lundi 31 août 2020

Les aigles de l'Empire (T.1) L'aigle de la légion - Simon Scarrow.


Germanie, 42 après J.-C.

Rude, brutale et impitoyable : c’est la vie que découvre Cato, jeune recrue de la deuxième légion romaine. Et malgré ses relations en haut lieu, il aurait bien besoin d’un allié – car il a été promu au-dessus de ses pairs sur ordre de l’empereur, ce qui lui vaut l’inimitié de ses compagnons d’armes.


Or il gagne vite le respect de son centurion, Macro, un soldat aguerri, aussi fruste que Cato est vif d’esprit et cultivé. Tout les sépare, pourtant ils comprennent bientôt qu’ils ont beaucoup à apprendre l’un de l’autre.

La campagne sanglante de Bretagne marque pour eux le début d’une amitié durable. Mais tandis qu’ils entreprennent une dangereuse mission pour déjouer un complot contre l’empereur, ils se retrouvent entraînés dans une lutte désespérée pour leur survie



J'avais très envie de lire des romans se situant dans la Rome antique, pour changer des livres documentaires. J'ai découvert ce livre sur Booknode, et j'ai été attirée par la couverture. N'ayant vu que trois tomes disponibles, j'ai naïvement cru qu'il s'agissait d'une trilogie, quelle ne fut pas ma surprise en découvrant que c'est une série de 17 tomes (et j'ignore si cette série est terminée ou toujours en cours) ! Malgré tout mon amour pour la Rome antique, je ne lirais pas cette série dans son intégralité, ce qui ne m'a pas empêché d'apprécier ce premier tome.

L'Aigle de la Légion nous plonge en plein cœur de l'Empire Romain, sous l'empereur Claude. L'auteur nous emmène cependant loin des fastes de l'empire et plutôt au sein de l'armée romaine, dans la légion du centurion Macro dans laquelle débarque le jeune Cato. Enfant d'esclaves affranchis, ayant vécu toute sa vie parmi les livres, ce jeune érudit se retrouve dans un environnement bien différent, qui est celui de l'armée où la culture n'a pas sa place. Dépaysé, il est victime de la méfiance et de l'inimité de ses camarades qui voient d'un mauvais œil l'arrivée de cette jeune recrue sans expérience qui se retrouve promue au prestigieux rôle d'optio (dont le rôle est de seconder le centurion qui délègue certaines de ses charges), à cause de ses relations en haut lieu. Ce n'est pas comme si Cato avait choisi cette situation mais il fait preuve de bonne volonté et tâche de se montrer à la hauteur de ses fonctions... ce qui n'est pas une mince affaire. Heureusement pour lui, il trouve un allié en la personne du centurion, Macro, qui a décidé de croire en lui et de le prendre sous son aile...

Le début s'est révélé un peu long, mais une fois que nous sommes bien installés et immergés dans l'histoire, je trouve que les chapitres s'enchaînent sans difficulté. Il y a assez de rebondissements pour garder l'intrigue intéressante jusqu'à la fin. On s'immerge d'abord dans la vie au sein d'une légion puis l'apprentissage de Cato pour devenir un soldat (ce qui n'est pas une mince affaire !). L'intrigue prend ensuite une ampleur plus profonde. Pour situer un peu le contexte : nous sommes au début du règne de l'empereur Claude, Caligula ayant été déposé au profit de Claude, mais une guerre de l'ombre fait rage entre les loyalistes et les putschites, d'autant plus que Claude n'a pas les moyens financiers et humains d'imposer son autorité, beaucoup suspectent qu'il délègue d'ailleurs son autorité en faveur de son entourage. C'est ainsi qu'il est décidé d'organiser une campagne militaire en Bretagne, que Jules César n'avait réussi à conquérir, à l'inverse de la Gaule, pour octroyer à l'empereur un prestige militaire, mais aussi financier en partant sur les traces d'un trésor perdu par Jules César pendant sa campagne en Bretagne, des années de cela...

L’image contient peut-être : 1 personne
Simon Scarrow.
Bien qu'il s'agisse d'un cliché propre aux fictions historiques, surtout celles se déroulant dans la Rome antique, je ne m'en lasse pas, et je trouve cette histoire de complots, de conspirations qui se trament, rend l'intrigue plus complexe et intéressante. Complots, agent double, secrets, l'impression que quelque chose se passe dans l'ombre et qui pourrait impacter la politique à Rome... tous les ingrédients pour nous promettre une intrigue intéressante, et ce sur le long court, et épicer l'histoire. Nos personnages vont se retrouver, d'une façon ou d'une autre, liés à ces intrigues.

L'histoire se déroulant au sein d'une légion romaine, il est logique d'y trouver des batailles, d'abord contre les Germaniques puis contre les Bretons. La perspective de lire des scènes de bataille peut effrayer certains.es mais je trouve que l'auteur s'en sort très bien, il y a beaucoup d'action, tout est fait pour ne pas ennuyer le lecteur, d'autant plus que la plume de l'auteur est fluide et qu'il va dans les détails, sans pour autant aller trop loin dans ses descriptions pouvant faire fuir le lectorat. Il a une jolie plume, et j'ai beaucoup apprécié ses descriptions de la légion, de ses personnages, des intrigues et du temps qui passe. En plus des intrigues politiques et militaires, nous avons nos deux personnages confrontés à de nombreuses péripéties dans lesquelles ils doivent faire appel à leur résistance, leur instinct de survie et leurs compétences, ainsi que leur sens du devoir.

On sent les prémices d'une relation qui va se développer et se renforcer entre Macro et Cato. Ce sont deux personnages que tout oppose : Macro est centurion, habitué au monde de l'armée, campagnard, aguerri, un peu rustre, il n'a pas froid aux yeux et il garde la tête sur les épaules ; Cato est plus un jeune affranchi, urbain, cultivé, il a horreur du combat, est inexpérimenté, mais avec un bon esprit de réflexion. Nous ne sommes pourtant pas dans le cliché du jeune raffiné et cultivé qui n'aime pas se battre et se démarquera par son esprit car Cato a les capacités d'être un bon soldat et un bon optio, avec un solide sens du devoir. Je ne pourrais pas présenter ces deux personnages comme amis dans ce tome, bien que je pense que la série va se diriger vers cette optique, mais nous avons les prémices d'une relation proche entre ces deux hommes, on sent qu'ils ont beaucoup à apporter à l'autre et se soutenir, et ça nous donne déjà, dans ce tome, des scènes comiques et une dynamique intéressante.

On sent vraiment qu'il s'agit là d'un tome servant d'introduction, qui pose les bases qui vont ensuite se développer au fil du tome, pas seulement les prémices de la relation entre nos deux personnages principaux mais aussi les intrigues qui menacent peu à peu la dynastie julio-claudienne qui règne à Rome, ainsi que des questions qui restent sans réponses, aussi bien concernant l'histoire que le personnage de Cato (qui sont les parents de Cato qui ont été affranchis avant lui ? Qui sont ses puissants amis et ses puissants ennemis ? Veut-on le protéger ou le tuer, etc).

Pour résumer : un premier tome facile à lire avec une écriture fluide, qui pose efficacement les bases de l'histoire, une intrigue sans grande originalité mais qui tient la route et qui reste intéressante à lire, dans un décor historique en toile de fond, beaucoup de rebondissement et d'action. Une lecture sympathique mais pas inoubliable pour moi, j'ignore si je lirai la suite. Pour le moment, je ne souhaite pas m'investir émotionnellement et financièrement dans une longue série donc... que sera sera !

Macro écarta les mains du géant de sa gorge et tenta désespérément de faire entrer de l'air dans ses poumons. Puis, soulevant le corps avec effort pour le faire rouler sur le côté, il se releva avec un regard furieux pour ses légionnaires. 
- Qu'est-ce que vous attendiez, bon sang ? 
- Tu as dit "Laissez-le moi", protesta Pyrax. 
Macro se frotta le cou avec une grimace de douleur. 
- Eh bien, la prochaine fois, faites preuve d'initiative. Si un type veut faire la peau de votre centurion, vous intervenez - peu importe ce qu'on vous a dit. Compris ? 
- Oui, centurion.

mercredi 12 août 2020

La tête en friche - Marie-Sabine Roger.

La tête en friche - Marie-Sabine Roger - Babelio
Ce qu'ils mettent au dos des romans, je vais vous dire, c'est à se demander si c'est vraiment écrit pour vous donner l'envie. En tout cas, c'est sûr, c'est pas fait pour les gens comme moi. Que des mots à coucher dehors - inéluctable, quête fertile, admirable concision, roman polyphonique... - et pas un seul bouquin où je trouve écrit simplement : c'est une histoire qui parle d'aventures ou d'amour - ou d'Indiens. Et point barre, c'est tout.





Je connais le film, il était temps que je découvre enfin le livre.

Germain Chazès a la quarantaine, il mène une vie ordinaire avec ses copains qu’il retrouve au café du coin, et sa compagne Annette. C’est un bonhomme massif qui, sans être stupide, n’est pas connu pour avoir un esprit brillant selon son entourage. Entre ses copains qui se moquent de son manque de culture, sa mère qui l’a toujours traité avec méchanceté, et son ancien maître d’école qui n’a toujours eu pour lui que du mépris. Cela ne le gêne pas plus que ça, il a l’habitude… Puis un jour, alors qu’il compte les pigeons au parc, il rencontre un petit bout de dame, Margueritte, qui vit en maison de retraite. Cette curieuse petite dame prend Germain en sympathie, s’intéresse à lui et ses loisirs, et se met même en tête de lui lire des romans. Germain l’ignore au début, mais cette rencontre va lui changer sa vie.

C’est un livre qui fait du bien, qui nous raconte une belle histoire comme on aimerait en lire de temps en temps. Les chapitres sont courts et l’écriture fluide. On s’attache à nos personnages principaux. Nous avons Germain, personnage inculte, naïf, un peu rustre mais qui se révèle quelqu’un avec une certaine sensibilité. Il s’est construit comme il a pu, a appris à être indépendant et à se construire une vie. Il sculpte le bois, s’occupe de son potager, va voir ses copains, et sa compagne. On ne peut s’empêcher de le prendre en sympathie, compte-tenu de son vécu. Il n’a jamais connu son père et sa mère manquait cruellement d’instinct maternel. Sans le battre, Germain n’a jamais connu l’amour maternel, et il a du faire également face au mépris de son maître d’école pour qui Germain était sa tête de turc, à cause de ses difficultés à l’école. Son manque de culture, ses copains s’en amusent. Puis, nous avons Margueritte, une vieille dame douce, compréhensive, patiente, avec beaucoup d’empathie et de tact. Elle va lui faire partager son amour de la lecture, progressivement, elle va l’écouter et discuter avec lui, comme s’ils étaient de vieux amis. Germain aime compter les pigeons au parc ou inscrit son nom sur le monument aux morts, pour qu’on se souvienne de lui ? Cela fait de lui quelqu’un d’original, et elle ne le jugera pas.

En lui lisant des extraits de roman, Germain va découvrir la littérature et apprendre à l’aimer. Cela ne se fait pas d’un coup. Germain a du mal, il ne comprend pas tout. Margueritte lui offre un dictionnaire, pour l’aider et ça deviendra son guide. Comme tout le monde, Germain va chercher des prénoms ou des mots qu’il connaît dans le dictionnaire, puis il va chercher à comprendre des mots qu’il ne comprend pas, dans le roman. Peu à peu, cela va aider Germain à enrichir son vocabulaire ainsi que sa culture, au grand étonnement de ses amis. Ce ne sont pas uniquement les livres qui déclenchent un changement chez Germain, c’est essentiellement Margueritte. Au contact de Margueritte, Germain change. Son vocabulaire devient moins familier, il se familiarise avec la littérature (d’abord en lisant des extraits, puis le livre entier, puis il va chercher par lui-même des livres à la bibliothèque, et faire, à son tour, la lecture à son amie). La tendresse et l’affection que Germain portent à Margueritte sont très touchantes, on sent combien il s’attache peu à peu à cette petite dame, au fil de leurs rendez-vous improvisés, et comment cette dernière le lui rend bien. Germain n’a pas connu l’amour maternel, Margueritte est seule, et il « adopte » Margueritte, se préoccupe d’elle, lui qui n’a jamais su comment parler aux vieilles dames...

J’ai beaucoup aimé le parallèle qu’a fait l’auteure entre la culture de la terre et celle de l’esprit. Il faut entretenir la terre, comme si on s’occupait de notre jardin. On sème, on plante des graines, on arrose, on enlève les mauvaises herbes, il faut nourrir la terre, la rendre fertile, pour que poussent de bonnes choses. Il en est de même avec l’esprit. Il faut nourrir notre tête, y semer des idées, des pensées, elle va assimiler ce qu’on lit, nous permettre un esprit critique, enrichir notre esprit. C’est ce qui arrive avec Germain. Son langage s’enrichit, il a une envie de la réflexion, il se rend compte que des blagues qu’il fait avec ses copains ne sont pas toujours gentilles. Germain grandit tout au long du roman, il a une certaine philosophie, une façon de pensée que j’ai beaucoup aimé, par exemple ses pensées sur les rapports entre une mère et son enfant. Il a beau avoir l’air rustre, il n’est pas si bête qu’il le pense et ses réflexions donnent à réfléchir. Germain est un narrateur plaisant, qui s’exprime avec une naïveté touchante et également de l’humour.

J’ai aimé retrouver aussi quels titres nos deux personnages lisaient, à savoir : La Peste de Camus, Le vieux qui lisait des romans d’amour de Sempuelveda, La promesse de l’aube,de Gary, etc. C’est un bien joli livre que nous offre l’auteure, et il se lit avec beaucoup de plaisir ! L’auteure a su mettre les mots justes pour décrire cette belle amitié et raconte, sans prétention, une histoire qui parle également de culture et de littérature. Le film retrace fidèlement le livre, outre la fin, pour notre plus grand plaisir !

Un jour, elle [Margueritte] m'a dit :
- Vous êtes un vrai lecteur, Germain, je le vois bien...
Et sur le coup, ça m'a fait rire, parce que les livres et moi, enfin bon, vous savez...
Seulement, elle était sérieuse. Elle m'a expliqué que lire, ça commence par écouter. J'aurais plutôt pensé par lire, justement. Mais elle a dit : non, non, ne croyez pas cela Germain ! pour faire aimer la lecture aux petits, il faut leur lire à haute voix. Et elle a ajouté que si on fait bien ça, ça les rend dépendants, après, comme une drogue. Ils ont besoin de livres, après, en grandissant. Ça m'a étonné, mais, en réfléchissant, je me suis dit que c'était pas idiot. Si on m'avait lu des histoires, petit, j'aurais peut-être mis le nez plus souvent dans les livres, au lieu de faire des bêtises, simplement par ennui.