mardi 28 février 2023

Comment les pingouins ont sauvé Veronica - Hazel Prior.


Le cœur ne gèle jamais, même au milieu des icebergs.

Le plus souvent, Veronica, 84 ans, passe ses journées à chercher où elle a mis ses lunettes, à ramasser les déchets sur la plage ou à aboyer des ordres à sa dame de compagnie, Eileen. Depuis peu, la vieille dame s'interroge : que faire d'utile durant les années qu'il lui reste et, surtout, à qui laisser sa fortune considérable ? Quand elle a soudain une illumination : et si elle mettait tout en œuvre pour sauver les pingouins d'Antarctique ? 


L'irruption dans sa vie de Patrick, un petit-fils disparu, orphelin à six ans après le suicide de sa mère, va tout changer. Comme deux animaux sauvages, ils vont devoir s'apprivoiser au milieu des icebergs.



« Je trouve aujourd’hui que les pingouins sont le seul réconfort dans la vie… On ne peut pas être en colère quand on regarde un pingouin. » John Ruskin


Notre protagoniste, Veronica McCreedy, n’a rien de sympathique. On pourrait même la qualifier de hautaine, méprisante et antipathique. Se mettant à la recherche d’une descendance, elle trouve un petit-fils de 27 ans, Patrick, mais celui-ci n’est pas à la hauteur de ses espérances. Il faut dire que Patrick, sans emploi et avec les blessures fraîches d’une rupture sentimentale, n’était pas au mieux de sa forme lors de leur rencontre. Face au piètre état que son petit-fils présente, Veronica est rebutée et les tentatives polies et maladroites de Patrick pour être aimable avec elle ne la rendent que plus méfiante. Il en veut certainement après son argent, elle en est persuadée ! C’est ainsi que, après l’avoir jugé sans le connaître, Veronica décide de ne pas poursuivre de relation avec ce jeune homme et retourne chez elle, devant les documentaires animaliers qu’elle affectionne tant.



Il faut dire que Veronica préfère de loin la compagnie des animaux à celle des humains (ce qui est compréhensible). Voilà pourquoi, après un documentaire fort émouvant sur les manchots d’Adélie, Veronica décide sur un coup de tête d’aller sauver les manchots de l’île au médaillon en s’imposant auprès d’un groupe de scientifiques qui effectuent leurs recherches sur place, malgré les réticences et le manque de moyen des scientifiques, tapant presque du pied comme une gamine pourrie gâtée en mode « Je veux voir les manchots !! ».



Que ce soit auprès de Patrick, son petit-fils, ou du petit groupe de scientifiques (Terry, Mike et Diedrich), Mamie McCreedy ne fait pas l’unanimité et laisse même mauvaise impression dès le départ. On comprend pourquoi. C’est une chose admirable de vouloir s’engager dans la sauvegarde des animaux, c’est autre chose que s’imposer dans un endroit qui n’a pas les capacités (en matériel, confort, énergie) d’accueillir une personne de plus. Ainsi, en plus de leur travail, les scientifiques doivent veiller sur une vieille dame.



À gauche, le roman en version originale ; à droite, la suite du roman,
encore non traduite en français.


La cohabitation ne se passe donc pas sous les meilleurs auspices au début et il faudra du temps pour que Veronica et les scientifiques apprennent à mieux se connaître et à s’apprivoiser, notamment grâce à l’aide d’un petit pingouin orphelin et fort attachant. Au fil du temps, Veronica s’adoucit et repense à son passé. Repensant à son petit-fils, elle décide de lui envoyer le journal intime qu’elle tenait dans sa jeunesse, pendant la Seconde Guerre Mondiale. Une bonne façon pour permettre à Patrick, comme aux lecteurs, de mieux connaître et comprendre Veronica. Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’on découvre une toute autre femme. Une femme joyeuse, aimant danser, s’amuser, sa petite famille, avant que les épreuves de la vie ne s’abattent sur elle. On ne peut alors s’empêcher de la prendre en pitié et en sympathie et, comme Patrick, on rêve d’en lire plus… toujours plus…



Nous avons donc la formule classique du personnage antipathique suite à des blessures du passé mais qui va apprendre à s’ouvrir de nouveau au monde. Sous un caractère peu avenant, Veronica cache de lourds traumatismes qui lui ont forgé un fort tempérament, mais qui l'ont également plongé dans une profonde solitude. La recette n’est donc pas inédite, mais elle fonctionne alors pourquoi s’en priver ? Elle nous offre d’autant plus le cadre original de l’Antarctique, plus particulièrement dans un centre d’étude sur les manchots Adélie, apprendre à connaître et à apprécier les membres de cette petite communauté scientifique et notamment la jeune Terry qui tient un blog sur ses précieux manchots et s’attache à cette petite dame âgée qui cache une certaine vulnérabilité sous sa cuirasse. J'ai donc vraiment bien aimé la description des interactions entre tous ces personnages, dans cet environnement restreint, ce qui les oblige tous à cohabiter et à s’apprivoiser.



Nous avançons dans l’intrigue avec une alternance des points de vue entre celui de Veronica et celui de Patrick, sans oublier les articles du blog de Terry qui partage des informations instructives sur les manchots Adélie. Si Veronica est l’âme du roman, Patrick reste touchant. C’est un pauvre jeune homme paumé dans sa vie, mal dans sa peau, que l’arrivée de sa grand-mère va tout bouleverser, et davantage après lecture de son journal et lorsqu’il est appelé à la rejoindre. J’ai pris plaisir à le voir s’épanouir dans sa vie sous de nombreux aspects (sentimentale, familiale, professionnelle, etc). Il a bien mérité son happy ending.



C’est un joli petit roman qui aborde des sujets graves mais qui reste plein d’espoir, et qui porte un message important sur la préservation de la nature et des espèces animales. Il y a des moments tendres, des moments durs, avec de l’humour et de la légèreté malgré tout. La force de ce roman reste dans le développement des relations humaines mais aussi son cadre, sans oublier les manchots avec une mention spéciale au petit Pip que l’équipe a adopté !



En résumé, c’est un roman fluide et instructif, fort dans le développement de ses personnages et des relations entre eux, avec une héroïne pleine de contradiction qu'on va devoir apprivoiser pour l'apprécier pleinement.


— Vous n’imaginiez tout de même pas qu’ils seraient tout propres comme dans les dessins animés ou sur les cartes de vœux, si ?

Dans un sens, c’est exactement ce que je m’étais imaginé. Mais ma déception s’estompe rapidement pour laisser place à l’excitation. Ces manchots ne sont pas de jolies illustrations dans un livre mais des créatures bien vivantes, de chair, d’os et de plumes, à la présence physique affirmée. Les voici, pleins de peps, menant leur existence au sein d’une grande communauté débordant d’activité. Brouillonne, bruyante, dissipée, vibrante de vie et d’énergie. Je me sens immensément privilégiée. Être ici, les observer à l’état sauvage, splendides et légèrement comiques dans leur tenue noire et blanche ! Malgré la présence du guano, quelle vision merveilleuse ! Leurs cris rauques emplissent mes oreilles. Mais voilà que j’ai un problème aux yeux. Ils se mettent à piquer, à brûler, et à se remplir de larmes. Ça doit être à cause du froid. Je les cligne plusieurs fois pour en chasser l’humidité.

Il y a des manchots partout. Certains font leur toilette, d’autres sont allongés sur le ventre, endormis, d’autres encore semblent échanger des commérages. Et puis il y a ceux qui se tiennent debout immobiles, contemplant l’horizon d’un air stoïque. Qu’il s’agisse du groupe ou des individus, ils semblent avoir tout compris à la vie. Notre présence ne paraît pas les perturber le moins du monde.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire