mardi 29 mai 2018

L'agence Barnett et cie - Maurice Leblanc.


Les enquêtes de l’inspecteur Béchoux piétinaient. Surgit un détective privé, de l’agence Barnett et Cie, qui, en un clin d’œil, démasque le coupable, sauve les innocents… et tout cela gratuitement ! 
Arsène Lupin, il n’y a que lui pour réussir ces exploits, oublierait de se payer, resterait insensible aux jolies choses ? Charité bien ordonnée commence par soi-même. Lupin sait mieux que personne où trouver l’argent et les objets de valeur, un fabuleux collier de perles, une lettre d’amour du roi George IV, une lettre de chantage, un titre de propriété



Je poursuis ma découverte des aventures d'Arsène Lupin, avec un recueil de nouvelles cette fois-ci, à l'instar qui s'inscrivent dans le même contexte : Arsène Lupin, s'étant pendant une période, reconverti en détective privé, résout des enquêtes là où la police échoue, en compagnie de l'inspecteur Béchoux.

Arsène Lupin, détective ! On peut penser que ça ne tient pas debout et que cela va à l'encontre du personnage, voir qu'Arsène Lupin en détective rendrait le personnage moins intéressant et lui ferait perdre ses couleurs. Il n'en est rien. On retrouve un Arsène Lupin futé, observateur, rugueux, toujours avec cette gaieté juvénile qu'on lui connaît bien... et toujours aussi coureur de jupons [spoiler] allant jusqu'à l'ex-femme de Béchoux, je peux comprendre que celui-ci ait refusé de le revoir pendant un long moment ! [/spoiler] Détective oui il l'est le temps de quelques nouvelles, mais non sans s'amuser aux dépens de l'inspecteur Béchoux. En effet, au fil de ces nouvelles, Lupin sous l'identité de Jim Barnett aide Béchoux à résoudre des enquêtes où la police piétine et l'aide à y voir plus clair. Seulement, il ne serait pas Lupin sans son sens de l'humour, et Lupin s'amuse ! Il aime le faire sortir de ses gongs, le laisser perplexe… Pire, non content de résoudre les enquêtes de Béchoux, il lui en laisse le crédit et se paie de ses efforts… en détroussant les coupables au passage, comme la nouvelle des Douze Africaines le résume si bien : "Barnett châtiait les coupables et sauvait les innocents, mais n’oubliait pas de se payer. Charité bien ordonnée commence par soi-même." ! Car oui, malgré tout, sous l'apparence du détective privé, le voleur sommeille toujours !

Ce recueil est aussi une occasion pour l'auteur d'introduire un nouveau personnage : l'inspecteur Théodore Béchoux qui, ma foi, m'a l'air assez sympathique (même si j'aurais souhaité le voir davantage efficace dans les nouvelles... il n'est pas dénué d'intelligence et de ressources, mais ici il m'a plus fait penser à un Watson ou inspecteur Lestrade ; j'aurais voulu qu'il puisse aussi parfois résoudre les enquêtes... au moins en même temps que son compagnon), mais ce qui m'a le plus intéressé, c'est la relation entre Lupin et Béchoux. On sent que ces deux-là ont une histoire, puisque Béchoux connaissait déjà Lupin (ou du moins, l'a déjà rencontré) avant que Lupin ne devienne Jim Barnett [spoiler] et que Béchoux ne découvre qui exactement est Barnett [/spoiler], et que Lupin soit familier avec lui ; ils se tutoient, il aime le taquiner, et il éprouve une affection sincère pour lui :


« Jim Barnett s’empressa autour de lui, le saisit affectueusement par les épaules, lui serra la main, et, avec une délicatesse charmante, lui épargna les humiliations de la défaite. Ce ne fut pas l’entrevue du vainqueur et du vaincu, mais la réconciliation de deux camarades."En vérité, mon vieux Béchoux, le petit malentendu qui nous séparait me peinait infiniment. Deux copains comme nous, adversaires ! Quelle tristesse ! Je n’en dormais plus." » Chapitre V - Les Douze Africaines de Béchoux.


Et Béchoux, même si sa conscience de policier se reproche ses relations cordiales avec Barnett et et s'indigne d'être le collaborateur et l’obligé de ce dernier, il reconnaît ses qualités et il sait qu'il est efficace et qu'avec lui, les choses seront vite réglées. Cette relation a du potentiel, et je serais curieuse d'en savoir plus sur eux et leur histoire. À l'inverse de mon chouchou, Isidore Beautrelet, Théodore Béchoux est présent dans d'autres aventures d'Arsène Lupin, ainsi j'aurais la certitude de le retrouver, et j'avoue que je serais curieuse de découvrir ses prochaines interactions avec Lupin, car ces deux-là ont une dynamique intéressante !

Je n'ai pas grand chose à dire sur les nouvelles... elles restent sympathiques dans l'ensemble, mais pas mémorables. Elles n'ont rien de transcendant, mais l'humour est bien présent, et nous avons pas mal de situations croustillantes ! C'est rythmé, et ça va au vif au sujet, sans se perdre dans des descriptions, et le style de Leblanc reste efficace et agréable ! En bref, un recueil plutôt sympathique, mais sans plus, mais qui présente un personnage de l'univers Lupin et introduit une bonne dynamique entre nos deux personnages centraux !


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samedi 26 mai 2018

Le Bouchon de Cristal - Maurice Leblanc.


Quel intérêt peut avoir ce bouchon de cristal que tant de gens veulent posséder par tous les moyens, y compris le meurtre ? 
Le plus difficile dans une affaire, nous dit Arsène Lupin, souvent, ce n'est pas d'aboutir, c'est de débuter. En l'occurrence, par où débuter? Quel chemin suivre ? Sans rien connaître, sans savoir quelle partie était jouée, quelles étaient les cartes et qui tenait l'enjeu, Arsène Lupin se jette au plus fort de la bataille. Mais l'adversaire se révèle très vite redoutable et Arsène Lupin est plusieurs fois renvoyé à la case départ. 
Le jeu sera impitoyable, le suspense poignant.
Arsène Lupin, le gentleman-cambrioleur, l'éternel séducteur, l'insolent, réussira-t-il à déjouer les forces du mal et de la haine ?



J'avais envie de faire de nouveau connaissance avec l'ami Lupin, et on m'avait conseillé (coucou gentlemanlupin;)) ce titre. Ainsi, je me suis lancée dans l'aventure, sans trop savoir à quoi m'attendre.

Nous retrouvons Arsène Lupin alors qu'avec ses complices, il organise un vol dans une villa. Vol qui tourne mal car, contre toute-attente, ils ont été surpris par un domestique. Arsène Lupin n'a pas le choix : il doit fuir ! Fuir, mais voilà ses deux complices, le jeune Gilbert, et Vaucheray, ont été arrêtés puis emprisonnés, mais pas avant que Gilbert n'ait réussi à donner à Lupin un bouchon de cristal dérobé à la villa. Arsène Lupin est déconcerté par cet objet qu'il croit sans valeur… et l'est encore plus lorsqu'on lui vole à son tour le bouchon ! Qui a osé voler le gentleman cambrioleur, et quelle valeur a exactement ce bouchon ? Mais Lupin a aussi une autre préoccupation : libérer ses deux complices avant qu'ils ne soient exécutés pour leurs crimes, et ces deux missions s'avèrent être plus compliquées qu'au départ…

Face à lui, Arsène Lupin a un adversaire de taille. Daubrecq, député de son état, et sans doute l'un des méchants les plus détestables qui m'ait jamais été donné de lire ! Horrible et intelligent, Daubrecq parvient à mettre en déroute Lupin de nombreuses fois, prévoyant parfois tout jusque dans les moindres détails, et traitant ses adverses à la fois avec moquerie et nonchalance, mépris. Maître-chanteur, nourrissant des projets de vengeance et de complot, Daubrecq est un méchant qui remplit bien son rôle : brillant et détestable à souhait. Tout au long du roman, je l'ai maudit, détesté, souhaité sa défaite… et une mort dans d'atroces souffrances, et combien de fois ses apparitions surprises m'ont fait pousser des exclamations d'horreur, et me faire dire : « Mais quand est-ce qu'il crèèèèèèèève ? ». En bref, Daubrecq est un antagoniste efficace et horrible à souhait, mais qui n'est pas juste méchant. Il est rusé et prévoyant, et il est jusqu'à présent l'un des adversaires les plus terribles qu'Arsène Lupin ait eu à affronter.



Ça résume assez mon ressenti sur Daubrecq !


L'un des points forts du roman, c'est la relation entre Arsène Lupin et son complice, Gilbert. Il a une connexion qu'il n'a pas avec Vaucheray, et c'est en partie du à son jeune âge et bien qu'il n'apparaisse pas souvent au cours du roman, Gilbert se révèle être une figure pour qui on se prend en sympathie. Gilbert est un jeune homme insouciant, gai, naïf, franc, mystérieux par son passé qui se dévoile petit à petit au cours du roman. Mais par dessus-tout, c'est un jeune homme dévoué à Lupin pour qui il serait prêt à tout. Jamais il ne cesse d'avoir confiance en lui, au « patron » qu'il admire et c'est cette dévotion qui émeut énormément Lupin qui redouble d'efforts pour essayer de le sauver et lui éviter l'échafaud. On voit que très peu Gilbert au final, mais Maurice Leblanc nous le dépeint, ainsi que sa relation avec son patron, à travers Arsène Lupin qui fait tout ce qui est en son pouvoir pour sauver ses complices et surtout le jeune Gilbert pour qui il a beaucoup d'affection. Et c'est poignant, car Lupin connaît des hauts et des bas dans cette affaire, et surtout des bas, et il en souffre, il pleure, il s'agite car il pense ne pas arriver à temps pour sauver Gilbert et qu'il l'a failli. Arsène Lupin est vraiment très humain dans cette histoire, et on a mal avec lui.


L'édition de Bibliothèque Verte
qui illustre bien le roman
Pour tout dire, j'ai stressé pendant tout le roman et je n'ai pu le lâcher qu'une fois l'affaire terminée. C'est un roman avec beaucoup d'intrigues et de rebondissements, on a à peine le temps de se reposer qu'un nouveau rebondissement prend place et, pour moi, la victoire de Lupin n'était pas acquise… pour tout dire, j'ai beaucoup hésité sur l'issue de ce roman. Pour la première fois depuis que j'ai commencé la série, j'ai eu peur, j'ai angoissé, j'ignorais si le roman allait avoir une fin heureuse ou pas, si Gilbert allait s'en sortir, si Daubrecq allait faire un coup de lâche au moment où l'on croit la victoire acquise par Lupin [spoiler] au final, Gilbert s'en est sorti et mon petit cœur a pu se calmer… j'ai vraiment craint pour lui ! Je pensais qu'il allait finir guillotiné, ou que Lupin ait réussit à le gracier mais que Daubrecq aurait fait un coup vache, comme tirer sur lui au moment de sa libération ! Je n'ai pas du tout été tranquille pendant ma lecture xD [/spoiler]. Le suspense était bel et bien là, et c'était haletant ! Car l'affaire va au-delà de l'histoire autour d'un simple bouchon de cristal… c'est une histoire contre la montre, pour sauver les complices de Lupin, c'est une histoire de vengeance et de coups bas, un formidable jeu d'échec qui nous met en doute sur l'issue du jeu et à qui appartiendra la victoire [spoiler] même si je devais me douter que Leblanc n'allait pas faire échouer son héros… mais heureusement, la fin ici n'est pas aussi bittersweet que celle de l'Aiguille Creuse où Lupin s'en sort et déjoue tout le monde… mais sa compagne meurt en le protégeant [/spoiler], ce qui nous donne, même si Lupin semble plus perdant que gagnant, l'occasion de voir les ingrédients d'une bonne aventure Arsène Lupin : déguisements, espionnage, évasions rocambolesques, reparties insolentes ou moqueuses, prises de risques insensées, etc.

Le Bouchon de Cristal restera pour moi un roman qui tient en haleine du début à la fin, avec un rythme effréné, des fausses pistes, des doutes, un méchant détestable, un Lupin humain et formidable, avec une intrigue qui fonctionne (des intrigues de famille, des vieilles rancœurs, une course contre la montre), une enquête maîtrisée, une relation touchante entre Lupin et son complice, et des personnages attachants (notamment Victoire, la vieille nourrisse de Lupin, et Clarisse une femme courageuse, intelligente et prête à tout).


Il [Daubrecq] tapotait le rideau de velours dans les plis duquel Lupin s'était vivement enveloppé."En vérité, monsieur, vous devez étouffer là-dessous ? Sans compter que j'aurais pu me divertir à transpercer ce rideau à coup de dague... Rappelez-vous le délire d'Hamlet et la mort de Polonius... 'C'est un rat, vous dis-je, un gros rat...' Allons, monsieur Polonius, sortez de votre trou."C'était là une de ces postures dont Lupin n'avait pas l'habitude et qu'il exécrait. Prendre les autres au piège et se payer leur tête, il l'admettait, mais non point qu'on se gaussât de lui et qu'on s'esclaffât à ses dépens. Pourtant pouvait-il riposter ?

II. Huit ôtés de neuf, reste un.

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samedi 12 mai 2018

xxxHolic Rei - CLAMP.




Quatrième de couverture :

Watanuki, un lycéen capable de voir les esprits et Yûko, une mystérieuse sorcière, sont de retour dans une nouvelle histoire, entre rêve et réalité. Une jolie femme trouve l’entrée de la boutique de Yûko, guidée par une force obscure. De quel mal souffre-t-elle et quel est son souhait ?



Mon avis :

J'avais juré de ne pas lire cette suite, après la fin décevante de xxxHolic. Mais, peu à peu, je me suis laissée piquer par la curiosité, et aussi parce que le graphisme et l'atmosphère si particuliers au manga me manquaient. C'est un peu difficile pour moi de faire un avis sur seulement quatre tomes publiés, mais je tenais tout de même à laisser mon impression.

D'ailleurs, j'ai parlé de suite mais xxxHolic Rei n'en est pas vraiment une. Il s'agit plutôt d'un ajout par rapport à la série mère, qui nous ramène plusieurs volumes en arrière, à l'époque où Watanuki était encore lycéen, et cela exploite également le temps où Watanuki a repris la relève et gère la boutique de Yûko. Je n'irais pas non plus jusqu'à parler de flash-back, on suit un fil bien distinct. Il y a une raison pourquoi on revient à l'époque où Watanuki était encore lycéen, en compagnie de Dômeki et Himawari ; même si je soupçonne le fait que les auteurs aient aussi choisi ce cadre pour le fan-service... Beaucoup de fans ont été déçus par la fin du manga, et regrettent le temps où Watanuki était encore lycéen ; les auteurs utilisent la nostalgie des fans... et ça marche. J'ai beaucoup apprécié lire ces chapitres, étant moi-même nostalgique de cette période où Watanuki n'avait pas que des soucis et le rôle de Yûko à endosser. Cela m'a fait plaisir de revoir le personnage tel qu'il était au début de la série, ainsi que sa dynamique avec Yûko, Himawari et surtout Dômeki. J'ai beaucoup aimé la façon dont a progressé l'histoire, et c'est là où nous allons spoiler !

[SPOILERS]

L'histoire devient plus claire au fur et à mesure que Watanuki se rend compte que quelque chose ne va pas... Les fans se posent la question : pourquoi ce retour en arrière ? Quel intérêt ? Quelle raison ? Et Watanuki découvre en effet qu'il est dans une réalité qui n'existe plus, voire qui n'est pas supposée exister. Progressivement, Watanuki commence à se transformer, à redevenir ce qu'il est/était, à avoir des moments de sagesse qui ne ressemblent pas au lycéen qu'il était, allant jusqu'à surprendre Dômeki. Il se rend compte qu'il se passe des choses mais sans vraiment réussir à en saisir le sens... Il finit par se rendre compte qu'il s'est envoyé lui-même dans cette réalité pour répondre au vœu d'une personne... ce qui explique l'absence de Mokona ! 

Puis, il se rend compte qu'il a un choix à faire : il peut soit changer le cours de sa vie et rester dans cette réalité où il était un simple lycéen, avec ses amis, et où il y a Yûko, soit il retourne à sa propre réalité. J'ai beaucoup aimé cette histoire, cette affaire de choix à faire et comme j'aurais souhaité que Watanuki choisisse la première solution ! Mais c'était trop espérer que les auteurs changent le manga... et pourtant, je continue à penser que Watanuki aurait eu une meilleure vie s'il ne s'était pas sacrifié pour Yûko, d'autant plus qu'on sait qu'il l'a attendu en vain... Je le redis, c'est vraiment dommage et pas seulement parce que cette fin me déplaît pour Watanuki, mais parce que ça aurait été une bonne occasion d'introduire la morale comme quoi ce qu'on souhaite n'est pas forcément ce qui est bon pour nous... N'allez pas me faire croire que le lycéen maladroit et agité que Watanuki était a pu subitement devenir le sage et calme sorcier des dimensions lorsqu'il a choisi de remplacer Yûko !

[/SPOILERS]

Je n'ai pas grand chose à redire sur l'autre partie du manga où Watanuki reçoit des clients et leur propose des solutions. Les intrigues autour de ces clients sont intéressantes et plaisantes, sans être mémorables.  Elles n'ont pas la qualité scénaristique des premiers clients du manga principal, et j'ai ressenti moins de tension et de suspens que pour ces dernières... néanmoins, comme je l'ai dit, elles restent intéressantes pour la plupart et le mystère est bien géré. Le seul bémol c'est que, à défaut d'avoir lu le manga Tsubasa, certaines scènes et certains éléments du manga ne feront aucun sens... Ce qui peut être gênant pour le lecteur.trice qui n'aura pas forcément envie de se lancer dans la découverte d'un manga de plusieurs tomes et qui a eu, à l'instar de xxxHolic, une suite et qu'il faut avoir lu xxxHolic Rei avant d'entamer la suite de Tsubasa... Ce qui, en somme, peut s'avérer être une contrainte ! Par exemple, j'ai perdu intérêt pour Tsubasa quelques tomes avant la fin, et je ne ressens pas encore l'envie de redécouvrir tout le manga puis sa suite, or ça risque de s'avérer problématique si je veux continuer à lire xxxHolic Rei. J'aurais du m'attendre à ce que les auteurs reprennent ce crossover dans cette nouvelle série !

Je n'ai rien à redire au niveau des graphismes, c'est toujours aussi beau et envoûtant (même si quelques membres sont un peu trop allongés), je retrouve ces dessins si particuliers avec plaisir ! Après, je me suis plongée dans ce manga sans trop d'attente, et je ne lirais pas la suite avec autant d'avidité que la série mère, je lirais sans doute la suite par curiosité mais je ne préfère pas m'attendre à grand chose... CLAMP a suffisamment écrasé mes espoirs avec ce manga ^^;

mercredi 2 mai 2018

10 ans !


10 ans !

Je reviens aujourd'hui sur ce blog avec un article un peu spécial : le mois dernier, plus exactement le 10 avril dernier, ce blog a fêté ses 10 ans ! Un beau chiffre, on peut se l'avouer, qui me rend assez émotive.

Lorsque j'ai commencé ce blog, j'étais encore au lycée, et j'avais 17 ans. Aujourd'hui, j'en ai 27 avec plusieurs diplômes en poche : mon baccalauréat, une licence et un Master. Pendant toutes ces années, je n'ai cessé de tenir ce blog. Plusieurs ouvrages se sont succédés les uns après les autres, pendant mes périodes de joie et de tristesse. Ce blog a évolué en même temps que moi ces dernières années, je pense et j'espère que cela s'est ressenti. Ma façon de rédiger et présenter mes articles n'est pas la même qu'aujourd'hui par rapport à quelques années auparavant, et il se peut que certains livres que j'ai adoré hier me déçoivent aujourd'hui et vice-versa, ou que je les vois d'une autre façon. Je laisserais cependant ces articles tels quels, en témoignage de mon évolution.

J'ai... pas mal déserté ce blog ces derniers temps, je l'avoue. J'ai honte de ces longues absences et manques de mise à jour, mais c'est quelque chose auquel je me suis penchée depuis quelques mois, afin de rattraper mon retard de ces dernières années, et je tâche aujourd'hui plus que tout de me faire le plus présente possible. Car malgré ces périodes de creux, j’aime toujours autant tenir ce blog en ordre. Ce blog, c'est mon bébé et je ne tiens absolument pas à l'abandonner, et certainement pas après avoir fait tout ce chemin. Car ce blog en a fait du chemin : il a changé de nom au moins une fois, a changé plusieurs fois de plate-forme, a vu passer bon nombre d'article et de commentaires, et sera toujours pour moi un élément de ma vie.

Merci à tous ceux et celles qui ont contribué à la vie de ce blog, et ceux et celles qui continuent de me suivre ! Ça me fait plaisir de lire vos commentaire, et de venir visiter sur vos blogs. J’espère pouvoir continuer à vous voir au sein de ce blog, et que son contenu piquera régulièrement votre curiosité ;)

Je vous aime les gens ~



mardi 1 mai 2018

Fleur de Neige - Lisa See.

Fleur de Lis et Fleur de Neige sont nées le même jour, à la même heure, dans une province reculée de la Chine du XIXe siècle. Alors que la famille de Fleur de Neige est de la plus haute noblesse, celle de Fleur de Lis n'a connu que la misère ; mais la grande beauté de cette dernière et la perfection de ses pieds lui permettent de devenir la laotong ("âme sœur") de Fleur de Neige. 
Les deux jeunes filles partagent tout, du supplice des pieds bandés à la réclusion, du nu shu, langage secret inventé par les femmes, à leurs mariages arrangés. Leur amitié, teinté d'une fascination réciproque, grandit au fil des années.


Avant toute chose, j'ai procédé à une petite opération de découpage avec la quatrième de couverture, un peu trop révélatrice à mon goût. C'est à travers la chaîne de Lemon June que j'ai découvert ce titre, et j'ai bien compris son enthousiasme, sitôt ce roman achevé.

Si cette lecture ne s'est pas révélée être un coup de cœur, j'ai suffisamment été captivée pour avoir fini cette lecture en moins de 24 heures. Ce roman m'a fait voyager dans la Chine du XIXe siècle, et ce fut un voyage captivant tant j'ai appris des choses au sujet de la Chine à cette période. Nous avons tout un pan de la culture chinoise qui se déroule sous nos yeux et plus particulièrement l'univers des femmes et la place qu'elles occupaient alors. Avis aux féministes engagées, ce roman pourrait vous gêner, ce que l'on apprend de la condition de la femme à cette époque est bouleversante et choquante. Être née fille n'était pas une bonne nouvelle, aussi bien pour la fille elle-même que pour sa famille qui espère davantage la venue d'un fils pour perpétuer la lignée, les filles ne sont qu'une bouche à nourrir en attendant de les marier. Être née fille, c'est également être vouée à une vie entière de silence et de servitude, majoritairement cloîtrée chez elle car elle n'avait pas le droit de sortir de chez elle, sauf si elle est née paysanne et doit travailler aux champs. Une femme n'est bonne qu'à obéir et à faire des enfants et par enfant on entend garçon car avoir une fille est mal vue, et la femme sera mal considérée par l'époux et la belle famille.

On en apprend énormément sur la culture chinoise au fil des pages à travers les différentes étapes de la vie d'une femme dans cette Chine du XIXe siècle, et par le biais d'événements extérieurs. Ce roman nous retrace la vie de nos deux protagonistes à travers différentes phases : l'enfance, les pieds bandés, l'adolescence, le mariage... Et parfois, ces filles avaient des coiffures spéciales pouvant signifier une chose (lorsqu'une femme est prête au mariage, une lorsque le mariage est imminent, etc). On découvre également des éléments de la culture chinoise comme les festivités, mariages et funérailles, la nourriture, le nu shu qui est le langage secret inventés par les femmes, etc.


Chaussures de pieds bandés.
Autre aspect de cette culture qui prend une part importante dans le roman, et notamment au début, ce sont les pieds bandés. Pratique qui concernait avant tout les courtisanes de la cour impériale, elle s'est répandue progressivement aux classes aisées puis aux classes populaires. C'est une pratique qui, malgré les risques et la souffrances qu'elle engendre, a mis beaucoup de temps à disparaître car la petitesse des pieds était considérée comme un critère de beauté chez une femme, au point où ces pieds bandés (aussi appelés pieds de lis ou pieds de lotus) étaient célébrés dans les poèmes chinois ; mais aussi parce que de la qualité de ces pieds bandés dépendait de la qualité du mariage que pouvait faire la fille. Cette pratique, visant donc à rétrécir les pieds des filles, déformait complètement leurs pieds, de telle sorte qu'elles ne pouvaient marcher ou rester debout longtemps, cette pratique témoigne donc d'une certaine oisiveté.

Si vous avez tous et toutes, comme moi, une vague idée de ce à quoi correspond le terme de pieds bandés, vous devez savoir que c'est une pratique considérée comme cruelle et qui a causé la souffrance, voire parfois la mort, de nombreuses filles et femmes. Pour obtenir ainsi la perfection qu'était censée représenter les petits pieds (la taille idéale étant de sept centimètres !), les fillettes subissaient cette douloureuse pratique à un jeune âge (généralement vers six-sept ans car on considérait les os comme étant malléables), et c'est là que l'adage : "Il faut souffrir pour être belle." prend ironiquement son sens. Je vous épargnerai les détails des différentes étapes de cette opération qui dure deux ans car les détails ne sont pas jolis, jolis. D'ailleurs, avis aux âmes sensibles : la description de l'auteur sur cette pratique peut mettre mal à l'aise. Si Lisa See traite de ce sujet difficile et douloureux avec délicatesse, elle ne passe pas pour autant sous silence la réalité de la chose en la cachant sous une formulation élégante et hypocrite, donc avis aux futurs.es lecteurs.trices car les passages décrivant ce rituel peuvent mettre mal à l'aise et vous démanger au niveau des pieds, comme ce fut mon cas !

Photographie en noir et blanc d'une femme aux pieds bandés.

Cependant, si l'on apprend que la condition des femmes à cette époque était loin d'être idéale et que lecteurs et lectrices peuvent s'en révolter, ce n'est pas le cas de l'héroïne qui jamais ne se plaint de son sort. Si elle a fait un mariage heureux, Fleur de Lis est conditionnée par la tradition. Tout ce qu'elle fait, elle le fait car c'est pour elle un devoir, le but de sa condition de femme. Elle agit comme la société veut qu'elle agisse et elle s'y soumet volontairement, tout comme Fleur de Neige. Forcément, en tant que lecteurs.trices, on ne peut toujours être d'accord sur la façon de penser de notre narratrice, mais Lisa See a fait un incroyable travail en se mettant dans la peau d'un personnage ancré dans son époque et conditionné par le devoir (envers sa famille, puis son époux et sa belle-famille) et la tradition telle qu'elle était perpétuée à l'époque. Alors, certes, il y a de la douleur, mais il y a aussi de la résignation car les femmes à cette époque ne pouvaient pas faire grand chose pour contester l'autorité et la tradition, soit parce qu'elles en étaient incapables dans ce monde d'hommes et où la tradition était importante, ou tout simplement parce qu'elle étaient conditionnées.

Outre ce voyage culturel en Asie, on suit essentiellement l'évolution entre deux petites filles, Fleur de Lis et Fleur de Neige, la première est née dans une famille modeste de paysans composée de ses parents, ses sœurs, sa tante, son oncle et sa cousine ; la seconde née dans une famille plus aisée. A priori, tout les sépare, et pourtant de nombreux points les rassemblent : nées sous le signe du Cheval, elles sont nées le même jour, le même mois et la même année, et possèdent des pieds parfaits et une certaine beauté pouvant les mener loin. L'une et l'autre ont été choisies par une marieuse en raison de ces points communs et ont été unies par un contrat d'âme sœur. Si cela permet à deux petites filles de nouer une amitié qui durera toute leur vie, le but d'un tel engagement est moins altruiste qu'il en a l'air car il s'agit avant tout d'unir deux familles pour des raisons de réputation (c'est notamment l'occasion pour la modeste famille de Fleur de Lis de s'élever socialement à travers leur fille qui pourra, à travers ses pieds et le lien de laotong, faire un beau mariage).

Les nombreux messages que s'écrivent les deux amies ne furent pas
que sur papier mais aussi sur un éventail, comme cela pouvait
se faire à l'époque...

Malgré leurs positions sociales différentes, il y a une entente et une rapide complicité qui se lient entre elles. Là où une femme, après son mariage, ne doit vivre que pour son mari et sa belle-famille, une amitié entre deux âmes sœurs dure toute la vie. C'est l'union de deux cœurs que rien ne doit séparer : ni la solitude, ni l'éloignement, ni les éventuels désaccords, ni la différence de leurs mariages respectifs, et rien ni personne ne soit s'immiscer entre elles. C'est Fleur de Lis qui, alors vieille dame, nous retrace le récit de son amitié avec Fleur de Neige et c'est une histoire belle, sensible, captivante mais aussi terrible car la vie des deux jeunes filles s'est tissée au gré de bonheurs et de moments de drame. Le traitement de l'amitié est poignant, touchant et réaliste : il y a des moments d'incertitude, de jalousie, une façon différente de voir les choses, mais une incroyable complicité et intimité entre ces deux filles qui grandissent et deviennent femmes ensemble et qui feront tout pour rester en contact, et qui utilisèrent beaucoup le nu shu pour rester en contact. C'est une belle histoire d'amitié comme il m'est rarement donné de lire.

Ajoutons à cela la magnifique plume de Lisa See, fluide, belle et sensible qui montre bien l'expression très mesurée des sentiments, la pudeur, et que malgré cette société du silence et de la soumission décrite dans le roman, l'auteur nous en dit énormément et, d'une certaine façon, en racontant son passé et son amitié avec Fleur de Neige, Fleur de Lis s’émancipe et sort également du silence son amie.


On s'attend à ce que nous aimions nos enfants, nous autres femmes, à peine sont-ils sortis de notre ventre... Mais laquelle d'entre nous n'a pas ressenti une cruelle déception en découvrant qu'elle venait de mettre au monde une fille ? Ou une panique croissante - même s'il s'agissait du fils tant attendu - en berçant sous le regard désapprobateur de sa belle-mère son nourrisson qui n'arrêtait pas de pleurer ? Même si nous aimons nos filles de tout notre cœur, nous devons les élever en leur apprenant à souffrir. Nous aimons nos fils plus que tout au monde, mais nous sommes exclues de leur univers et du monde extérieur des hommes. Nous sommes censées aimer notre époux dès l'instant où a été contracté le lien qui nous unit à lui, alors que nous devrons attendre des années avant de découvrir son visage. On nous enseigne d'aimer nos beaux-parents, mais nous débarquons dans leur famille en étrangère et avec le rang le plus bas, à peine mieux traitées qu'une domestique.
On exige que nous aimions et honorions les ancêtres de notre mari et nous exécutons donc les rites et les devoirs appropriés, même si notre cœur se porte plus volontiers vers nos propres ancêtres. Nous aimons nos parents parce qu'ils prennent soin de nous, mais ils nous considèrent comme les branches les plus inutiles de l'arbre familial : nous épuisons leurs ressources et ils nous élèvent pour nous voir partir un jour dans une autre famille. Quel que soit le bonheur que nous éprouvons dans notre foyer d'origine, nous savons toutes que cette séparation sera inéluctable. Nous aimons donc notre famille en ayant conscience que cet amour prendra fin dans la tristesse d'un départ. Ces diverses variétés d'amour naissent du devoir, de la reconnaissance ou du respect. Comme le savent les femmes de notre district, elles sont généralement sources de tristesse, de mésentente et de violence. 
Mais l'amour qui unit deux laotong est de nature bien différente. Comme l'avait dit Madame Wang, cette relation est le fruit d'un choix délibéré.

Amour.

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