"Je ne mets point de borne à mes désirs", disait celle qui fut presque reine de France...
De sa naissance dans la prison de Niort à sa mort dans la douce retraite de Saint-Cyr, de l'obscure pauvreté de son enfance antillaise à la magnificence de la Cour, de la couche d'un poète infirme à celle du Roi-Soleil, de la compagnie joyeuse de Ninon de Lenclos et de ses amants au parti pris de dévotion de l'âge mûr, quel roman que cette vie
À partir d'une documentation considérable et en recourant aux écrits, souvent inédits, de la marquise de Maintenon, Françoise Chandernagor a su restituer, à travers des " mémoires apocryphes " qui ont la séduction de la langue du XVIIe siècle, le vrai visage d'une femme méconnue, témoin sans pareil d'une époque fascinante.
Petite fille née dans une prison, passant une enfance pauvre durant laquelle elle doit mendier pour se nourrir, puis jeune fille mariée à un infirme en passant par jeune femme qui devient gouvernante des enfants bâtards du roi, pour devenir enfin l’épouse du plus grand roi de France. La vie de Françoise d’Aubigné, plus connue sous le nom de Madame de Maintenon, est un véritable roman. On ne s’étonnera donc pas de savoir que son histoire a inspiré de nombreux auteurs.
L’allée du roi est une véritable fresque dans laquelle Françoise Chandernagor nous narre la vie de Françoise d’Aubigné de sa naissance à sa mort et nous plonge dans la France du XVIIe siècle. Elle a choisi de faire parler la principale concernée, à savoir l’héroïne elle-même, qui dresse à sa nièce ses mémoires. À travers ces fausses mémoires, Françoise d’Aubigné nous raconte sa vie, sans omettre le moindre détail : la prison dans laquelle elle est née après que sa mère se soit amourachée d’un escroc, son enfance en Martinique où sa famille a tenté de se construire puis auprès de son oncle et sa tante qui l’ont élevé. Malgré son sang bleu, Françoise vit une enfance modeste, pour ne pas dire pauvre, ce qui lui donnera cette détermination de sortir de sa misère et de s’élever socialement, ce qu’elle fait en épousant le poète burlesque et écrivain Paul Scarron, un infirme de 30 ans son aîné mais doté d’un esprit vif et d’une intelligence aiguisée qui se chargera de parfaire l’éducation de son épouse (Ou, comme il lui aurait dit : « Madame, je ne vous ferai pas de bêtises, mais je vous en apprendrai ») et de lui faire connaître le monde des salons, véritables lieux de la vie sociale des personnes influentes, où Françoise se fait connaître. Lorsque son mari meurt, Françoise se retrouve seule et à nouveau sans le sou, et ne doit son salut qu’aux fréquentations qu’elle a su soigneusement choisir. Ce sont justement ses fréquentations qui la feront connaître Madame de Montespan, célèbre maîtresse du roi Louis XIV, avec qui elle noue une amitié intellectuelle. C’est cette amitié qui vaudra à la marquise de Montespan de faire appel à Françoise, dont elle connaît le sens du devoir et de la discrétion, pour élever en secret les enfants qu’elle a eu du roi.
L'adaptation du roman avec Dominique Blanc dans le rôle de Françoise et Didier Sandre dans le rôle de Louis XIV. |
Quel vaste ouvrage que cette reconstitution d'une des femmes les plus célèbres de son temps ! C’est un ouvrage très fouillé dans lequel nous pouvons sentir tous les efforts de recherche et de documentation de l’auteur pour nous offrir un voyage plus vrai que nature dans la France du Roi Soleil. Françoise Chandernagor raconte avec beaucoup de sensibilité et de naturel les fausses mémoires de son héroïne avec, pour plus d'authenticité, le style littéraire de l'époque. Plus que la vie de Françoise d'Aubigné, l'auteur nous fait entrer dans le contexte historique, politique, religieux et social de l'époque pour nous restituer le cadre historique le plus fidèlement possible. C'est un ouvrage effectivement dense et si sa lecture reste agréable, j'ai parfois déploré les longueurs de certains passages qui ralentissaient le rythme de lecture.
Toutefois, je ne peux que reconnaître et admirer le travail de recherche de l'auteur, et de reconnaître également le challenge que représente l'écriture d'un personnage aussi hors du commun que Françoise d'Aubigné, alias Madame de Maintenon qui peut s'avérer être un personnage parfois difficile à cerner. En effet, conscience du poids politique et historique qu’auraient pu avoir ses souvenirs (et également pour donner une certaine image d’elle), Madame de Maintenon a brûlé une grande partie de sa correspondance (celle avec le roi particulièrement), emportant plusieurs vérités dans sa tombe, ne laissant que des tiers pour parler d’elle. On retrouve chez Madame de Maintenon un véritable soucis de sa réputation et de sa gloire, que l'on retrouve bien évidemment dans le roman. C'est une femme qui ressent le besoin d'être irréprochable, un désir de plaire qui est devenu une seconde nature chez elle, autant que son besoin d'être aimée et louangée, ce qui lui vaut d'avoir parfois honte de son comportement et de garder pour elle certaines pensées et de toujours se montrer sous un beau jour. C'est en partie lié à la Cour où elle a bien compris que le secret de la conversation est de paraître écouter l'autre avec plaisir, les courtisans étant unis par les habitudes et les services rendus.
Portrait de Madame de Maintenon peint par Pierre Mignard (1694) |
Elle n'est jamais vraiment intervenue dans la politique malgré que ce des tiers ont pu dire, Louis XIV régnait sans partage et ne voulait surtout pas voir de femmes mêlées à des affaires d'Etat, sans compter que Françoise jugeait l'exercice de la politique périlleux pour elle. Saint-Cyr reste l'oeuvre de sa vie, sans oublier l'éducation qu'elle donna à de nombreux enfants, plus particulièrement les bâtards royaux qu'elle aima avec beaucoup de tendresse, jusqu'à se disputer les choix d'éducation avec leur propre mère, notamment le duc du Maine, son préféré, qu'elle appelait tendrement "son mignon". C'est son dévouement envers les enfants qui la rapprocha du roi, et c'est alors un duo des contraires qui se forme : lui extravagant et séducteur, elle raisonnable et dévote. Leurs entretiens quotidiens se transforment en un attachement sincère et durable, qui ne manqua pas de provoquer la jalousie de Madame de Montespan. J'ai pris beaucoup de plaisir à voir cette relation naître puis évoluer, Louis XIV ne pouvant plus se passer d'elle.
Je crois qu’il m’aimait, en effet. Il m’envoyait, deux ou trois fois le jour, de petits billets à propos de tout et de rien et, en public, il ne pouvait pas tenir un quart d’heure sans venir me parler à l’oreille et m’entretenir en secret, quand même il avait été toute la journée avec moi ; il disait ne se pouvoir passer de ma présence plus d’une heure, et, dans le tête-à-tête, il me prouvait son attachement de telle manière que je ne puis douter de la vérité de cette parole qu’il me dit en mourant : « Madame, je n’ai aimé personne comme vous. »
Je ne peux pourtant pas m'empêcher d'éprouver une sorte de tristesse et d'amertume car, en vieillissant, son royal amant n'est plus qu'un tyran aux yeux de Françoise et elle rame pour le divertir. Elle lui reste dévouée, toujours à ses côtés, mais l'amour et la passion se sont fanés pour elle, d'autant plus que, malgré son mariage avec le roi, elle considère le mariage comme une prison pour les femmes les mettant en servitude.
Françoise n'est pas une narratrice complètement attachante dans le sens où elle est parfois bigote, par sa fierté et son désir d'être irréprochable, elle est parfois austère et fière, mais on ne reste pas indifférente à ce personnage. Elle suscite notre intérêt et notre admiration, on ne peut pas s'empêcher d'être fasciné par la vie de cette personnalité hors du commun, issue d'un milieu de presque rien jusqu'au faste du palais de Versailles et la faveur du Roi, grâce, en plus d'un jolis minois dans ses jeunes années, de son esprit vif, sa volonté de plaire, et un corps de valeurs d'une solidité à toute épreuve. En bref, Françoise ne laisse personne indifférente et, en la suivant à travers ces mémoires, de sa naissance à sa mort, elle est devenue notre compagne de route, et se présente comme loin d'être la femme froide et rigide que des tiers ont pu décrire mais plutôt une femme persévérante, pleine d'esprit et de courage, dotée d'un incroyable instinct de survie politique pour survivre à la Cour, et qui a sut ravir le cœur de l'un des plus grands rois de France...
Françoise n'est pas une narratrice complètement attachante dans le sens où elle est parfois bigote, par sa fierté et son désir d'être irréprochable, elle est parfois austère et fière, mais on ne reste pas indifférente à ce personnage. Elle suscite notre intérêt et notre admiration, on ne peut pas s'empêcher d'être fasciné par la vie de cette personnalité hors du commun, issue d'un milieu de presque rien jusqu'au faste du palais de Versailles et la faveur du Roi, grâce, en plus d'un jolis minois dans ses jeunes années, de son esprit vif, sa volonté de plaire, et un corps de valeurs d'une solidité à toute épreuve. En bref, Françoise ne laisse personne indifférente et, en la suivant à travers ces mémoires, de sa naissance à sa mort, elle est devenue notre compagne de route, et se présente comme loin d'être la femme froide et rigide que des tiers ont pu décrire mais plutôt une femme persévérante, pleine d'esprit et de courage, dotée d'un incroyable instinct de survie politique pour survivre à la Cour, et qui a sut ravir le cœur de l'un des plus grands rois de France...
Grand Dieu, sauvez le Roi,
Grand Dieu, vengez le Roi,
Vive le Roi
Le Roi les écouta sans un mot, mais lorsqu'il remonta en voiture, ce prince, toujours si maître de lui, ne put cacher son émotion ; il prit ma main, la baisa et dit seulement d'une voix changée : "Je vous remercie, Madame, de tout le plaisir que vous m'avez donné.". Enivrée du bonheur de lui voir goûter la même joie que moi, et d'ailleurs transportée d'inquiétude par sa maladie, je ne pus m'empêcher de lui rendre son baiser, ce qui était bien osé et le surprit aussi. Il prit un air un peu narquois, secoua la tête, sourit et garda ma main dans la sienne tout le temps de notre retour jusqu'à Versailles. Saint-Cyr était notre enfant commun et nous unissait au bord de son berceau.
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