lundi 14 novembre 2022

The Wicked Deep : La malédiction des Swan sisters - Shea Ernshaw.


C’est une histoire de vengeance... Il y a près de deux siècles, Marguerite, Aurora et Hazel Swan, trois jeunes femmes belles, libres et indépendantes, furent accusées de sorcellerie par les habitants de la ville de Sparrow. Des pierres accrochées aux chevilles, les trois sœurs furent noyées. Exécutées. 

Depuis ce jour, chaque année au mois de juin, les sœurs Swan sortent des eaux de la baie pour choisir trois jeunes filles, trois hôtes. Dans le corps de ces adolescentes, Marguerite, Aurora et Hazel reviennent se venger.

Et cette année encore, Penny le sait, alors que les touristes afflueront, on retrouvera des cadavres de jeunes hommes sur la plage… Car cette malédiction, rien ne semble pouvoir l’arrêter.




C’est l’histoire de trois sœurs sorcières condamnées à mort et qui reviennent à notre époque pour assouvir leur soif de vengeance… Il ne s’agit pas d’Hocus Pocus et des sœurs Sanderson mais des sœurs Swan. Nous sommes à Sparrow, petite ville portuaire, hantée chaque année par une malédiction. Du premier jour de juin jusqu’au solstice d’été, les sœurs Swan se relèvent des eaux où elles furent noyées des siècles de cela pour occuper le corps de trois jeunes filles et attirer des hommes pour mieux les noyer.



L’histoire présente de nombreux bons points. Le plus intéressant étant bien entendu la malédiction. Trois sœurs sont assassinées car accusées d’être sorcières. Elles reviennent chaque année au mois de juin pour prendre possession de jeunes filles et emporter dans l’océan des jeunes hommes pour les noyer après les avoir séduit. Ces jeunes filles sont libérées de leur emprise une fois qu’est passé le solstice d’été et n’ont aucun souvenir de ce qu’il s’est produit pendant cette période. Pendant cette période, c’est une chasse aux sorcières qui se met en place chez les adolescents qui se demandent, parmi les filles, qui est possédée et une espèce de psychose se met en place. Nous suivons à travers les yeux de Penny, notre personnage principal, toute cette période sombre et tendue. Cependant, pour cette année, des éléments perturbateurs pourraient bien faire changer la donne…



Il y a de nombreux de secrets, et cela dès le départ. Ça commence d’abord tout petit. Qu’est-il arrivé au père de notre héroïne, disparu du jour au lendemain ? Est-il mort ? A-t-il disparu ? A-t-il fui femme et enfant ? Cela pourrait-il avoir un rapport avec la Swan season ? Et puis apparaît cet étranger qui prétend chercher un job d’été, précisément à la veille de la Swan season. Qui sont les hôtes des trois sœurs ? Qui seront les malheureuses victimes ? Vers quelles extrémités vont se livrer les jeunes gens pour échapper aux sœurs Swan ? Bref, tant de questions qui nous maintiennent en haleine pour la plupart (car j’avoue qu’on découvre assez rapidement qui sont les hôtes, du moins deux d’entre elles, et les victimes sont de parfaits anonymes).



L’histoire nous offre un cadre attrayant, celui d’une ville portuaire presque coupée du monde, brumeuse et mystique, où tous les habitants se connaissent et se méfient des étrangers. C’est une ville retranchée sur elle-même qui subit, comme la marée chaque jour, la malédiction. L’auteure nous offre une véritable atmosphère marine où l’on sent l’air iodé, le vent qui fouette les cheveux, la lourdeur de l’atmosphère, le cloche du port qui annonce les décès par noyade. Et, au final, tout revient à l’eau, à la mer : le réveil des sœurs Swan, l’appel des sœurs qui envoûte surtout les filles qui ont été au contact de l’eau de mer, les meurtres qui se font aussi dans l’océan, etc.



Les personnages ne sont ni mémorables, ni attachants, mais font l’affaire, et on les suit tout au long de l’intrigue sans difficulté. Je pense notamment à Penny, jeune fille native de Sparrow qui s’occupe du phare depuis que son père à disparu mystérieusement, ainsi que de sa mère qui a depuis lors sombré dans la dépression. Rose, son amie, dont la maman confectionne des pâtisseries aux mélanges originaux de parfums et qui auraient le don de requinquer. Bo, un étranger, qui vient demander un boulot d’été à Penny et qui se révèle avoir un lien avec la malédiction, pour avoir eu un frère mort noyé par l’une des sœurs. Il cherche à trouver les causes de son décès et venger son frère. La romance était plutôt sympathique même si je trouve qu'elle prenait parfois trop le dessus sur l'intrigue autour de la malédictions et de nos prétendues sorcières.



Passons maintenant aux points qui m’ont chagriné.



Tout d’abord, la crédibilité.



Je n’ai pas trouvé logique que les habitants sombrent dans la passivité, acceptant quasi sans sourciller la malédiction, attendant que cela passe et de retrouver les corps des malheureuses victimes. C’est une chose de ne pas croire à cette histoire de malédiction. C’est autre chose de ne pas s’alarmer tant que ça des vagues de meurtres qui se produisent chaque année et à la même période et ce depuis 200 ans. Personne ne semble mener l’enquête, personne ne semble prendre les mesures nécessaires pour empêcher, sinon limiter les meurtres. Les habitants continuent de vivre leur vie, ne cherchent pas à déménager, laissent leurs enfants se balader en ville quand bon leur semble pendant ces trois semaines fatales. J’ai trouvé encore plus insensé que les adolescents de Sparrow s’amusent à faire la fête sur la plage puis approcher l’eau pour voir si les filles se feront posséder par les sœurs ou si les garçons se feront entraîner par elles, en guise de jeu. L’événement en question a même un nom, la Swan season, et attire des touristes chaque année ! Coucou tourisme morbide.



Le roman avait également un bon potentiel féministe. On ignore si les sœurs Swan ont été des sorcières. Il est plus vraisemblable qu’elles ont été condamnées pour avoir suscité la méfiance et la jalousie parmi les habitants de Sparrow, car ce sont des femmes belles, libres, indépendantes qui ont débarqué à Sparrow pour s’installer et vivre de leur commerce de parfumerie, et si belles qu’elles attirent sans effort n’importe quel homme. Face à ces femmes fières et indépendantes, les habitants ont cherché à y trouver de la sorcellerie pour mieux les condamner et se débarrasser d’elles. Le récit est d’autant plus entrecoupé de flash-back nous narrant la vie des sœurs depuis leur arrivée à Sparrow jusqu’à leur jugement et leur exécution.



Pourtant, j’ai trouvé qu’on avait finalement appris peu de choses sur les trois sœurs. On connaît leur histoire, mais leur personnalité ne se dévoile que peu. Elles nous sont davantage présentées comme de viles séductrices qui n’hésitaient pas à séduire tous les hommes, même mariés, davantage pour plaire que pour s’établir avec quelqu’un. J’adhère totalement au fait de montrer Marguerite, Aurora et Hazel comme des femmes libres, indépendantes, fières et qui ont fait ce qu’elles voulaient de leur vie et de leur corps, et que cela n’ait pas plu aux habitants de voir des femmes libres et sûres d’elles au point de les accuser de sorcellerie. Toutefois, il aurait été intéressant de présenter les sœurs sous un jour un peu plus avantageux, nous faire avoir de la peine pour elle, les rendre un peu sympathiques et mieux accentuer ainsi combien leur sort fut injuste au lieu de nous les présenter comme des femmes aux mœurs légères, et montrer davantage de leur personnalité que cet aspect. Je trouve un peu dommage que l’auteure n’ait pas cherché à donner un semblant d’humanité à Aurora et Marguerite, je n’ai ressentie aucune empathie pour elles, bien que l’on sait qu’elles ont été injustement condamnées. Alors qu’elles auraient pu être des antagonistes intéressantes et complexes, elles demeurent pour moi des meurtrières séductrices…



Seule Hazel se démarque un peu du lot, elle nous semble plus humaine et accessible, même si on découvre qu’elle peut être profondément égoïste. Je ne peux pourtant pas parler d’elle sans risquer de spoiler, disons juste que le roman ne cache pas qui sont les hôtes d’Aurora et de Marguerite et a su garder le suspense concernant Hazel. C’était un bon plot twist et apporter plus de nuance à l’histoire. Je suis contente que [spoiler] Hazel a su faire le bon choix, celui de se sacrifier pour stopper pour de bon la malédiction, laisser son hôte retrouver sa vie, en sacrifiant son amour pour Bo. Ça aurait été trop fort sinon, elle aurait eu le beurre, l’argent du beurre et la crémière aussi… le crémier dans ce cas. Si je ne doute pas de l’amour de Bo pour Penny, je ne peux toutefois pas m’empêcher d’avoir la désagréable sensation qu’elle sert un peu de substitut d’Hazel pour Bo [/spoiler]



En résumé, Un livre jeunesse plutôt sympathique. J’ai aimé l’ambiance autour de la malédiction, le cadre portuaire et le plot twist. En revanche, pour la crédibilité, on repassera. Malheureusement, la romance prend trop souvent le pas sur l’intrigue autour de la malédiction et les personnages ne sont pas mémorables ou attachants.


- Peut-être, reconnaît Gigi. N'empêche qu'elles n'ont pas mérité ce qui leur est arrivé.
Davis rigole, le visage rougi par la chaleur du feu.
- C'étaient des sorcières !
Gigi lève les yeux au ciel.
- Peut-être que cette ville les détestait juste parce qu'elles étaient différentes, dit-elle. Parce que c'était plus facile de les tuer que d'accepter que les hommes sont des connards misogynes et bornés.
(...) Les yeux perçants, Bo me regarde. Il parle doucement pour que personne d'autre ne l'entende :
- On les a tuées parce qu'on les prenait pour des sorcières ?
- Noyées dans le port, des pierres accrochées aux chevilles. A l'époque, il ne fallait pas grand chose pour condamner quelqu'un pour sorcellerie : la plupart des gens de Sparrow détestaient déjà les Swan Sisters, donc le procès a été assez expéditif.

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