La découverte du radium fait une entrée fracassante dans les États-Unis des années 1920.
L'élément miracle, découvert par Marie Curie, baigne l'Amérique de son aura phosphorescente.
1918, Edna Bolz s'installe aux côtés de Grace, Katherine, Mollie, Albina et Quinta devant les établis d'USRC. Elles vont y peindre minutieusement leur quota de cadrans de montres,avec cette peinture si spéciale qu'elle permet de lire l'heure dans le noir.
Lip. Dip. Paint.
Trois mots, trois gestes qui les mèneront à leur perte.
Femmes
tristement méconnues dans l’Histoire, les Radium Girls étaient
des ouvrières américaines de l’usine des United States Radium
Corporation dont le rôle était de peindre des cadrans lumineux, une
peinture contenant du radium. Pendant des années elles ont, sans le
savoir, été exposées et ont reçu de fortes doses de radium,
fragilisant progressivement leur santé. Le rôle est simple. On
mouille le pinceau avec sa bouche pour le lisser, on trempe le
pinceau dans la peinture au radium, on peint, et rebelote.
Laissées
dans l’ignorance de la dangerosité du produit, les femmes se sont
amusées des effets lumineux de la peinture. Par jeu, elles ont peint
leurs ongles, leurs dents et parfois le visage pour surprendre leur
entourage les lumières éteintes ou dans l’obscurité de la nuit.
Chaque soir qu’elles sortaient de l’usine, elles se faisaient
remarquer par tous de par les rayons lumineux de l’exposition du
radium, les faisant vite connaître sous le nom de Ghost Girls…
puis progressivement de Radium Girls. Les femmes s’en amusent.
Qu’y-a-t-il de mal à se colorer ongles et peintures et rayonner
dans le noir ?
Mais
alors que le temps passe, de plus en plus d’employées
s’affaiblissent… elles souffrent d’anémie, de fractures
osseuses, de nécrose de la mâchoire. Bientôt, des cancers
apparaissent et certaines femmes deviennent vite des noms sur les
notices mortuaires. Les employées portent plainte pour
désinformation et mise en danger contre la société qui fait la
sourde oreille. Elles décident de saisir la justice, mais s’attaquer
à une si grosse société est risqué, d’autant qu’elle est très
persuasive et influente… Elles sont si peu de choses et risquent de
perdre bien plus qu’elles ne pourraient gagner, d’autant que le
temps, et la maladie, jouent contre elles.
C’est
cette histoire qu’a choisi de nous raconter Cy à travers cette
courte (trop courte) bande-dessinée. C’est un sujet méconnu de
l’histoire et de la science qu’il est important de raconter afin
de découvrir, sinon de se souvenir de ces femmes, de leurs
souffrances et de leur combat. Elle
nous raconte la vie de ces femmes toute en douceur et simplicité. On
les voit faire connaissance, se lier, rire ensemble, s’amuser,
profiter de la vie. On les découvre sur le plan personnel. Malgré
la charge de travail, l’ambiance à l’usine est bonne et les
filles tissent des lien au-delà de la relation de collèges. Elles
mangent ensembles, sortent le soir, se rencontrent et se promènent
en dehors des heures de travail. C’est
une initiative intéressante que de nous présenter d’abord ces
femmes sous un aspect humain, intime, personnel avant d’entrer dans
le vif du sujet. Afin de nous montrer que ces femmes n’étaient pas
que des victimes, mais des gens comme vous et moi, avec leur vie,
leurs joies, leurs malheurs. Des gens à qui on peut s’identifier.
On ne peut qu’être sensible face
au destin de ces femmes que l’on a sacrifié et mis sous silence au
nom du progrès.
Malgré
le ton dramatique et la tristesse de l’affaire, l’autrice ne
tombe pas dans le pathos et construit une histoire humaine, réaliste
mais surtout une histoire d’amitié entre des femmes différentes
mais fortes et unies. Je regrette toutefois que cela prenne le dessus
au détriment de l’Histoire. Certes, j’ai aimé suivre ces
femmes, découvrir qui elles étaient, leur personnalité, montrer
qu’elles n’étaient pas que des malheureuses victimes, mais des
gens comme vous et moi. Seulement, l’Histoire est passée au second
plan. Je me suis demandée, au cours de ma lecture, quand nous
allions entrer dans le vif du sujet. Quand les ouvrières tombent
malades et qu’elles se rendent compte que c’est lié au radium,
ça se passe assez rapidement. Si les faits en eux-mêmes sont
clairement fascinants, j'ai vraiment
regretté que l'autrice n'ait pas un
peu plus développé son contenu.
Tout
se passe assez vite
au final et
les événements s'enchaînent parfois
assez brusquement, et
lorsque l’autrice passait d’un moment à un autre, j’ai trouvé
que cela manquait de naturel et j’étais parfois perdue entre deux
pages. On saute d'un moment X
à un moment Y
sans réelle transition. J’aurais
apprécié que Cy développe un peu plus l’histoire et
approfondisse l’aspect historique, qu’elle nous donne réellement
une impression des années qui passent, voir les femmes être
progressivement touchées par la maladie et leur long combat contre
la société pour tenter de faire reconnaître au grand jour les
dangers du radium dont elles ont été mises dans l’ignorance, et
comment l’Histoire a finalement, après tant d’années, reconnu
cette honteuse vérité. Mais toute
cette partie concernant le procès est, elle-aussi, à peine
effleurée alors qu’elle aurait mérité une plus grande place dans
le récit.
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Radium Girls travaillant dans une usine de cadrans lumineux |
Ajoutons
à cela que j’ai eu souvent du mal à assimiler qui était qui
parmi tout ce groupe de femmes, tant certaines se ressemblaient trop.
Mais c’est bien la seule chose que
j’ai à redire sur le trait de Cy que je trouve doux, avec
des
traits à la fois délicats et anguleux, des tons pastels variant
entre le
violet et des touches de vert radium un peu partout, pour bien
montrer l’omniprésence de cet élément. Les tons pastel
adoucissent la dureté de l’histoire, marquant ainsi un contraste
saisissant entre les deux.
Outre
les femmes, le radium est bien entendu un personnage à part entière
de l’intrigue. Il est omniprésent par la couleur verte qui revient
constamment mais aussi par sa présence néfaste qui prend de plus en
plus de place dans la vie des protagonistes. Nous sommes dans les
années 1920 dans une Amérique où le radium est le nouveau matériau
à la mode, on en met sur tout, notamment sur les chiffres des
horloges afin de pouvoir lire l’heure dessus, la nuit. L’explosion
du radium permet de créer des usines à la chaîne où des
travailleuses manipulent le radium plusieurs heures par jour. Or, ce
radium est extrêmement dangereux pour la santé, sauf que ça et
bien elles ne le savent pas encore.
Radium
Girls est une bande-dessinée aux traits doux qui se présente comme
une ode à la sororité et qui a le mérite de nous présenter un
épisode de l’histoire qui est longtemps resté méconnu.
Toutefois, même si cette lecture était instructive et touchante,
j’ai vraiment regretté que Cy n’ait pas creusé un peu plus en
profondeur l’histoire des radium girls. Je suis restée sur ma faim
et j’ai été frustrée de ne pas avoir pu en savoir davantage sur
les effets néfastes et progressifs du radium ainsi que l’important
combat qu’elles ont décidé de mener, sur les répercussion que
cela a eu mais surtout sur la suite de l’affaire en justice de ces
pauvres femmes sacrifiées au profit du progrès et du capitalisme.
Mais ce n’est que partie remise pour approfondir mes connaissances
à travers d’autres œuvres pour compléter ma lecture.