Yves Desfossés, Alain Jacques et Gilles Prilaux, responsables de fouilles dans le Nord et en Picardie, livrent les fruits de leurs observations et des recherches archéologiques récentes sur la ligne de front et les champs de bataille. Ils présentent ici des données inédites pour l'étude de la Grande Guerre, enrichies d'une remarquable iconographie. Car l'archéologie apporte une contribution décisive à la connaissance de cet épisode tragique de notre histoire récente. Si les tranchées et les tirs d'obus ont parfois mis à mal des sites archéologiques bien plus anciens, l'exploration scientifique des vestiges de la guerre de 1914-1918 complète les témoignages des soldats et contredit parfois les documents officiels.
On découvre un étonnant artisanat à base de douilles d'obus, mais aussi des rites funéraires bouleversants pratiqués sur les champs de bataille, où le souci de donner une sépulture aux corps parfois fragmentaires des soldats fait contrepoint aux indices d'une boucherie sans nom. Longtemps ignorée, cette archéologie du monde contemporain contribue à renouveler les travaux des historiens et tisse un lien nouveau avec un passé récent qui s'estompe des mémoires. Elle s'impose désormais pour sauvegarder par l'étude les sites des champs de bataille du premier conflit mondial inexorablement détruits par l'aménagement du territoire.
Lorsqu'il est question d'archéologie, on pense tout naturellement aux fouilles en Egypte, à Pompéi, en Grèce, voire même à Indiana Jones, et c'est tout à fait compréhensible. Toutefois, l'archéologie est une discipline qui englobe toutes les périodes de notre histoire, y compris une période plus contemporaine.
L'archéologie de la Grande Guerre est une discipline assez récente, qui a commencé dans les années 1990 et qui ne cesse de se développer depuis. Ces fouilles se font majoritairement dans le Nord et l'Est de la France, qui ont été plus impactées par le conflit. Elles ont entraîné de multiples découvertes à travers de nombreux et divers vestiges, nous permettant d'apporter de nouvelles informations sur la guerre 14-18 et plus particulièrement sous un angle plus humain, à travers les soldats.
J'ai eu la chance d'assister à une présentation de cette discipline, à l'université, par l'un des auteurs de cet ouvrage, Monsieur Alain Jacques, historien et archéologue à Arras, connu pour avoir découvert les vestiges de la cité antique de Nemetacum (Arras) et qui a été confronté aux vestiges de la Grande Guerre en menant des fouilles sur le chantier de construction de la ligne TGV Nord, dans les années 1990. C'est donc ce qui m'a amené à la découverte et lecture de ce livre.
L'ouvrage traite tout d'abord par le commencement, à savoir le début de cette branche de l'archéologie et les premières confrontations avec les vestiges. Elles ont souvent été mal vécues par les archéologues qui n'étaient pas ou peu préparés à une rencontre avec ces traces d'un passé encore récent : ces vestiges ont été majoritairement découverts lors de travaux, et les archéologues n'avaient pas alors la formation pour travailler sur une période aussi récente, et l'on avait pas imaginé fouiller ce passé qui est encore vif dans nos mémoires, entre les sépultures des soldats et les nombreux obus encore enfouis dans nos sols. Les auteurs parlent ainsi de la complexité de cette branche car elle touche un passé récent et on s'en remet davantage aux historiens qu'aux archéologues pour raconter cette période, d'autant plus qu'il y a des millénaires d'occupation humaine sur notre territoire, ainsi il est compréhensible que les archéologues s'attachent à raconter un passé plus ancien que l'on connaît moins, mais des archéologues ont fini par être confrontés à des vestiges de la Grande Guerre découverts lors de travaux d'aménagement ou de sondages de diagnostic archéologique, comme ce fut le cas d'Yves Desfossés, l'un des auteurs, et c'est ainsi que l'histoire de cette discipline commence.
Les auteurs traitent ensuite de l'intérêt de cette archéologie, ce qu'elle apporte à l'histoire, d'autant plus que la Première Guerre Mondiale dispose d'une riche documentation. Il existe cependant des zones d'ombre et c'est là que l'archéologie intervient : là où les documents racontent en détail les origines du conflit, les nombreuses batailles, son évolution, etc, on découvre à travers les vestiges des informations sur la vie quotidienne des soldats au front, un aspect peu évoqué dans les sources de l'époque, car jugé relativement secondaire alors. Or, les soldats, peu importe leur nationalité, ont laissé des traces et cela nous apporte une nouvelle façon de voir le conflit, sous un angle plus humain. Cela nous permet parfois d'en apprendre plus sur le soldat en lui-même, son quotidien dans les tranchées, et des choses basiques comme l'alimentation, l'hygiène ou la foi. Les catégories d'objets les plus fréquemment retrouvés lors de fouille, à l'exception du matériel militaire, sont liés à la nourriture, à l'écriture ou à l'hygiène (une bouteille en verre frappée aux armes d'une division de l'armée, un crucifix parfois fabriqué par le soldat lui-même, etc).
Les auteurs évoquent également les pratiques funéraires des soldats, à travers l'étude des sépultures car ce sont les découvertes les plus fréquentes. Ils soulignent l'importance de l'impact de ces découvertes : si l'on découvre encore aujourd'hui des sépultures datant des siècles précédents, cela n'a pas le même impact car la Première Guerre Mondiale reste assez proche de nous, chronologiquement parlant, cela entre dans le champ de notre mémoire collective, d'autant plus que ces soldats auraient pu être nos grands-pères ou arrière grands-père et que les corps retrouvés portent les stigmates d'une mort violente. Il est donc expliqué que ces corps font l'objet de soins particuliers, ne serait-ce que par devoir de mémoire. L'archéologie nous permet d'en apprendre plus sur les pratiques funéraires des soldats car il n'existe pas un seul type de sépulture : il peut y avoir la tombe d'un soldat englouti avec son paquetage dans le no man's land ou dans un trou d'obus, une tombe collective, en passant par la sépulture individuelle soigneusement creusée ou aménagée rapidement. L'exemple le plus frappant est celui des Grimsby Chums, accueillant des soldats anglais dont le bras droit de chaque homme repose sur le bras gauche de son voisin, de façon à ce qu'ils soient unis dans la mort comme ils l'ont été dans la vie. L'intérêt est aussi d'identifier le soldat à travers les pièces d'équipement qu'on peut retrouver sur lui, et découvrir sa nationalité, son rang dans l'armée, un nom, le moment de la mort, la cause de la mort, etc. Cela peut aussi permettre de donner une vraie sépulture au soldat et de retrouver sa famille.
Comme évoqué précédemment, les objets et vestiges les plus fréquemment retrouvés appartiennent au domaine du militaire : armes, insignes, obus, ... jusqu'aux véhicules comme des tanks ! L'un des plus connus étant le tank de Flesquières, exhumé vers la fin des années 1990, et se présente comme un témoin important de la bataille de Cambrai. Comme on peut découvrir des cités antiques, les archéologues de la Grande Guerre découvrent aussi des sites, tels que des souterrains où l'on retrouve objets de la vie quotidienne du soldat, de nombreux graffitis et dessins, ou encore des ateliers comme la ZAC Actiparc où l'on a retrouvé de nombreux rebuts de tôle de laiton, que les soldats utilisaient pour fabriquer étuis de protection, coupe-papier, outils, voire quelques oeuvres d'art (les douilles d'obus décorées avec des inscriptions et dessins, par exemple) pour combler l'ennui, c'est ce qu'on appelle l'artisanat de tranchée.
Il s'agit d'un ouvrage très documenté sur cette branche méconnue de l'archéologie, accompagné de nombreuses photographies pour mieux découvrir les vestiges et des exemples concrets et détaillés pour illustrer le propos. J'ai trouvé vraiment intéressant la découverte de cette branche de l'archéologie et j'ai été sensible aux réflexions concernant le pourquoi et comment traiter cette archéologie d'un drame encore vifs dans nos mémoires et dont les derniers témoins n'ont disparus que récemment. C'est plus que de l'histoire ou de l'archéologie, car il y a un aspect mémoriel et personnel, ce que j'ai trouvé vraiment intéressant, d'autant plus que pour les habitants du Nord (comme moi) ou de l'Est de la France, c'est une autre façon de découvrir notre région. C'est un ouvrage très bien documenté et illustré que je recommande à ceux qui s'intéressent au sujet, ou qui sont intéressés par l'histoire.
L'archéologie de la Grande Guerre est une discipline assez récente, qui a commencé dans les années 1990 et qui ne cesse de se développer depuis. Ces fouilles se font majoritairement dans le Nord et l'Est de la France, qui ont été plus impactées par le conflit. Elles ont entraîné de multiples découvertes à travers de nombreux et divers vestiges, nous permettant d'apporter de nouvelles informations sur la guerre 14-18 et plus particulièrement sous un angle plus humain, à travers les soldats.
J'ai eu la chance d'assister à une présentation de cette discipline, à l'université, par l'un des auteurs de cet ouvrage, Monsieur Alain Jacques, historien et archéologue à Arras, connu pour avoir découvert les vestiges de la cité antique de Nemetacum (Arras) et qui a été confronté aux vestiges de la Grande Guerre en menant des fouilles sur le chantier de construction de la ligne TGV Nord, dans les années 1990. C'est donc ce qui m'a amené à la découverte et lecture de ce livre.
L'ouvrage traite tout d'abord par le commencement, à savoir le début de cette branche de l'archéologie et les premières confrontations avec les vestiges. Elles ont souvent été mal vécues par les archéologues qui n'étaient pas ou peu préparés à une rencontre avec ces traces d'un passé encore récent : ces vestiges ont été majoritairement découverts lors de travaux, et les archéologues n'avaient pas alors la formation pour travailler sur une période aussi récente, et l'on avait pas imaginé fouiller ce passé qui est encore vif dans nos mémoires, entre les sépultures des soldats et les nombreux obus encore enfouis dans nos sols. Les auteurs parlent ainsi de la complexité de cette branche car elle touche un passé récent et on s'en remet davantage aux historiens qu'aux archéologues pour raconter cette période, d'autant plus qu'il y a des millénaires d'occupation humaine sur notre territoire, ainsi il est compréhensible que les archéologues s'attachent à raconter un passé plus ancien que l'on connaît moins, mais des archéologues ont fini par être confrontés à des vestiges de la Grande Guerre découverts lors de travaux d'aménagement ou de sondages de diagnostic archéologique, comme ce fut le cas d'Yves Desfossés, l'un des auteurs, et c'est ainsi que l'histoire de cette discipline commence.
Les auteurs traitent ensuite de l'intérêt de cette archéologie, ce qu'elle apporte à l'histoire, d'autant plus que la Première Guerre Mondiale dispose d'une riche documentation. Il existe cependant des zones d'ombre et c'est là que l'archéologie intervient : là où les documents racontent en détail les origines du conflit, les nombreuses batailles, son évolution, etc, on découvre à travers les vestiges des informations sur la vie quotidienne des soldats au front, un aspect peu évoqué dans les sources de l'époque, car jugé relativement secondaire alors. Or, les soldats, peu importe leur nationalité, ont laissé des traces et cela nous apporte une nouvelle façon de voir le conflit, sous un angle plus humain. Cela nous permet parfois d'en apprendre plus sur le soldat en lui-même, son quotidien dans les tranchées, et des choses basiques comme l'alimentation, l'hygiène ou la foi. Les catégories d'objets les plus fréquemment retrouvés lors de fouille, à l'exception du matériel militaire, sont liés à la nourriture, à l'écriture ou à l'hygiène (une bouteille en verre frappée aux armes d'une division de l'armée, un crucifix parfois fabriqué par le soldat lui-même, etc).
Les auteurs évoquent également les pratiques funéraires des soldats, à travers l'étude des sépultures car ce sont les découvertes les plus fréquentes. Ils soulignent l'importance de l'impact de ces découvertes : si l'on découvre encore aujourd'hui des sépultures datant des siècles précédents, cela n'a pas le même impact car la Première Guerre Mondiale reste assez proche de nous, chronologiquement parlant, cela entre dans le champ de notre mémoire collective, d'autant plus que ces soldats auraient pu être nos grands-pères ou arrière grands-père et que les corps retrouvés portent les stigmates d'une mort violente. Il est donc expliqué que ces corps font l'objet de soins particuliers, ne serait-ce que par devoir de mémoire. L'archéologie nous permet d'en apprendre plus sur les pratiques funéraires des soldats car il n'existe pas un seul type de sépulture : il peut y avoir la tombe d'un soldat englouti avec son paquetage dans le no man's land ou dans un trou d'obus, une tombe collective, en passant par la sépulture individuelle soigneusement creusée ou aménagée rapidement. L'exemple le plus frappant est celui des Grimsby Chums, accueillant des soldats anglais dont le bras droit de chaque homme repose sur le bras gauche de son voisin, de façon à ce qu'ils soient unis dans la mort comme ils l'ont été dans la vie. L'intérêt est aussi d'identifier le soldat à travers les pièces d'équipement qu'on peut retrouver sur lui, et découvrir sa nationalité, son rang dans l'armée, un nom, le moment de la mort, la cause de la mort, etc. Cela peut aussi permettre de donner une vraie sépulture au soldat et de retrouver sa famille.
La tombe collective des Grimsby Chums, nom que s'est donné le 10e bataillon du Lincolnshire Regiment, probablement tombés en 1917, et reposant coude à coude (Saint Laurent Blangy). |
Comme évoqué précédemment, les objets et vestiges les plus fréquemment retrouvés appartiennent au domaine du militaire : armes, insignes, obus, ... jusqu'aux véhicules comme des tanks ! L'un des plus connus étant le tank de Flesquières, exhumé vers la fin des années 1990, et se présente comme un témoin important de la bataille de Cambrai. Comme on peut découvrir des cités antiques, les archéologues de la Grande Guerre découvrent aussi des sites, tels que des souterrains où l'on retrouve objets de la vie quotidienne du soldat, de nombreux graffitis et dessins, ou encore des ateliers comme la ZAC Actiparc où l'on a retrouvé de nombreux rebuts de tôle de laiton, que les soldats utilisaient pour fabriquer étuis de protection, coupe-papier, outils, voire quelques oeuvres d'art (les douilles d'obus décorées avec des inscriptions et dessins, par exemple) pour combler l'ennui, c'est ce qu'on appelle l'artisanat de tranchée.
Il s'agit d'un ouvrage très documenté sur cette branche méconnue de l'archéologie, accompagné de nombreuses photographies pour mieux découvrir les vestiges et des exemples concrets et détaillés pour illustrer le propos. J'ai trouvé vraiment intéressant la découverte de cette branche de l'archéologie et j'ai été sensible aux réflexions concernant le pourquoi et comment traiter cette archéologie d'un drame encore vifs dans nos mémoires et dont les derniers témoins n'ont disparus que récemment. C'est plus que de l'histoire ou de l'archéologie, car il y a un aspect mémoriel et personnel, ce que j'ai trouvé vraiment intéressant, d'autant plus que pour les habitants du Nord (comme moi) ou de l'Est de la France, c'est une autre façon de découvrir notre région. C'est un ouvrage très bien documenté et illustré que je recommande à ceux qui s'intéressent au sujet, ou qui sont intéressés par l'histoire.
Artisanat de tranchée : exemples d'objets fabriqués à partir du laiton des obus. |
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