samedi 15 avril 2023

Ma vie de geisha - Mineko Iwasaki et Rande Brown.


« Mon nom est Mineko. Ce n’est pas le nom que mon père m’ a donné à ma naissance. C’est celui qu’ont choisi les femmes chargées de faire de moi une geisha, dans le respect de la tradition millénaire. Je veux raconter ici le monde des fleurs et des saules, celui du quartier de Gion. Chaque geisha est telle une fleur par sa beauté particulière et tel un saule, arbre gracieux, souple et résistant. On a dit de moi que j’étais la plus grande geisha de ma génération ; en tout cas j’ai frayé avec les puissants et les nobles. Et pourtant, ce destin était trop contraignant à mes yeux. Je veux vous raconter ce qu’est la vraie vie d’une geisha, soumise aux exigences les plus folles et récompensée par la gloire. Je veux briser un silence vieux de trois cents ans. »

Un témoignage exclusif, des révélations à couper le souffle, Mineko Iwasaki nous livre ici un témoignage surprenant sur un art de vivre aussi fascinant que cruel.



Figures iconiques de la culture nippone, les Geishas, figures incontestées de l’élégance, n’en demeurent pas moins un mystère. Aujourd’hui encore, leur existence et leur culture suscitent la curiosité et fascinent.



J’avais lu, il y a plusieurs années, Geisha d’Arthur Golden, que j’avais beaucoup apprécié ainsi que le film qui en fut tiré, mais qui n’en demeure pas moins une version romancée de la vie des Geisha. Avec ce titre, j’ai voulu m’immerger dans un témoignage plus réaliste et intimiste du monde des Geishas, qui est joliment appelé le monde des fleurs et des saules, à travers les mots de l’une des Geishas les plus célèbres de son temps, Mineko Iwasaki.



Il faut savoir que Mineko Iwasaki n’est pas le vrai nom de la narratrice. Mineko est son nom de Geisha et Iwasaki le nom de l’okiya qui est la maison où logent les maikos (les apprenties geisha) et les geikos (qui est l’autre nom des geishas). Autrefois, elle s’appelait Masako Tanaka et elle était la benjamine d’une grande famille qui vivait dans une banlieue de Kyoto. Elle vivait alors une vie tranquille et insouciante auprès de ses frères et sœurs, prenant l’habitude de se cacher dans les placards pour se retrouver seule. Un jour alors qu’elle n’était encore qu’une toute petite enfant, la propriétaire de l’okiya rend visite à la famille afin de s’enquérir du souhait de Tomiko, l’une des sœurs de Masako, de devenir geiko, étant à la recherche d’une fille adoptive pour sa succession. Elle est immédiatement séduite par la jeune Masako et n’aura eu de cesse de faire pression auprès de la famille pour adopter Masako. Cette dernière est alors déchirée entre son amour pour ses parents et sa fascination pour ce nouveau monde, et en particulier la danse pour laquelle elle se passionne. Son choix finit par se porter sur l’okiya et Masako est ainsi choisie pour devenir la future atotori, celle qui régit l’okiya.



Masako est ainsi rebaptisée Mineko Iwasaki. Si elle est choyée par l’okayi tout entière, elle n’en demeure pas moins sous leur autorité ainsi que sous celle d’une onesan (sorte de figure de grande sœur, de modèle et d’éducatrice pour la maiko). Mineko suit un long apprentissage en tant que maiko. Elle doit apprendre la danse, le chant, la calligraphie, la cérémonie du thé qui suit un protocole stricte, suivre des cours de koto et de shamisen tout en s’occupant de quelques tâches ménagères au sein de l’okiya.



La narratrice nous fait découvrir une société exclusivement féminine (les hommes, s’ils sont admis, doivent attendre une certaine heure pour entrer dans l’okiya, même s’il s’agit d’un parent ou d’un vendeur) à travers l’okayi Iwasaski dans les rues de Gion-Kobu à Kyoto, le monde des geisha.



C’est un univers très strict qui ne laisse pas ou peu de place aux erreurs et au mauvais comportement. Rigueur et discipline sont demandées dès l’enfance. Il est en effet mal vu pour une future geiko d’être dissipée et turbulente, car elle risque de se blesser et gâcher ainsi sa beauté et ses capacités d’être danseuse. Les kimonos pèsent environ 20 kg et il faut savoir se tenir sur des socques en bois de 15 cm de haut et se déplacer ainsi. Ajoutons à cela que maiko et geiko ne sont pas autorisées à manger lors d’un banquet car elles sont là pour divertir les clients. Elles ne sont pas uniquement là pour « faire joli », la maiko comme la geiko a ses propres devoirs, par exemple étudier les sujets à propos desquels le futur client serait susceptible de les entretenir (s’il s’agit d’un politicien, il est alors conseillé de lire des articles sur son secteur ; s’il s’agit d’un chanteur, écouter ses disques ; un romancier, lire ses romans, et ainsi de suite). Ainsi, Mineko Iwasaki nous fait mention des innombrables journées passées dans les bibliothèques, musées, etc, afin d’en apprendre le plus possible sur son futur client afin de mieux pouvoir discuter avec lui et montrer son intérêt et ses connaissances, la mission principale de la geiko étant de divertir son client, sinon l’hôte d’une fête et ses invités. Elle doit mettre à l’aise, engager la conversation, occasionnellement verser le saké, et surtout taire ses sentiments.


La geiko est engagée pour divertir l’hôte et ses invités. Elle est là pour mettre tout le monde à l’aise. Les naikai assurant le service, elle se contente de verser un peu de saké. Dès qu’elle entre dans l’ozashiki, elle doit aller droit à la personne qui préside et engager avec elle la conversation. Faisant taire ses sentiments, elle doit par son attitude lui dire : « Je n’avais qu’une hâte, c’était de venir bavarder avec vous. » Si jamais dans son visage quelque chose communique au client : « Je ne peux pas vous sentir », elle est indigne de porter le nom de geiko.

Le pire pour moi, c’était quand le client me dégoûtait physiquement. Il est infiniment pénible de dissimuler un sentiment de répulsion. Les clients ayant payé pour que je leur tienne compagnie, la moindre des politesses était de me montrer aimable avec eux. Mais la nécessité de cacher ses sympathies et antipathies sous un vernis de courtoisie m’a semblé une des épreuves les plus ingrates du métier.


A la lecture de cet ouvrage, il apparaît évident que la narratrice a aimé exercer son métier, qu'elle a pris plaisir à travailler sans relâche la danse mais aussi ses connaissances dans divers domaines, afin de remplir au mieux son rôle,. Cet investissement allait parfois bien loin car elle allait jusqu’à négliger plusieurs fois sa propre santé et à s’entêter à aller au-delà de ses propres limites. Néanmoins, on sent chez elle une véritable volonté de faire découvrir et de transmettre la culture japonaise traditionnelle. Certes, son propos manque souvent d'humilité, elle a été une célébrité et c’est évident dans ses propos, elle se conduisait parfois comme une enfant gâtée, mais il est manifeste qu'elle a fondé d'immenses espoirs dans sa profession et que celle-ci n’a pas toujours été facile, tant au niveau de l’apprentissage que du regard des autres à travers la jalousie des autres maikos.



Ma vie de Geisha est un récit autobiographique qui offre une lecture instructive, fluide et agréable. C’est une véritable plongée sur les us et coutumes dans « le monde des fleurs et des saules » et surtout autre un regard sur cette communauté traditionnelle ou encore mal comprise par les occidentaux, qui envoie balader de nombreuses idées reçues (notamment sur le fait que les Geishas sont assimilées aux courtisanes) et nous présente les Geishas davantage comme des gardiennes des traditions ancestrales et que, derrière le faste des kimonos de soie, se cache une réalité beaucoup plus complexe que celle que l’on imagine. Un voyage en Asie instructif que je vous invite à faire.


On sait à quel point le kimono, cette incarnation de la beauté, est essentiel à la geiko. Il est l’emblème de notre profession. Confectionné dans les plus somptueuses soieries, peint à la main, il est en soi une œuvre d’art.

Dans la vie quotidienne ordinaire, la qualité de ce costume est révélatrice de la personnalité de celle qui le porte. On y devine ses goûts, ses moyens financiers, ses origines sociales même. Ce vêtement n’épousant pas les formes du corps, sa coupe ne varie guère, mais on en trouve tissés dans des étoffes et des motifs d’une grande diversité.

Il faut beaucoup de savoir-faire pour choisir avec discernement son kimono selon les circonstances. D’abord, l’on doit tenir compte de la saison. Au Japon, la tradition veut que l’année se divise en vingt-huit saisons, chacune accompagnée de ses symboles : des rossignols pour la fin mars, des chrysanthèmes pour début novembre.

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