samedi 15 mai 2021

La Mort n'est pas une fin - Agatha Christie.

Quand Renisenb revient au foyer après la mort de son époux, elle retrouve sa famille telle qu'elle l'avait quittée. Mais depuis que son père, Imhotep, a ramené une nouvelle concubine de son voyage dans le Nord, tout semble différent. La jeune femme à la beauté sans pareille a ensorcelé le maître. Habitée par un génie maléfique, elle sème le désordre dans le domaine comme dans la fratrie.

Si elle venait à disparaître, le coeur d'Imhotep retournerait à ses fils. Il suffirait d'écraser le serpent, et tout redeviendrait comme avant. Mais le Mal vient-il seulement de cette inconnue ? On dirait qu'un autre poison ronge la maison du maître... 


Loin des détectives belges et de l’Angleterre auxquels elle nous a habitué avec ses romans, Agatha Christie a changé ici d’horizon pour nous offrir un polar en pleine Égypte Antique.


Après la mort de son mari, Renisenb et sa petite fille réintègrent le domicile familial, où vit son père Imhotep, veuf et prêtre de la maison des morts, ses deux frères, leurs épouses et enfants, leur grand-mère et le vieille domestique. Endeuillée, la jeune femme se languit de son enfance et aspire à la paix dans la maison familiale où elle est heureuse de constater que rien ni personne n’a changé… du moins, le croit-elle. Car Imhotep est revenu de son voyage avec une nouvelle concubine, la jeune et belle Nofret. L’arrivée de cette étrangère ne plaît pas à la famille et Nofret leur rend bien et, sournoisement, commence à semer la zizanie au sein de la famille en attisant les jalousies et les rivalités. La tension monte… jusqu’au premier meurtre. Renisenb va devoir mener l’enquête, avec l’aide d’Hori le scribe de la famille, et de sa grand-mère Esa.


On retrouve bien la patte d’Agatha Christie dans ce roman : elle nous décrit une famille d’apparence normale et semblant nager dans le bonheur, mais on finit par découvrir les jalousies et manigances de certaines femmes, il y a l’épouse qui martyrise son mari ou vice-versa, une dame âgée maligne et observatrice, des frères en pleine rivalité, le patriarche qui contrôle tout, etc. Le scénario n’a rien d’inédit, si l’on connaît bien Agatha Christie, toutefois c’est une formule qui marche car ce roman fut plaisant à lire malgré des lenteurs au début, et les difficultés, au début, à retenir qui est qui.


L’aspect le plus intéressant, c’est l’accent mis sur la psychologie de ses personnages. Imhotep a tendance à répéter que c’est lui et lui seul qui subvient aux besoins de ses enfants et leur famille et rechigne à leur laisser prendre des décisions. L’aîné, Yahmose, est le fils modèle qui obéit à son père mais qui n’ose pas s’affirmer et prendre des décisions par lui-même, ce qui exaspère sa femme, et son père. Sobek, le fils cadet, est plus indépendant mais trop fougueux. Le petit dernier, Ipi, ne rêve que de prendre les rênes de la famille mais il est trop jeune, et souffre d’être dans l’ombre de ses cousins plus âgés. La vieille domestique ne jure que par Imhotep, et elle est méprisée par les enfants et leur rend bien.


Lorsque Nofret débarque, nous assistons aux différentes réactions de la famille et comment ils s’adaptent à cette nouvelle. Les personnages deviennent cachottiers, sournois, manipulateurs, l’un s’affirme tandis que l’autre se fait plus discret, s’allient contre la nouvelle ou se déchirent alors que leurs insécurités et jalousies se dévoilent. Les frères et leurs épouses prennent peur car la place de Nofret en tant que nouvelle concubine peut tout changer, y compris leurs intérêts et ceux des petits-enfants. Car Imhotep pourrait très bien changer son testament en faveur Nofret… On assiste au changement qui se produit au sein de la famille alors que Nofret, comme du poison, installe le doute, les tensions et les jalousies… et très vite, on est amené à se demander qui va mourir.


J’ai aimé l’ambiance du roman. Il doit bien s’agir de l’un des rares romans où l’auteure fait mourir plus d’un personnage, et tout ne s’arrête pas après ce premier meurtre. La tension continue de monter alors que se succèdent les accidents et que des personnages changent d’attitude. Si Nofret n’a rien d’une Sainte et met bel et bien le feu à la poudre, sa présence ne fait que mettre au jour les insécurités, rivalités et jalousie des membres de la famille. Elle n’a fait qu’accélérer le processus. On finit par découvrir que c’est un personnage avec ses malheurs et une certaine vulnérabilité, ce qui ne nous empêche pas d’être irritée par elle alors qu’elle s’amuse à martyriser la famille et se faire bien voir par Imhotep uniquement. Au final, ce qui rend intéressant l’aspect psychologique est le fait que c’est une chose qu’on connaît bien, l’être humain est ce qu’il est, avec des familles dysfonctionnelles, c’est ce qui donne au récit un côté intemporel.


Si j’ai beaucoup apprécié le changement de décor et qu’Agatha Christie nous propose son histoire dans l’Égypte antique, je n’ai pas pu m’empêcher d’être légèrement déconfite face au manque de précisions autour des mœurs, de la vie quotidienne et de la société des Égyptiens de l’époque. Outre les mentions que l’auteure fait parfois sur les rites funéraires des Égyptiens, ce roman aurait très bien pu se passer en Angleterre au XXe siècle sans que cela nécessite de gros changements dans le scénario. Pourtant, l’ancienne Égypte n’a pas son pareil pour éveiller la curiosité et les fantasmes des lecteurs. Si Agatha Christie a été l’épouse d’un archéologue, elle ne fut ni historienne ni une aïeule de Christian Jacq, et l’auteure a d’ailleurs confessé que ce n’était pas son intention de faire un roman historique. Le cadre historique sert plutôt à l’auteur pour constituer un huis clos familial à l'équilibre précaire. Si l’on veut se représenter les paysages, l’habitation, les vêtements, les coiffures, etc, il faut user de son imagination.


Outre ce point, j'ai beaucoup apprécié ma lecture, l'aspect psychologique des personnages était intéressant et j'ai pris plaisir à suivre cette enquête, ainsi que de découvrir le happy ending pour Renisenb qui le mérite bien !


Ce n'était pas peu dire que l'entourage en question s'était assurément transformé, et pour le pire. Dans les jours qui avaient suivi le départ d'Imhotep, Nofret avait tout fait - c'est du moins ce que pensait Renisenb - pour semer la zizanie au sein de la famille.

Mais à présent, la famille avait resserré ses liens et faisait bloc contre l'intruse. Plus la moindre dispute entre Satipi et Kait. Plus le moindre sarcasme de Satipi à l'encontre de l'infortuné Yahmose. Sobek semblait plus calme et fanfaronnait moins. Ipi ne se montrait plus guère insolent et acceptait de meilleure grâce la tutelle de ses aînés. Une harmonie nouvelle semblait s'être développée entre les membres de la famille, mais cette harmonie ne rassurait pas Renisenb dans la mesure où elle possédait son contrepoint : l'inimaginable courant de malveillance de tout le clan à l'égard de Nofret.

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