mardi 16 août 2022

Radium Girls - Cy.

La découverte du radium fait une entrée fracassante dans les États-Unis des années 1920.

L'élément miracle, découvert par Marie Curie, baigne l'Amérique de son aura phosphorescente.

1918, Edna Bolz s'installe aux côtés de Grace, Katherine, Mollie, Albina et Quinta devant les établis d'USRC. Elles vont y peindre minutieusement leur quota de cadrans de montres,avec cette peinture si spéciale qu'elle permet de lire l'heure dans le noir.

Lip. Dip. Paint.

Trois mots, trois gestes qui les mèneront à leur perte.


Femmes tristement méconnues dans l’Histoire, les Radium Girls étaient des ouvrières américaines de l’usine des United States Radium Corporation dont le rôle était de peindre des cadrans lumineux, une peinture contenant du radium. Pendant des années elles ont, sans le savoir, été exposées et ont reçu de fortes doses de radium, fragilisant progressivement leur santé. Le rôle est simple. On mouille le pinceau avec sa bouche pour le lisser, on trempe le pinceau dans la peinture au radium, on peint, et rebelote.



Laissées dans l’ignorance de la dangerosité du produit, les femmes se sont amusées des effets lumineux de la peinture. Par jeu, elles ont peint leurs ongles, leurs dents et parfois le visage pour surprendre leur entourage les lumières éteintes ou dans l’obscurité de la nuit. Chaque soir qu’elles sortaient de l’usine, elles se faisaient remarquer par tous de par les rayons lumineux de l’exposition du radium, les faisant vite connaître sous le nom de Ghost Girls… puis progressivement de Radium Girls. Les femmes s’en amusent. Qu’y-a-t-il de mal à se colorer ongles et peintures et rayonner dans le noir ?



Mais alors que le temps passe, de plus en plus d’employées s’affaiblissent… elles souffrent d’anémie, de fractures osseuses, de nécrose de la mâchoire. Bientôt, des cancers apparaissent et certaines femmes deviennent vite des noms sur les notices mortuaires. Les employées portent plainte pour désinformation et mise en danger contre la société qui fait la sourde oreille. Elles décident de saisir la justice, mais s’attaquer à une si grosse société est risqué, d’autant qu’elle est très persuasive et influente… Elles sont si peu de choses et risquent de perdre bien plus qu’elles ne pourraient gagner, d’autant que le temps, et la maladie, jouent contre elles.



C’est cette histoire qu’a choisi de nous raconter Cy à travers cette courte (trop courte) bande-dessinée. C’est un sujet méconnu de l’histoire et de la science qu’il est important de raconter afin de découvrir, sinon de se souvenir de ces femmes, de leurs souffrances et de leur combat. Elle nous raconte la vie de ces femmes toute en douceur et simplicité. On les voit faire connaissance, se lier, rire ensemble, s’amuser, profiter de la vie. On les découvre sur le plan personnel. Malgré la charge de travail, l’ambiance à l’usine est bonne et les filles tissent des lien au-delà de la relation de collèges. Elles mangent ensembles, sortent le soir, se rencontrent et se promènent en dehors des heures de travail. C’est une initiative intéressante que de nous présenter d’abord ces femmes sous un aspect humain, intime, personnel avant d’entrer dans le vif du sujet. Afin de nous montrer que ces femmes n’étaient pas que des victimes, mais des gens comme vous et moi, avec leur vie, leurs joies, leurs malheurs. Des gens à qui on peut s’identifier. On ne peut qu’être sensible face au destin de ces femmes que l’on a sacrifié et mis sous silence au nom du progrès.



Malgré le ton dramatique et la tristesse de l’affaire, l’autrice ne tombe pas dans le pathos et construit une histoire humaine, réaliste mais surtout une histoire d’amitié entre des femmes différentes mais fortes et unies. Je regrette toutefois que cela prenne le dessus au détriment de l’Histoire. Certes, j’ai aimé suivre ces femmes, découvrir qui elles étaient, leur personnalité, montrer qu’elles n’étaient pas que des malheureuses victimes, mais des gens comme vous et moi. Seulement, l’Histoire est passée au second plan. Je me suis demandée, au cours de ma lecture, quand nous allions entrer dans le vif du sujet. Quand les ouvrières tombent malades et qu’elles se rendent compte que c’est lié au radium, ça se passe assez rapidement. Si les faits en eux-mêmes sont clairement fascinants, j'ai vraiment regretté que l'autrice n'ait pas un peu plus développé son contenu.



Tout se passe assez vite au final et les événements s'enchaînent parfois assez brusquement, et lorsque l’autrice passait d’un moment à un autre, j’ai trouvé que cela manquait de naturel et j’étais parfois perdue entre deux pages. On saute d'un moment X à un moment Y sans réelle transition. J’aurais apprécié que Cy développe un peu plus l’histoire et approfondisse l’aspect historique, qu’elle nous donne réellement une impression des années qui passent, voir les femmes être progressivement touchées par la maladie et leur long combat contre la société pour tenter de faire reconnaître au grand jour les dangers du radium dont elles ont été mises dans l’ignorance, et comment l’Histoire a finalement, après tant d’années, reconnu cette honteuse vérité. Mais toute cette partie concernant le procès est, elle-aussi, à peine effleurée alors qu’elle aurait mérité une plus grande place dans le récit.



Radium Girls travaillant dans une usine de cadrans lumineux



Ajoutons à cela que j’ai eu souvent du mal à assimiler qui était qui parmi tout ce groupe de femmes, tant certaines se ressemblaient trop. Mais c’est bien la seule chose que j’ai à redire sur le trait de Cy que je trouve doux, avec des traits à la fois délicats et anguleux, des tons pastels variant entre le violet et des touches de vert radium un peu partout, pour bien montrer l’omniprésence de cet élément. Les tons pastel adoucissent la dureté de l’histoire, marquant ainsi un contraste saisissant entre les deux.



Outre les femmes, le radium est bien entendu un personnage à part entière de l’intrigue. Il est omniprésent par la couleur verte qui revient constamment mais aussi par sa présence néfaste qui prend de plus en plus de place dans la vie des protagonistes. Nous sommes dans les années 1920 dans une Amérique où le radium est le nouveau matériau à la mode, on en met sur tout, notamment sur les chiffres des horloges afin de pouvoir lire l’heure dessus, la nuit. L’explosion du radium permet de créer des usines à la chaîne où des travailleuses manipulent le radium plusieurs heures par jour. Or, ce radium est extrêmement dangereux pour la santé, sauf que ça et bien elles ne le savent pas encore.



Radium Girls est une bande-dessinée aux traits doux qui se présente comme une ode à la sororité et qui a le mérite de nous présenter un épisode de l’histoire qui est longtemps resté méconnu. Toutefois, même si cette lecture était instructive et touchante, j’ai vraiment regretté que Cy n’ait pas creusé un peu plus en profondeur l’histoire des radium girls. Je suis restée sur ma faim et j’ai été frustrée de ne pas avoir pu en savoir davantage sur les effets néfastes et progressifs du radium ainsi que l’important combat qu’elles ont décidé de mener, sur les répercussion que cela a eu mais surtout sur la suite de l’affaire en justice de ces pauvres femmes sacrifiées au profit du progrès et du capitalisme. Mais ce n’est que partie remise pour approfondir mes connaissances à travers d’autres œuvres pour compléter ma lecture.

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