Lorsque Mr Hiram B. Otis, le ministre américain, acheta le domaine de Canterville Chase, tout le monde lui dit qu'il faisait une folie car il n'y avait pas le moindre doute que le manoir fût hanté. Mais le ministre américain et sa famille n'ont pas vraiment peur des apparitions nocturnes du spectre des lieux. Les jumeaux Otis lui jouent des tours, et les parents ont l'outrecuidance de lui offrir de l'huile pour graisser ses chaînes. Pauvre de lui, jadis si redouté, et désormais dépourvu de toute crédibilité !
C'est l'histoire d'un fantôme bien malheureux depuis que le domaine de Canterville a été acheté par des créatures les plus étranges qui soient dans ce monde... des Américains ! Lui qui fut le fléau de tous les anciens propriétaires qu'il a effrayé au point de les faire chasser, le voilà mis en déroute par une famille américaine qui ne réagit pas comme il l'aurait espéré de ses tours de fantômes. Le ministre et sa femme lui proposent de l'huile pour graisser ses chaînes, la tâche de sang qu'il laisse est systématiquement lavé comme si de rien n'était, et ces affreux jumeaux ne cessent de lui jouer des tours ! Lui ! Le fantôme ! Mais où va le monde ? Déconcerté mais pas découragé, le fantôme va essayer de tout mettre en œuvre pour se montrer effrayant et chasser ces malotrus !
Des cinq nouvelles présentes dans ce recueil, Le fantôme de Canterville reste ma préférée, d'autant plus qu'elle est la plus longue. C'est léger, drôle, divertissant. On sent qu'Oscar Wilde a du s'en donner à cœur joie dans l'écriture de cette histoire. L'humour repose en grande partie sur les différences culturelles entre l'Angleterre et les Etats-Unis, entre les Américains terre-à-terre, consuméristes, égalitaires et les Anglais, aristocrates, influençables, et pince-sans-rire. L'auteur s'amuse de ces préjugés, et porte un jugement sarcastique sur les Anglais, leurs superstitions et traditions, ainsi que les Américains, leur incompréhension de la culture européenne, leur rationalisme dépourvu d'imagination... du moins pour cette famille. Ce fantôme n'aurait pas plus mal tombé, faisant les frais du modernisme et du rationalisme de ces Américains fraîchement débarqués en Europe !
C'est particulièrement amusant de voir Oscar Wilde reprendre des éléments des histoires fantastiques de son époque pour y mettre une touche plus humoristique face à une famille particulièrement terre-à-terre, où c'est le fantôme qui vit des mésaventures au lieu des personnes qu'il est supposé hanter. Ses petits tours n'ont pas l'effet escompté et c'est plutôt lui qui est victime de tours ! Ce ton drôle et léger continue jusqu'à la fin de l'histoire, avec cependant une partie plus classique lorsque le fantôme se dévoile à Virginia, la fille du ministre et la seule à ne pas se moquer du spectre. À l'inverse de sa famille, elle va chercher à le comprendre et à l'aider à passer dans l'au-delà. On glisse ainsi vers le merveilleux avec une touche de surnaturel, presque mélancolique.
Mon édition était complétée par quatre contes : "Le prince heureux", "Le géant égoïste", "L'ami dévoué" et "Le rossignol et la rose". Ces quatre contes se ressemblent en reprenant des éléments classiques des contes (des animaux parlants, êtres surnaturels et une morale) mais se révèlent divertissants et touchants, voire tristes, même si je les ai trouvé moins inoubliables par rapport au Fantôme de Canterville qui se présente comme l’histoire la plus divertissante, légère et drôle par rapport aux autres qui sont plus touchantes et tristes. J’ai toutefois bien aimé Le géant égoïste qui se présente comme un conte touchant dans lequel un géant s’adoucit en se liant d’amitié avec un jeune garçon.
"Cher monsieur, dit Mr. Otis, permettez-moi d'insister auprès de vous pour que vous huiliez ces chaînes: je vous ai apporté à cette fin un petit flacon de lubrifiant. On le dit totalement efficace dès la première application. (...) Sur ces mots, le ministre des Etats-Unis posa le flacon sur une table et, fermant sa porte, se retira dans sa chambre.
Un instant, le fantôme de Canterville demeura absolument immobile, dans un accès d'indignation bien naturelle; puis, ayant lancé violemment le flacon sur le parquet poli, il s'enfuit le long du couloir, en poussant des gémissements sourds et en émettant une lueur verdâtre et fantomatique.
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