1963 sur fond de Guerre Froide. Elisa, modeste employée d’un laboratoire gouvernemental ultrasecret, mène une existence morne et solitaire, d’autant plus isolée qu’elle est muette.
Sa vie bascule à jamais lorsqu’elle et sa collègue Zelda découvrent une expérience encore plus secrète que les autres, un homme amphibie...
La Forme de l'Eau est un film dont j'attendais la sortie avec impatience de part l'originalité qu'il présente : une héroïne handicapée, l'exploitation le monstre du lac des films des années 1950 tout en lui donnant des émotions et des pouvoirs divins, mais également de présenter une histoire d'amour entre le monstre et l'héroïne. Avouez qu'on ne retrouve pas ce genre de romance tous les jours ! Ce film est d'autant plus signé Guillermo del Toro, réalisateur à qui l'on doit Blade, Hellboy et notamment Le Labyrinthe de Pan que j'avais découvert il y a plusieurs années.
Nous sommes au début des années 1960, l'Amérique est en lutte avec les Soviétiques, qui envoient leurs espions en Amérique, pour la conquête de l'espace. Notre héroïne se nomme Élisa Esposito, orpheline solitaire et muette qui compte, comme amis, son voisin de pallier, Giles, et Zelda, sa collègue. Les deux femmes travaillent comme femmes de ménage au sein d'un laboratoire gouvernemental, géré par le colonel Strickland, un homme brutal et imbu de lui-même qui vient de ramener d'Amérique du Sud une chose top secrète qu’Élisa découvre, en faisant le ménage, être une créature humanoïde amphibienne que les autochtones d'Amazonie vénéraient comme un dieu et que le colonel malmène. Poussée par la curiosité, Élisa cherche à s'introduire clandestinement dans la pièce où se trouve la créature. Fascinée et prise de sympathie pour la créature prisonnière, Élisa établit le contact avec lui, lui apportant de la nourriture et de la musique et lui apprenant la langue des signes avec laquelle ils communiquent. Las de devoir surveiller la créature, Strickland obtient de son supérieur la permission d'effectuer une vivisection sur l'amphibien, ce qui scandalise le Docteur Hoffstetler, lui-aussi fasciné par la créature et désirant l'étudier vivante, mais qu'il ne peut empêcher. Apprenant cela, Élisa, désespérée, tente le tout pour le tout et décide de mettre en place, avec la complicité de Giles, son voisin, Zelda et le Docteur Hoffstelter. Ils installent la créature dans la baignoire d’Élisa, en attendant de pouvoir le relâcher, lors de la prochaine pluie, dans un canal communiquant avec la mer. Cependant, Strickland, furieux, mène sa propre enquête pour découvrir les responsables de l'évasion...
Elisa (Sally Hawkins) et la créature (Doug Jones). |
Une histoire d'amour entre l'héroïne et une créature aquatique ! À priori, si cette histoire peut sembler étrange, elle n'en reste pas moins visuellement crédible dans la mesure où Guillermo del Toro prend bien son temps pour nous la raconter, en procédant étapes par étapes : il plante d'abord le quotidien d’Élisa, l'arrivée de la créature d'abord tenue secrète, puis la rencontre entre nos deux personnages, l'apprivoisement mutuel, l'amitié débouchant sur l'amour naissant puis tout s'accélère lorsque la vie de l'amphibien est en danger et qu’Élisa organise son évasion et le cache chez elle, en attendant de le libérer. En dehors du laboratoire qui le gardait prisonnier, l'amphibien bénéficie de plus de liberté alors qu’Élisa et lui se rapprochent. C'est ainsi que Guillermo del Toro prend son temps pour raconter son histoire, en alternant entre les temps morts (les scènes d'amour, de réflexion et de tendresse) et les temps forts (le colonel à la poursuite de la créature, l'évasion de la créature puis les plans pour la relâcher, par la suite, dans la nature, les soupçons du colonel, etc).
La Forme de l'Eau se présente comme une version moderne du conte de La Belle et la Bête où, comme dans le conte, la beauté de la belle est davantage intérieur qu'extérieure (non pas que Sally Hawkins ne soit pas une femme dénuée de charme, mais je trouve son personnage éloigné des canons féminins de notre société) et la bête plus humaine que l'homme qui l'a capturé. Élisa est, en effet, un personnage altruiste, très expressive malgré son handicap, parfois espiègle, douce, forte, fragile. L'amphibien, quant à lui, monstre, oscille entre la faiblesse et la majesté d'un dieu, entre violence et douceur. Il dégage de lui quelque chose d'impressionnant comme une certaine candeur (par exemple, la scène où il découvre la musique). On peut se demander ce que ces deux êtres peuvent bien se trouver et comment ils sont attirés l'un à l'autre, mais le réalisateur parvient à nous rendre cette relation crédible et touchante (Trois mots : You... and me... Together).
Le roman, écrit par Daniel Kraus. |
Il y a d'ailleurs un rapport intéressant entre Élisa et l'eau. Son rêve, au début du film, l'illustre bien, c'est aussi un personnage qui cuisine avec l'eau (les œufs), se masturbe dans l'eau, ... comme s'il s'agissait d'une façon de sous-entendre qu’Élisa est profondément liée à l'eau, que [ c'est dans l'eau où elle va vivre désormais ] et que c'est peut-être dans l'eau qu'elle est née, car il y a un mystère qui entoure Élisa, sans que le réalisateur nous l'explique, ce sont ses cicatrices au niveau du cou, qu'elle a depuis la naissance et qui font évoquer des branchies, comme si sa rencontre avec l'amphibien était justement bien tombée. Peut-être que le livre étoffera plus certains aspects de son film et approfondira l'histoire de nos personnages. J'espère pouvoir le lire un jour.
L’intrigue comporte beaucoup de fantaisie et de poésie, avec quelques airs à la Amélie Poulain., mais ce n’est pas un conte de fées. Le monde décrit est violent et injuste, d'autant plus qu'il est situé dans un contexte historique tendu, à savoir les Etats-Unis du début des années 1960, alors que la guerre froide était à son paroxysme, et c'est cet élément fantastique, à travers le personnage de la créature, qui va donc exacerber les pires comme les meilleures attitudes humaines. Ce film se présente d'autant plus comme une dénonciation à la discrimination (racisme contre les Noirs, l'homophobie, etc), une ode à la différence. Nos principaux protagonistes sont des personnes faisant partie d'une minorité, toutes désocialisées à leur façon : l'handicapée, une femme de couleur, un homosexuel, ce qui est d'autant plus intéressant dans ce film.
J'avoue cependant ne pas avoir accroché à certaines scènes (et non, il ne s'agit pas de la scène intime entre Élisa et la créature haha), notamment la scène où Élisa s'imagine danser avec la créature, en robe de soirée ; j'aurais également aimé être avertie de quelques scènes peu ragoûtantes, dont une en particulier [spoiler] quand la créature dévore un des chats de Giles, c'est une scène qui a heurté ma sensibilité car, comme beaucoup, je déteste de voir des scènes de mort ou de maltraitance animale sur écran [/spoiler]. Le film n'est pas non plus exempt de tout reproche, l'intrigue est parfois prévisible et des personnages sont assez clichés (le méchant homme blanc, le scientifique que personne n'écoute, ... ).
Je n'ai pas les compétences pour parler des plans et de la photographie du film en détail, mais le film est sans conteste très beau visuellement. Le réalisateur nous en met plein la vue, accompagné de la bande-son d'Alexandre Desplat dont les qualités de compositeurs ne sont plus à refaire, ainsi que la présence de quelques chansons de Jazz.
S'il n'est pas sans défauts, le film présente de nombreuses qualités : il est visuellement magnifique, avec une bande-son irréprochable, des personnages très bien interprétés, une histoire prenante et parfois originale. En bref, La Forme de l'Eau se présente comme un joli moment de cinéma, émouvant et réflexif.
Elisa (Sally Hawkins) avec Giles (Richard Jenkins) et Zelda (Octavia Spencer)
un poétique bonjour Marion
RépondreSupprimerpassant découvrir , lire tes nouveaux articles.
le titre de ce film me dit quelque chose , j'ai du en entendre parler, voir bande annonce ? à la télé aux infos ou autres (---) surement un film sympa à voir.
bises et A+ du troubadour Emmanuel
Bonjour, cher troubadour
SupprimerC'est bien possible, il me semble qu'il est passé récemment à la tv et il a reçu des récompenses bien méritées.
A très bientôt !
Ha ce que je préfère dans ce film, c'est les amitiés, entre Eliza et Giles d'une part, entre Eliza et Zelda d'autre part. C'est rare, dans une romance, qu'elles soient aussi centrales, et entièrement positives.
RépondreSupprimerC'est vrai, c'est l'une des forces de ce film car Elisa n'aurait sans doute pas pu s'en sortir seule, sans l'aide de ses amis. J'admire aussi le fait qu'ils ne semblent pas bien choqués de savoir leur amie avoir des relations physiques avec un homme poisson xD J'aime imaginer que Giles et Zelda sont restés en contact, suite à la fin du film :)
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