dimanche 23 juillet 2023

Contes des royaumes oubliés (T.3) La sirène aux écailles d'or - Isabelle Lesteplume.


Il était une fois une tempête, un naufrage et un jeune homme retrouvé sur le rivage.

Il était une fois un prince sirène prêt à tout pour devenir humain.

Il était une fois un magicien au cœur brisé.

Embarqués par un coup du sort dans une chasse au trésor, ils sont loin de se douter de la menace qui plane. Mais quels liens pourraient avoir une cité engloutie, une perle ensorcelée, une bande d’insaisissables pirates et une arme légendaire ?

Au-delà des mensonges, Caleb, Erël et Abysse devront trouver toutes les réponses avant qu’il ne soit trop tard...

Car toutes les histoires possèdent un fond de vérité. Et certains mystères ne devraient jamais être dévoilés.



C’est l’histoire d’une sirène à la voix d’or, aux cheveux rouges et aux nageoires vertes qui sauve un jeune prince d’un naufrage, et qui va conclure un pacte avec un sorcier des mers, troquant sa voix et sa queue de poisson pour des jambes et une chance de vivre parmi les humains qui le fascinent tant. Non, ce n’est pas l’histoire d’Ariel mais celle d’Erël et, bien que même leurs noms se ressemblent, l’auteure nous embarque dans une aventure bien différente que celle à laquelle on s’attend au départ !



Je n’étais pourtant pas convaincue au début. Le second chapitre à peine fini qu’Erël avait déjà obtenu ses jambes pour rejoindre le monde des humains. Autant le conte et l’adaptation de Disney avaient pris plus de temps à mettre en place le décor et apporter un peu de développement à la sirène pour montrer que son désir d’être humaine n’est pas sortie de nulle part, ici Erël semble avoir agi spontanément et même assez inconsciemment. Un jour il sauve un humain et en tombe amoureux, le lendemain il s’en va changer radicalement le cour de sa vie. Bien que l’on s’aperçoive, au fil de l’intrigue, que la décision d’Erël est au final compréhensive compte-tenu de son vécu (sa passion pour le monde des humains et le traumatisme lié aux années de maltraitance causées par son tyran de mère), au tout début Erël nous semble vraiment être un personnage inconscient et naïf qui agi sans réfléchir. On peut comprendre le mépris que le sorcier des mers, Abysse, a d’emblée pour Erël qu’il considère comme inconscient et stupide.



Erël a pourtant une meilleure place dans mon estime que le prince Caleb qui ne semble pas avoir grandi mentalement. Il est toujours impatient, il ne tient pas en place, est incapable de se concentrer quand il est en réunion, il tape des mains lorsqu’il est content, il faut le surveiller sans cesse sinon il s’enfuit pour aller s’amuser de son côté, il dénigre son rôle de prince et veut devenir aventurier, voire même pirate, et même lorsque des pirates attaquent son royaume, il s’en émerveille au lieu de s’inquiéter pour ses sujets. Ce n’est vraiment qu’à la toute fin où il semble gagner un peu en maturité. Enfin, ne lui jetons pas la pierre à ce garçon, je lui reconnais des qualités. Sans se soucier des ragots et des à priori, il préfère se faire son opinion lui-même et ne juge jamais une personne avant de la connaître, il sait parfois se rendre attachant et j’ai beaucoup aimé la dynamique avec sa sœur Albane.



Je dois pourtant avouer que, dans notre trio de personnages, ce sont les sirènes qui m’ont fait meilleure impression et qui ont su capter mon intérêt. Si Erël peut être sensible, naïf et pas toujours débrouillard, sa vulnérabilité est touchante et c’est un jeune homme passionné par ce qu’il fait et par le monde qui l’entoure, et son vécu nous le rend que plus touchant compte-tenu de ses traumatismes.



Cependant, la star du roman, c’est bien Abysse, magicien des mers, sirène ostracisée pour avoir les yeux et les nageoires dorés, et personnage énigmatique. C’est un personnage cynique, désabusé, parfois froid, qui ne porte pas un regard tendre sur le monde et encore moins sur lui-même. Il a vécu son lot de malheurs par la faute des autres, si bien qu’il s’est forgé une carapace pour se protéger du monde, empêchant les autres d’apercevoir sa véritable personnalité. Vous vous doutez bien que, tout le long du roman, sa précieuse carapace va se fissurer peu à peu et qu’il va apprendre à s’ouvrir doucement au monde, à aimer et se faire aimer en retour, et devenir moins cynique et froid, tout en gardant un humour parfois mordant mais jamais méchant. Il faut croire que j’ai un faible pour ce genre de personnage (ce fut le cas pour Silas dans Le beau et la bête). J’ai aimé le découvrir peu à peu et voir se dévoiler son passé au fil de l’intrigue.



Nous suivons donc ces trois personnages tout au long du roman, sans pouvoir dire au départ quel couple se formera ou si un triangle amoureux va se mettre en place. Ces personnages vont se côtoyer chaque jour, vivre des aventures, braver des dangers, apprendre à se connaître au-delà des idées que l’un a pu se faire sur l’autre, et à s’apprivoiser, si bien qu’ils vont devenir indissociables et que l’un sans les autres semble tout simplement inconcevable. L’auteure m’aura surpris sur ce point en nous offrant un ménage à trois, ou un trouple comme on les appelle également, entre nos personnages, ce que je n’avais jamais vu jusqu’alors dans une fiction. Malgré mes critiques sur Caleb, ces trois personnages forment une dynamique intéressante et attachante et j’ai suivi leur évolution, tant sur le plan personnel que relationnel, avec intérêt, et j’étais curieuse de voir comment les secrets d’Erël et d’Abysse allaient éclater au grand jour et comment cela allait affecter le trio.



L’intrigue en elle-même n’est pas en reste. À l’instar des tomes précédents, l’auteure a su reprendre les bases du contes tout en développant une histoire inédite et y apporter sa touche. Alors qu’elle s’était penchée sur le mythe de la fontaine de jouvence dans Le beau et la bête, elle s’intéresse ici au mythe de l’Atlantide et en nous offrant un décor steampunk, si bien que l’histoire semble se dérouler dans un univers intemporel.



À l’instar de nos personnages, j’ai suivi avec intérêt l’histoire de l’Atlantide, cette cité antique perdue où humains et sirènes vivaient en parfaite harmonie, jusqu’à ce que la soif de pouvoir n’ait corrompu ses habitants et que l’Atlantide se soit auto-détruite. Il y a de nombreux aspects très intéressants autour de l’histoire et l’origine de la chute de l’Atlantide et les sirènes en elles-mêmes qui renferment une forme de magie, les raisons de l’ostracisme envers les sirènes à queue dorée. L’auteure sait construire des intrigues intéressantes et qui tiennent en haleine. Je déplore cependant le fait que la fin soit précipitée, comme ce fut le cas avec les tomes de cette série. Malgré tout, les romans de l’auteure se lisent avec beaucoup de fluidité et beaucoup de plaisir.



En résumé, une revisite intéressante de La Petite Sirène qui se mêle au mythe de l’Atlantide. Malgré une fin précipitée et un prince qui a le plus souvent la personnalité d’un gamin que celle d’un prince adulte, l’auteure nous offre un trio intéressant et attachant à suivre, et une intrigue intéressante.


Les musiciens avaient accéléré le rythme et quelques couples improvisaient avec entrain, supportés par un public enthousiaste. Caleb savait que dès que ses parents arriveraient, la musique redeviendrait sage, guindée, et ne put s’empêcher de le regretter. Car Erël était… Erël était magnifique. Était-ce possible d’être si souple, si gracile. Où était le jeune homme maladroit qui trébuchait sur ses propres pas ? La façon dont il bougeait ses jambes, son bassin et ses bras donnait presque l’impression qu’il était en train de nager, flottant à quelques centimètres du sol, si léger… 

Abysse, tout aussi fasciné, suivait les dessins quasi hypnotiques de la chevelure enflammée d’Erël, dont la longue natte traçait le sillage du moindre de ses mouvements. Tout dans sa façon de danser trahissait ses origines sous-marines, et pourtant… Le magicien réalisa, un peu surpris de ne pas l’avoir compris plus tôt, qu’Erël aimait être humain. Contrairement à lui, qui commençait à avoir ses jambes en horreur, il ne regrettait ni la mer, ni sa queue de poisson : ce corps était réellement le sien et non une peau d’emprunt.

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