jeudi 26 mars 2020

Culottées, tomes 1 et 2 - Pénélope Bagieu.

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Plusieurs mettant en scène le combat de femmes d'origines et d'époques diverses, qui bravèrent les normes sociales de leur temps : Margaret, une actrice hollywoodienne, Agnodice, une gynécologue de l'Antiquité grecque qui se fit passer pour un homme afin d'exercer sa profession, Lozen, une guerrière et chamane apache, etc.



L'Histoire a beaucoup mis en avant des hommes illustres, qu'ils soient souverains, militaires, écrivains ou encore peintres. C'est bien beau tout ça, mais l'Histoire compte aussi des femmes illustres, parfois inaperçues, souvent oubliées. Heureusement, de plus en plus de personnes s'attachent à faire reconnaître ces femmes exceptionnelles dont, parmi elles, Pénélope Bagieu à travers deux tomes d'une bande-dessinée à la fois passionnante et instructive !

Ces deux tomes nous présentent plusieurs portraits de femmes remarquables, telle que : la gynécologue antique déguisée en homme, la catholique qui a franchi des murs d'un cimetière pour l'amour d'un protestant, la guerrière Apache, l'actrice la plus effrayante d'Hollywood, une rappeuse afghane, une "reine des bandits", une célèbre volcanologue, la médecin légiste qui devint « la mère de la science forensique », une astronaute afro-américaine, etc. Il y en a pour tous les goûts et tous les domaines : politique, art, cinéma, sport, etc. Plusieurs portraits de femmes "culottées" qui, par leur tempérament et leurs choix, ont décidé de leur existence et de leur chemin et ce, dans un contexte et/ou une époque défavorables aux femmes, en passant aux très connues aux moins célèbres, aux flamboyantes et aux discrètes. Une vaste galerie de femmes aussi intéressantes les unes que les autres !


Pénélope Bagieu : “Je n'ai jamais eu autant envie de foutre le feu ...
Pénélope Bagieu.
J'avoue avoir été plus intéressée par certains portraits que par d'autres, bien évidemment. Je retiendrai, par exemple : Agnodice, l'une des premières gynécologues dans l'Antiquité grecque qui s'est déguisée en homme pour suivre ses études en médecine et qui, lorsqu'elle fut découverte, fut sauvée par la reconnaissance de nombreuses patientes. Je ne peux pas non plus oublier Clémentice Delait, célèbre femme à barbe, une véritable vedette devenue mascotte des Poilus et qui fut même invitée chez les têtes couronnées d'Europe ; ainsi qu'Annette Kellerman, une célèbre nageuse qui a contribué au développement du maillot de bain moderne ; Nzinga, reine qui repoussa les Portugais ; Las Mariposas, trois sœurs, héroïnes et martyres de la lutte contre le dictateur Rafael Trujillo en République dominicaine ; Josephina van Gorkum, catholique, que même la mort ne sépara pas de son mari protestant ; Lozen, guerrière et résistante amérindienne ; Delia Akeley, femme d'explorateur qui est devenu exploratrice sur le continent africain ; Tove Jansson, créatrice des Moumines ; Christine Jorgensenla première femme transgenre à avoir été mondialement connue et à avoir évoqué publiquement son opération de réassignation sexuelle ; Wu Zetian, la seule impératrice régnante de toute l'histoire de Chine, etc.

J'ai beaucoup aimé la diversité des personnalités choisies ! On trouve des femmes de toutes les époques et de pays différents, qui se sont illustrées dans des domaines variés, parfois légers ou parfois plus politiques. Je ne vais pas vous dire que tout se termine bien pour ces femmes célèbres, certaines vécurent longtemps, heureuses, libres et épanouies, d'autres ont connu une fin plus tragique et prématurée, et d'autres encore sont toujours en vie et continuent de mener leur combat.

J'ai aussi eu le plaisir de la découverte, car je ne connaissais que quelques-unes des femmes citées, et c'est raconté avec humour et émotion, peut-être aussi sous fond d'une morale, d'un message : celui de prendre de l'inspiration pour mener sa propre vie comme on l'entend, indépendamment des injonctions de la société ou de l'opinion des autres, comme l'ont fait ces femmes exceptionnelles.

Ces biographies rapidement contées donnent envie d'aller nous documenter un peu plus sur ces femmes remarquables. Les récits courts ne permettent pas d'approfondir les personnages, l'autrice va directement à l'essentiel, ce que je peux comprendre car raconter toute une vie en quelques pages est une performance (dont je salue d'ailleurs l'autrice pour la prouesse), il y a tant à dire et il y a des choix à faire.

Pour résumer : une bande-dessinée intéressante et instructive, racontée avec humour et émotion, dont je conseille la lecture !

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Culottées a sa série animée, à découvrir sur France 5 avec des épisodes courts permettant de découvrir sinon
de redécouvrir ces femmes exceptionnelles mais surtout culottées !

mercredi 25 mars 2020

Duel pour un roi : Madame de Montespan contre Madame de Maintenon - Agnès Walch.


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La blonde Montespan contre la brune Maintenon. L’une porte un grand nom quand l’autre est née dans une cellule de la prison de Niort. L’une, étincelante, spirituelle, ambitieuse, splendide, s’attache l’amour du Roi-Soleil et lui donne sept enfants. L’autre devient gouvernante des bâtards royaux et entre dans la vie du roi.

Louis XIV, contre toute attente, délaisse la sublime Montespan pour la discrète et redoutable Maintenon, de six ans plus âgée que sa rivale, moins tempétueuse, moins belle selon les canons de l’époque, moins éclatante, moins, moins… Et alors que la première mourra oubliée de tous, l’autre épouse dans la nuit du 9 au 10 octobre 1683 le roi, autrefois volage, désormais fidèle, et dont elle partagera la vie pendant trente-deux ans.

Avec une plume alerte, l’historienne Agnès Walch nous plonge dans les coulisses de la Cour de Versailles et nous restitue pour la première fois l’affrontement de deux femmes, d’abord amies intimes puis ennemies mortelles, étonnamment modernes, éprises de liberté, déterminées et courageuses.

Le Grand siècle raconté du côté des femmes…


L’une est blonde, l’autre est brune. L’une est née dans une ancienne et prestigieuse famille, l’autre est née en prison où son père était enfermé. Tout sépare ces deux femmes, deux Françoise, qui, pourtant, se sont rencontrées et se sont liées. C’est l’histoire de Madame de Montespan et de Madame de Maintenon, que l’Histoire a retenu comme étant deux célèbres maîtresses de Louis XIV, le Roi Soleil…

D’un côté, nous avons Madame de Montespan, née Françoise de Mortemart, qui changera son nom « Françoise » pour « Athénaïs ». Une femme bien née, dans une ancienne et noble famille, mariée au marquis de Montespan, fou amoureux de sa femme. De l’autre, Madame de Maintenon qui n’était alors que Françoise d’Aubigné, née en prison d’un père belliqueux et d’une mère qui se souciera peu d’elle ; elle se marie à Paul Scarron, poète handicapé tenant un salon intellectuel où Françoise fera la connaissance du beau monde… et en particulier, une certaine Madame de Montespan

C’est ainsi que ces deux femmes si différentes vont se rencontrer, se plaire et tisser une amitié intellectuelle. C’est cette amitié qui conduira Madame de Montespan à faire appel à Françoise, alors devenue la « veuve Scarron ». En effet, Madame de Montespan devient la favorite de Louis XIV, au grand dam de son époux qui ne s’en remettra jamais, comme l’illustre cet extrait :

Au début de l’année 1669, il [le marquis de Montespan] arrive au château de Saint-Germain dans un carrosse tendu de noir, orné de bois de cerf et de grands voiles noirs. Le roi, sortant du conseil, lui demande sèchement pourquoi ce noir. Il répond qu’il est en deuil de son épouse. C’en est trop. Le roi a suffisamment enduré des excentricités qui frisent à la fois le ridicule, l’impertinence et le crime de lèse-majesté. Arrêté, le marquis fait un court séjour dans les geôles de Lévesque […] avant d’être relégué dans sa province natale où ses extravagances se poursuivent.

Cet amour interdit, ce double adultère, donnera naissance à plusieurs « bâtards royaux ». Ces naissances devant rester secrètes, il faut au couple quelqu’un de confiance pour prendre soin des enfants et prendre en charge leur éducation. C’est ainsi que Madame de Montespan fait appel à son amie, Françoise, dont elle connaît la discrétion ainsi que l’amour des enfants.

Portrait de Mme de Montespan,
peint par Jean-Pierre Franque.
Pendant plusieurs années, Françoise Scarron s’occupe ainsi des bâtards de Louis XIV et d’Athénaïs dans le plus grand secret (du moins jusqu’à ce que le roi légitime ses enfants adultérins). Bien que n’ayant eu jamais d’enfants, Françoise est une gouvernante discrète et dévouée auprès de ces enfants, au point où, le fils aîné le duc du Maine préférera sa gouvernante à sa mère trop peu présente, et au point où Françoise portera davantage le deuil d’une des filles illégitimes que la propre mère, ce qui vaudra à Louis XIV de dire, face au chagrin de Françoise, « Comme elle sait bien aimer ! Il y aurait du plaisir à être aimé par elle. ». Athénaïs est, en effet, une mère souvent absente et semblant peu s’intéresser à ses bâtards dans un premier temps. Louis XIV, qui n’accordait alors que peu d’importance à la gouvernante, est touché par la dévotion de Françoise à l’égard de ses bâtards qu’il adore, au point de se rapprocher d’elle… ce qui n’est évidemment pas du goût de Madame de Montespan qui commence à nourrir une jalousie envers son amie qu’elle considère progressivement comme sa rivale. C’est ainsi que cette amitié intellectuelle se change progressivement en rivalité pour l’amour d’un roi…

Duel pour un Roi est un livre intéressant qui retrace la relation entre deux femmes exceptionnelles que tout sépare et qui, pourtant, vont se rencontrer et se plaire ! Car nos deux Françoise sont deux femmes intelligentes qui excellent dans l’art de la conversation et qui trouvent chez l’autre une compagnie intelligente et pleine d’esprit. Ce sont deux femmes qui s’estiment et se respectent beaucoup et qui se font manifestement confiance. C’est cette confiance qui conduira Athénaïs à faire appel à Françoise pour s’occuper des enfants qu’elle a eus avec le roi. Autant dire que ce n’est pas rien ! Pour cette mission, Françoise doit bouleverser son quotidien et faire preuve de ruse et de discrétion pour que l’existence de ces enfants ne soit pas découverte.


Portrait de Madame de Maintenon,
peint par Thomas Garnier.
Pourtant, la confiance et l’amitié que se vouaient les deux femmes vont peu à peu se transformer en jalousie et rivalité alors que Louis XIV – dont la réputation de séducteur n’est plus à refaire, malgré plusieurs années de relation avec Athénaïs et sept enfants – se rapproche de Françoise et délaisse peu à peu sa favorite, dont la chute a été précipitée par la célèbre affaire des poisons. L’auteur nous explique comment la faveur est passée de Madame de Montespan à Madame de Maintenon en replaçant l’histoire dans son contexte et en nous peignant le portrait de ces deux femmes. Tandis que la Montespan joue « les divas » et a davantage cherché à se faire aimer du roi qu’à l’aimer réellement, Madame de Maintenon se fait discrète, douce et patiente. C’est le caractère de l’une qui la fait chuter tandis que le caractère de l’autre attire le souverain. Pourtant, l’auteur ne cherche pas à prendre le parti de l’une ou de l’autre, ou à nous faire aimer une favorite plutôt que l’autre. Elles sont décrites comme deux femmes intelligentes et ambitieuses, avec leurs qualités comme leurs défauts et c’est ce que j’ai apprécié dans ce livre. Même si ma préférence va à Madame de Maintenon, Athénaïs n’est pas diabolisée et l’auteur nous dresse le portrait psychologique de la marquise afin de mieux la comprendre, sans la juger.

Madame de Maintenon n’est pas non plus décrite sous un mauvais jour, bien qu’elle soit celle qui a supplanté Athénaïs dans le cœur du roi et qu'elle se soit parfois montrée ingrate envers son ancienne amie à qui elle doit tout pourtant. L’histoire entre Athénaïs et Louis XIV est différente de celle entre Françoise et le roi. Ce n’est pas la même relation et ce n’est pas le même stade de la vie de Louis XIV qui change au fil des ans et a d’autres « envies ». Là où il était dans le spectacle, la richesse, la passion avec Madame de Montespan, Louis XIV a formé un couple bourgeois avec Madame de Maintenon. Ils s’installent dans des habitudes de vieux couple : Louis passe beaucoup de temps dans les appartements de sa maîtresse, lorsqu’il ne la voit pas il lui écrit tous les jours, lorsqu’elle s’éloigne pour se rendre ailleurs il lui fait parvenir un billet pour lui demander de le rejoindre plus tard à la grille du jardin pour venir la chercher pour revenir au château ensemble en carrosse. Alors qu’il vieillit, le roi ressent le besoin de plus d’intimité et de discrétion, ce qu’il retrouve chez sa maîtresse. Jadis séducteur qui butinait volontiers un peu partout, Louis ressent le besoin de se poser, et forme un couple complice avec sa maîtresse :

L’union de Louis et de Françoise prend, en effet, une forme assez originale. Françoise soutient son mari, le console de ses chagrins, le soigne lorsqu’il est malade, s’inquiète de ses soucis, partage ses joies, le conseille à l’occasion. […] Leur complicité paraît incroyable : à plus de cinquante ans, Louis ne peut se passer de Françoise. Ce besoin d’intimité et de confiance qu’exprime le couple est très moderne. […] Le matin, il vient la saluer dans sa chambre, puis se met au travail, assiste à la messe et au Conseil. Elle reste dans ses appartements ou traverse le parc pour se rendre à Saint-Cyr. Discrète, elle n’est pourtant jamais très loin. De 5 heures à 10 heures du soir, le roi lit ses dossiers dans la chambre de son épouse. Il reçoit les ministres, tandis qu'elle s'occupe à des travaux d'aiguille ou des lectures.  Puis, sans déranger son mari, elle se prépare pour la nuit. Elle prie, prend son repas et se couche vers 9 heures. A 10 h, il la quitte pour aller souper au Grand Couvert. Mais avant cela, les époux ont commencé par rester seuls un long moment. On ferme la porte et personne n'entre plus. Ils sont dans leur intimité.

On pourrait penser qu'il n'est pas étonnant d'apprendre que Louis XIV a épousé sa maîtresse en secret en 1683, quelques mois après la mort de la reine...

Pourtant, l’auteur n’oublie pas de nous souligner qu’être la maîtresse d’un roi, c’était aussi se sacrifier. Au-delà du prestige et des avantages que cette position de favorite procure, ce n’est pas tout rose d’être aimée d’un roi, surtout d’un roi aussi tyrannique que Louis pouvait l’être parfois. Monarque absolu, Louis est un homme qui impose ses volontés et qui n’entend pas se faire gouverner par ses maîtresses ni que celles-ci interviennent dans sa politique. Être maîtresse de Louis XIV, c’est abandonner son indépendance, ce qui peut rendre le joug conjugal lourd à porter. Rien d’étonnant à ce que Madame de Maintenon ait eu des mots durs envers la vie matrimoniale qu’elle compare, selon l’auteur, à un esclavage pour la femme. Cependant, malgré l’inconfort et l’obéissance imposée, le couple entre Louis et Françoise a duré jusqu’à la mort du monarque, et la tendresse et la confiance qu’ils se sont portés étaient réciproques.


Madame de Maintenon avec Vexin et Maine, les
deux premiers enfants de Louis XIV et Mme de Montespan
Attribué à  Pierre Mignard.

Duel pour un Roi est un document historique passionnant si l’on s’intéresse à ces deux femmes au destin exceptionnel (je me sens un peu l’âme d’un Stéphane Bern en écrivant cette phrase xD) et à leur relation avec Louis XIV, d’autant plus que l’auteur ne prend pas le parti d’une favorite contre une autre mais les présente comme deux femmes exceptionnelles, puissantes, intelligentes et ambitieuses avec leurs qualités et leurs défauts, leurs bonheurs comme leurs malheurs.

Si je devais formuler une critique à l’égard de ce livre, c’est que la généalogie est très présente et peut sembler inutile, sinon souvent confuse et il m’est arrivé de me perdre plusieurs fois. Je ne peux pourtant pas nier l’incroyable travail de recherche de l’auteur pour nous présenter une étude intéressante et passionnante. Une fois nos deux protagonistes présentées, on suit leur histoire avec intérêt, le tout sous une plume agréable à lire !

Françoise s’est bien organisée. Avec l’accord de la marquise de Montespan et de Bonne d’Heudicourt, elle prend souvent avec elle Louise, la fille de Bonne […] Louise lui sert d’alibi lorsqu’elle doit expliquer à ses amis la fatigue qui se lit sur son visage, ses traits tirés et ses absences répétées. Elle donne le prétexte d’une maladie de la petite, alors qu’elle veille un nourrisson à une extrémité de la capitale. Et s’il vient des étrangers, Louise est soit la sœur des petits, soit leur cousine. Ce jeu l’amuse follement si bien que la fillette n’oublie pas de demander à sa gouvernante tous les matins quel sera son rôle dans la journée : « Madame, qui suis-je aujourd’hui ? ».