jeudi 23 juin 2022

L'incroyable voyage de Coyote Sunrise - Dan Gemeinhart.


Coyote, douze ans, vit avec son père Rodéo dans un vieux bus scolaire. Ensemble, ils sillonnent les États-Unis au gré de leurs envies, embarquant parfois quelques auto-stoppeurs à l'âme en peine.

Quand Coyote apprend que le parc de son enfance va être détruit, elle décide de tenter l'impossible : convaincre son père de traverser le pays en quatre jours pour arriver avant les bulldozers. Un défi de taille, puisque ce dernier a juré de ne plus retourner sur les lieux de la tragédie qui les a précipités sur les routes, cinq ans auparavant.

Mais le voyage est parfois plus important que la destination...



Depuis maintenant cinq ans, Coyote sillonne les États-Unis avec son père Rodéo, puis avec un chat roux nommé Ivan, dans un vieux bus scolaire qu’ils ont ré-aménagé comme étant leur lieu de vie. Ils sont sans cesse sur la route, voyageant au gré de leurs envies, prenant parfois des auto-stoppeurs. Leur petite vie tranquille est cependant bouleversée le jour où Coyote apprend par sa grand-mère que le parc de son enfance va être détruit. Dans ce parc est enfoui un bien très précieux que Coyote refuse de voir fauché par les bulldozers et décide coûte que coûte de retourner dans la ville où elle a grandi. Seulement, pour Rodéo, il est hors de question de retourner dans ce lieu chargé de souvenirs douloureux. Coyote doit donc élaborer un plan pour retourner chez elle sans éveiller les soupçons de son père…


C’est un roman road-trip très efficace, même si je déplore n’en avoir pas pris plein les yeux concernant tout le paysage naturel et culturel diversifié que peut offrir les États-Unis, bien que je conçois que Coyote cherche à tout prix à revenir dans la ville de son enfance le plus vite possible et qu’elle ne cherche donc pas à s’éterniser dans les lieux où ils s’arrêtent. Malgré tout, le roman nous offre une panoplie de personnages intéressants et les émotions sont bel et bien au rendez-vous !


Coyote est une héroïne plutôt adorable et attachante, généreuse et courageuse, un peu trop mâture pour son âge mais je mettrais ça sur le compte de la tragédie qu’elle a vécu si jeune dans sa vie. Elle forme un duo attachant avec son père Rodéo. On ne peut qu’être ému par le lien profond qui unit ces deux personnages. C’est plus qu’un lien père/fille, ce sont deux survivants qui sont la raison de vivre de l’autre, qui veillent et se protègent l’un l’autre, et qui feraient n’importe quoi pour l’autre et qui sont très complices, avec un petit grain de folie qui les rend attachants.


C’est un duo avec ses blessures et ses défauts, qui s’est crée une bulle en ignorant/fuyant un passé douloureux. Par un accord tacite, ni l’un ni l’autre ne doivent évoquer les fantômes de leur ancienne vie. De ce fait, certaines blessures sont encore vives car ils n’ont pas pris le temps de s’en occuper et ont préféré l’ignorer. Je pense notamment à Rodéo. Cela donne lieu à des scènes très touchantes entre le père et la fille. C’est plus qu’une histoire de road trip, c’est une histoire de deuil et comment accepter ce deuil et ses blessures. C’est parler des limites qui se sont posées et comment se réparer, comment faire face à ce qu’on a si longtemps fui et être en paix avec soi-même. Au fil du roman, on apprend petit à petit ce qui les a mené sur la route et pourquoi c’est si important pour Coyote (on devine d’ailleurs que Coyote et Rodéo ne sont pas leurs vrais noms) de revenir chez elle récupérer ce qui est enfoui dans le parc.


À ce duo vont se greffer une ribambelle de passagers qui vont rejoindre le bus petit à petit, chacun pour un motif différent. Fuir un mari et un père violent pour trouver une vie meilleure, quitter une famille homophobe, tout quitter pour rejoindre la personne que l’on aime et qui vit à l’autre bout du pays. Chaque passager a son histoire, sa richesse, ses secrets. Ce sont des âmes en peine écorchés par la vie mais toujours avec l’espoir d’un mieux. Grâce à une générosité et une entraide mutuelles, chacun va réussir à surmonter les épreuves difficiles. J’ai notamment beaucoup aimé l’amitié entre Coyote et Salvador, comment ils ont appris à se connaître, à se confier puis à s’entraider. Chacun va faire du bien à l’autre, l’aider dans son épreuve et ils ont des scènes très touchantes (je pense notamment à celle où ils se crient des secrets dans le vent, lorsqu’ils se retrouvent sur le toit du bus en marche).


L’arrivée de ces personnages permet d’aborder des sujets douloureux mais importants comme la violence familiale ou conjugale, l’homophobie, le deuil, etc. Je déplore toutefois certaines scènes assez irréalistes, notamment dans la façon de Coyote de persuader certains personnages d’embarquer avec elle dans le bus de son père et surtout la confiance rapide que ces personnages accordent à de parfaits inconnus. Même si au final, j’ai beaucoup aimé le voyage ainsi que la compagnie de chacun des personnages qui, avant d’embarquer, ont du répondre au test de Rodéo, répondre à trois questions : Quel est ton livre préféré ? Quel est ton endroit préféré ? Quel est ton sandwich préféré ? Mine de rien, ces réponses sont parfois révélatrices sur la personnalité de la personne.


De cette aventure, il se dégage beaucoup d’émotions et on en ressort grandi. Malgré les thématiques « graves » qu’il dégage, ce roman déborde de bienveillance et de dynamisme avec beaucoup d’émotion, de suspense, d’espoir, de tendresse et d’amitié. C’est une aventure triste mais tendre et profondément optimiste. Un joli roman pour l’été… et même après !


"Ça ne sert à rien de regarder derrière soi", répétait toujours Rodéo. Il repérait très bien quand j'étais en train de penser à elles - ma mère et mes sœurs. Je devenais silencieuse et triste. Il secouait la tête, les yeux humides. "Non, ma puce. Ne retourne pas là-bas. Ta gaieté, c'est ici et maintenant. Tu dois laisser tout le reste derrière toi." Mais je n'ai jamais réussi à le faire aussi bien que lui. Simplement, je le cache mieux, maintenant. Je suis devenue vraiment bonne pour regarder en secret ces souvenirs interdits. 

lundi 20 juin 2022

Joyland - Stephen King.



Après une rupture sentimentale, Devin Jones, 21 ans, débarque l’été 1973 à Joyland, petit parc d’attraction sur le littoral de la Caroline du Nord. Il est embauché avec d’autres étudiants pour compléter l’équipe de forains, à la fois étrange et joyeuse.  

Sa rencontre avec un petit garçon doué de voyance, atteint d’une maladie grave, et surtout de sa mère, va changer la vie de Devin. 

Obsédé par le mystère du train fantôme soi-disant hanté par le spectre d’une femme égorgée 4 ans auparavant, le jeune homme se lance dans l’enquête. Un nouveau meurtre est-il possible ? Parviendra-t-il à l’éviter ? Une chose est sûre, l’aventure le changera à jamais...




Qui aurait cru que lire Stephen King pourrait donner envie d'aller dans une fête foraine ou dans un parc d'attraction, sans y trouver de clown terrifiant (ceux-là sont dans les égouts…)



Son année scolaire terminée, Devin Jones, 21 ans, aspirant écrivain mais pas devin (oui avouons-le, c'est un jeu de mot terrible), cherche un job d'été. Alors qu'il prévoyait de rester auprès de Wendy, sa petite-amie, celle-ci le lâche pour aller travailler au loin avec son amie. C'est le cœur brisé et la tête remplie d'incertitudes que Devin postule chez Joyland, un parc d'attraction près de la côte, mêlant son quotidien à celui des forains, apprenant leur dialecte, vendant du rêve aux enfants sous le costume de la mascotte, et découvrant le mystère qui entoure la maison de l'horreur, cette attraction où une jeune femme a trouvé la mort…



Point d'horreur dans ce roman. Ici, le maître incontesté de l'horreur nous offre une histoire dans laquelle se mêlent nostalgie, un brin de fantastique, une petite intrigue policière mais surtout la tranche de vie d'un jeune homme qui va vivre des expériences qui vont lui apprendre à grandir, à mûrir. Ce n'est pas exactement un policier, l'enquête arrivant assez tardivement dans l'intrigue. C'est davantage un roman d'apprentissage rempli de nostalgie avec des pointes de mystère. Ajoutons à cela quelques notes d'humour avec, notamment, des personnages qui n'ont pas peur des répliques drôles ou sarcastiques.



J'ai aimé cette atmosphère de fête foraine avec ses forains et la parlure (langage forain inventé par l'auteur), les coulisses d'un parc d'attraction, ses manèges, ses visiteurs, comment les forains vendent du rêve aux visiteurs. C'est l'odeur des hot dogs et des barbes à papa, ce sont les cris des enfants, la musique des attractions. On baigne dans cet univers comme un poisson dans l'eau grâce aux descriptions plus vraies que nature.



Les personnages sont émouvants, on ressent pour eux beaucoup de tendresse. Je pense notamment au jeune Mike et sa maman, bien que Devin ne soit pas en reste. Ils sont terriblement humains et touchants. On retrouve bien-sûr l'aspirant écrivain qui mène l'enquête et l'enfant doté d'un pouvoir psychique, des figures fréquentes dans les romans du maître King. J'ai aimé la dynamique entre ces trois personnages et, malgré la méfiance compréhensive et initiale de la mère, les voir s'attacher et former un trio attachant. Le sort de Mike ne peut que nous toucher et la fin est un déchirement. Il y a un sentiment assez bittersweet dans cette fin, et on aurait voulu qu'ils restent ensembles tous les trois.



Il se dégage donc de cette histoire beaucoup de nostalgie (le fait que Devin raconte cette histoire des années plus tard ne fait que renforcer ce sentiment), d'insouciance, de légèreté mais avec les drames de la vie (la séparation, la mort, les illusions...). De la douceur dans ces souvenirs et le côté thriller/policier apporte une petite touche amère mais non désagréable. La présence d'une enquête relevée par un soupçon de surnaturel vient émoustiller la lecture. Si je regrette que l'enquête ne prenne finalement pas une grande place, je reconnais que ce n'est pas le but premier du roman et, bien qu'elle ne fasse pas frissonner [spoiler] sauf la fin où Devin est confronté au meurtrier et la fin sanglante de l'assassin [/spoiler], cette enquête est assez intéressante pour qu'on veuille découvrir le fin mot de l'histoire... Est-ce simplement une histoire de meurtre dans une attraction, ou est-ce lié à quelque chose de plus profond, de plus sinistre ?



Ce n'est pas un roman mémorable mais j'ai passé un bon moment de lecture. J'ai aimé ce mélange de policier et de roman initiatique, une enquête surnaturelle qui se mêle à des tranches de vie, les premières blessures de l'amour, l'innocence, l'intuition qui aide parfois à jeter ses pas plus facilement dans l'inconnu, la nostalgie, le souvenir d'un été qui bouleverse une vie, des expériences qui nous métamorphosent et nous aident à grandir...

 

Mon père m’avait appris – surtout par l’exemple – que pour se rendre maître de sa vie, un homme doit d’abord se rendre maître de ses problèmes.

Un océan d'amour - Grégory Panaccione et Wilfrid Lupano.



Chaque matin, Monsieur part pêcher au large des côtes bretonnes. Mais ce jour-là, c'est lui qui est pêché par un effrayant bateau-usine. Pendant ce temps, Madame attend. Sourde aux complaintes des bigoudènes, convaincue que son homme est en vie, elle part à sa recherche. 

C'est le début d'un périlleux chassé-croisé, sur un océan dans tous ses états. Une histoire muette avec moult mouettes.



C'est pas l'homme qui prend la mer, c'est la mer qui prend l'homme, comme le chantait Renaud !



Je n'attendais pas grand chose de cette lecture, mon jugement faussé par la couverture simple, avec des teintes marrons et semblable à une boîte de sardines. Pourtant, Un Océan d'Amour se révèle être une jolie petite pépite dans le domaine de la bande-dessinée !



Un océan d'amour raconte l'aventure extraordinaire que vivra un couple breton. Monsieur est un pêcheur, tout petit et gringalet avec des grosses lunettes. Madame est un peu plus grande et bien en chair, avec sa traditionnelle coiffe bretonne. Alors que Monsieur part pêcher, lui et sa petite embarcation sont happés par un véritable colosse, un énorme cargo pollueur qui surpêche le poisson. Sur la terre ferme, Madame refuse de croire à sa mort et décide de partir à sa recherche contre vent et marrées. Au bord d'un paquebot de croisière où elle se fera remarquer, son odyssée la mènera jusqu'à Cuba tandis que Monsieur verra son errance en mer interrompue par une mouette peu farouche, des pirates et encore bien d'autres choses...



C'est une bande-dessinée muette, sans paroles. Ce n'est pas un handicap pour l'histoire comme pour l'auteur car ce dernier parvient avec justesse à faire retranscrire à ses personnages une multitudes d'émotion et à nous faire comprendre ce qu'il se passe par des gestes, des pensées et des émotions. Pour compenser l'absence de bulles, les dessins sont très expressifs. On se focalise aussi bien sur des petits détails que sur de grands cadres pour renforcer l'idée de paysages ou de passages incroyables, ce qui donne parfois de très jolies planches, notamment celles où l’on peut admirer la mer.


C'est une histoire qui lie avec justesse humour, poésie et aventure, tout en évoquant des problèmes écologiques tristement encore et toujours d'actualité : la surpêche, au détriment de la pêche locale ou encore les cargos pollueurs déversant pétrole et essence dans l'océan, détruisant la faune et la flore.



Quelques scènes nous renvoient également au monde ultra-consumériste dans lequel on vit, les médias, le régime de dictature de Cuba, le paraître... toutes ces choses au travers desquels notre couple passe, sans jamais rien changer dans leur petite vie tranquille et leurs habitudes. C'est aussi donc une ode à une vie simple à laquelle on s'attache, des petites habitudes. C'est aussi la Bretagne avec ses crêpes, sa dentelle, sa culture marine.



Si le scénario semble assez classique : un marin disparu en pleine mer et sa femme partie à sa recherche, notre couple vit tout un tas d'aventures cocasses, drôles, extraordinaires et parfois invraisemblables ! Monsieur qui se lie d'amitié avec une mouette qui lui apporte du poisson cru à manger ou lui donne des coups de bec quand il fait des bêtises, Madame qui devient célèbre et se fait aimer de tout un paquebot de luxe grâce à ses talents dans la dentelle, Monsieur et son incroyable rencontre avec des pirates, Madame bravant le régime de Cuba pour lancer des avis de recherche, etc. Invraisemblable, pourtant ça fonctionne !



Il est difficile de ne pas se prendre d'affection pour ce vieux couple que tout oppose mais profondément attachés l'un à l'autre, que l'on suit chacun leur tour dans leur voyage.



Une histoire tendre et humaine avec un couple attachant, une aventure rocambolesque dans laquelle on se laisse porter facilement et qui est dépaysante, qui donne bien envie de déguster une bonne crêpe bretonne !


Heartstopper - Alice Oseman


Ceci est l'histoire de deux lycéens. Nick, le rugbyman au sourire solaire. Charlie, le musicien au coeur solitaire. Parce qu'ils évoluent dans des cercles différents, parce qu'ils n'ont pas le même caractère, leur amitié n'était pas gagnée. 

Pourtant, petit à petit, de façon irrésistible, Charlie tombe amoureux. Même s'il sait que Nick aime les filles. Même s'il sait qu'il n'a aucune chance. Alors, pour ne pas mettre en péril cette amitié naissante qui compte pour lui plus que tout, Charlie préfère garder le silence...



Je débarque après la tempête ! Eh oui, il a fallu que Netflix adapte cette série de comics pour que je m'y intéresse enfin ! Pourtant, si je n'avais pas décidé de tromper l'ennui en regardant cette série, jamais je ne me serais intéressée à Heartstopper. Bien mal m'en a pris !



Les romances au lycée, c'est du vu, vu et revu ! On ne sait plus les compter ! Une romance homosexuelle au lycée, c'est déjà un peu moins fréquent, même si on retrouve le cliché du garçon populaire et sportif du lycée et de l'autre garçon plus discret et un peu un paria. J'admets que ce sont ces clichés qui m'ont apporté des réticences à lire ces comics, avant l'adaptation Netflix. Pourtant, la formule fonctionne et c'est une véritable lecture doudou que nous offre Alice Oseman.



Les personnages sont aussi attachants les uns que les autres. Charlie, homosexuel qui a été "outé" malgré lui et qui a subi du harcèlement à cause de sa différence, introverti, manquant de confiance en lui, qui a tendance à trop s'excuser et à trop réfléchir et ressasser. Nick, véritable golden retriever humain, sportif, amical, bienveillant et ouvert d'esprit. Voisins de table, ils vont peu à peu se découvrir en passant du temps ensemble, d'abord en classe puis en dehors de l'école alors que se tissent des liens d'amitié. L'auteure prend vraiment le temps de construire leur histoire : ils passent du temps ensemble, s'envoient SMS sur SMS, s'amusent, s'entraident, se dévoilent l'un à l'autre. Charlie finit par tomber amoureux mais préfère taire cet amour pour ne pas gâcher son amitié avec Nick. Ce dernier réalise progressivement qu'il ressent une attirance pour Charlie qui va au-delà de l'amitié, mais ne sait comment gérer ses sentiments, lui qui s'est toujours cru hétérosexuel.






Si Charlie n'a aucun doute sur ce qu'il ressent pour Nick et qu'il est entouré d'une famille et d'amis qui sont conscients de son orientation, avec bienveillance, ce n'est pas le cas pour Nick qui s'interroge sur ses sentiments et qui, s'il accepte ses sentiments pour Charlie, est un peu plus dans le flou. Il se s'y retrouve pas. Quelle est son orientation ? Quel mot mettre sur ce qu'il est ? Où chercher ? À qui demander ? Vers qui se tourner ? Peut-il se confier à ses amis et sa famille, comprendront-ils ? Des questions légitimes qui chamboulent Nick. J'ai beaucoup aimé suivre ce questionnement, il est amené avec beaucoup de délicatesse et cela démontre bien l'importance de découvrir son identité, s'éduquer, en parler... J'espère que cela pourra aider adolescents comme adultes concernés par le sujet.



Outre la romance, c'est une relation très positive qui se noue et qui va apporter du soutien et du positif dans la vie de l'autre. Nick est une solide épaule sur laquelle Charlie peut se reposer face au harcèlement, notamment, et fait comprendre à Charlie qu'il ne faut pas toujours s'excuser automatiquement et qu'il n'a pas à trouver "normal" ou "banal" son harcèlement, qu'il n'a pas à s'y faire car ce n'est pas normal. Charlie est une présence rassurante et compréhensive pour Nick alors qu'il se cherche, lui laissant le temps de se découvrir et d'annoncer petit à petit son orientation à son entourage.




L'histoire s'accompagne d'autres personnages : Tara en couple avec la pétillante Darcy, Tao l'ami de Charlie qui est très protecteur avec lui et tout d'abord méfiant vis-à-vis de Nick, Elle qui est l'amie de Tao et de Charlie et qui a été transférée dans une école pour filles après sa transition de genre. La famille des protagonistes ne sont pas non plus en reste. Au fil de la série, le cercle des personnages s'élargit, diversifiant le récit. Certaines personnes parleront de personnages clichés, je trouve que c'est plutôt nuancé avec Nick qui s'éloigne de l'image habituelle que l'on se fait des sportifs, ou encore Charlie, malgré son côté geek et son corps chétif, va s'avérer bon en rugby.


Heartstopper aborde aussi des questionnements importants sur l'amour, l'amitié, les relations enfants/parents, l'acceptation de soi mais aussi de sa sexualité, la difficulté du coming out, le harcèlement scolaire. Il véhicule des messages importants sur l'estime de soi, la tolérance, l'ouverture d'esprit, mais aussi et surtout le fait que l'amour ne sauve pas. On ne peut pas toujours aider ceux qu'on aime car ce n'est pas forcément le rôle du partenaire (il faut s'adresser à la famille, ou à un professionnel) mais qu'on peut être présent dans les bons comme dans les mauvais moments, et prêter une oreille attentive.



La série évoque aussi les troubles alimentaires, la mutilation, l'aide psychologique et... c'est là où ça a coincé. Alors que j'étais enchantée par les trois premiers tomes, je dois avouer que le quatrième est celui que je préfère le moins... Je dois être l'une des rares d'ailleurs ! Bien qu'il est important d'aborder ces thèmes et de quelles façons on peut demander de l'aide, j'ai trouvé que cela plombait et noircissait le récit. Certes, Heartstopper abordait au départ des thèmes comme le harcèlement, la peur du regard des autres et la difficulté du coming out, mais cela n'altérait en rien la douceur, la légèreté et l'optimisme du récit. Ici, le quatrième tome se penche trop sur les problèmes de santé mentale de Charlie, au détriment du récit qui, s'il reste tendre et optimiste, donne au récit une touche bien amère. Ça brise vraiment le schéma habituel de Heartstopper. Pour le mieux, diront la plupart des lecteurs. Je ne suis malheureusement pas de cet avis. La BD qui a toujours été légère, mignonne, réconfortante... bref, une lecture cocooning... s'est assombrie dans ce tome. Or, quand je lis Heartstopper, c'est pour trouver quelque chose de léger, de chaleureux, d'optimiste, et j'ai moins eu cette impression. Oui, c'est important d'en parler mais il y a déjà bien assez de drame et de tragédie dans les fictions Young Adult.



Un autre point à m'avoir chagriné est que, même si l'histoire se centre sur Charlie et Nick, c'est davantage l'histoire de Charlie qui est mise en avant, surtout dans le tome quatre. Alors certes, son histoire est importante, d'autant plus que c'est le personnage qui souffre le plus de ses problèmes, mais j'ai regretté de voir Nick autant passer en retrait, car lui-aussi a des choses à raconter, lui-aussi a ses difficultés (un père quasi absent, un frère qui le rabaisse sans cesse) mais tout ceci est traité bien trop vite. Idem pour les autres personnages qui méritent d'être un peu plus mis en lumière.



Image tirée de la série


Néanmoins, Heartstopper est une lecture qui fait du bien au moral, avec des personnages attachants, un trait doux et aéré, une histoire simple, loin des affres et de la violence de ce monde (même s'ils vivent des désagréments). C'est une histoire très emprunte de modernité, avec l'omniprésence des téléphones portables, nos personnages s'envoyant une vague de SMS lorsqu'ils ne sont pas ensembles, la présence du langage d'internet, différentes fictions, etc.



C'est également une lecture qui parle et nous interroge, abordant des sujets souvent épineux de cette période compliquée qu'est l'adolescence où des milliers de questions envahissent l'esprit. C'est une bonne représentation LGBT pour les jeunes comme pour les adultes qui cherchent à comprendre leur sexualité et pour l'acceptation des autres. Il n'y a rien de vulgaire, ni de sexuel. C'est à la fois attachant et optimiste, malgré les thèmes parfois compliqués qui sont abordés.



En bref, Heartstopper est un bonbon de tolérance et de modernité. Une bande-dessinée tendre qui fait beaucoup de bien. C'est beau, c'est touchant, ça fait du bien. Un bijou de tendresse et d'émotion.

mercredi 8 juin 2022

L'île au trésor - Robert Louis Stevenson


Tout va changer dans la vie du jeune Jim Hawkins le jour où le « capitaine », un vieux forban taciturne et grand amateur de rhum, s'installe dans l'auberge de ses parents. Jim comprend vite qu'il ne s'agit pas d'un client ordinaire. 

Ses soupçons se confirment lorsqu'un effrayant aveugle vient apporter au marin la tâche noire, symbole des pirates et synonyme de mort. Le jeune garçon se lance alors dans une périlleuse chasse au trésor.



Yoho, Yoho, a pirate's life for me ! 

... comment, c'est pas la bonne fiction ? 


Pour quelqu'un qui dit aimer la mer et s'intéresser aux histoires de pirates, je n'ai étonnamment rien lu à ce sujet jusqu'à présent, et je suis heureuse que le Ice Cream Summer Challenge m'ait motivé à découvrir enfin ce classique. Ce fut une belle surprise et une bien sympathique lecture ! J'écume les magasins et les sites internet à la recherche d'une adaptation de ce roman à me mettre sous la dent, après en avoir visionné quatre jusqu'à présent, pour dire à quel point je me suis attachée à l'histoire !


L'histoire nous est narrée par le jeune Jim Hawkins qui gère l'auberge L'Amiral Benbows tenue par ses parents et chez laquelle un vieux marin nommé Billy Bones a trouvé refuge. Méfiant et paranoïaque, il semble redouter l'arrivée d'un homme à une seule jambe et demande au jeune Jim de garder l'œil en échange d'un peu d'argent. Si aucun unijambiste ne vient perturber son séjour, Billy Bones est pourtant retrouvé par ses anciens camarades, dont un vieil aveugle qui lui remet la tâche noire, signe de mort chez les pirates. Son effroi face à ce macabre présent et une santé déjà fragilisée par une surconsommation d'alcool ont vite raison de Bones.


En fouillant dans les affaires du mort, Jim découvre une carte au trésor et comprend vite que des personnages bien plus sinistres que l'aveugle comptent retrouver Billy Bones et récupérer la carte par tous les moyens. Fuyant l'auberge avec sa mère, Jim trouve protection auprès du docteur Livesey et de Trelawney, le châtelain, qui s'intéresse de près à la carte de l'île sur laquelle le célèbre pirate, feu capitaine Flint, aurait dissimulé son trésor après avoir tué une partie de son équipage pour garder le secret. Désirant partir à la recherche de ce trésor, Trelawney s'entoure du docteur Livesey et fait de Jim un mousse, et décide de mettre tout en œuvre pour trouver un navire et composer une équipe pour partir à l'aventure... mais Trelawney ne sait pas tenir sa langue et très vite, la nouvelle d'une expédition pour le trésor de Flint parvient à des oreilles indiscrètes, notamment celles de pirates ayant fait partie de l'équipage de Flint...


Carte de l'île au trésor
(Cliquez ici pour une meilleure qualité)



J'ai pris beaucoup de plaisir à lire ce roman, même si rien ne le présageait au départ, notamment avec ses quelques longueurs (notamment au début). C'est un véritable roman d'aventure sur fond d'histoire de pirates et de chasse au trésor. C'est le dépaysement assuré avec son île au sable chaud et doré, son soleil brûlant, les oiseaux qui hurlent, des squelettes qui s'accompagnent au paysage, sans oublier le vocabulaire marin et de la piraterie. 


Cette histoire nous est contée par notre protagoniste, Jim Hawkins, relayé parfois par le docteur Livesey quand Jim n’assiste pas à des évènements nécessaires à l’avancée du récit. Pourtant, j’ai senti une réelle différence. Là où Jim offrait un récit rythmé, cette deuxième voix narrative a quelque peu alourdi le récit. Si les péripéties ne manquaient pas, il me tardait de retrouver la voix de Jim.






Si l'intrigue est assez simple, à savoir la chasse au trésor, elle reste assez plaisante pour qu'on s'intéresse à l'histoire et que les pages se tournent avec plaisir. J'ai aimé cette histoire de trésor, caché par le capitaine Flint, qui est mort sans avoir livré son secret, et voir d'autres pirates, anciens compagnons de Flint, traquer ce trésor tout en étant hantés par le souvenir de Flint qui plane comme un spectre au-dessus de leurs têtes sitôt ils ont posé un pied sur l'île. R.L. Stevenson n'est pas avare en scènes d'action : mutinerie, combat entre l'équipage du navire et les pirates qui s'y sont infiltrés, course poursuite sur le navire ou sur l'île hostile, les efforts déployés pour survivre sur une île quand on est acculé par des pirates, la chasse au trésor bien-sûr, etc.


Les personnages ne sont pas en reste. Long John Silver est, de loin, le meilleur personnage du roman, celui qui m'a le plus passionné. Son comportement toujours ambigu, son courage, sa soif d'or, sa violence de pirate, mais ses codes d'honneur, sa sagesse, son intelligence, ses qualités d'orateur se mêlant à son vocabulaire de marin et de pirate, sa ruse. Il est roublard, trompeur mais tellement charismatique et sympathique, si bien qu'on espère qu'il s'en sorte, bien qu'il soit pirate. J'ai beaucoup aimé sa relation avec Jim Hawkins, le début d'amitié qu'ils tissent avant que tout ne bascule, et malgré la méfiance que Jim lui porte par la suite, il lui reconnaît ses qualités, sait qu'il ne peut compter que sur lui lorsqu'il se retrouve en compagnie des pirates, et souhaite même qu'il échappe à la justice.


Le protagoniste, Jim, n'est pas en reste. C'est un personnage plaisant à suivre, débrouillard, sensible, qui brave les dangers malgré ses peurs et qui mûrit au fil des pages. Je regrette qu'il n'ait rien dévoilé sur son devenir à la fin du roman, et qu'il s'est contenté de raconter ce qu'il était advenu des autres personnages, bien qu'il révèle être toujours hanté par l'île et ses fantômes. Les autres personnages sont corrects dans l'ensemble, se révélant plein de ressources, tels le capitaine Smollett, le Dr Livesey ou encore Trelawney, bien qu’ils auraient mérité un peu plus de développement afin qu’on puisse mieux s’attacher à eux.



Long John Silver, par Lorenzo Nuti sur Tumblr (Lien)


Les rebondissements ne manquent pas, des secrets se dévoilent, l'action est au rendez-vous, l'humour aussi ! Je repense encore à la scène où [spoiler] le capitaine Smollett prétend ne pas connaître le capitaine Silver, tout en sachant très bien que le pirate a pris sa place de capitaine, ou lorsque Silver se tire d'un mauvais pas parce que les pirates ont arraché la page d'une Bible [/spoiler]


Si je devais reprocher quelque chose au roman, outre quelques longueurs, c’est le vocabulaire de la marine et des pirates qui est parfois un peu complexe sans parler de l'emploi du subjonctif et autres temps littéraires. Le livre est supposé être un roman d’aventure pour la jeunesse, mais la lecture peut s’avérer laborieuse pour un jeune public. Même du haut de ma petite trentaine d’années, j’ai eu un peu de mal par moment, mais on ne peut pas nier que les aventures proposées ne peuvent que plaire à un jeune public.


Pour résumer : un bon roman d'aventure avec des pirates, une île mystérieuse et une chasse au trésor qui s'annonce comme la lecture idéale pour tout friand d'aventure, de pirates ou tout simplement pour bien se préparer pour l'été.


Je te le dis, je n'ai encore rien vu de bien sortir de la bonté. Celui qui frappe le premier a raison. Les morts ne mordent pas.


lundi 6 juin 2022

[Bilan] Blossom Spring Challenge 2022


L’été approche à grands pas, sonnant le glas du Blossom Spring Challenge (et non le Spring Blossom Challenge comme je fais souvent l'erreur de l'écrire...), un challenge saisonnier auquel j'ai participé pour la première fois cette année. Comme j'essaye de le faire avec les autres challenges, voici le petit bilan de fin.




- Les fleurs de grand frère, de Gaëlle GenillerUne jolie histoire, courte et sans prétention, emprunte de fraîcheur, tendresse et sagesse. Une jolie ode aux fleurs et comment les écouter et prendre soin d’elles, avec comme parallèle l’acceptation de soi. Un brin fantastique (les fleurs qui poussent sur un petit garçon et qui lui parlent dans sa tête), poétique et printanier. Les dessins sont très doux et colorés. Une jolie petite lecture.


- Malgré tout, de Jordi LafebreJ'ai beaucoup moins été émerveillée après toutes ces critiques élogieuses, mais j'ai passé un bon moment. Une jolie romance au contexte original de compte à rebours qui m'a un peu rappelé "Une merveilleuse histoire du temps" tout en lyrisme. C'est poétique, avec de la tendresse, de la mélancolie, avec des dessins doux et expressifs. Jolie lecture mais non mémorable (après, la romance n'est pas un genre littéraire que je cherche activement à lire, hormis dans les fanfics haha).


Tant pis pour l'amour : Ou comment j'ai survécu à un manipulateur, de Sophie Lambda : Quelle claque ! Une BD très intéressante et complète dont on ne ressort pas indemne. C’est poignant avec des dessins très expressifs et de l’humour pour apporter de la légèreté à ce lourd témoignage. J’ai eu un peu de mal avec la fin de la BD qui diffère du format récit mais l’auteure nous livre des techniques très utiles pour reconnaître un manipulateur narcissique et les stratégies pour l’éviter.



- Peur sur le lac, de Katherine Arden : un troisième tome très sympathique, même si en dessous par rapport aux deux premiers tomes. Cela dit, j'ai passé un très bon moment de lecture et je n'ai pas lâché le livre avant d'être arrivé à la fin, et quelle fin ! Beaucoup de frisson, d'amitié et de rebondissements !


Bambi, de Félix Salten et Benjamin Lacombe : un conte magnifique, tant au niveau de l'histoire que des illustrations ! Une véritable ode à la nature et ses animaux, le cycle de la vie, les saisons. J'ai beaucoup aimé découvrir l'histoire d'origine de Bambi.


La momie, de Anne Rice : pas un roman bien mémorable malheureusement, alors que les ingrédients étaient réunis pour me plaire. Si l'idée de départ est intéressante, ainsi qu'une partie du roman, je n'ai pas été longtemps charmée et je n'ai pas réussi à m'attacher aux personnages.



- L'art d'aimer, de Ovide : je ressors mitigée de cette lecture. D'un côté, c'est intéressant de découvrir la Rome antique à travers les mots d'Ovide, sur l'amour et la séduction à son époque. D'un autre côté, j'ai trouvé son texte souvent bien misogyne et qui fait également souvent mention d'une séduction forcée sur les femmes. Peut-être s'agit-il d'une parodie que l'auteur fait des mœurs de son temps, peut-être n'ai-je pas tout à fait compris l'humour et les subtilités du texte... je l'ignore.


- La mort dans les nuages, de Agatha Christie : un roman policier cozy et efficace. Agatha Christie ne déçoit jamais. Le cadre du crime est original et l'enquête très plaisante. Un agréable moment de lecture en compagnie de Monsieur Poirot !


- Les 101 dalmatiens, de Dodie Smith : un roman jeunesse plutôt sympathique et qui communique surtout à merveille l'amour des chiens de l'auteure, et qui montre bien à quel point la compagnie d’un animal est bénéfique et à quel point les animaux peuvent être capables et intelligents. L’écriture est plaisante avec sa touche anglaise et son humour tendre. Toutefois, si j'ai aimé découvrir le roman d'origine, je n'en garderai pas de souvenir mémorable... 




Bergères guerrières - Jonathan Garnier et Amélie Fléchais : une très jolie découverte ! Malgré une fin expéditive, cette bande-dessinée a su me tenir en haleine avec son intrigue, ses personnages attachants, et des thèmes comme l’acceptation de soi, le courage, l’amitié, le dévouement, la bienveillance ou encore la loyauté, le tout dans un univers sombre, mystérieux et celtique.


- Les Secrets de Dumbledore : Un film qui réussi mieux que son prédécesseur, malgré quelques faiblesses scénaristiques. J'ai passé un agréable moment devant ce film. Les décors, musiques, costumes et effets sont magnifiques, le casting principal reste très attachant, l'intrigue tient la route, et que dire de Mads Mikkelsen et Jude Law qui volent la vedette ?


- Moi les hommes je les déteste, de Pauline Harmange : Un essai instructif et percutant qui comprend une vraie réflexion autour du mal qu’engendre le patriarcat à la société, la trop grande place des hommes dans cette dernière, la charge mentale, le sexisme ordinaire et autres sujets. Malgré son titre polémique, il ne s'agit pas d'un texte scandaleux qui appelle à cramer les hommes. Non, c’est une simple explosion du ras-le-bol de l'auteure, sans que le ton soit agressif ou haineux.


Les comptes à la loupe


Livres prévus : 11 + un film
Livres lus : 11 + un film


Le mot de la fin


Outre un changement de roman en cours de route, j'ai réussi à terminer le challenge dans son intégralité et avec la PAL prévue au départ, ce dont je suis plutôt fière, même si je n'ai toutefois pas eu de découverte sensationnelle au cours de ce challenge, hormis le film que j'attendais déjà depuis quelques années. Néanmoins, ce fut un plaisir que de participer à ce challenge, et je pense participer à l'édition de 2023 !



Mon t
op 3 

BambiF. SALTEN

- Bergères guerrièresJ. GARNIER et A. FLECHAIS
- Les animaux fantastiques 3 : Les secrets de Dumbledore