mercredi 1 avril 2020

Mémoires du duc de Saint-Simon : « Cette pute me fera mourir… » - Louis de Saint-Simon.

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« Cette pute me fera mourir… » soupirait Marie-Thérèse, reine de France, épouse de Louis XIV, en regardant le Roi s’afficher avec la belle Montespan. 

Le duc de Saint-Simon, qui a tout vu et tout entendu, raconte Versailles et ses brillants acteurs. Témoin de la grandeur du règne, il en explore aussi les coulisses : intrigues, scandales et anecdotes se mêlent aux récits des morts illustres.  À la fois véridiques et visionnaires, ses Mémoires nous font entrer au Château et partager la vie de la cour et du Grand Roi avec un esprit, une verve, un génie inégalés.


Sous ce titre ma foi très éloquent se cache une partie (j’insiste sur le mot car les mémoires font plus de mille pages !) des mémoires du duc de Saint-Simon, contemporain de Louis XIV, ayant vécu plusieurs années à la Cour.

Forcément, on peut aisément s'imaginer qu'il a énormément de choses à nous dévoiler ! Entre fêtes majestueuses, disputes, raccommodages, rencontres diplomatiques, mariages, naissances et décès, autant d’événements mémorables que conte Saint-Simon, car il s'en passe des choses à la Cour de Versailles et ses courtisans n'ont pas le temps de s'ennuyer ! Le duc, lui-même courtisan, a participé aux intrigues qui ont animé la vie de la Cour, et a logé au château.

Ces mémoires nous proposent une plongée dans l’univers de la Cour. Un monde poudré, perruqué, scintillant de bijoux, dont les gestes et apparitions obéissent à un rigoureux rituel, car la Cour est un langage que chaque habitant se doit se parler à la perfection, sous peine de faire un faux pas et de contrarier le roi. L’occupation principale, c’est bien-sûr l’intrigue. Sans elle, le courtisan mourrait d’ennui dans ce huis clos doré qu’est le palais de Versailles. Chaque naissance, chaque mariage, chaque mort, chaque fête, bref chaque chose, est un événement mondain qui fait vivre la Cour et qui se présente parfois comme des spectacles à ne pas manquer ! Et si vous ne trouvez rien de compliqué qu’une famille, ça l’est davantage dans une famille royale ! 

En plus de faire régner l'ordre dans le pays, le roi doit aussi faire régner l’ordre dans sa nombreuse famille, ce qui n'est pas toujours chose aisée lorsque la famille en question traverse régulièrement des zones de turbulence, ce qui donne l'occasion à l'auteur de nous raconter de nombreuses anecdotes sur la famille royale mais aussi sur les nombreux courtisans de la Cour, et certaines d'entre elles valent la peine d'être connues ! Je citerai, par exemple, la plaisanterie que la duchesse de Bourgogne et quelques-uns de ses compagnons ont joué à la princesse d'Harcourt, que Saint-Simon décrit comme "une furie blonde, et de plus une harpie", en la surprenant au lit à coups de boules de neige, ou encore une autre plaisanterie qui a mis le comte de Tessé bien dans l'embarras lorsque le duc de Lauzen lui proposa de porter un chapeau gris lors de sa rencontre avec le roi, ce que le comte de Tessé fit sans savoir que le roi avait tout bonnement horreur de cette couleur !


Louis de Rouvroy de Saint-Simon — Wikipédia
Portrait du duc de Saint-Simon
(1675 - 1755)
Cependant à la Cour, tout n'est pas que bal et fêtes somptueuses car, à partir de la fin du XVIIIe siècle et jusqu'à la fin du règne de Louis XIV, s'invite un personnage invisible qui fait des ravages à Versailles, la Faucheuse, qui va enlever un à un des membres de l'entourage ou de la famille du roi : Monsieur son frère, Monseigneur le Dauphin l'héritier du trône, Bontemps le valet et confident du roi, le duc et la duchesse de Bourgogne le petit-fils du roi et son épouse, puis un de leur fils, etc. Le temps s'assombrit alors à Versailles et l'on danse entre deux décès et ce roi, dont la descendance était pourtant assurée, voit sa famille partir avant lui...

J'avoue que ma lecture s'est souvent révélée laborieuse car j'ai ressenti de nombreuses longueurs, d'autant plus que l'auteur a écrit sur de nombreux personnages secondaires voire tertiaires pour lesquels je n'ai pas toujours réussi à m'intéresser. Il n'évoque pas uniquement la famille royale mais de nombreux membres de la Cour, des courtisans,  des marquis, des ducs et duchesses, etc. J'ai beaucoup aimé les portraits du duc et de la duchesse de Bourgogne, parents du futur Louis XV, partis trop jeunes (à 26 et 29 ans), notamment la duchesse de Bourgogne dont la gaieté animait Versailles et qui était l'âme des fêtes et spectacles au château, et dont la mort subite avec celle de son conjoint (la Cour a d'ailleurs longtemps cru à un empoisonnement) ont été comme l'effet de la foudre qui s'abat en France.

Ajoutons à cela un vocabulaire d'époque qui n'est pas toujours clair pour des lecteurs contemporains, cependant l'édition présente de nombreuses notes pour nous éclaircir sur un mot d'époque ou pour apporter un contexte aux écrits de Saint-Simon, pour mieux aider les lecteurs et lectrices à comprendre et mieux situer les événements qui sont décrits.

Un point important à souligner : le duc de Saint-Simon n'a pas rejoint la Cour depuis son arrivée à Versailles, et il commence à raconter la vie à la Cour, du moins dans cette édition, à partir de 1691 jusque 1715, avant de nous raconter des événements antérieurs à son arrivée à la Cour mais que la mémoire de cour lui a transmis, comme la sulfureuse histoire d'amour entre Louis XIV et sa célèbre maîtresse, Madame de Montespan au grand désespoir de la reine, l'arrivée de Françoise Scarron à la Cour pour s'occuper des bâtards royaux, le rapprochement de Louis XIV vers la veuve Scarron qui devient Madame de Maintenon, etc.


Louis XIV et sa famille, peinture attribuée à Nicolas de Largillière.
De gauche à droite : la duchesse de Ventadour (gouvernante des enfants royaux), le duc d'Anjou (futur Louis XV) ou son frère aîné, le Grand Dauphin, fils de Louis XIV, Louis XIV, et le duc de Bourgogne, petit-fils du roi.

L'écriture de Saint-Simon est très imagée et détaillée. On sent chez Saint-Simon une véritable volonté de laisser une trace, une certaine avidité et un empressement de raconter tout ce qu'il a vu, ainsi que son amour pour la plume. L'époque de Louis XIV, le Grand Siècle, a marqué l'Histoire et c'est quelque chose que Saint-Simon a du prévoir, par sa volonté de laisser une trace. Bien-sûr, il ne faut pas toujours forcément prendre au premier degré ces mémoires qui ne sont pas toujours objectives. Comme tout le monde, le duc a ses propres opinions personnelles et, en lisant certains portraits, il s'est laissé aller à des éloges sinon des critiques de tel ou tel personnage, s'est pris de sympathie pour certains personnages et moins pour d'autres, déplore la construction du château de Versailles qu'il juge ruineux et de mauvais goût, et reproche au roi d'avoir avantagé son château et n'avoir fait que peu d'efforts pour Paris qu'il a délaissé.

Cela n'enlève pas la richesse de ce témoignage car Saint-Simon nous présente une excellente restitution du règne du Roi Soleil, du château de Versailles, de la Cour et ses courtisans, qui prend vie sous nos yeux, nous offrant une extraordinaire remontée du temps.
Une autre fois, et ces scènes étaient toujours à Marly, on attendit fort tard qu'elle [la princesse d'Harcourt] fût couchée et endormie [...] Il avait fort neigé, et il gelait : Mme la duchesse de Bourgogne et sa suite prirent de la neige sur la terrasse qui est autour du haut du salon et de plain-pied à ces logements hauts, et pour s'en mieux fournir éveillèrent les gens du Maréchal, qui ne les laissèrent pas manquer de pelotes ; puis, avec un passe-partout et des bougies, se glissèrent doucement dans la chambre de la princesse d'Harcourt, et, tirant tout d'un coup les rideaux, l'accablent de pelotes de neige. 
Cette sale créature au lit, éveillée en sursaut, froissée et noyée de neige sur les oreilles et partout échevelée, criant à pleine tête et remuant comme une anguille sans savoir où se fourrer, fut un spectacle qui les divertit plus d'une demi-heure, en sorte que la nymphe nageait dans son lit, d'où l'eau découlant de partout noyant toute la chambre. Il y avait de quoi la faire crever. Le lendemain elle bouda.

2 commentaires:

  1. un poétique coucou en passant Marion

    toute une époque à la cour de Versailles .En ces jours de confinement , j'ai publier sur Facebook de nouvelles vidéos (chansons ---) bises et A+ du troubadour Emmanuel

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