Mais ces plaisanteries apparemment anodines vont provoquer des réactions en chaîne. La violence se déchaîne, la haine et la folie ne cessent de croître et, finalement, c'est toute la ville qui est bientôt à feu et à sang.
Qui pouvait réussir un tel exploit sinon le Démon ?
Il n’y a que Stephen King pour rendre horrifique à souhait une histoire sur le consumérisme.
Cela faisait un moment déjà que je prévoyais de lire ce roman, après avoir été conquise par son adaptation cinématographique (celle-ci a pris quelques libertés que je lui pardonne bien volontiers, car j’ai passé un très bon moment).
Bazaar ? Qu’est-ce que c’est que ce bazar ?
À Castle Rock, une boutique fait parler d’elle avant même son ouverture… Il s’agit du Bazar des Rêves. Le gérant et vendeur, Monsieur Leland Gaunt, est tout ce qu’il y a de plus charmant et avenant. Tout ce dont votre cœur désire, même si vous n’en rêviez pas auparavant, le Bazar des rêves le propose et ce, pour un prix dérisoire. Mais il n’est pas question d’argent. Monsieur Gaunt vous demandera simplement, en échange, de lui rendre un service, faire une petite blague aux dépens de quelqu’un, par exemple… Rien de bien méchant, n’est-ce-pas ? Sauf que ces petites blagues sont destinées à monter petit à petit les habitants les uns contre les autres, alimentant de plus en plus de feu des tensions et de l’animosité… jusqu’à ce que l’étincelle explose, mettant la ville à feu et à sang. Comme possédés, les habitants se révèlent en effet prêts à tuer pour la possession de l’objet convoité.
Bazaar, c’est l’histoire d’une longue descente aux Enfers pour Castle Rock et ses habitants. C’est l’histoire d’un antagoniste qui, tel un marionnettiste, manie avec dextérité les fils auxquels sont reliés les habitants. Il sait parfaitement lire en eux, découvrir leurs désirs et les animosités et en jouer. C’est un véritable maître de la séduction et de la manipulation. Il est tout simplement diabolique mais qu’est-ce que je l’aime, ce Gaunt. Je le figure dans mon top trois des meilleurs méchants de King avec Kurt Barlow (Salem) et Pennywise le clown (Ça). C’est un méchant très réussi, et j’ai été fascinée par les quelques brides que King nous a donnés concernant la véritable nature de Gaunt. Je n’ai qu’un seul regret, c’est que la rencontre entre Gaunt et le shérif Pangborn ait tant tardé à se mettre en place, mais il faut dire que Gaunt se méfiait du shérif comme la peste et l’a perçu dès le début comme un adversaire redoutable. J’ai beaucoup aimé la scène où il essayait indirectement de tenter Pangborn et comment Pangborn est le seul à avoir su résister, non sans mal.
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Art by sharpt00th sur tumblr (source) qui imagine Leland Gaunt sous les traits de Vincent Price (ce rôle lui aurait bien convenu, avouons-le) |
Stephen King oblige, on retrouve ici une petite bourgade du Maine où tout le monde connaît tout le monde. Il nous présente chaque personnage, sa petite vie, ses petits secrets, ses défauts, ses qualités, les vices aussi. Il y a une panoplie de personnages, si bien qu’il est aisé de s’y perdre et de retenir qui est qui… et qui a acheté quoi en échange de quoi auprès de notre cher Leland Gaunt. Parmi les personnages récurrents, nous avons le shérif Alan Pangborn, le seul dont Gaunt évite la confrontation, Polly Chalmers la petite-amie du shérif et qui souffre d’arthrite, Nettie Cobb et son amour de molosse, le petit Brian qui est le premier client qui ouvre la machination du Bazaar des rêves, Hugh Priest alcoolo détestable et détesté, Wilma Jerzyck, fermière avec un sale caractère, etc.
J’avais des craintes, au début du roman, quant au nombre de personnages mis en scène, mais elles se sont évanouies avec le plaisir de lecture, tellement elle était addictive. Il y a une forme d'intensité particulière dans ce roman. La façon dont tous les citoyens perdent peu à peu l’esprit au profit de leur désir, de leur objet de convoitise et le plan de Gaunt pour semer le chaos à Castle Rock est tout simplement diabolique et intelligent.
Je n’ai plus rien à dire sur le style de l’auteur. J’aime toujours autant son écriture et son imagination et je le considère comme un grand écrivain. L’histoire prend certes du temps à se mettre en place mais le final est digne des plus grandes catastrophes. D’ailleurs, le côté horrifique ne se situe pas seulement dans l’horreur des machinations de Gaunt, mais aussi à travers des scènes qui peuvent heurter la sensibilité [spoiler] j’ai d’ailleurs sauté le passage de la mort du chien de Nettie, et j’ai tout simplement été horrifiée de la scène avec l’araignée [/spoiler]
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Bazaar (Needful Things en VO) a été adapté une fois au cinéma en 1993, il prend le titre de Bazaar de l'Epouvante en VF |
Stephen King a en outre la volonté de dénoncer certains maux comme les dérives des sociétés de consommation, comme l’avait fait notre Alain Souchon national avec sa Foule sentimentale, qui poussent les hommes à faire le pire pour posséder ce qu’ils désirent et réaliser leur rêve.
En résumé, j’ai passé un excellent moment de lecture, malgré les longueurs. Bazaar est pour moi l’un des meilleurs romans de Stephen King et l’un de mes préférés (même si rien, pour le moment, ne saurait détrôner Salem).
Leland Gaunt se voyait en électricien de l’âme humaine. Dans une petite ville comme Castle Rock, tous les fusibles étaient sagement alignés dans leurs boîtes. Ne restaient qu’à ouvrir celles-ci… et à entrecroiser les branchements.
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