mercredi 12 août 2020

La tête en friche - Marie-Sabine Roger.

La tête en friche - Marie-Sabine Roger - Babelio
Ce qu'ils mettent au dos des romans, je vais vous dire, c'est à se demander si c'est vraiment écrit pour vous donner l'envie. En tout cas, c'est sûr, c'est pas fait pour les gens comme moi. Que des mots à coucher dehors - inéluctable, quête fertile, admirable concision, roman polyphonique... - et pas un seul bouquin où je trouve écrit simplement : c'est une histoire qui parle d'aventures ou d'amour - ou d'Indiens. Et point barre, c'est tout.





Je connais le film, il était temps que je découvre enfin le livre.

Germain Chazès a la quarantaine, il mène une vie ordinaire avec ses copains qu’il retrouve au café du coin, et sa compagne Annette. C’est un bonhomme massif qui, sans être stupide, n’est pas connu pour avoir un esprit brillant selon son entourage. Entre ses copains qui se moquent de son manque de culture, sa mère qui l’a toujours traité avec méchanceté, et son ancien maître d’école qui n’a toujours eu pour lui que du mépris. Cela ne le gêne pas plus que ça, il a l’habitude… Puis un jour, alors qu’il compte les pigeons au parc, il rencontre un petit bout de dame, Margueritte, qui vit en maison de retraite. Cette curieuse petite dame prend Germain en sympathie, s’intéresse à lui et ses loisirs, et se met même en tête de lui lire des romans. Germain l’ignore au début, mais cette rencontre va lui changer sa vie.

C’est un livre qui fait du bien, qui nous raconte une belle histoire comme on aimerait en lire de temps en temps. Les chapitres sont courts et l’écriture fluide. On s’attache à nos personnages principaux. Nous avons Germain, personnage inculte, naïf, un peu rustre mais qui se révèle quelqu’un avec une certaine sensibilité. Il s’est construit comme il a pu, a appris à être indépendant et à se construire une vie. Il sculpte le bois, s’occupe de son potager, va voir ses copains, et sa compagne. On ne peut s’empêcher de le prendre en sympathie, compte-tenu de son vécu. Il n’a jamais connu son père et sa mère manquait cruellement d’instinct maternel. Sans le battre, Germain n’a jamais connu l’amour maternel, et il a du faire également face au mépris de son maître d’école pour qui Germain était sa tête de turc, à cause de ses difficultés à l’école. Son manque de culture, ses copains s’en amusent. Puis, nous avons Margueritte, une vieille dame douce, compréhensive, patiente, avec beaucoup d’empathie et de tact. Elle va lui faire partager son amour de la lecture, progressivement, elle va l’écouter et discuter avec lui, comme s’ils étaient de vieux amis. Germain aime compter les pigeons au parc ou inscrit son nom sur le monument aux morts, pour qu’on se souvienne de lui ? Cela fait de lui quelqu’un d’original, et elle ne le jugera pas.

En lui lisant des extraits de roman, Germain va découvrir la littérature et apprendre à l’aimer. Cela ne se fait pas d’un coup. Germain a du mal, il ne comprend pas tout. Margueritte lui offre un dictionnaire, pour l’aider et ça deviendra son guide. Comme tout le monde, Germain va chercher des prénoms ou des mots qu’il connaît dans le dictionnaire, puis il va chercher à comprendre des mots qu’il ne comprend pas, dans le roman. Peu à peu, cela va aider Germain à enrichir son vocabulaire ainsi que sa culture, au grand étonnement de ses amis. Ce ne sont pas uniquement les livres qui déclenchent un changement chez Germain, c’est essentiellement Margueritte. Au contact de Margueritte, Germain change. Son vocabulaire devient moins familier, il se familiarise avec la littérature (d’abord en lisant des extraits, puis le livre entier, puis il va chercher par lui-même des livres à la bibliothèque, et faire, à son tour, la lecture à son amie). La tendresse et l’affection que Germain portent à Margueritte sont très touchantes, on sent combien il s’attache peu à peu à cette petite dame, au fil de leurs rendez-vous improvisés, et comment cette dernière le lui rend bien. Germain n’a pas connu l’amour maternel, Margueritte est seule, et il « adopte » Margueritte, se préoccupe d’elle, lui qui n’a jamais su comment parler aux vieilles dames...

J’ai beaucoup aimé le parallèle qu’a fait l’auteure entre la culture de la terre et celle de l’esprit. Il faut entretenir la terre, comme si on s’occupait de notre jardin. On sème, on plante des graines, on arrose, on enlève les mauvaises herbes, il faut nourrir la terre, la rendre fertile, pour que poussent de bonnes choses. Il en est de même avec l’esprit. Il faut nourrir notre tête, y semer des idées, des pensées, elle va assimiler ce qu’on lit, nous permettre un esprit critique, enrichir notre esprit. C’est ce qui arrive avec Germain. Son langage s’enrichit, il a une envie de la réflexion, il se rend compte que des blagues qu’il fait avec ses copains ne sont pas toujours gentilles. Germain grandit tout au long du roman, il a une certaine philosophie, une façon de pensée que j’ai beaucoup aimé, par exemple ses pensées sur les rapports entre une mère et son enfant. Il a beau avoir l’air rustre, il n’est pas si bête qu’il le pense et ses réflexions donnent à réfléchir. Germain est un narrateur plaisant, qui s’exprime avec une naïveté touchante et également de l’humour.

J’ai aimé retrouver aussi quels titres nos deux personnages lisaient, à savoir : La Peste de Camus, Le vieux qui lisait des romans d’amour de Sempuelveda, La promesse de l’aube,de Gary, etc. C’est un bien joli livre que nous offre l’auteure, et il se lit avec beaucoup de plaisir ! L’auteure a su mettre les mots justes pour décrire cette belle amitié et raconte, sans prétention, une histoire qui parle également de culture et de littérature. Le film retrace fidèlement le livre, outre la fin, pour notre plus grand plaisir !

Un jour, elle [Margueritte] m'a dit :
- Vous êtes un vrai lecteur, Germain, je le vois bien...
Et sur le coup, ça m'a fait rire, parce que les livres et moi, enfin bon, vous savez...
Seulement, elle était sérieuse. Elle m'a expliqué que lire, ça commence par écouter. J'aurais plutôt pensé par lire, justement. Mais elle a dit : non, non, ne croyez pas cela Germain ! pour faire aimer la lecture aux petits, il faut leur lire à haute voix. Et elle a ajouté que si on fait bien ça, ça les rend dépendants, après, comme une drogue. Ils ont besoin de livres, après, en grandissant. Ça m'a étonné, mais, en réfléchissant, je me suis dit que c'était pas idiot. Si on m'avait lu des histoires, petit, j'aurais peut-être mis le nez plus souvent dans les livres, au lieu de faire des bêtises, simplement par ennui.

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