samedi 28 janvier 2023

Contes des royaumes oubliés (T.2) Le prince cygne - Isabelle Lesteplume.


Il était une fois deux royaumes amis, que la disparition d'un prince précipita dans une guerre sans merci.

Dix ans plus tard, Siegfried, héritier du trône, écrasé par ses responsabilités et déchiré par la perte de ses proches, fuit la bataille en s'engouffrant dans une forêt dite maudite. Il y rencontre Ode, un jeune homme ensorcelé, cygne le jour, humain la nuit, dont le visage lui semble étrangement familier. Qu'est-il réellement arrivé au prince disparu ? Quel rapport avec ce bal dont Siegfried ne cesse de rêver ?


Alors qu'ils se penchent sur ces mystères, une ombre rôde, tout près. Humain ou monstre, souvenir ou simple cauchemar, derrière tout cygne blanc se trouve un cygne noir...



Après Les Amants de Baker Street, j’étais curieuse de découvrir les autres romans de l’auteure, ce qui m’a amené à ma découverte de ses Contes des royaumes oubliés dans lesquels elle nous propose une revisite de contes célèbres tout en y ajoutant une romance M/M. Bien que mes contes préférés restent La Belle et la Bête ainsi que La Petite Sirène, mon choix s’est porté sur Le Prince Cygne car c’est une histoire qui me plaît (j’avoue, j’ai davantage grandi avec Le Cygne et la Princesse qu’avec le célèbre ballet du Lac des Cygnes) mais aussi parce que la couverture semblait se prêter au Cold Winter Challenge.



Ce ne fut pas le coup de cœur que j’ai eu avec Les Amants de Baker Street, mais Le Prince Cygne reste un roman fort sympathique que j’ai pris plaisir à découvrir. Je dois toutefois avouer avoir davantage accroché à l’enquête qu’à l’histoire d’amour, même s’ils sont adorables nos deux tourtereaux. Chacun a son propre vécu, ses propres blessures, et une personnalité avec ses qualités et ses défauts qui rendent nos personnages profondément humains et attachants. Ode nous semble de prime abord froid et méfiant, ce qui est justifié compte-tenu de son vécu, ce qui ne le rend toutefois pas fragile et il se révèle plus malicieux qu’on le pense. S’il subit sa malédiction, il ne s’apitoie pas sur son sort et fait preuve de beaucoup de persévérance et de courage.



Mais je dois avouer que ma préférence va au prince Siegfried, pas comédien pour deux sous, rêveur, courageux, parfois maladroit. C’est un personnage profondément marqué par le deuil qui a du, tout au long de sa vie, abandonner ses rêves et ses passions pour être le prince et le soldat qu’on attendait de lui qu’il soit. Sous l’influence d’Ode, il va retrouver l’âme de rêveur qui sommeillait en lui, se réapproprier tout ce qu’il aimait, l’art, la danse, la lecture. Il n’en demeure pas moins un prince désintéressé qui grandit tout au long du roman, loyal envers ses sujets et prêt à tout pour leur bonheur, pour rétablir la paix au sein de son royaume, pour que son royaume et ses habitants réapprennent à vivre dans le bonheur et l’insouciance. J’ai beaucoup aimé son parcours et son évolution tout au long du roman, tout comme j’ai aimé sa dynamique avec sa mère, ses sœurs d’adoption Odile et Claude (et comment Claude est un personnage à part entière, présente tout le long du roman bien qu’elle ait trouvé la mort en début de roman) mais aussi avec Rothbart, sorcier et ministre.



J’ai aimé la réappropriation du conte par l’auteure. Si la véritable identité de l’antagoniste, celui qui est à l’origine de la malédiction d’Ode, ne sera pas une surprise pour qui connaît un minimum l’histoire du Lac des Cygnes, l’intrigue n’en demeure pas moins intéressante. Tout commence avec l’histoire de la disparition du prince Ode du royaume de Pyrh, un soir de bal donné au château du royaume voisin d’Ezrhyn. Siegfried, alors âgé d’une dizaine d’années, a assisté à cette disparition sans en garder de souvenirs. La reine de Pyrh accuse le royaume d’Ezrhyn de la disparition de son fils. Peu de temps après, on attente à la vie de Siegfried et le royaume de Pyrh est accusé. Depuis, les deux royaumes se livrent une guerre sans merci, qui dure depuis dix ans, n’accordant une trêve qu’à la période hivernale. C’est au cours de cette guerre que Siegfried, grièvement blessé, découvre des bois mystérieux, coupés du monde, dans lesquels vit toute une troupe… des déserteurs ayant trouvé une meilleure vie au sein de ces bois, et l’ancien prince Ode, condamné à revêtir une forme de cygne le jour et redevenir humain la nuit. Ode et Siegfried font connaissance, mais très vite Siegfried fait le lien entre cet étrange jeune homme et le prince disparu. Pour rétablir la paix et briser la malédiction de son ami, Siegfried décide d’enquêter sur le bal où tout a changé.



J’ai pris beaucoup de plaisir à suivre cette enquête et découvrir en même temps que Siegfried les événements du passé, voir les morceaux du puzzle s’assembler lentement mais sûrement pour reformer la nuit où Ode a été maudit puis a disparu. Si l’identité du coupable ne m’a pas surprise, il en était autrement des enjeux autour de la malédiction d’Ode [spoiler] le fait qu’Ode n’était pas un cas isolé même s’il était la « pièce maîtresse » si je peux dire, les raisons qui ont fait que le sorcier l’a ensorcelé et qui suggère de la pédophilie. Ce n’est pas montré, simplement suggéré mais cela suffit à nous faire glacer d’effroi [/spoiler], sans oublier la véritable personnalité de l’antagoniste qui se dévoile… malsain, manipulateur, menteur, dangereux et perfide. Un méchant plus que réussi qui nous fait glacer d’effroi une fois les masques tombés.



Les personnages secondaires et tertiaires ne sont pas en reste, et s’ils sont moins mémorables, ils restent plutôt sympathiques. L’enquête tient toutes ses promesses, la romance reste mignonne et avance à son rythme et de façon crédible, même si certains moments le sont beaucoup moins [spoiler] par exemple, Siegfried à peine sorti d’un coma trouve la force de courir hors de son royaume pour retrouver Ode tout en gardant sa forme, pas crédible pour deux sous ! Ou encore lorsque la reine de Pyhr accepte sans trop se méfier la proposition de paix de celle à qui elle fait la guerre depuis dix ans, même si la proposition de paix était sincère, comment pouvait-elle le savoir ? [/spoiler]. Si la fin reste un peu trop précipitée à mon goût, cela n’enlève rien à l’appréciation positive que j’ai de ce roman qui reste une sympathique découverte. Je continuerai par la suite ma découverte des revisites de cette série.


Un grand calme avait envahi Siegfried, qui continuait d’avancer en tenant le bras d’Odile, sans s’arrêter ni se presser. Il avait vaguement conscience que les gens se regroupaient pour les suivre en procession, mais n’y prêtait pas vraiment attention. Il ne pouvait pas voir le tableau qu’ils représentaient, son amie et lui. Un prince en deuil, marchant dignement au milieu de son peuple, partageant sa peine et continuant pourtant sans faillir un seul instant. 

Il songea à Claude. Qu’aurait-elle dit ou fait si elle avait été là ? Qu’aurait-elle pensé ? Il songea à elle et, pour la première fois depuis qu’il l’avait quittée, il ne vit pas son visage éclaboussé de sang, mais souriant, heureux, décidé, comme il l’avait toujours été. Cette vision s’imprima dans sa mémoire. En un sens, elle marchait aussi à ses côtés.

Il prit une grande inspiration, délivré d’un poids. Rien ne serait comme avant. Mais il avait Odile. Il avait Ode. Il avait la vie devant lui. 

Ils mirent une heure à arriver au temple, suivis d’une foule énorme, dont le silence se propagea à ceux qui attendaient déjà sur le parvis. 

La Reine, qui commençait à s’impatienter, se tut aussi en voyant Siegfried arriver, si calme, si solennel, guidant un peuple entier. Son cœur se serra brusquement. Elle fut surprise de sentir une larme se former au coin de ses yeux. Son fils n’était plus un enfant. Plus un prince. Il était roi, déjà, dans son cœur et celui de ses sujets.

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