vendredi 18 juin 2021

Blanc autour - Wilfrid Lupano et Stéphane Fert

1832, Canterbury. Dans cette petite ville du Connecticut, l'institutrice Prudence Crandall s'occupe d'une école pour filles. 

Un jour, elle accueille dans sa classe une jeune noire, Sarah. La population blanche locale voit immédiatement cette « exception » comme une menace. 

Même si l'esclavage n'est plus pratiqué dans la plupart des États du Nord, l'Amérique blanche reste hantée par le spectre de Nat Turner : un an plus tôt, en Virginie, cet esclave noir qui savait lire et écrire a pris la tête d'une révolte sanglante. 

Pour les habitants de Canterbury, instruction rime désormais avec insurrection. Ils menacent de retirer leurs filles de l'école si la jeune Sarah reste admise. Prudence Crandall les prend au mot et l'école devient la première école pour jeunes filles noires des États-Unis, trente ans avant l'abolition de l'esclavage.



Aucune journée dans cette école n’est éprouvante. C’est le monde tout autour de nous qui est une épreuve.


Blanc autour est une bande-dessinée qui évoque l’histoire vraie de Prudence Crandall, une institutrice américaine qui a ouvert en 1832, dans une Amérique touchée par la ségrégation raciale, l’une des toutes premières écoles destinées à l’éducation des Afro-Américaines. Tout commence, alors que Prudence Crandall enseignait à de jeunes filles blanches, lorsque Sarah, une jeune fille Afro-Américaine, demande à entrer dans l’école pour apprendre, ce qui n’est pas sans plaire à la population qui voit d’un très mauvais œil la volonté d’une Noire à s’instruire, surtout après l’attaque de Nat Turner, un esclave noir qui a massacré des Blancs dont les desseins venaient, d’après la population, du fait qu’il savait lire et écrire. En protestation, ces habitants décident  de retirer leurs filles de l’école. Loin de décourager Prudence Crandall, celle-ci décide de transformer son école afin d’instruire les femmes Afro-Américaines qui le souhaitent…


J’ai trouvé cette bande-dessinée très instructive car elle relate des événements réels dont nous, Occidentaux, ne connaissons pas forcément l’existence. Si les stigmates du racisme envers les Noirs (toujours d’actualité, malheureusement), l’esclavage, l’abolutionisme et la ségrégation raciales ne me sont pas inconnus, j’ignorais tout de Prudence Crandall, de ses actions, et de l’existences d’écoles pour l’instruction des Afro-Américaines. Le scénario est très instructif, abordant des thèmes tels que l’éducation, l’accès au savoir, le féminisme, le racisme, la ségrégation contre les noirs qui restent persécutés dans cette Amérique du XIXe siècle. J’ai pu apprendre bien des choses sur ces sujets, et le combat que Prudence Crandall a dû mener pour mener son projet à bien, défendre ses convictions et le droit à l’instruction de ces femmes. Car nombreux sont ceux à lui mettre des battons dans les roues : contestations, sabotages, menaces… jusqu’à l’intervention de la justice. Les auteurs évoquent également les élèves de Prudence Crandall, leur volonté de s’instruire, leurs vies, leurs convictions, leurs doutes comme leurs désillusions.


Même si l’histoire ne se situe pas dans un Etat esclavagiste d’Amérique, les auteurs nous montrent bien comment les mentalités et le racisme sont encrés, comment l’indignation, la peur et la discrimination attendent ces jeunes filles dont le seul péché est d’être une femme et, pire que tout, une femme noire. Le combat racial se double donc d’un combat féministe, car les femmes blanches encouragent leurs maris à refuser cette nouvelle institutions et à renvoyer ces jeunes filles à la condition de servante.


Outre Prudence Crandall, nous avons ses élèves qui m’ont amusé et émue avec leurs caractères si différents, leur façon de voir le monde, leurs répliques bien placées, leur courage. J’ai aimé la sororité qui s’est crée entre elles. Elles sont uniques et adorables, chacune à leur façon, intelligentes et pleines d’espoir, et continueront leur combat pour leurs engagements, des années après l’école… Le chemin est long, difficile et parfois violent face à la stupidité humaine.


Si je devais exprimer un grief, ce serait le suivant : j’aurais aimé plus de pages pour plus d’approfondissement, je trouve en effet que plus de profondeur aurait profité à l’histoire dont j’ai trouvé la fin assez abrupte. J’ai néanmoins apprécié découvrir les dossiers en fin d’ouvrage qui apportent des précisions sur la vie des héroïnes, et comment elles ont évolué et vécu après avoir quitté l’école. Je n’ai pas grand chose à redire concernant les graphismes, les couleurs sont douces, le dessin un peu brouillon mais cela fait parti de son charme, tout en rondeur et en douceur, et des teintes pastel. En somme, une bande-dessinée instructive qui met en lumière les actions d'une femme méconnue mais dont le combat et les convictions se doivent d'être reconnus.





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