mercredi 2 août 2017

Enquête sur Sherlock Holmes - Bernard Oudin.

Sherlock Holmes, création du romancier britannique Arthur Conan Doyle, est à coup sûr un des personnages les plus célèbres de toute l'histoire. 

Mais, au-delà de son succès proprement littéraire, il existe un " phénomène " Holmes, vieux maintenant d'un siècle et qui ne donne aucun signe de déclin. Il a été le héros le plus souvent porté à l'écran et des dizaines d'écrivains ont voulu donner une suite à ses aventures. Mieux encore, dès la parution des premières œuvres, des milliers de gens ont cru à l'existence réelle du détective. 

Aujourd'hui encore, du courrier arrive à son domicile supposé de Baker Street. Plusieurs centaines de clubs holmésiens dans le monde, jusqu'en Amérique et au Japon, perpétuent son culte. Bernard Oudin, spécialiste de Sherlock Holmes, démêle les fils de cet étonnant sortilège qui a amené un personnage de fiction aux frontières de la réalité et du fantasme.


Il est le plus célèbre de tous les détectives, l’incarnation même de l’Angleterre victorienne. Personnage british jusqu’au bouts des ongles, sa renommée est pourtant universelle. La légende le dépeint comme toujours affublé d’un deerstalker et d’une pipe recourbée, toujours accompagné de son ami, le Dr Watson. Vous me situez ? Je parle bien-sûr de Sherlock Holmes.


Ce court ouvrage se présente comme une étude sur le célèbre personnage ainsi que son créateur, afin d’en apprendre plus sur l’auteur, la naissance du personnage, le début de sa renommée et le culte holmésien à travers le monde.


La première partie se penche sur l’auteur, Sir Arthur Conan Doyle, ainsi que les débuts de Sherlock Holmes. Second fils d’une nombreuse fratrie d’origine irlandaise mais ayant grandi en Écosse, Conan Doyle est un colosse de 1,90 m, sportif, dynamique et aventureux. Il s’est consacré à ses études de médecine et a ouvert son propre cabinet, après avoir passé sept mois dans les mers arctiques à bord d’un baleinier comme chirurgien de bord (le premier d’une longue liste de voyages). Il est également féru de spiritisme et l’un des premiers à avoir pratiqué le ski en Suisse, était contemporain de célèbres personnalités comme Harry Houdini, Oscar Wilde ou encore Bram Stoker. Sa rencontre avec le professeur Joseph Bell, reconnu pour ses fabuleuses qualités de déduction, a marqué un tournant dans sa vie car il n’est ni plus ni moins que l’inspirateur de Sherlock Holmes.


Sherlock Holmes est apparu pour la première fois le 6 janvier 1887 (les fans ont ainsi retenu la date du 6 janvier pour l’anniversaire du détective) dans le roman Une étude en rouge (A Study in Scarlet). Pourtant, contrairement à ce que l’on pourrait penser, le roman est passé quasiment inaperçu, refusé par de nombreuses maisons d’éditions, du moins en Angleterre. Les Américains furent les premiers à comprendre l’intérêt du personnage et à s’en passionner. C’est cet intérêt outre-Atlantique qui a permis la naissance d’un second roman, Le Signe des Quatre. Ce n’est pas encore tout à fait espérer… jusqu’à la décision de Doyle de privilégier le format des nouvelles pour les aventures de son détective et de les publier dans le Strand Magazine, accompagnées des illustrations de Sidney Paget qui a immortalisé le personnage!


Sidney Paget est connu pour ses nombreuses illustrations de Sherlock Holmes.
Il aura au total produit pas moins de 356 dessins !



C’est enfin le succès pour ce médecin obscur et pauvre qui devient un écrivain riche et célèbre et pourtant ! Les rapports entre le créateur et la création furent bien orageux, ce que nous développe l’auteur dans sa seconde partie.


Sherlock Holmes est devenu un succès national, et même mondial, cela a atteint de telles proportions que Conan Doyle est dépassé et n’arrive pas à gérer cette célébrité. Il faut dire que nombreux furent les fans à être persuadés de l’existence de Sherlock Holmes, au point de lui écrire pour lui demander de résoudre leurs problèmes ou pour proposer leurs services. Conan Doyle reçoit du courrier des quatre coins du monde, toutes au nom de Sherlock Holmes, est l’objet de nombreuses plaisanteries, son quotidien est profondément perturbé. Bref, Conan Doyle fait une overdose holmésienne et a développé un certain mépris pour sa création, d’autant plus qu’elle l’empêche de se consacrer à l’écriture d’ouvrages qu’il estime plus nobles, comme le roman historique.


Conan Doyle prend alors une décision radicale : il décide de tuer son personnage. Pour cela, il choisit de lui donner une mort noble en le confrontant à une Némésis à sa hauteur, digne de lui, le professeur Moriarty. Comble de l’ironie, en voulant se débarrasser de Sherlock Holmes, il n’a fait que le conforter. Nombreux sont les fans à porter le deuil du personnage. Conan Doyle reçoit des lettres d’insultes ou de supplications, venant même de sa propre famille. Il résiste de longues années à ses admirateurs et ses éditeurs avant de finalement consentir à ressusciter son héro à la condition d’être bien payé. A ceux qui sont chagrinés de savoir une telle animosité de l’auteur envers son personnage, rassurez-vous. Il semble avoir fait la paix avec Sherlock Holmes dans ses dernières années, le considérant comme un « bon ami à bien des égards ». Il aura au final produit 56 nouvelles et 4 romans que composent ce qu’on appelle le Canon Holmésien.


La troisième partie est consacrée à la riche, riche, riche descendance de Sherlock Holmes à travers les nombreux pastiches, détournements (Herlock Sholmes, une version bien moins sympathique du détective, confronté à Arsène Lupin) et adaptations sur écran comme sur scène qui ont commencé dès le vivant de Conan Doyle. Nombreux furent les acteurs à incarner le détective, mais je retiendrai principalement William Gillette, qui incarna Sherlock Holmes plus de 1 300 fois sur scène et une fois au cinéma, il fut également celui qui suggéra l’utilisation de la pipe recourbée que l’on attribue à Holmes, car elle lui permettait de mieux parler ; Basil Rathbone, autre acteur iconique pour le personnage, le meilleur des Holmes pour la plupart (même si l’adaptation de Watson laisse franchement à désirer) ; ou encore Jeremy Brett qui est pour moi ainsi que de nombreux fans est l’acteur idéal, qui colle parfaitement au personnage et la série Granada dans laquelle il a joué a su reprendre le plus fidèlement possible le canon et rendre justice à la relation Holmes/Watson. A noter que cet ouvrage n'étant pas récent, il ne parle pas des adaptations de Robert Downey Junior et de la BBC qui offre une version plus moderne du personnage.



Nombreux furent les acteurs à endosser le rôle du détective. Parmi eux : William Gillette,
Basil Rathbones, Peter Cushing, Jeremy Brett, Robert Downey Junior et Benedict Cumberbatch

Enfin, la quatrième partie se consacre au monde des holmésiens, comment les fans à travers le monde le culte holmésien ou encore la sherlockholmesmania. La première association holmésienne naît à New York en 1934, The Baker Street Irregulars. De nombreux cercles de fans réunissent des gens de tous âges, professions et milieux sociaux, produisant de nombreuses réunions périodiques, projections, conférences, murder parties, jeux de rôles, réunions en costumes d’époque, visites dans les lieux emblématiques du canon ou encore des réunions pour débattre du canon (par exemple, combien de fois Watson s’est-il marié, quelle maison de Baker Street est le 221b, quels personnages historiques se cachent dans les histoires de Doyle, où et quand sont nés nos personnages, où ont-ils fait leurs études, etc).


On termine enfin sur une liste de documents, principalement un glossaire, un petit guide du tourisme holmésien, et la bibliographie d’Arthur Conan Doyle. C’est un ouvrage court mais qui est très instructif sur l’univers de Sherlock Holmes, même si cela n’apportera rien d’inédit aux fans qui s’y connaissent bien mais ça reste un petit ouvrage sympathique avec ce qu’il faut en information – sans nous perdre dans les détails – et en anecdotes, le tout agrémenté de nombreuses illustrations, photographies, gravures et peintures. On apprend ainsi que Sherlock Holmes n’a jamais dit « Élémentaire, mon cher Watson » dans les livres, et qu’il n’était jamais affublé d’un deerstalker dans les livres mais que c’est l’illustrateur, Sidney Paget, qui le dessina ainsi. On apprend également que Scotland Yard n’a pas tenu rigueur au fait que, dans le canon, ses policiers n’aient jamais été mis en valeur, puisqu’ils ont nommé leur ordinateur de recherche « Home Office Large Major Enquiry System », dont les initiales donnent tout simplement le nom... Holmes ! 


Conan Doyle a souvent évoqué ce qu’il devait à son professeur Joseph Bell (1837-1911), dont les facultés déductives étonnaient ses élèves. Il raconte dans ses mémoires une anecdote significative. En présence d’un inconnu venu le consulter, le docteur Bell affirme que cet homme avait servi dans l’armée dont il avait été libéré depuis peu. Pourquoi ? Parce que, quoique très poli, il n’avait pas ôté son chapeau. Or, on ne se découvre pas dans l’armée. Mais s’il avait été libéré depuis longtemps, il se serait conformé aux usages civils. Conan Doyle ajoute « A tous les Watson qui formaient son auditoire, ce qui avait semblé miraculeux devenait tout de suite assez simple. Il n’est pas étonnant que, pour avoir vu de près un pareil homme, j’aie utilisé son système quand j’ai essayé de créer un détective scientifique qui résout les problèmes par ses propres moyens. ». En 1892, il dédie à Joseph Bell le recueil des Aventures de Sherlock Holmes.

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