Médecin militaire, John Watson vient tout juste d’être rapatrié d’Afghanistan. La guerre lui a tout pris. Sa santé, sa raison de vivre, son premier amour.
Brillant et excentrique, Sherlock Holmes est fasciné par les crimes et les énigmes, mais rongé par l’ennui et la solitude.
Par un coup du sort, les deux hommes se retrouvent à partager un appartement au 221b Baker Street. Et lorsque Scotland Yard frappe à la porte, Holmes et Watson n’hésitent pas une seule seconde à y répondre. Aventure et mystère s’invitent dans leur quotidien. Mais alors que le danger n’est jamais loin, les démons du passé, eux, menacent de les rattraper. Leur amour sera-t-il assez fort pour y faire face ?
J’avais repéré ce titre plusieurs mois avant sa sortie et j’attendais sa sortie avec une légère impatience et beaucoup de curiosité.
Il existe une foule de pastiches holmesiens, chaque auteur ayant cuisiné le détective à toutes les sauces, le mêlant parfois à d’autres univers (celui de Dracula, Arsène Lupin, Jack l’Eventreur, le fantôme de l’opéra… et même Frankenstein). L’auteure ici prend un gros pari en allant plus loin : installer une tension amoureuse et physique entre Holmes et Watson. Outre les fanfictions, il est plus rare de trouver des pastiches mettant en scène une romance entre ces deux personnages, ce qui a été la raison principale de vouloir découvrir ce roman, et si j’ai relevé quelques points négatifs, je ressors finalement positive de cette lecture.
L’auteure se montre fidèle à Arthur Conan Doyle sur plusieurs points : au niveau de l’écriture : c’est fluide, simple, on tourne les pages à un rythme régulier, comme lors d’une nouvelle du canon. Ensuite, ses personnages sont crédibles, on reconnaît Sherlock Holmes et le docteur Watson même dans ce contexte, sans donner de rôle de dominant ou de dominé dans le couple, et sans la plupart des clichés que l’on retrouve régulièrement dans les romans M/M, et l’auteure réussit à nous rendre crédible une romance entre Holmes et Watson. Des adaptations comme la série Granada, BBC Sherlock ou encore les films de Guy Richie ont pris à cœur de rendre justice à l'amitié qui lie ces deux personnages. Avec la dévotion et tout l'attachement qu'ils se portent, on ne peut donc très bien envisager que ces sentiments deviennent, sous la plume d'autres auteurs, beaucoup plus tendres et passionnels. J'ai pris beaucoup de plaisir à voir cette tension amoureuse se former pour aboutir progressivement à une histoire d’amour, sans mièvrerie mais avec beaucoup de tendresse, de complicité et de passion [spoiler] le mariage m’a cependant semblé tout à fait inutile, et que l’auteure allait un peu loin dans sa romance, mais ce n’est que mon avis personnel [/spoiler].
À l’instar du canon holmesien, Watson demeure le narrateur mais il est davantage représenté, car il ne s’agit pas ici d’une histoire qu’il adresse à ses lecteurs, et il est autant mis en avant que Holmes, avec ses qualités comme ses défauts, ses charmes, ses traumatismes (ses cauchemars et ses blessures d’après guerre), sa bravoure, sa loyauté. Avec Holmes, il est le personnage central du roman, dépeint comme un personnage avec plusieurs facettes. Jeune vétéran, il doit se réhabituer à la vie civile sans que rien ne l’y attende, seul avec ses traumatismes, jusqu’à ce que sa rencontre et la cohabitation avec Holmes ne redonnent du goût et un sens à sa vie, alors qu’il devient progressivement son ami et son associé, au delà du simple colocataire. C’est un personnage loyal, ouvert, brave, dont la bonhomie fait qu’il attire les gens vers lui. Il est autant mis en avant que Holmes, avec ses qualités, son originalité, ses bizarreries, son incroyable intelligence, et ça fait plaisir ! Car si j’apprécie énormément Sherlock Holmes, j’aime tout autant Watson et j’ai horreur de ces pastiches qui l’oublient ou le ridiculisent.
Doctoring, de Sadyna (DeviantART)
L’histoire prend place durant les sept premières années de vie commune d’Holmes et de Watson, ce qui comprend donc les deux premiers romans du canon. L’auteure a su reprendre les éléments du canon, d’Une Étude en Rouge et du Signe des Quatre sans s’attarder longuement sur les détails que l’on connaissait déjà, et de nous concocter également une enquête ma foi pas déplaisante à suivre, sur un groupe de cambrioleurs (hélas, pas d'Arsène Lupin en vue...) même si elle a surtout servi à développer et faire évoluer la relation entre nos deux personnages. J’avoue avoir été également curieuse de la façon dont l’auteure allait traiter l’histoire du Signe des Quatre, puisque, dans le canon, c’est dans ce roman que Watson rencontre son épouse, Mary Morstan. J’ai été soulagée de voir que l’auteure n’a pas dépeint Mary de façon négative, mais en a fait un personnage très attachant, tout en installant une relation d’amitié et de confiance entre elle et Watson qui ont trouvé en l’autre leur propre miroir, et de nous peindre une amitié homme/femme profonde et touchante, même si l’on a pas échappé au cliché de l’autre amant jaloux et du manque de communication déclenchant des malentendus et des disputes causées par ces malentendus et le manque de communication.
Bien-sûr, l’auteure ne pouvait pas écrire une relation homosexuelle entre Holmes et Watson sans évoquer l’homophobie à l’époque victorienne qui a rendu illégal l'homosexualité, la punissant d'acte emprisonnement, comme Oscar Wilde en a fait les frais. L'auteure ne pouvait donc pas passer outre cet aspect historique qui revient, de ce fait, au cours de l'histoire, nos deux personnages devant être prudents et être amenés à utiliser ruses et parfois même sacrifices pour espérer rester ensemble. J'ai été toutefois très surprise de découvrir des personnages assez ouverts d'esprit pour accepter la relation secrète entre le détective et le docteur, tandis que d'autres le sont moins, à savoir [spoiler] l'inspecteur Gregson et Mycroft Holmes. J'avoue avoir tiqué sur ce dernier point. Mycroft étant un personnage que j’aime beaucoup, le voir ainsi “maltraité” et rejetant son frère par homophobie m’a dérangé, d’autant plus que (mais ce n’est que mon avis personnel) je pense que même si Mycroft désapprouverait, il ne serait pas aussi violent [/spoiler]. Heureusement, l’auteure a su prouver que ses personnages n’étaient ni blancs ni noirs mais tout en nuance, et qu’il y avait toujours une chance de se racheter, d’évoluer. J’attends de voir s’il en sera de même pour d'autres personnages...
Outre quelques clichés, j'avoue avoir vu venir un ou deux plot twists plusieurs chapitres en avance, toutefois ça ne m'a pas vraiment dérangé au cours de ma lecture. D'ailleurs, le roman s'achève sur un très bon point en mentionnant un personnage emblématique du canon holmesien, et avec la découverte que l'auteure allait consacrer deux autres tomes à cette série, je sais que c'est avec grand plaisir que je lirai la suite !
Trouble you for a match? de elaby (DeviantART)
— Comment va-t-il ? demanda Mycroft en changeant de sujet.
— Il devrait manger plus, fumer moins et baisser sa consommation de cocaïne, mais à part ça, plutôt bien, je pense. Il vient de terminer une nouvelle monographie sur l’étude comparée des semelles de bottes anglaises et étrangères, il a failli mettre le feu au tapis hier en tentant une manipulation réservée à des spécialistes dans un laboratoire et il a résolu trois enquêtes particulièrement intéressantes depuis le début du mois.
Mycroft sourit.
— Je vois. En pleine forme, donc.
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