phénomènes attribués au fantôme et du plus mystérieux, du plus fantastique des drames, et je devais bientôt être conduit à cette idée que l'on pourrait peut-être rationnellement expliquer celui-ci par celui-là."


Avec l'art de l'intrigue parfaitement nouée et l'inspiration diabolique qui ont fait le succès de Gaston Leroux, le père de Rouletabille, 'Le Fantôme de l'Opéra' nous entraîne dans une extraordinaire aventure qui nous tient en haleine de la première à la dernière ligne.






Article mis à jour le 25/06/24
 


Je ne connaissais du fantôme de l’opéra que la comédie musicale d’Andrew Lloyd Webber, qui est très sympathique en soi, avec des chansons mémorables (He’s theeere, the Phantom of the Operaaaaaaa) mais qu’il faut très vite éloigner de son esprit en lisant le roman, sous peine de chercher des comparaisons et d’être déçu.



Quel est donc ce fantôme de l'Opéra dont tout le monde parle et qui hanterait les coulisses de l’opéra Garnier ? Plaisanterie, légende urbaine, rumeurs infondées ou histoire bien réelle ? Les habitants de l’opéra sont bien obligés de prendre cette histoire au sérieux lorsque ce soit-disant fantôme provoque accidents et disparitions lorsqu’on ne satisfait pas ses demandes : pendaison du machiniste, une loge hantée, couacs dans le chant de la cantatrice principale, ou encore chute d’un immense lustre sur le public…



Peu préoccupé par cette affaire, le vicomte Raoul de Chagny a les yeux rivés sur la scène de l'opéra. C'est qu'il y retrouve, en la personne d'une des chanteuses, une amie d'enfance dont il est amoureux : Christine Daéé. Alors qu’il cherche à se rendre dans sa loge pour la congratuler et se faire reconnaître d’elle, il l’entend en compagnie d’un autre homme lui demandant de l’aimer, tandis que Christine lui avoue n'avoir chanté que pour lui. Qui est cet homme que Christine appelle son ange de la musique ? Christine est persuadée qu'il s'agit d'un génie de la musique, envoyé par son père décédé, pour qu'elle excelle dans le chant. Pour Raoul, tiraillé entre la crainte et la jalousie, ce ne peut qu'être un charlatan... ou quelqu'un de dangereux. Alors que Christine lui devient de plus en plus inaccessible, se fermant comme une coquille à l'évocation de son étrange professeur qu'elle admire autant qu’elle craint, Raoul décide de mener l'enquête. Se pourrait-il que cet homme, cet Erik, cet ange de la musique, soit le Fantôme de l'Opéra ? Celui qui tourmente tant l'opéra et qui est prêt à déclarer la guerre contre ses directeurs si l'on obéit pas à ses exigences ?


L'opéra Garnier - Intérieur

Ma lecture fut d’abord bien laborieuse avec une histoire qui avance tout d’abord lentement, noyée sous les nombreuses descriptions de Gaston Leroux que j’ai aimé tout comme elles m’ont ralenti dans ma lecture. Paradoxalement, j’ai trouvé de nombreux passages longs et superflus, coupant parfois le rythme de lecture, tout comme j’ai été enchantée par ses descriptions des lieux. Gaston Leroux nous emmène faire un voyage sur la scène et les coulisses de l’opéra Garnier. Sa plume multiplie les précisions sur sa toile de décor, et fait écho à l’architecture de l’Opéra Garnier, et je ressors de ce roman avec une furieuse envie de visiter ce lieu magique un beau jour.



Gaston Leroux a également pris le parti de nous narrer son histoire sous la forme d’une enquête documentée, prétendant que les événements racontés sont vrais, avec des notes en bas de page pour en authentifier la véracité, mais de nous présenter à la fois un récit qui baigne dans le fantastique à travers les étranges tours du Fantôme, son univers fantastique et terrifiants à travers les sous-sols infernaux de l'Opéra, son lac, la demeure du fantôme et la chambre des supplices, digne d’une odyssée dans les Enfers de la mythologie grecque, voire l’Enfer tel qu’il fut visité par Dante. Le roman est un mélange entre rapport de police et roman fantastique, ce que j’ai trouvé déstabilisant.



L’histoire baigne aussi avec le romantisme pour son schéma classique aussi : une demoiselle en détresse, un être étrange à l’apparence monstrueuse et au cœur mutilé, un chevalier servant (mais particulièrement chiant), des romances enrobées de drame, une héroïne qui évolue entre deux mondes, celui de la lumière, de ses semblables, de la scène et le monde souterrain, fantastique et inquiétant sur lequel domine le Fantôme.



À ma première lecture, je trouvais Raoul et Christine insupportables. Après relecture, des années après, je suis bien forcée de réviser mon jugement. Christine, tu es un personnage fascinant, attachant, tu es sensible, indépendante, intelligente, têtue et talentueuse, et tu mérites tellement mieux ! En revanche, Raoul est toujours aussi insupportable, apathique, geignard et ennuyeux (l’homme qui brusque son amie d’enfance et amour pour des réponses qu’elle ne veut pas lui donner, qui lui demande si elle l’aime alors qu’elle raconte un traumatisme qu'elle a vécu, qui pleure et fait son gamin pourri gâté quand on ne va pas dans son sens. Sympa le gars !), je ne vois vraiment pas ce que Christine lui trouve. Alors oui, leurs amourettes sont bien gentilles mais je ne les trouve vraiment pas compatibles. Ils ne s’écoutent pas, ne se comprennent pas, ça crie, ça pleure, ça regrette, ça se fait des promesses d’amour, et rebelote. N’allez pourtant pas croire que je souhaite la voir dans les bras d’Erik ! Il voue pour elle une obsession malsaine, lui interdit de se marier, et n’hésite pas à utiliser les menaces ou le chantage pour la faire plier.



Pourtant, quel personnage fascinant est notre Fantôme. Créature rejetée par la société, avec une voix en or. C’est un antagoniste efficace, terrifiant et barge, il présente un certain charisme à travers ses mots, et il est énigmatique. Je regrette que le mystère autour de lui ne soit pas entièrement levé à l’issue du roman, ne nous laissant que des hypothèses. J’ai aussi bien aimé le Persan, un autre personnage énigmatique, qui semble bien connaître le fantôme, ainsi que Madame Giry.



J’ai donc beaucoup aimé le mystère autour du Fantôme, découvrir ses intrigues avec Christine, mais aussi l’étrange thriller que nous a offert l’auteur. Si le roman met du temps à démarrer et que l’on se perd parfois dans de nombreuses descriptions, j’ai passé un bon moment à suivre cette enquête, les étranges requêtes du Fantômes, les directeurs de l’opéra qui s’en arrachent les cheveux, les manigances du Fantôme et ses interactions avec Christine qu’il aime d’un amour noir et inquiétant. J’ai aimé découvrir les coulisses de l’opéra Garnier, et j’ai surtout aimé la dernière partie, quand tout s’accélère lors de la disparition d’un personnage et la découverte de l’univers souterrain du Fantôme, rempli de passages secrets, escaliers dérobés et machineries infernales. J’ai aimé aussi l’humour et l’absurdité qui se dégagent parfois de l’enquête, notamment dans la caricature des deux directeurs qui sont aussi stupides que vaniteux.



Malgré un style d’écriture parfois lourd et pesant, et une forme de récit déconcertante, j’ai bien aimé ce classique, avec son atmosphère mystérieuse sur un fond policier, son romantisme noir, ainsi que ce voyage dans les superbes décors de l'opéra Garnier et ses souterrains inquiétants. Je suis très contente d’avoir découvert ce classique, et il me tarde de découvrir les différentes adaptations de cette histoire !

 



"The Phantom of the Opera" de Dream of Sanity
Une des chansons les plus iconiques du musical !
 


 
Et c'est vrai que, depuis quelques mois, il n'était question à l'Opéra que de ce fantôme en habit noir qui se promenait comme une ombre du haut en bas du bâtiment, qui n'adressait la parole à personne, à qui personne n'osait parler et qui s'évanouissait, du reste, aussitôt qu'on l'avait vu, sans qu'on pu savoir par où ni comment.

Il ne faisait pas de bruit en marchant, ainsi qu'il sied à un vrai fantôme. On avait commencé par en rire et par se moquer de ce revenant habillé comme un homme du monde ou comme un croque-mort, mais la légende du fantôme avait bientôt pris des proportions colossales dans le corps de ballet. Toutes prétendaient avoir rencontré plus ou moins cet être extranaturel et avoir été victimes de ses maléfices. Et celles qui en riaient le plus n'étaient point les plus rassurées.

Quand il ne se laissait point voir, il signalait sa présence ou son passage par des évènements drolatiques ou funestes dont la superstition quasi générale le rendait responsable. Avait-on à déplorer un accident, une camarade avait-elle fait une niche à l'une de ces demoiselles du corps de ballet, une houppette à poudre de riz était-elle perdue ? Tout était de la faute du fantôme, du fantôme de l'Opéra !
 
Chapitre I. Est-ce le fantôme ?