dimanche 30 octobre 2022

Sherlock Holmes et la Bête des Stapleton - James Lovegrove.


1894. Voilà cinq ans que le monstrueux chien des Baskerville et son maître, le naturaliste Jack Stapleton, sont morts. Sir Henry Baskerville vit heureux dans son manoir ancestral avec son épouse Audrey et leur fils.

Du moins jusqu’au jour où l’on retrouve sur la lande le corps exsangue d’Audrey. Une nouvelle créature démoniaque hanterait-elle le Dartmoor ? Lorsqu’on les appelle à la rescousse, Sherlock Holmes et le Dr Watson sont confrontés à une véritable créature de cauchemar. Il semblerait que Jack Stapleton ait survécu et qu’il soit décidé à se venger…


Cela fait un peu plus de dix ans depuis que j’ai découvert Sherlock Holmes. J’avais décidé de faire connaissance avec le détective avec Le Chien des Baskerville, qui demeure l’une de ses meilleures enquêtes. James Lovegrove nous propose ici une suite qui se situe cinq ans après les événements du roman de Conan Doyle.



Sherlock Holmes apprend, par le biais d’un dénommé Grier, qu’Henry Baskerville, alors qu’il semblait avoir gagné son « heureux pour toujours », s’est cloîtré chez lui depuis la mort de son épouse, avec son fils qu’il couve par crainte de le perdre. Lady Baskerville a en effet été assassinée… par une bête immense qui s’abreuverait du sang de ses victimes, humains comme bétail, jusqu’à la mort et qui hante la région du Dartmoor…



Sherlock Holmes qui retourne sur les terres des Baskerville, non pas pour traquer le chien maudit, mais une autre créature. J’adhère tout de suite ! Ce qui m’avait plu dans le roman d’origine, c’était bien cette ambiance écossaise mystérieuse et une histoire inquiétante d’une créature que l’on croit surnaturelle et meurtrière. J’ai donc retrouvé avec plaisir la lande lugubre et sauvage du Dartmoor et, si on se doute bien que la créature en question n’a rien de surnaturel et que l’on devine rapidement la supercherie, cela n’enlève rien au suspens du roman qui nous emmène de suspect en suspect, d’indices en indices pour découvrir qui est le véritable auteur de ces meurtres ainsi que ses motivations, mais aussi la nature du lien avec l’ancien meurtrier.



L’enquête est efficace, intéressante, elle tient la route et nous tient suffisamment en haleine jusqu’à la fin avec la traque du meurtrier. Toutefois, il y a quelques points à m’avoir chagriné. J’ai notamment trouvé que cela devenait un peu too much sur la fin avec le lien entre le meurtrier et un personnage dont le nom ne sera pas inconnu aux holmesiens [spoiler] imaginer un frère au professeur Moriarty qui a fait tout cela pour venger son défunt frère, il est un peu sorti de nulle part ce personnage… [/spoiler]



Mon autre soucis est que l’auteur a donné à Watson une phobie des chiens et qui préfère rester à Baker Street plutôt que d’accompagner Holmes dans le Dartmoor, de crainte d’un nouveau chien des Baskerville. Si la soudaine phobie des chiens suite aux événements du roman paraît logique, cela me paraît tout de même un peu gros que Watson, vétéran d’une guerre dans laquelle il a vu ses camarades mutilés, ancien médecin de l’armée et compagnon d’un détective qui le suit dans ses affaires les plus sombres, soit trop peureux et lâche pour accompagner Holmes. Heureusement que Holmes insiste pour que Watson l’accompagne en deuxième partie de roman. C’est toujours mieux quand les deux inséparables partent ensemble à l’aventure… Cela m’a donc chagriné de voir Watson absent pendant une partie de l’intrigue.



La seconde partie du roman peut déconcerter car nous changeons radicalement de cadre. L’auteur laisse l’Écosse derrière lui pour le Costa Rica où HolmesWatsonHenry Baskerville et d’autres personnes de leur cercle embarquent en catastrophe dans un bateau pour traverser l’océan puis le Costa Rica à la recherche du meurtrier pour retrouver l’un des leurs que le meurtrier a kidnappé. Cette partie s’apparente davantage à un thriller et apporte un petit vent de fraîcheur et n’est pas dénué d’intérêt malgré tout. Les rebondissements ne manquent pas jusqu’à l’affrontement final où, malheureusement, le dénouement fut assez rapide et la chute un peu facile.



Au niveau des personnages, je n’ai rien à redire. L’auteur respecte les personnages de Conan DoyleHolmes et Watson forment une dynamique sympathique. On voit bien qu’il s’agit ici de deux amis qui se taquinent et qui sont attachés l’un à l’autre. Watson a ses moments d’utilité, ainsi son rôle n’est pas réduit à celui de faire-valoir de Holmes et il n’est pas présenté comme un benêt, ce qui est agréable. Le caporal Grier, qui a partagé la vedette avec Holmes dans la première partie du roman, est un personnage plutôt sympathique et il est assez amusant dans ses taquineries sur HolmesGrier et Watson forment également un duo sympathique, et le personnage de Grier se présente comme une figure loyale, forte et courageuse, malgré la ségrégation raciale et le racisme dont il est victime, il ressort toujours la tête haute.



Pour résumer, il s’agit d’un pastiche holmesien plutôt sympathique. Les pages se sont tournées avec beaucoup de plaisir et de fluidité. L’auteur mène son enquête à un rythme qui ne faiblit pas, nous apporte son lot d’énigmes et de rebondissements malgré quelques éléments prévisibles et un final un peu rapide. Le cadre du roman est plaisant et dépaysant, entre l’Écosse sombre et humide, ses vents battants, ses tourbes et le Costa Rica chaud et humide et son exotisme. Pour ma part, le pari d’apporter une suite convaincante au Chien des Baskerville est relevé haut la main !


— Holmes, j’ai pensé à quelque chose, dit sir Henry alors qu’ils étaient en plein petit déjeuner le lendemain matin.

S’il existe une phrase risquée quand on parle à Sherlock Holmes, c’est bien celle-là. Personnellement, je n’ai jamais l’imprudence de la prononcer, celle-ci ou une autre du même genre, lorsque je me trouve à portée de voix de Holmes. Cela provoquerait presque inévitablement une réponse sardonique comme : « Penser, c’est une affaire de professionnel » ou : « Le cerveau est un organe délicat, il faut faire attention à ne pas trop lui en demander. »

Pour l’occasion, néanmoins, Holmes se montra charitable, ce qui se comprend après la peur que sir Henry avait eue dans la nuit. Holmes, donc, se contenta de répondre :

— Et quelle est, je vous prie, l’issue de vos délibérations ?

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