Parce qu'elle est une enfant illégitime, Suzanne Simonin est enfermée par ses parents chez les religieuses de Longchamp où on la force à prononcer ses vœux. Pieuse et innocente, elle tombe sous la coupe d'une nonne illuminée déjà perdue de mysticisme avant de devenir la proie d'une mère supérieure qui va faire de sa réclusion un enfer. Harcelée, martyrisée, elle subit les pires sévices. Femme cloîtrée soumise à toutes les perversions de la vie monastique, Suzanne peut-elle échapper à la folie ?
Célèbre co-auteur de la célèbre Encyclopédie écrite à l'époque des Lumières, Diderot est moins connu pour sa vie personnelle. Aîné d'une fratrie de six enfants, il eut une sœur qui mourut jeune et folle dans un couvent, ce qui inspira en partie Diderot à l'écriture de ce roman dans lequel il fait une sorte de procès des institutions religieuses.
Sans être une enfant maltraitée, Suzanne a toujours remarqué la différence de traitement de ses parents entre elle et ses sœurs pour qui les parents ont tout fait pour leur assurer un beau mariage. L'année de ses seize ans, au lieu d'une dot en vu d'un futur mariage, sa mère lui révèle la vérité sur sa naissance : elle est le fruit d'une adultère entre sa mère et un autre homme. Coupable, la mère souhaite expier ses fautes à travers la fille "bâtarde" en l'envoyant au couvant. Suzanne est mortifiée et refuse de se soumettre au destin qu'on lui a choisit en refusant de prononcer ses vœux puis en tentant d'intenter un procès pour pouvoir rompre ses vœux, sous le choc de la communauté du couvent. Face à cela, la supérieure opère un véritable harcèlement moral et physique envers Suzanne qui finit par recevoir, de la part de la communauté, bon nombre de privations et d'humiliations. Au terme d'un long calvaire et de son procès, Suzanne obtient de son avocat son transfert dans un autre couvent où la mère supérieure ne tarde pas à lui témoigner sa tendresse... peut-être même un peu trop.
Quel surprise que ce roman ! Je ne m'attendais pas à être captivée à ce point. J'avais oublié à quel point je trouvais l'écriture de Diderot fluide et agréable à lire ! Ce livre se présente comme les mémoires de la jeune Suzanne qui raconte son histoire et les mésaventures qu'elle a vécues dans différents couvents. Ce n'est pas une héroïne qui méprise la religion et se présente comme une rebelle, c'est tout simplement une jeune fille qui est croyante, elle trouve consolation dans la prière, et manifeste plus de vertus chrétiennes que ses bourreaux. Elle n'a tout simplement pas l'envie ou la vocation à entrer dans un ordre religieux et elle souhaite vivre libre et comme elle le souhaite. C'est un personnage innocent et candide mais intelligente et forte, qui a su se remettre de son calvaire et se défendre contre ses bourreaux.
Son calvaire se révèle révoltant et glaçant, l’institution religieuse se montre ici comme antipathique. Le ton change lorsque Suzanne est transférée dans un autre couvent, dirigé par une supérieure qui vit entourée de ses jeunes favorites au mépris de tout règlement conventionnel. Suzanne, par sa beauté et sa touchante histoire, devient aussitôt la favorite de cette mère supérieure ainsi l'objet de ses convoitises que, par sa candeur, Suzanne ne comprend pas. Le confesseur de Suzanne voit d'un mauvais œil la tendresse de la mère supérieure et conseille à Suzanne de s'en défaire et de se tenir à distance de la supérieure dont le désir et la frustration vont s'accroître... J'avoue avoir pris un plaisir grandissant à partir de cette seconde moitié de roman avec l'entrée en scène de cette supérieure délurée et transie, absolument émerveillée par la jeune fille et qui n'y va pas de main morte dans son admiration : « Jamais vous n'avez pensé à promener vos mains sur cette gorge, sur ces cuisses, sur ce ventre, sur ces chairs si fermes, si douces, et si blanches ? » C'est drôle quand elle se pâme et que notre chère innocente n'y voit que du feu. Rien d'étonnant à ce que la mère supérieure soupire et s'exclame "Quelle innocente !"
L'histoire de Suzanne est captivante et émouvante. On se révolte de la mère qui espère expier sa faute à travers sa fille innocente, envers la mère supérieure qui fait subir à Suzanne un véritable calvaire pare qu'elle refuse de prononcer ses vœux. On s'amuse de la candeur de l'héroïne, on compatit avec elle dans son malheur, on souhaite tout comme elle de gagner son procès face à son premier couvent et de retrouver sa liberté chérie, on suit avec une certaine curiosité ses rencontres avec la seconde mère supérieure qui s'attache énormément à elle...
A travers les mémoires de Suzanne, on lit évidemment les réflexions de Diderot sur la vie cloîtrée des religieuses. On découvre la contradiction qui peut exister entre les lois établies et les autorités religieuses censées les mettre à exécution car ces autorités peuvent se croire comme seul maître, se saisir des lois et les tordre à sa volonté, comme l'illustre ce roman à travers les mères supérieures que rencontre Suzanne. Chacune d'elle marche sur les lois à sa guise, de telle façon que c'est contraire aux enseignements de la Bible.
Pourtant, il ne s'agit pas d'une critique de la religion en elle-même, l'auteur ayant fait de son héroïne une jeune fille pieuse, mais plutôt des institutions religieuses se révélant perverses, coercitives et sévères jusqu'à mener ses pensionnaires dans la dégradation humaine, dans la folie, voire parfois au suicide. La Religieuse se présente ainsi comme une ode à la liberté de choisir son destin à travers son héroïne, Suzanne, car cette vie cloîtrée, au sein des couvents, peut engendrer des conséquences néfastes pour certaines personnes qui ne sont pas faites pour ce genre de vie et entraîner certaines perturbations psychologiques. Diderot estime en effet que l'enfermement, la coupure avec le reste du monde sont non-naturels et pourraient rendre fou n'importe qui. Le propos reste d'ailleurs encore d'actualité et peut se généraliser à toute sorte d'institutions, notamment les sectes modernes...
Portrait de Diderot, peint par Louis-Michel van Loo |
Quel surprise que ce roman ! Je ne m'attendais pas à être captivée à ce point. J'avais oublié à quel point je trouvais l'écriture de Diderot fluide et agréable à lire ! Ce livre se présente comme les mémoires de la jeune Suzanne qui raconte son histoire et les mésaventures qu'elle a vécues dans différents couvents. Ce n'est pas une héroïne qui méprise la religion et se présente comme une rebelle, c'est tout simplement une jeune fille qui est croyante, elle trouve consolation dans la prière, et manifeste plus de vertus chrétiennes que ses bourreaux. Elle n'a tout simplement pas l'envie ou la vocation à entrer dans un ordre religieux et elle souhaite vivre libre et comme elle le souhaite. C'est un personnage innocent et candide mais intelligente et forte, qui a su se remettre de son calvaire et se défendre contre ses bourreaux.
Son calvaire se révèle révoltant et glaçant, l’institution religieuse se montre ici comme antipathique. Le ton change lorsque Suzanne est transférée dans un autre couvent, dirigé par une supérieure qui vit entourée de ses jeunes favorites au mépris de tout règlement conventionnel. Suzanne, par sa beauté et sa touchante histoire, devient aussitôt la favorite de cette mère supérieure ainsi l'objet de ses convoitises que, par sa candeur, Suzanne ne comprend pas. Le confesseur de Suzanne voit d'un mauvais œil la tendresse de la mère supérieure et conseille à Suzanne de s'en défaire et de se tenir à distance de la supérieure dont le désir et la frustration vont s'accroître... J'avoue avoir pris un plaisir grandissant à partir de cette seconde moitié de roman avec l'entrée en scène de cette supérieure délurée et transie, absolument émerveillée par la jeune fille et qui n'y va pas de main morte dans son admiration : « Jamais vous n'avez pensé à promener vos mains sur cette gorge, sur ces cuisses, sur ce ventre, sur ces chairs si fermes, si douces, et si blanches ? » C'est drôle quand elle se pâme et que notre chère innocente n'y voit que du feu. Rien d'étonnant à ce que la mère supérieure soupire et s'exclame "Quelle innocente !"
Illustration par Martin van Maele. |
A travers les mémoires de Suzanne, on lit évidemment les réflexions de Diderot sur la vie cloîtrée des religieuses. On découvre la contradiction qui peut exister entre les lois établies et les autorités religieuses censées les mettre à exécution car ces autorités peuvent se croire comme seul maître, se saisir des lois et les tordre à sa volonté, comme l'illustre ce roman à travers les mères supérieures que rencontre Suzanne. Chacune d'elle marche sur les lois à sa guise, de telle façon que c'est contraire aux enseignements de la Bible.
Pourtant, il ne s'agit pas d'une critique de la religion en elle-même, l'auteur ayant fait de son héroïne une jeune fille pieuse, mais plutôt des institutions religieuses se révélant perverses, coercitives et sévères jusqu'à mener ses pensionnaires dans la dégradation humaine, dans la folie, voire parfois au suicide. La Religieuse se présente ainsi comme une ode à la liberté de choisir son destin à travers son héroïne, Suzanne, car cette vie cloîtrée, au sein des couvents, peut engendrer des conséquences néfastes pour certaines personnes qui ne sont pas faites pour ce genre de vie et entraîner certaines perturbations psychologiques. Diderot estime en effet que l'enfermement, la coupure avec le reste du monde sont non-naturels et pourraient rendre fou n'importe qui. Le propos reste d'ailleurs encore d'actualité et peut se généraliser à toute sorte d'institutions, notamment les sectes modernes...
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