Naïf et studieux, Angelo da Canossa n’est guère armé pour la vie d’étudiant à l’université de Pise, lieu d’intrigues et de tensions dans l’Italie de la Renaissance. Son innocence résistera-t-elle à sa rencontre avec Cesare Borgia, rejeton d’une famille à la réputation sulfureuse, dont le père est sur le point d’accéder au Saint-Siège ?
Rivalités entre les différentes factions de l’université, machinations politiques et luttes fratricides, Angelo va partager les années de formation d’un jeune homme en passe de devenir l’un des personnages les plus fascinants de l’Histoire. À ses côtés, il croisera le chemin de certains de ses contemporains les plus célèbres, de Christophe Colomb à Machiavel en passant par Léonard de Vinci…
Depuis quelques temps, les Borgia jouissent d'une popularité que rien ne laissait présager il y a plusieurs années. Je pense que la plupart connaissent, ne serait-ce que de nom, la fameuse série Borgia. Cette célèbre famille a su séduire le public et envahir aussi bien les livres que les écrans, mais aussi le manga, qui est le sujet du présent billet. C'est un peu par hasard que j'ai découvert cette série à la bibliothèque universitaire. J'avais originellement empruntés les tomes à cause de ma petite faiblesse concernant la culture, l'art et l'histoire de la Renaissance, mais au final, ce manga est devenu ma petite drogue pendant plusieurs semaines. J'avais du mal à attendre de pouvoir emprunter la suite !
L'histoire se situe au XVes, en Italie. Malgré ses origines modestes, voire même pauvres, Angelo a la chance de pouvoir étudier dans la prestigieuse université de Pise. Mais, tout juste sorti de sa campagne florentine et ne connaissant rien à la vie urbaine, il peine à comprendre les subtilités de son nouvel environnement : les rivalités entre cercles d'étudiants (qui font un peu penser aux fraternités qu'on peut retrouver dans les universités américaines), l'histoire et les conflits européens, les différents cercles d'étudiants et leur façon de fonctionner... Ainsi, ignorant, il commet des impairs et enchaîne bourdes sur bourdes. Cependant, il y a quelque chose chez ce jeune homme maladroit mais curieux et passionné qui intrigue le jeune Cesare, héritier prestigieux des Borgia, qui décide de le prendre sous son aile et de lui apprendre la vie et société à Pise, ainsi que l'histoire et les conflits en Italie et Europe... ce qui entraînera peu à peu Angelo dans une société de machinations, d'intrigues, de lutte pour le pouvoir, forçant ce jeune homme candide à porter un autre regard sur le monde qui l'entoure.
Cesare et une de ses |
À travers Angelo, qui ignore comme nous les usages du monde à cette époque, l'auteur nous fait découvrir les intrigues politiques qui règnent aussi bien à Pise qu'en Italie, un pays morcelé dont les villes sont souvent en conflit. À travers les interrogations d'Angelo sur ce monde qui l'entoure, l'auteur nous permet de découvrir un peu plus le contexte historique, religieux, géopolitique, culturel de cette Renaissance italienne (tels que les luttes de pouvoir à la mort du Pape, les conflits entre clans italiens et les intrigues pour dominer le clan rival), sans que cela soit assommant car toutes ces informations passent avec fluidité et qu'elles font parties de l'histoire que nous suivons à travers Angelo, Cesare et Miguel (le plus proche ami de Cesare, presque son garde du corps), ainsi vous n'avez pas à craindre qu'il y ait de longues pages expliquant la géopolitique à cette époque, et l'auteur nous présente une Renaissance italienne réaliste et passionnante. Il faut d'ailleurs savoir que ce manga a bénéficié d'un long travail de recherche documentaire et que l'auteur a travaillé sous la supervision de Motoaki Hara, spécialisé dans cette période historique.
Portrait de Cesare Borgia, réalisé par Altobello Melone. |
Oui alors, certes, les explications historiques peuvent parfois prendre le pas sur l'action et ça peut se révéler gênant lors de la lecture, cependant Cesare est un manga dynamique, avec de l'action et des intrigues : tentatives d'assassinat, virée secrète hors de l'université, découvertes des quartiers les plus malfamés la nuit, complots au sein même de l'université... jusqu'aux machinations et manœuvres politiques qui préparent l'élection du Pape (un des éléments qu'on retrouve régulièrement dans l'intrigue), ce qui nous donne l'occasion de voir des roueries, tentatives de corruption, etc, car chaque grande famille italienne espère bien monter sur le trône de Saint Pierre !
Les personnages, intéressants pour la plupart, nous transmettent une multitude d'émotions : joie, tristesse, colère, agacement. Je retiendrais surtout Cesare qui apparaît sombre, arrogant et froid mais pourtant complexe, ambigu, curieux et pas moins dénué de sentiments; ainsi qu'Angelo, tellement candide, naïf et ignorant sur les us et coutumes qu'on aurait envie de se claquer une main contre le front, qui se révèle pourtant attachant, loyal, passionné car malgré ses impairs et sa maladresse, il possède une certaine intelligence et des talents qui lui ont permis d'être accepté à l'université, sans oublier une passion et un talent pour l'architecture. De plus, il a une façon de penser un peu révolutionnaire pour son époque, qui diverge, il sait argumenter ses convictions... même si, pour cela, il s'attire souvent les foudres de certains étudiants par inadvertance.
On remarque aussi la complexité des relations, l'exemple le plus typique : Miguel et Cesare, par moment, au vu des gestes et regards qu'ils s'échangent, on peut se demander si on a affaire là à une relation maître/serviteur où le serviteur a dédié sa vie à son maître, à une profonde amitié, où s'il n'y aurait pas une certaine attirance amoureuse..., on pourra également citer Cesare et Angelo. Ce dernier est fasciné par Cesare et les Borgia, et se montre vite loyal et attaché à Cesare. Cesare... certains éléments laissent croire qu'il utilise ou compte utiliser Angelo pour son propre intérêt maaais, d'autres éléments pourraient laisser croire que Cesare éprouve une certaine affection pour Angelo qui, parfois, l'étonne, le surprend, et il semble prendre à cœur de lui expliquer les réalités de ce monde, ses richesses jusqu'à la pauvreté la plus extrême... en même temps qu'il le fait entrer dans son cercle (Angelo demande même à apprendre l'espagnol, langue maternelle des Borgia). Alors, affection réelle ou pas ? À voir dans les prochains tomes !
En plus du travail de recherches, il faut souligner la qualité des dessins : ce manga nous offre des graphismes sublimes ! Les traits sont doux, réalistes, magnifiques (bon bien-sûr il y a des personnages présentés sous des traits grossiers, comme les Français qui ne sont pas montrés sous leurs beaux jours dans ce manga). J'ai souvent eu le souffle coupé pour certains détails (les cheveux de Cesare (don't judge me), les monuments, les églises, les palais, les vêtements, etc) pour nous offrir de superbes représentations des hauts-lieux et grands personnages de la Renaissance italienne, mais aussi les plus grandes œuvres d'art de la période (les reproductions de l'auteur des plus grands tableaux de la période sont un vrai délice pour les yeux !) Ceux ayant eu la chance de visiter l'Italie, ou ceux ayant eu des cours d'histoire de l'art sur la Renaissance italienne (comme moi) auront l'occasion de reconnaître quelques monuments/bâtiments emblématiques de la période ! Ce manga nous donne aussi l'occasion de retrouver quelques figures historiques célèbres comme Léonard de Vinci, Christophe Colomb (qui n'a pas encore découvert l'Amérique), ainsi que les grandes familles italiennes de la Renaissance (les Borgia, les Médicis, les Sforza), etc.
Je ne m'étendrais pas davantage, je crois avoir suffisamment proclamé mon amour pour ce manga. En résumé : Cesare est une petite merveille, un manga intense et passionnant qui nous entraîne en plein cœur de la Renaissance italienne. Plus qu'un manga à contempler, Cesare est un manga à dévorer !
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