jeudi 30 septembre 2021

Les sorcières de Pendle - Stacey Halls.

« Lancashire, Pendle, 1612. A 17 ans, Fleetwood Shuttleworth est enceinte pour la quatrième fois. Mais après trois fausses couches, la maîtresse du domaine de Gawthorpe Hall n'a toujours pas donné d'héritier à son mari. Lorsqu'elle croise le chemin d'Alice Gray, une jeune sage-femme qui connaît parfaitement les plantes médicinales, Fleetwood voit en elle son dernier espoir. Mais quand s'ouvre un immense procès pour sorcellerie à Pendle, tous les regards se tournent vers Alice, accusée comme tant d'autres femmes érudites, solitaires ou gênantes.

Alors que le ventre de Fleetwood continue de s'arrondir, la jeune fille n'a plus qu'une obsession pour sauver sa vie et celle de son bébé : innocenter Alice. Le temps presse et trois vies sont en jeu. Etre une femme est le plus grand risque qui soit. »


Les sorcières de Pendle est un roman tiré d’un événement historique. C’est une chose que j’ignorais encore lorsque j’ai terminé ma lecture. Pourtant, il s’agirait d’un épisode connu dans l’histoire anglaise et l’un des mieux documentés : en 1612, dans le Lancashire, douze femmes furent accusées de sorcellerie. Seule l’une d’entre elle fut innocentée, Alice Grey, pour des raisons encore inconnues.


L’auteure a choisi de raconter et revisiter cette partie de l’Histoire en mettant en scène Fleetwood Shuttleworth, une jeune châtelaine qui a réellement existé, et Alice Grey qu’elle a engagé comme sage-femme, voyant à travers ses traitements à base de plantes comme un moyen de mener sa grossesse à terme, après de nombreuses fausses couches. Lorsqu’Alice est arrêtée et accusée de sorcellerie, Fleetwood prend tous les risques pour la sauver.


Malgré le sujet de ce livre, il ne faut pas s’attendre à y voir de la magie ni beaucoup d'action. Pour l’aspect historique, il faudra également repasser. Même si Stacey Hall s’est inspirée de véritables faits historiques, ils ne servent qu’en toile de fond pour son roman car l’aspect historique reste assez léger et manque d’épaisseur dans le sens où l’histoire prend le pas sur l’Histoire. Si je m’attendais à ne pas voir de magie, je m’attendais tout de même à assister à ces célèbres procès, à une chasse aux sorcières, mais au final, tout cela reste évoqué. On n’y assiste pas, on n’y prend pas part car nous suivons l’histoire du point de vue de Fleetwood et que les femmes n’étaient pas autorisées à assister aux procès et que Fleetwood reste confinée dans son domaine et les alentours, même si elle a beaucoup participé au dénouement des procès pour innocenter Alice, je ne le nie pas. Alors certes, ce roman dessine avec réalisme une société bourgeoise, avec toutes ses implications dans le couple, la vie maritale, familiale, sociale, mais j’ai été frustrée par le manque de focus direct sur ce qui m’intéressait vraiment : le procès des sorcières de Pendle.


Il s’agit davantage d’un roman peignant la condition de la femme à cette époque, révoltante comme on peut s’en douter. C’est une époque où une enfant pouvait être mariée afin qu’elle et sa mère ne se retrouvent pas à la rue et soient entretenues par un homme dans la société. Une époque dans laquelle avoir un héritier mâle prime sur la vie d’une future mère, où avoir un fils prend le dessus sur le respect marital. Une époque où soigner par les herbes fait que vous êtes considérées comme une sorcière, où les femmes ont des difficultés à accéder aux sciences, notamment médicales. On parle avant tout de la condition de la femme au XVIIème siècle. C’est un roman critique sur la société de l’époque, une époque révoltante où la chasse aux sorcières faisait rage et que n’importe qui pouvait être dénoncé, soit pour s’attirer les faveurs royales, soit pour se débarrasser de quelqu’un de gênant.


Après, je n’irai pas jusqu’à dire que c’est un roman féministe : oui, c’est un regard critique sur la condition de la femme, mais à aucun moment Fleetwood ne sort de son rôle de femme, d’épouse et future mère. Fleetwood s’insurge, s’indigne, veut se faire entendre, combattre l’injustice et l’obscurantisme mais il n’y a pas véritablement de remise en cause de son rôle, de sa condition, en mode girl power, super nana (et tant mieux, ça aurait sonné faux).


Du côté des personnages : Fleetwood était intéressante à suivre, sans plus, et on sympathise avec elle de par ses craintes de mourir en couches, d’avoir une nouvelle fausse-couche, de perdre son amie, elle ne reste pas figée et évolue mais elle ne m’a pas marqué plus que ça. Légère agréable surprise concernant Richard, son mari qui, malgré les rebondissements et révélations sur leur couple, n’est pas un personnage soit tout blanc, soit tout noir. Alice reste effacée par rapport à Fleetwood, ce que je regrette. J’aurais aimé la connaître davantage, son passé, son expérience en tant que guérisseuse d’autant plus qu’elle est jeune et n’a pas eu une vie facile, même si je comprends que l’auteure ne voulait pas tout révéler sur elle, sous peine de spoiler un peu des éléments de l’intrigue trop tôt.


Nombreux furent les lecteurs à parler de l’incroyable et forte amitié entre Fleetwood et Alice, toutefois je n’ai rien ressenti de tel. Certes, Fleetwood a fait tout ce qui était en son pouvoir pour innocenter Alice, elles ont appris à se connaître, à se lier, et Fleetwood a beaucoup appris d’Alice et lui doit beaucoup, mais je n’ai pas été vraiment émue par leur amitié. C’était divertissant, sans plus (on va croire que je suis une sans cœur, haha)


Ensuite, même si le roman reste intéressant dans le sens où les pages se tournent sans difficultés, j’aurais préféré cheminer avec Alice. Au final, je me suis sentie éloignée d’Alice et de ces “sorcières” alors que ce sont elles le sujet du titre, elles qui sont supposées être le sujet du roman. Comment en sont-elles arrivées là ? Comment vivent-elles ? Comment ont-elles vécu les procès ? Quels secrets se cachent derrière les accusations ?


Je suis assez critique mais le roman n’est pas dénué d’intérêt, j’ai aimé l’ambiance du roman, un comté d’Angleterre, entre château et campagne, au XVe siècle, découvrir la vie d’une châtelaine. Il y a quelques rebondissements et révélations plutôt intéressantes. Ce n’est vraiment pas un roman mauvais en soi mais pour moi, il n’a pas grande saveur. Dommage que je sois passée à côté. Après, de nombreux lecteurs (enfin, surtout des lectrices) ont eu un coup de cœur pour ce roman, donc ne laissez pas mon avis vous dissuader de quoi que ce soit !

jeudi 23 septembre 2021

Le Grand Méchant Renard - Benjamin Renner.






Un renard chétif tente de se faire une place de prédateur face à un lapin idiot, un cochon jardinier, un chien paresseux et une poule caractérielle. Il a trouvé une stratégie : il compte voler des œufs, élever les poussins, les effrayer et les manger.







- Je comprends pas ! Pourquoi ça marche pas ? C'est quoi mon problème ?

- Je sais pas... Peut-être parce que tu as l'air aussi costaud qu'une huître... ou alors que tu as autant que charisme qu'une limace séchée dans un pot de sel... ou sinon que tu es aussi féroce qu'une tortue anémique à la retraite...


C’est l’histoire d’un renard affamé, pas très débrouillard, ni bien chanceux, qui aimerait bien croquer de la volaille, et qui se rend chaque jour dans la ferme du coin dans l’espoir de se mettre sous la dent une poule bien juteuse. Seulement, avec un degré de dangerosité proche du vers de terre et d’un talent d’intimidation et de chasseur s’apparentant à celui d’un canari, notre renard affamé n’impressionne guère les animaux de la ferme et se fait battre à plate couture par les poules qui en ont assez d’être dérangées pendant la couvée des œufs. Il est si peu impressionnant que le chien de garde le laisse passer avec un air blasé en lui intimant seulement de ranger son bordel avant de partir, et que le lapin et le cochon le saluent comme on revoit un vieil ami et lui laissent quelques légumes de côté. 


Désespéré, le renard demande des conseils au loup. Ses leçons pour faire du renard un redoutable prédateur ne fonctionnant pas, il décide d'élaborer un plan : au lieu de s’emparer d’une poule, graal inatteignable pour notre canidé roux, le renard peut voler ses œufs, les couver et attendre que les poussins deviennent suffisamment grands et gras pour que loup et renard ne puissent n'en faire qu’une bouchée. Le renard s’y plie, mais le loup omet de lui parler d’un détail : les poussins considèrent le premier être qu’ils voient comme étant leur maman. Encore plus étonnant, cette chose que personne n’aurait pu prévoir : que le renard s’attache à ses poussins et ne développe un instinct maternel… 


Quelle véritable bouffée d’air frais et de bonne humeur que cette bande-dessinée ! Découvert sur le blog de Nelja, j’ai su que je n’aurais pas pu résister en découvrant la trope du “méchant” qui développe un instinct parental envers sa proie. Le Grand Méchant Renard de cette histoire ne pouvait pas plus mal porter son nom ! Naïf, burlesque, drôle à ses dépends, il se met dans des situations improbables pour notre plus grand plaisir. Même s’il fait pitié car il n’est même pas pris au sérieux, même pas par les petits oiseaux du coin, on ne peut pas s’empêcher de s’amuser de ses mésaventures qui mêlent humour, tendresse et loufoquerie. Car il est adorable quand même ce renard qui s'agace d’abord de ces pots de colle de poussins qui vont partout où il va en l’appelant “maman”, et puis qui finit par s’attacher à ces rejetons et agir comme une vraie mère… poule. Il y a beaucoup d’humour dans cette relation improbable mais aussi de la tendresse face à ce renard prêt à tout pour protéger ses poussins. Oui, car le loup n’a pas oublié leur marché et entend bien croquer les poussins, et l’on assiste à de nouvelles péripéties pour que le renard puisse protéger sa famille hors du commun...


J’ai ri presque à chaque page, je ne me souviens pas la dernière fois qu'un bouquin m’a fait autant rire ! Benjamin Renner mêle avec brio un humour de situation, parfois très Tex Avery, à des dialogues modernes. Les dessins sont très expressifs et très aéré de par l'absence de cases. C'est joliment coloré, presque une aquarelle. Pour autant, si cette histoire cherche avant tout à nous faire rire, on se surprend parfois à arborer un sourire qui relève plus de la tendresse, on ne peut pas s'empêcher de ressentir de l'attendrissement face à ce renard solitaire qui se retrouve parent malgré lui du jour au lendemain, mais qui se prend petit à petit d'affection sincère envers ses poussins. Renard apprend à être papa et maman ainsi que les dures joies de la vie de famille... ça sent le vécu ! Les petites embrouilles et querelles des enfants ("pourquoi tu manges pas ton ver de terre ?" "j'y arriiiiiive pas"), les questions existentielles du style "pourquoi le ciel est bleu et l'herbe est verte", les chants, les parties de dînettes, les dessins, les jeux, les angoisses. C'est aussi une histoire qui parle des stéréotypes auxquels on doit se conformer, la parentalité, le jugement sur l'autre... (ce n'est pas parce qu'on est un renard qu'on est condamné à n'être que de la vermine, qu'on ne peut pas élever des jeunes d'une espèce différente, qu'on ne peut pas être bon)


C'est une jolie lecture que cette bande-dessinée ! Elle colle le sourire aux lèvres de la première à la dernière vignette. Renard est un animal maladroit, pathétique et pas débrouillard mais on s'attache à lui autant qu'il s'attache à ses poussins. Une histoire toute mignonne avec un ton décalé, drôle et tendre. Un peu de douceur et de légèreté dans ce monde de brute qui n'en montre pas assez...


Et surtout une histoire qui se finit bien pour le renard, les poussins et la poule !



dimanche 19 septembre 2021

Le chat qui rendait l'homme heureux (et inversement) - Umi Sakurai.


 
Fuyuki Kanda est seul et triste. Un jour, il décide d'entrer dans une animalerie où il remarque Fukumaru, un chat pas très beau, gros et plus très jeune. Ce dernier semble triste et désespéré car personne ne veut de lui. Pourtant, de manière inattendue, l'homme va l'adopter ! Ainsi commence l'histoire d'un quotidien plein de tendresse, entre un homme et un chat en mal d'amour.




Attention, lecture doudou !

Je suivais déjà, de façon irrégulière, les aventures du chat Fukumaru et de son humain que j’avais découvert sur Tumblr, et qui n’avaient jamais manqué de me faire fondre. Lorsque j’ai appris la parution du premier tome en France (merci Nelja !), je me suis empressée de le commander et, aussi tôt reçu, aussitôt lu !

Dans un format un peu plus grand par rapport aux mangas que l’on trouve habituellement, nous faisons la connaissance de Fukumaru (qui veut dire bonheur en rond, bonheur entier), un chat exotic shorthair dans une animalerie, que personne ne veut adopter, le trouvant gros, pas très beau et parce qu’il n’est plus un chaton. Fukumaru est témoin chaque jour de l’adoption des autres animaux de compagnie, rongé par la tristesse, jusqu’au jour où il est remarqué par Fuyuki Kanda, veuf et solitaire, qui tombe sous son charme et décide de l’adopter. S’ensuit alors l’histoire de deux êtres seuls dont la vie va être comblée de tendresse…

Tout comme les petites scénettes découvertes sur internet, le charme a opéré chez moi !

J’ai pris beaucoup de plaisir à suivre ces différentes tranches de vie entre Kanda et Fukumaru. Sans tomber dans un schéma répétitif et donc lassant, j’ai pris beaucoup de plaisir à découvrir la vie que vont se tisser ces deux personnages en mal d’amour qui vont apprendre ou réapprendre à vivre avec quelqu’un.

Le manga se compose donc d’histoires courtes mettant en scène le chat et son humain, gagnant petit à petit en profondeur, élargissant petit à petit l’univers avec d’autres lieux et des personnages secondaires qui ne demandent qu’à être approfondis par la suite (le meilleur ami de Kanda qui aime un peu trop les chiens, ses jeunes collègues de travail, etc), dans un schéma bref mais toujours aussi léger et drôle, jouant sur l’altérité entre Kanda et Fukumaru, et sur leur méconnaissance puis l'apprentissage de la vie à deux. Nous assistons également à des scènes tantôt touchantes, tantôt tristes car nos deux personnages sont au départ des êtres solitaires, en mal d’amour, avec Kanda qui a perdu sa femme et Fukumaru qui a été séparé de sa mère et a souffert de ne jamais avoir été choisi en adoption à cause de son apparence. Toutefois, sans tomber dans le pathos et en revenant sur un ton plus léger ou humoristique.

Nous assistons à des scènes drôles voire attendrissantes où Kanda et Fukumaru vont apprendre à s’apprivoiser, se connaître, apprendre à vivre avec un humain/un chat, la méconnaissance sur l'univers de l'autre. Fukumaru découvre la vie en appartement avec un humain après avoir longtemps vécu enfermé dans une cage d’animalerie, et à être aimé par un humain qui n’est pas rebuté par son apparence ou son poids, mais qui l’a aimé dès le premier regard. Kanda, lui, apprend à vivre avec un animal de compagnie, après avoir vécu seul après la mort de sa femme, et lui donne tout l’amour qu’il peut lui donner. Ce sont deux êtres blessés et en manque d’amour que la présence de l’autre va combler.

Ce sont souvent des petits riens, des choses ordinaires, qui rendent leur quotidien plein de vie et de bonheur. C’est tout simplement adorable de voir ce vieux monsieur (ma foi charismatique, ahem) apprendre à s’occuper d’un chat et en devenir gaga, et Fukumaru qui vit sa vie de chat et qui s’attache de plus en plus à « son papa », allant jusqu’à attaquer le piano, cette grosse boîte qui fait du bruit et occupe son papa. Je pense que beaucoup d’amoureux.ses et « propriétaires » de chats (bien que je n’aime pas ce terme, ne considérant pas les animaux comme une propriété…) vont se reconnaître dans ces différentes tranches de vie : acheter un jouet à son chat et que ce dernier préfère le carton, le chat qui fait du bruit en creusant dans sa litière et qui en ressort en quatrième vitesse, notre manie de prendre une centaine de photos de nos chats, le chat qui réclame alors qu’il vient juste de manger, et comment on peut devenir complètement gaga de nos chats « n’est-il pas mignoooooon ? »

J’aime également le contraste dans les dessins, entre le côté réaliste des humains et celui plus cartoonesque et adorable de Fukumaru. D’ailleurs, la mangaka a bien choisi la race de chat, les exotic shorthair ayant une apparence assez pelucheuse.

En bre, tout m’a séduit dans ce manga où les scènes humoristiques se mêlent à un quotidien tendre et touchant. J’ai été émue par la rencontre de ces deux êtres solitaires et la petite vie qu’ils se construisent et la relation qu'ils tissent. C'est une ambiance candide, où chacun des deux personnages voit ses repères bouleversés par cette nouvelle relation qui redonne un sens à leur vie. C'est quelque chose de tout simple, ces tranches de vie, mais la mangaka réussit à nous faire passer une multitude d'émotions et c'est avec un grand plaisir que je lirai les prochains tomes dès leur parution en France. 




samedi 18 septembre 2021

Vampyria (T.1) La Cour des Ténèbres - Victor Dixen.


 « Tu vas t’épanouir à Versailles telle une fleur exotique. Les vampyres du palais raffolent de tout ce qui sort de l’ordinaire. Mais attention : la Cour des Ténèbres a ses codes, ses pièges mortels, et le moindre faux pas s’y paye au prix du sang… »

En l’an de grâce 1715, le Roi-Soleil s’est transmuté en vampyre pour devenir le Roi des Ténèbres. Depuis, il règne en despote absolu sur la Vampyria : une vaste coalition à jamais figée dans un âge sombre, rassemblant la France et ses royaumes vassaux. Un joug de fer est imposé au peuple, maintenu dans la terreur et littéralement saigné pour nourrir l’aristocratie vampyrique.

Trois siècles plus tard, Jeanne est arrachée à sa famille de roturier et catapultée à l’école formant les jeunes nobles avant leur rentrée à la Cour. Entre les intrigues des morts-vivants du palais, les trahison des autres élèves et les abominations grouillant sous les ors de Versailles, combien de temps Jeanne survivra-t-elle ?


Devant vous, la raison première de mon choix de lecture : la couverture. Elle attire aisément le regard avec cette poignée de porte dont la décoration ressemble à un masque à l’effigie du Roi Soleil, sur fond sombre, dont les extrémités montrent une bouche dévoilant des crocs ensanglantés et, au-dessus de la figure, une rose et une main décharnée, des détails qui ne sont pas là par hasard...

Ensuite, l’histoire.

Et si Louis XIV n’avait pas disparu en 1715 mais avait été transmuté en vampire ? Si, du Roi Soleil, il était devenu Roy des Ténèbres, transformant radicalement le visage du royaume… ainsi que sa noblesse et le peuple. C’est l’uchronie que nous propose Victor Dixen dans ce premier tome d’une série de deux, à ce jour.

En lisant le résumé, je m’attendais à l’histoire d’une jeune fille arrachée à sa famille pour étudier dans une académie pour nobles contre son gré, ce qui m’attirait un peu moins, mais il s’agit de bien plus. C’est une histoire de vengeance, d’une société figée dans le temps, d’un monde sombre et impitoyable, séparé entre mortels et vampires. C’est l’histoire de Jeanne, dont la famille de roturiers a été sauvagement assassinée devant ses yeux sous les ordres du Roy, pour avoir été alchimistes en secret. En fuite avec son frère, ils espèrent trouver refuge auprès de Diane de Gastefriche, fille du baron local, mais tout ne se passe pas comme prévu et son frère, ainsi que le baron et sa fille se retrouvent assassinés. Seule survivante du massacre, Jeanne tente un coup osé… elle prétend être Diane de Gastefriche afin d’être épargnée. Elle est récupérée par Alexandre de Mortange, vicomte et vampire de son état, qui la prend sous son aile, et devient pupille du Roy, destinée à rejoindre une académie formant les jeunes nobles avant leur entrée à la Cour… L’occasion parfaite pour Jeanne d’intégrer le nid de serpent pour pouvoir comploter sa vengeance : tuer le responsable du massacre de sa famille, le Roy.

J’ai pris beaucoup de plaisir à suivre l’histoire. L’intrigue est prenante et ne nous emmène pas toujours là où l’on pense. Je m’attendais à une intrigue construite autour d’une héroïne dans une école pour nobles mais il s’agit de bien plus. Nous sommes entraînés dans une histoire palpitante de survie, de vengeance, de découverte d’un monde à la fois familier et étranger où les vampires règnent en maîtres… et nous sommes loin des vampires classiques que l’on retrouve dans les romans Young Adult, pour mon plus grand plaisir. L’écriture est plaisante, et on va de rebondissement en rebondissement, même dans les temps les plus calmes se situant à l’académie par exemple, on suit l’histoire avec beaucoup de plaisir tant l’univers est intéressant et que l’on se demande où l’auteur va nous mener.

J’ai même pris plaisir à découvrir les enseignements que Jeanne va suivre : des leçons de bonnes manières, combat à l'épée, art de parler, galanterie, équitation… mais aussi sur la société des vampires. Lors de cette formation, Jeanne va faire la rencontre de plusieurs pensionnaires et tisser des liens avec eux, mais aussi découvrir le personnel des lieux comme les gardes, des enseignants, des gouvernantes. Elle va aussi faire la rencontre de certains vampyres dont la cruauté n'a d'égale que leur soif de sang. Ce roman est plein de surprises. L'univers est riche et bien développé. On ne peut pas le résumer à une simple histoire de vampires. Il y a un peu ça, évidement, mais aussi un aspect historique et même un aspect horrifique avec la présence des vampires bien-sûr, mais aussi des créatures sanguinaires, voire même des objets, qui ont soif de sang.

Outre l’intrigue, la force du roman est son univers.

J’avais peur d’un cadre moderne, voire futuriste, qui effacerait l’aspect historique de la société dans laquelle Louis XIV a vécu de son vivant. Toutefois, l’auteur nous décrit une société comme figée dans le temps de l’Ancien Régime. Une société qui a gardé les codes de l’époque de Louis XIV avec la population divisée dans une hiérarchie bien codée. Tout en haut de l’échelle, le Roy puis la Haute Noblesse composée de vampyres, la seule classe immortelle, puis la faculté hématique composée de docteurs se spécialisant dans la recherche, le sang, etc, puis la basse noblesse et enfin le peuple, les roturiers. Cette société, c’est la Magna Vampyria où les roturiers naissent et demeurent sous la protection des vampyres, en contrepartie ils leurs doivent une soumission totale, doivent respecter un couvre feu, chaque mois ils doivent payer l’impôt du sang (ils ont ainsi pour obligation de verser un peu de leur sang), en cas de refus, c’est la mort. Mais, comme souvent dans les dystopies mettant en scène une société divisant sa population, il existe des révolutionnaires œuvrant dans l'ombre. Pour l'heure, le sujet est encore peu développé, mais suffisamment abordé pour m'avoir intriguée.

C’est également une société où ce ne sont pas seulement le Roy et la Noblesse qui ont changé en devenant des vampyres. L’auteur a crée un univers riche, sombre et fascinant dans lequel des roses vampyriques ont été crées et s’ouvrent si on leur verse du sang, des épées qui attirent le sang de l’adversaire, des arbres gorgés de sang, des juments sanglantes qu’il est difficile de dompter et malheur au cavalier qui chute car elles n’en feraient qu’une bouchée ! Si l’univers de la noblesse et celui de la Cour pouvaient être impitoyables par le passé, c’est devenu bien pire maintenant que ses membres sont des vampyres, se nourrissant de sang humain et participant à de véritables chasses humaines. L’auteur nous annonce la couleur dès les premières pages de son roman, c’est une histoire sombre avec des scènes parfois horrifiques. Sans être impressionnable, j'ai d'ailleurs trouvé qu'il fallait avoir le cœur bien accroché sur certains passages.

Ensuite, les personnages.

Jeanne, l’héroïne. J’ai pris beaucoup de plaisir à la suivre, découvrir en même temps qu’elle l’univers dans lequel elle va devoir évoluer et les codes qu’elle doit apprendre pour survivre dans ce monde des Ténèbres. On ne peut qu’être touché par la tragédie qu’elle a vécu, la voir se relever et préparer doucement mais lentement sa vengeance. C’est un personnage intelligent, déterminée, forte et elle doit l’être dans l’univers dans lequel elle doit évoluer. Le paradoxe fait que j’ai trouvé intéressant de voir un personnage comme Jeanne, qui se démarque de beaucoup de romans YA. Elle est dépeinte comme un personnage ni blanc ni noir, capable de tout pour atteindre ses objectifs, quitte à trahir ses alliés et ses amies, voire même à tuer des tierces personnes, et de montrer combien dans une vengeance il faut être prêt à tout, autant je l’ai parfois trouvé insupportable dans sa manie à n’en faire qu’à sa tête, avec des décisions souvent contestables, et ne se soucier de rien d’autre que sa vengeance, sans égard pour ses alliés et ses amies qui ont placé en elle leur confiance, n’avoir la vengeance que comme fil conducteur. Après, il ne s’agit que du premier tome d’une série et c’est un personnage qui ne demande qu’à évoluer au fil de l’histoire, donc j’attends de voir ce que l’auteur a en réserve pour elle (mais pourquoi des cheveux gris ??) !

Toutefois, je déplore un peu les facilités qu’elle rencontre. Elle commence son histoire de façon brutale et tragique et on ne peut que ressentir de l’empathie pour elle, mais chaque fois que son identité est compromise ou découverte, elle s’en sort, et le plus souvent parce que les personnages sont charmés par elle [spoiler] son amie Naoko découvre son mensonge ? Ce n’est pas grave, c’est son amie et elle va préserver son secret. Tristan, un garçon de l’académie, découvre qu’elle est roturière et non noble ? Ce n’est pas grave, il l’aime et il va même l’aider dans sa vengeance. Elle ment et invente une vie avec un personnage, le condamnant à une punition ? Ce n’est pas grave, il l’aime et ne lui en veut pas du tout [/spoiler], en soi ce n’est pas si grave que ça, c’est pas le pire défaut que j’ai pu trouver dans ce roman qui m’a beaucoup plu, disons que ce sont des petits points à m’avoir un peu frustré, voire agacé.

Les personnages secondaires ne sont pas en reste. J’ai notamment bien aimé Naoko, dont le sombre secret est original et intéressant (je me demande d’ailleurs si l’auteur en reparlera par la suite) et Proserpine/Poppy qui est une vraie bouffée d’air frais, avec son caractère pétillant. Je suis également curieuse d’en apprendre plus sur le vicomte Alexandre et son passé. Le Roy m'intrigue également. Sa présence a toujours été imposante et remarquable. Il me tarde de le voir un peu plus en scène, en découvrir plus sur sa transmutation en vampyre et ce qui se cache derrière ce masque qu’il ne cesse de porter. Bien sûr, qui dit intrigue dans une école dit élèves, amis comme rivaux et, on a pas pu y couper, j’y ai retrouvé le cliché de la garce qui met des bâtons dans les roues du personnage principal, ici j’ai nommé Hélénais. Ce personnage m'a malheureusement déçue : on est sur l'archétype de la pimbêche qui fait des crasses. Cette rivale servira surtout à l'héroïne d'aller de l'avant ou à se mettre en valeur. Or, je m'attendais à trouver un peu plus de nuances… Peut-être que la vipère gagnera en consistance dans la suite de la série, d’autant plus qu’on découvre quelque chose sur sa famille, un malheur qui a peut-être fait d’elle ce qu’elle est, qui expliquerait au moins pourquoi elle agit ainsi.

En bref, j'ai beaucoup aimé cette lecture. Elle mélange de nombreux aspects que j’aime beaucoup : une ambiance sombre dans un décor flamboyant, une histoire de vampires dans un contexte historique, des vampires aussi sombres que charismatiques, des monstres sous une apparence d’ange. L'auteur réussit le tour de force de renouveler le genre, non en adaptant les caractéristiques du personnage du vampire mais en le mixant à l'uchronie. Cela donne une atmosphère glauque à souhait, l'étrangeté étant renforcée par le fait que l'intrigue se situe à notre époque tout en étant restée figée en 1715. Une jolie découverte que ce roman ! Je pense d’ailleurs, si je parviens à le trouver en bibliothèque, ne pas attendre le prochain Pumpkin Autumn Challenge pour lire le second tome.


Jeanne et Diane – deux prénoms qui sonnent presque pareil, comme les deux faces d’une même pièce. Pendant la journée, il n’y a que le côté face qui existe : le masque derrière lequel je me cache. Mais la nuit, à l’abri des épais rideaux de mon lit à baldaquin, je redeviens le côté pile : celui dont on ne doit pas dire le nom. Là, dans l’obscurité complète où nul ne peut m’épier, je suis à nouveau Jeanne. J’ouvre ma montre à gousset silencieuse, arrêtée à jamais sur 7h38, tel le cœur de maman qui a cessé de battre pour toujours.

La liberté ou la mort, dit la devise gravée au creux du couvercle.

J’ai choisi la mort.

Parce que la liberté n’a pas de sens dans un monde dépeuplé de tous les miens.

Parce que la mort est le prix à payer pour tenter d’éradiquer le principal responsable de leur disparition : l’Immuable.

lundi 6 septembre 2021

Lost Boy - Christina Henry.


Peter brought me to his island because there were no rules and no grownups to make us mind. He brought boys from the Other Place to join in the fun, but Peter's idea of fun is sharper than a pirate’s sword. Because it’s never been all fun and games on the island. Our neighbors are pirates and monsters. Our toys are knife and stick and rock—the kinds of playthings that bite.

Peter promised we would all be young and happy forever. Peter lies.



Toujours pas partie du Pays Imaginaire, j’ai achevé cette nouvelle lecture sur Peter Pan, qui se situe avant le conte de JM Barrie, bien avant Wendy et ses frères, bien même avant le capitaine Hook/Crochet. C’est l’histoire de Peter Pan et les premiers garçons perdus, c’est l’histoire du tout premier garçon perdu, Jamie, alors le second de Peter Pan, son meilleur ami, son préféré… avant de devenir le capitaine Crochet.

Vous l’aurez compris, c’est le concept même de l’histoire qui m’a attiré (ce n’est pas un spoiler, même si l’auteure maintient le suspense jusqu’à la fin, la faute aux différentes couvertures qui spoilent la révélation, mais sans cette révélation justement, je ne sais pas si j’aurais lu le livre), à savoir découvrir le passé du capitaine Crochet, qui il était avant de devenir ce célèbre pirate, affublé de son crochet, et némésis de Peter Pan, ainsi que le concept original de faire de Crochet le premier garçon perdu, un garçon perdu qui a grandi… et qui s’est éloigné de Peter Pan. Il était alors Jamie, le tout premier garçon perdu, le préféré de Peter, son meilleur ami, et il nous raconte son histoire. Sa vie en tant que garçon perdu, puis comment les choses ont commencé à changer avec, toujours, ce rappel : Peter Pan ment.

Jamie n’a rien d’un futur capitaine Crochet. Il veille sur les garçons perdus, il prend soin d’eux, les soigne et les guide, il agit de façon plus responsable que Peter qui ne cherche qu’à s’amuser. A travers quelques flashbacks, on découvre peu à peu le passé de Jamie en même temps qu’il recommence à se souvenir, au fur et à mesure qu’il s’éloigne de Peter et qu’il ouvre les yeux sur la réalité du Pays Imaginaire et sur son propre ami, Peter.

Alors que le Peter Pan de JM Barrie se révèle parfois égoïste, cruel, impétueux et capricieux, il n’en est pas moins dénué de qualités. Dans Lost Boy, en revanche, aucune qualité ne le sauve au fur et à mesure qu’on avance dans l’intrigue, et il se dévoile de plus en plus cruel, capricieux, et possessif, surtout envers Jamie, n’hésitant pas à mentir, tromper et mettre en danger autrui quand on ne va pas dans le sens qu’il désire et quand Jamie ne lui consacre pas assez de temps.

J’ai trouvé intéressante la relation Peter/Jamie. Au début, nous sommes témoins de toute l’admiration que Jamie a envers Peter qui le charme facilement, combien ils sont proches. L’un ne va pas sans l’autre, et on découvre la place de favori et de second qu’il occupe auprès de Peter. Peter, de son côté, tient davantage à Jamie qu’aux autres enfants perdus : c’est avec lui qu’il préfère jouer, Jamie a ce statut spécial car il est le tout premier garçon perdu que Peter a ramené au Pays Imaginaire, le seul à qui Jamie peut répondre sans trop craindre aux représailles, car Peter tient à Jamie. Ce sentiment n’a rien de noble, car Peter est facilement jaloux de qui Jamie s’occupe le plus et devient très possessif, faisant tout pour que personne ne s’approprie l’attention de Jamie, jusqu’à la cruauté. Sans que ce soit excessivement violent, nous avons tout de même quelques passages assez sombres.

C’est une sorte de dark fantasy que l’auteure nous propose. Outre la cruauté dont Peter fait preuve, nous sommes loin d'un Pays Imaginaire coloré et fantastique, mais plutôt un monde cruel et violent, où il faut survivre contre les pirates et les bêtes sauvages, notamment les crocodiles et les Many-Eyes. Des personnages meurent dans ce récit, et on peut avoir des passages assez gores, qu'on ne retrouve pas dans des histoires destinées à la jeunesse, c'est pourquoi j'aurais plus tendance à dire que cette histoire se classe plutôt dans les livres Young Adult. L’auteure nous présente un Pays Imaginaire presque comme une entité vivante, entièrement liée à Peter Pan [spoiler] c'est encore plus flagrant lorsqu'on apprend que si Peter encourage la violence et la mort, en laissant mourir des garçons perdus par exemple, c'est parce que le sang versé sur le Pays Imaginaire lui permet de rester jeune et de conserver ses pouvoirs, un concept que je trouve vraiment intéressant [/spoiler]. Ce dernier est le roi de cet univers, il sait tout ce qu'il s'y passe, c'est le lieu où il nous emmène mais ne laisse personne partir.

Bien-sûr, même si c'est Jamie qui raconte l'histoire et présente Peter comme l'antagoniste, cela ne veut pas dire que Jamie est tout blanc, toutefois il reste un personnage plaisant à suivre, et j'ai suivi avec beaucoup d'intérêt son évolution et ce qui l'a amené à devenir le capitaine Crochet, et j'ai aimé sa dynamique avec les personnages de Charlie (bébé d'amour <3 too pure for this world), Sal et Nod, ce qu'il est advenu d'eux et comment ils essayent d'échapper à l'emprise de leur tyran. Je déplore toutefois la présence d’une romance qui, selon moi, n’était pas nécessaire et qui n’était pas amenée de façon logique [spoiler] Jamie découvre que Sal, un garçon perdu, est en fait une fille déguisée en garçon, et en tombe instantanément amoureux alors qu’il n’avait rien ressenti de particuliers envers Sal avant cet instant [/spoiler], bien que cet aspect s’ajoute dans l’évolution de Jamie et le fait grandir plus sûrement.

Lost Boy est une réécriture prenante et complexe, offrant une sorte de préquelle intéressante au roman d'origine, et qui permet de se pencher sur ce personnage fascinant qu'est le capitaine Crochet ainsi que le potentiel qu'offre ce personnage.




Cet.te artiste sur tumblr, connu.e pour ses nombreux dessins sur Peter Pan, s'est inspiré.e
de Lost Boy pour une série de dessins sur la relation Hook/Peter que je vous encourage
vivement à aller voir.


“Was this, too, part of growing up? Was it facing the bad things you’d done as well as the good, and knowing all your mistakes had consequences? Peter made mistakes all the time— he was thoughtless; he hurt people. But it never troubled him, not for a moment. He forgot all about it in an instant. That was being a boy.”

dimanche 5 septembre 2021

Peter Darling - Austin Chant.


Ten years ago, Peter Pan left Neverland to grow up, leaving behind his adolescent dreams of boyhood and resigning himself to life as Wendy Darling. Growing up, however, has only made him realize how inescapable his identity as a man is. But when he returns to Neverland, everything has changed: the Lost Boys have become men, and the war games they once played are now real and deadly. Even more shocking is the attraction Peter never knew he could feel for his old rival, Captain Hook-and the realization that he no longer knows which of them is the real villain.



Imaginez que Peter Pan et Wendy Darling ne former qu’une seule et même personne, que Wendy ne s’est jamais sentie véritablement comme Wendy, une jeune fille respectable, qui doit grandir et devenir une femme et qui, en voyageant la première fois au Pays Imaginaire avec l’aide de la fée Clochette, découvre qu’elle peut devenir le garçon qu’elle a toujours voulu être, où elle peut vivre librement et s’amuser d’aventures et de jeux. C’est l’histoire que nous propose Austin Chant, qui se présente à la fois comme une réécriture de Peter Pan de JM Barrie et également comme une sorte de suite dans laquelle Peter revient au Pays Imaginaire après des années d’absence, où les garçons perdus ont dû apprendre à vivre sans lui, où il retrouve son plus formidable adversaire, le capitaine Hook (je choisi ici son nom anglais, ayant lu le roman en VO, puisqu’il n’existe pas de VF, et que je préfère le nom dans sa VO) ... 

J’avais commencé ce roman dimanche, en imaginant consacrer les autres jours de la semaine à poursuivre ma lecture. J’ai vite compris que je ne pouvais pas m’arrêter dans ma lecture, et j’ai ainsi passé tout mon dimanche à dévorer cette histoire. Rien ne laissait pourtant présager le coup de cœur, puisque j’étais alors uniquement attisée par la curiosité d’un Peter Pan transgenre et m’amuser d’une romance entre Hook et Peter (Anders et Wilwy sur discord ont d’ailleurs été les témoins de mon live reading haha).

D’une part, j’ai beaucoup aimé l’idée de base du roman : faire de Peter et Wendy une seule et même personne, de nous présenter une Wendy qui ne s’est jamais sentie fille et n’a jamais voulu devenir une femme avec tout ce qui est attendu d’une femme dans l’Angleterre de l’époque, une Wendy qui découvre qu’iel peut être le garçon qu’iel a toujours voulu être, au Pays Imaginaire, et vivre comme iel l’entend, vivre de jeux, d’aventures, de dangers. Devenir Peter Pan en laissant Wendy derrière lui/elle. C’est une façon intéressante d’aborder la transidentité et de l’attacher à des personnages qui nous sont chers, d’autant plus que l’auteur, lui-même trans, ne révèle pas tout de suite que Peter Pan et Wendy ne font qu’un, tout cela est dévoilé progressivement, et d’évoquer les problématiques de la transidentité qui se mêlent parfaitement aux thématiques du Pays Imaginaire. La réalisation et le déroulé narratif sont réussis et prenants.

D’autre part, j’ai beaucoup aimé la romance que nous propose l’auteur. Je salue déjà l’initiative de l’auteur de nous proposer un rapprochement à la fois physique et romantique entre deux personnages emblématiques et pourtant ennemis, d’avoir su relever le défi d’en faire une romance crédible, de les faire se rapprocher naturellement, sans dénaturer ce qu’ils sont. L’évolution de leur relation n’est pas forcée et s’installe doucement.

Les personnages sont fidèles à eux-mêmes. Peter Pan est à la fois innocent et égoïste, joyeux, intrépide, parfois cruel, il revient au Pays Imaginaire en pensant qu’il va beaucoup s’amuser et s’étonne de voir que ce monde a changé en son absence, et va essayer de faire en sorte que les choses redeviennent comme avant, en redevant le chef des garçons perdus, en déclenchant la guerre aux pirates. Seulement, il va se rendre compte que les choses ne sont pas aussi simples et que tout ne peut se dérouler comme prévu, et va apprendre à voir les choses, et d’autres personnes, d’une autre façon. Lui qui était belliqueux et impétueux, sans se soucier des représailles et qui souhaitait seulement s’amuser comme avant et mener sa guerre contre Hook, il va évoluer, faire la paix avec lui-même et voir sa némésis d’une autre façon. C’est un personnage qui va beaucoup évoluer dans ce roman et se montrer être un personnage complexe et attachant, de même que le capitaine Hook

C’est un personnage que j’aime beaucoup, peu importe les adaptations de Peter Pan, et je n’ai pas eu de peine à m’attacher à lui dans ce roman (il nous apparaît la première fois promené sur une chaise portée par ses pirates, il sait se mettre en spectacle le monsieur !). Même s’il se présente comme la némésis de Pan que nous connaissons bien, le pirate farouche et cruel, il m’a plus de par son caractère à la fois joueur et provocateur, sarcastique, charismatique et formidable et parfois même, osons le dire, plus raisonnable que Peter. Le digne adversaire de Pan (même si, sur la fin, il est plus James que Hook, perdant un peu de sa superbe mais demeurant attachant tout de même). Puis, au fur et à mesure que l’histoire avance, on commence à le voir d’une autre façon alors que se dévoilent quelques facettes de sa personnalité et des pans de son passé, en même temps que Peter et, comme lui, on est amené à découvrir que tout n’est pas blanc ou noir. 

J’ai aussi beaucoup aimé Ernest, le chef des garçons perdus et qui, s’il n’est pas toujours d’accord avec Peter, va se montrer être quelqu’un de loyal et d’attachant. J’ajouterai également que j’ai beaucoup aimé la façon dont l’auteur a rebâti le Pays Imaginaire, de façon inventive et originale, comme si ce lieu était une entité à part entière.

Une jolie découverte que ce roman, je déplore qu'il soit aussi court ! S’il est traduit un jour en France, c’est avec plaisir que je le relirais !


“Pan," Hook said. "You saved my life." 
Peter didn't know what to say. He had gone back to rescue Hook so unthinkingly, so instinctually, that he was only now beginning to realize he had done it. He hadn't worried about a single thing besides protecting Hook. 
He cast around for a reason—an excuse, not the real reason, which he already knew. 
"I had to," he said finally. "If you'd died there, I wouldn't have been the one to defeat you." 
Hook gave a low chuckle. "Your obsession is flattering, Pan. And I share it." 
"Obsession?" 
"Is that not what they call it," Hook said, "when two men can think of nothing but each other?" 
Peter went still, feeling his ears go hot at the implication. Hook knew, he thought. Hook knew exactly what Peter had felt before.

samedi 4 septembre 2021

Frankenstein, ou le Prométhée moderne - Mary Shelley.

En expédition vers le pôle Nord, Robert Walton adresse à sa sœur des lettres où il évoque l'étrange spectacle dont il vient d'être le témoin depuis son bateau : la découverte, sur un iceberg, d'un homme en perdition dans son traîneau. Invité à monter à bord, Victor Frankenstein raconte qu'il n'est venu s'aventurer ici que pour rattraper quelqu'un - qui n'est autre que la créature monstrueuse qu'il créa naguère, et qui s'est montrée redoutablement criminelle.

Paru en 1818, Frankenstein est né deux ans plus tôt sur les rives du Léman, un jour où Lord Byron proposait à quelques amis, dont le poète Shelley et son épouse Mary, que chacun écrivit une histoire de spectre. Ce roman fantastique annonce la science-fiction et, depuis deux siècles, n'a cessé de susciter un sublime effroi - de terrifier, et surtout de séduire.





À l’instar de Dracula et autres figures mythiques de l’horreur, Frankenstein a été immortalisé par les films d’Hollywood, vivant beaucoup d’aventures et connu plusieurs et diverses versions, si bien que l’on peut douter de connaître la version originale, celle née de la plume de l’auteure. Rien ne laissait pourtant présager une lecture de ce roman, car la créature de Frankenstein n’a jamais attisé chez moi la moindre curiosité jusqu’à récemment. En revanche, plus j’en apprenais sur l’auteure, Mary Shelley, plus je trouvais sa vie fascinante, elle-même digne d’un roman, ce qui m’a amené à vouloir découvrir l’œuvre de sa vie, et quelle plus belle occasion de découvrir ce classique qu’avec le Pumpkin Autumn Challenge, dont le menu « Nom d’une dune » proposait l’un des mots-clés « science-fiction », dont Frankenstein est l’une des œuvres les plus représentatives.

Ce n’est pourtant pas avec Frankenstein que nous débutons le roman, mais avec Robert Walton, capitaine d’un navire voguant dans les eaux glacées du pôle nord, où il y fera une découverte surprenante, celle d’un homme à la dérive, sur un iceberg, et les restes de son traîneau. Recueilli à bord du navire, l’homme professe être Victor Frankenstein qui lui explique traquer un monstre et décide de conter son histoire à Walton, afin de lui expliquer les raisons de sa présence sur les plaines désertes du pôle nord, et des mésaventures que rien ne laissait présager au départ… Victor Frankenstein était alors un jeune homme heureux, ayant grandi dans un foyer aimant. Alors qu’il étudiait à l’université, il s’est pris de passion pour les sciences et la philosophie, s’interrogeant sur la vie et la mort, et son obsession de l’être parfait. Pétri d’orgueil, il avait alors décidé de créer l’homme parfait. La Créature est née, mais elle n’est rien de ce que Frankenstein escomptait et, pris de terreur, fuit son laboratoire, laissant dans la nature une Créature qui ne connaît rien du monde des hommes...  

Mary Shelley
Lorsque l’on pense à Frankenstein, on imagine un savant fou, scandant des «
IT’S ALIVE ! IT’S ALIVE ! » ou bien à une créature monstrueuse aux paroles inintelligibles. Pourtant, Victor Frankenstein n’est qu’un jeune étudiant, intelligent et sensible, orgueilleux et parfois égoïste, irresponsable, facilement en proie à ses tourments et aux lamentations suite à la création de sa Créature, et la Créature est un être éloquent, doué de sensibilité, d’intelligence et de bonté, que le rejet de son propre créateur puis des autres hommes, malgré ses bonnes intentions et tentatives de se rapprocher et se lier avec les autres, ont poussé à faire des actes cruels et de destruction. 

Il y a un aspect tragique quand on considère la Créature de Frankenstein, qui était toute disposée à la vertu et à la bonté, que la cruauté des hommes a détruit et jeta dans une vie de crime et de destruction. Je n’irai pas jusqu’à dire que la Créature est un ange de bonté, un être incompris, et que la faute revient aux hommes et à Frankenstein, bien que leur part de responsabilités soit lourde, car si ses malheurs et l’injustice dont elle est victime provoquent notre compassion, elle nous interpelle dans son basculement dans le mal. Incapable de gérer sa frustration et sa tristesse, la créature décide de se venger en s’en prenant aux proches de Frankenstein, au lieu de s’en prendre directement à ce père incapable, il s’attaque à son entourage.

Malgré tout, on ne peut pas s’empêcher de ressentir beaucoup d’empathie pour la Créature, incroyable de par son improbable création et les qualités dont elle est dotée, qui est sans cesse victime par l’injustice, les préjugés sur les apparences, le rejet, la solitude… C’est donc sans surprise que je me suis davantage attachée à elle qu’à son créateur, Vincent Frankenstein, qui s’est détourné de sa création au moment même où il atteint son but, après des mois de travail acharné (je n'irais pas jusqu'à dire que je déteste ce personnage, j'ai pris plaisir à le suivre et découvrir son histoire, bien que je lui préfère Robert Walton qui est amusant dans son admiration pour Frankenstein, haha, presque un vrai béguin). 

Parce qu’elle l’effraie et qu’elle n’est pas conforme à ses vœux, Frankenstein n'assume pas l'échec de son expérience ni ne cherche à réparer le mal qu'il cause à cet être inexpérimenté et inconscient des usages humains. Il a tellement baigné dans son orgueil, sa certitude et sa volonté de créer un être pour savoir s’il pouvait le faire, qu’il ne s’est rendu compte des conséquences de ses actes qu’une fois sa créature achevée et éveillée. J’aurais souhaité, quitte à ce que Frankenstein rejette sa créature, il y ait un autre motif que sa laideur ou, mieux, qu’il essaye de ressentir un tant soit peu d’empathie pour sa créature, et je regrette beaucoup qu’il ait été si rebuté par l’apparence de sa créature que cela l’ait empêché de se rapprocher d’elle, d’essayer de réparer ses torts, lui qui s’est montré être, à de nombreuses reprises, loyal envers ses êtres chers, sensible, laissant libre cours à ses émotions.

Toutefois, Frankenstein et sa créature nous offrent une relation intéressante, complexe et tragique entre un créateur et sa créature, presque un père et un fils, dont le lien ne s’est pas formé et dont le manque d’amour donne place à une relation entre deux ennemis au fur et à mesure que l’on avance dans l’intrigue. Malgré cet antagonisme, le créateur ne peut vivre sans sa créature et, même après Victor Frankenstein, la Créature ne reste pas insensible à son absence et n’a plus de but dans sa vie, et décide de l’achever. L’un n’existe pas sans l’autre, c’est une relation que j’ai trouvé fascinante et complexe.


Frankenstein,
interprété par Boris Karloff

Un avertissement qui évitera peut-être des déceptions, car la culture a fait de cette histoire un récit d’horreur : Frankenstein n’est pas une histoire scientifique ou une histoire d’horreur, du moins selon les standards de l’époque (d’ailleurs, l’électricité et les orages, s’ils sont présents et ont participé à la création de la créature de Frankenstein, ne sont que peu mis en avant et Victor a choisit de ne pas décrire avec exactitude les étapes de la création, pour emporter son secret dans sa tombe et éviter ainsi que d’autres malheureux ne fassent comme lui), l’histoire est plutôt philosophique qui pousse davantage à réfléchir qu’à frémir. C’est une histoire sombre dans son thème, pas dans sa représentation, car elle aborde des sujets sensibles sur l’existence, le manque d’amour, le rejet de la société basé sur les apparences et des préjudices, et l’apprentissage dans un monde souvent impitoyable… 

Mary Shelley aborde également divers thèmes qui se complètent ou s'opposent : la science et la religion - c’est au début dans un but louable de progrès que Frankenstein utilise la science pour apporter un bienfait à l’humanité, mais à se prendre pour Dieu, il provoque au contraire des effets néfastes ; la paternité et ses responsabilités (le rejet de Frankenstein, la Créature qui se retrouve sans personne pour la guider, et qui a dû apprendre à lire, parler, se nourrir, à survivre seule, ce qui était d'ailleurs intéressant à découvrir : son apprentissage et sa découverte du monde, et comment elle a du apprendre à s'en sortir seule et par quels moyens) ; les apparences et les préjugés ; la vertu et le vice.

Ce qui m’a également surpris dans ce roman, c’est l’omniprésence de la nature. Des plaines glacées et désertes du pôle nord aux hautes montagnes enneigées de la Suisse, la nature règne en maître dans l’histoire. Victor Frankenstein s’y réfugie souvent afin d’essayer de calmer ses tourments ou d’y réfléchir, et sa Créature s’y cache, loin du regard des hommes. Mary Shelley nous peint des paysages quasi idylliques de la Suisse et de la montagne, ses glaciers, ses lacs, ses plaines verdoyantes. Elle nous y fait voyager, et on devine sans peine qu’elle-même y a déjà voyagé souvent.

J'ai pris plaisir à découvrir ce roman et de connaître la véritable histoire de Frankenstein et sa créature, c'est un texte fascinant qui, même s'il est un classique, reste très accessible, avec une plume travaillée et fluide à lire et des thèmes bien trouvés.



La Créature, réclamant un câlin

Pourquoi respecterais-je l'être humain quand il me méprise ? Qu'il vive donc en harmonie avec moi. S'il y consentait, loin de lui nuire, je lui ferais tout le bien possible, et c'est avec des larmes de joie que je lui témoignerais ma reconnaissance. Mais cela ne peut être. Les sentiments des humains se dressent comme une barrière pour empêcher un tel accord. Jamais pourtant je ne me soumettrai à un aussi abject esclavage. Je me vengerai du tord que l'on me fait. Si je ne puis inspirer l'amour, eh bien, j'infligerai la peur, et cela principalement à vous, mon ennemi par excellence. Parce que vous êtes mon créateur, je jure de vous exécrer à jamais. Prenez garde ! Je me consacrerai à votre destruction, et je ne serai satisfait que lorsque j'aurai plongé votre cœur dans la désolation, lorsque je vous aurai fait maudire le jour où vous êtes né.