mercredi 9 octobre 2024

Trahison sanglante : Le dossier Dracula - Mark A. Latham.


Londres ne parle que de la mort violente d'un noble transylvanien, des mains d'un certain professeur Van Helsing.

Mycroft Holmes demande à son frère Sherlock d'enquêter sur les véritables causes de la mort de Lucy Westenra et du mystérieux aristocrate. Holmes soupçonne que ceux que l'on acclame comme des héros ne sont pas ce qu'ils paraissent être... et ce qui commençait comme une quête visant à laver le nom d'un homme révèle une conspiration qui entraîne Holmes et Watson dans les montagnes de Transylvanie, jusqu'au sinistrement célèbre château de Dracula.



Le mal a été vaincu ! Le comte Dracula est mort, tué par le Pr Abraham van Helsing et ses amis qui peuvent à présent dormir tranquille, à l’abri de toute menace. C’est mal connaître Sherlock Holmes qui a été chargé d’enquêter sur le dossier Dracula et d’apporter de la lumière sur les mystérieux meurtres du comte Dracula et de ses supposées victimes, et de remettre en question le récit héroïque dressé par Van Helsing et ses amis.



Sherlock Holmes et Dracula faisant partie de mes deux amours littéraires, un tel crossover ne pouvait que me plaire ! Notre détective rationnel se retrouve confronté à une histoire de vampire, bien avant les événements de la nouvelle du Vampire du Sussex, qui a mis en émoi toute l’Angleterre. Dracula, un vampire ? Sherlock Holmes n’y croit pas une seconde ! En revanche, derrière cette croyance, il y a des meurtres qui sont bien réels.



C’est ainsi que Sherlock Holmes et le Dr Watson vont éplucher chaque dossier de l’affaire Dracula, faire la rencontre des principaux acteurs de l’affaire et les interroger (le professeur Van Helsing, le couple Harker, le Dr Seward et Lord Godalming), se rendre dans les lieux emblématiques de l’histoire tels que l’abbaye de Whitby, l’asile de fous où travaille le Dr Seward en passant au château de Dracula en Roumanie ! Un bien vaste programme qui n’a pu que me ravir. J’ai beaucoup aimé la rencontre entre ces deux univers si chers à mon cœur.



Pourtant, l’auteur a pris un parti qui aurait pu facilement me déplaire. En effet, les héros de Dracula n’ont pas le beau rôle pour la plupart d’entre eux [spoiler] notamment Van Helsing qui est ni plus ni moins que l’antagoniste du roman, et Dracula est sa malheureuse victime que Van Helsing n’a eu de cesse de harceler de son vivant pour enfin monter toute une mise en scène pour justifier son futur assassinat [/spoiler]. Un tel parti pris aurait pu me contrarier, car Van Helsing fait partie de mes personnages préférés dans le roman de Bram Stoker et, qu’on se le dise, ce pastiche ne nous rend vraiment pas sympathique les personnages de Dracula. Pourtant, j’ai laissé passer cet aspect du roman car, honnêtement, j’ai trouvé l’intrigue très intéressante et vraiment prenante. J’ai passé un si bon moment avec ce pastiche que je lui pardonne volontiers d’avoir fait des personnages que j’adore des antagonistes.



Je n’ai trouvé que deux aspects à m’avoir chagriné au cours de ma lecture, qui est : une fin brutale (j’aurais voulu savoir ce qu’il advenait de certains personnages par exemple) et un Van Helsing qui parle avec un accent germanique caricatural. Un vrai cheu t’enfant, ja ja mein herr ! Toutefois, ces défauts ne m’ont pas gâché la lecture car j’ai passé un agréable moment avec ce roman.



Même dépossédée de son aspect surnaturel, l’affaire Dracula n’en demeure pas moins intéressante puisque Sherlock Holmes et le Dr Watson vont découvrir un complot d’envergure ayant entraîné la mort de plusieurs personnes. Si notre duo n’a aucun doute sur l’identité du coupable, reste à trouver les preuves nécessaires mais aussi découvrir le mobile des crimes et mettre à jour l’implication de Van Helsing et son équipe. Cela donne parfois lieu à des scènes savoureuses. J’ai notamment beaucoup aimé la première confrontation entre Holmes et Van Helsing, la rencontre avec Mina Harker, mais surtout la scène où Watson part interroger Seward (je pense que seules ses bonnes manières de gentleman l’ont empêché de se jeter sur son confrère pour lui donner une raclée et lui apprendre le vrai sens du serment d’Hippocrate !) qui font partie des temps forts du roman.



Les personnages de Holmes et Watson sont au plus près de ceux du canon Doylien. J’ai particulièrement apprécié voir un Watson comme je les aime : certes pas au même niveau intellectuellement que Holmes, mais pas idiot pour autant, avec un sens moral et une loyauté de fer, qui est débrouillard. Bref, notre Watson s’en sort très bien et on appréciera les scènes d’amitié entre Holmes et Watson.



Au niveau de l’intrigue, elle est bien menée malgré son dénouement précipité et sa fin brutale. Le roman n’est ni trop court ni trop long, ainsi l’enquête ne s’éternise pas mais elle n’est pas bouclée en deux temps trois mouvements. Le récit est fluide, sans temps mort, fidèle au canon Doylien, et offre une revisite intéressante du roman Dracula. Pour ma part, ce roman est une réussite et même un coup de cœur !



Nota bene : pour une meilleure compréhension du roman, il vaut mieux avoir lu Dracula de Stoker, cela permet de mieux appréhender certains détails. Toutefois, ce n’est pas indispensable. Trahison sanglante nous récapitule assez bien les événements de Dracula et le rôle de chacun de ses personnages, donc si vous n’avez pas lu le roman, vous comprendrez tout de même l’essentiel !


Holmes esquissa son plus léger sourire et inclina la tête pour saluer son adversaire.

— Magnifique déduction, dit mon ami. On dirait presque que vous attendiez notre venue.

— Ah, mais déduire est un cheu t’enfant, monsieur Holmes. Obzerver, zupposer… zimples devinettes. C’est une science, oui, mais une science bien paufre qui cherche touchours à dénouer le mystère du moment, plutôt que zelui de l’existence. Les plus grands esprits ne consacrent leur attention qu’aux grands problèmes.

Je lançai un coup d’œil hésitant à Holmes. Pour le spectateur occasionnel, Van Helsing ne faisait que soutenir une idée philosophique. Cependant, pour quiconque connaissait Holmes comme je le connaissais moi-même, il ne faisait aucun doute que le professeur venait d’adresser la pire des insultes au grand détective.

lundi 7 octobre 2024

Le Sad Ghost Club - Lize Meddings.


Vous êtes-vous déjà senti·e seul·e ou anxieux·euse ? Comme si vous n'aviez votre place nulle part et que vous étiez... invisible ? Trouvez votre famille d'âme avec le Sad Ghost Club ! 

C'est l'histoire d'un de ces jours - un jour si mauvais que vous ne pouvez pas sortir de votre lit et, si vous y arrivez, vous le regrettez instantanément. Mais même les pires journées peuvent vous surprendre. Lorsqu'un fantôme triste, seul, aperçoit un autre fantôme lors d'une fête à laquelle il ne voulait pas vraiment aller, il décide de lui parler.

C'est à partir de ce moment que tout change pour eux. Parce que cette nuit-là, ils créent le Sad Ghost Club - une société secrète pour les personnes anxieuses, un club pour tous ceux et toutes celles qui ont du mal à trouver leur place dans le monde.



Malgré sa couverture et son titre, nous n’avons pas affaire ici à un récit fantastique. Il y a bien des fantômes dans cette histoire, mais pas le genre auquel on pourrait s’attendre. Le fantôme est ici une métaphore de la dépression ou de l’anxiété sociale. Ce n’est donc pas un roman fantastique mais plutôt une histoire qui verse davantage dans la psychologie et qui évoque l’anxiété sociale. C’est un sujet qui commence à être de plus en plus mis en lumière, notamment dans la fiction, ce que j’apprécie beaucoup en tant que personne anxieuse, ça donne ce sentiment d'être vu, entendu et compris.



Nous suivons Sam ou SG de son petit surnom, un fantôme anxieux et triste, dont l’esprit est bouleversé par plusieurs questions, incertitudes et pensées négatives : que va-t-il arriver de sa vie s'iel échoue à ses devoirs ? Finira-t-iel chez ses parents, sans travail et sans argent ? Iel est invité.e à une soirée, doit-iel aller à cette soirée où on l'a invité ? Et si personne n’allait faire attention à iel ? Va-t-iel paraître ridicule ? S.G. finit par se rendre à cette fête, à laquelle iel va rencontrer un autre fantôme avec qui iel va se lier d’amitié : Socks, un autre fantôme anxieux chez qui S.G. va se retrouver. Au fil des discussions, S.G. et Socks vont se trouver des points communs et découvrir qu’ils ne sont pas seuls dans ce monde, et S.G. décide de se mettre en quête d’autres personnes comme eux.



S.G. est un personnage sympathique à suivre. On ne sait pas si S.G. est une fille ou un garçon, les dialogues anglais laissent planer le doute et les traducteurs ont choisi une écriture inclusive pour garder la neutralité de l'original et pour permettre aux lecteurs, même dans la version française, de s’identifier à nos personnages.



L’idée de représenter les personnages souffrant d'anxiété et de dépression par le prisme d'un fantôme était originale, ça faisait une bonne métaphore de l'invisibilité. Les dessins ne sont certes pas révolutionnaires, mais simples et efficaces. C’est une histoire qui parlera, je pense, à beaucoup d’entre nous et dans laquelle on s’y retrouvera avec la manie de s’auto-dévaluer, d’avoir des pensées négatives et des doutes qui parasitent notre esprit et nous empêchent d’apprécier pleinement certaines choses ou de saisir des opportunités. Comment vit-on avec l’anxiété sociale, comment évoluer dans une société quand on ne correspond pas à ses standards, comment se faire des amis quand on a pas le contact facile ou qu’on ne sait pas comment aborder les gens, etc.



J'ai aimé les thèmes abordés. J’ai pu me reconnaître sous certains aspect dans ce petit fantôme qui angoisse pour son avenir, qui ne sait pas comment se comporter au milieu d'une fête et qui ne sait pas comment se faire des amis mais qui finit par découvrir que, peut-être, iel n'est pas seul.e dans ce cas-là, et qu'il y a quelque part une famille d'âmes qui est la sienne me touche. C’est un livre qui se veut optimiste et plein d’espoir et ça fait vraiment du bien ! Trouver des gens semblables à nous, profiter de la vie, se faire des amis, malgré l'anxiété.



C’est donc une BD réconfortante qui traite avec justesse l’anxiété sociale, tout en abordant d’autres facettes de la santé mentale comme la dépression. L’histoire est douce-amère dans le sens où elle aborde des thématiques dures et pas forcément joyeuses mais le récit est optimiste et réconfortant. Pour autant, j’ai trouvé qu’il ne se passait pas grand-chose. L’histoire est sympathique et la lecture fluide, mais j’aurais bien voulu un récit un peu plus rythmé, car ça reste assez léger en terme de contenu, voire d’avancement de l’histoire. J’ai bien aimé le premier tome que j’ai trouvé doux et réconfortant, j’ai moins aimé le second qui est plus dur car il traite de la dépression et que j’ai trouvé qu’il ne se passait pas grand-chose d’intéressant. Peut-être que cela s’arrangera dans la suite. Cela dit, la lecture est fluide, le récit doux et réconfortant et ça explore avec justesse la santé mentale. Une découverte sympathique mais sans plus.