Nous commençons ce voyage dans le temps culinaire avec le Moyen-Âge où l’Église a dicté très tôt ses règles quant à la consommation alimentaire. L’année était partagée entre les jours maigres et les jours gras et le souhait de manger en bon chrétien. On ne mangeait pas avant d’avoir fait ses prières ou avant d’être allé à l’église (sauf exception). La gourmandise était en effet vue comme un péché, et la croyance voulait que la consommation de viande rouge échauffait le corps et provoquait donc des excès dans le tempérament de celui qui en mangeait. On était alors persuadé que l’alimentation pouvait influer sur le caractère d’une personne ou alors sa santé. Les mères nourricières, par exemple, n’avaient pas le droit à certains aliments (comme l’ail ou les champignons) pour ne pas gâter le goût du lait ou ne pas risquer un empoisonnement
Pendant longtemps, la transmission culinaire s’est faite oralement, les recettes étant partagées de bouche de cuisinier à oreille de cuisinier. Il a fallu attendre le XIIIe siècle pour que les premiers écrits culinaires arrivent, mais ceux-ci restent très évasifs et difficilement fiables et contiennent des erreurs. La plupart des recettes ne donnent aucune indication sur la quantité des ingrédients et les proportions sont laissées au bon vouloir du cuisinier qui adapte selon le nombre de convives.
Parmi les ouvrages les plus connus, il y a Le Viandier, écrit à la fin du XIVe siècle, associé à Guillaume Tirel, dit Taillevent, maître cuisinier des rois de France Charles V et Charles VI ; ou encore Le Mesnagier, rédigé au XIVe siècle et attribué à un bourgeois parisien qui l’aurait écrit à l’intention de sa jeune épouse afin de lui faire connaître la façon de tenir sa maison et de faire la cuisine.
Ce tome nous parle également de l’importance des bonnes manières et des civilités à table. Il était mal vu de se lécher les doigts ou de se précipiter sur son assiette. L’hygiène des mains devait être irréprochable car c’est avec les doigts qu’on mangeait, et il était de mesure de prendre son temps pour manger. On est loin du cliché des gens du Moyen-Âge crasseux et sans aucune manière ! Une autre façon de voir le Moyen-Âge s'offre donc à nous à travers ce premier tome qui ouvre l'appétit !
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Dans ce tome, nous entrons à l’époque moderne, celle de Louis XIV. C’est l’époque où de nouveaux aliments et des épices apparaissent en Europe, venus d’Asie ou des Amériques. Nous apprenons ainsi l’histoire des origines du chocolat importé d’Amérique, du café que nous devons aux Turcs, ou encore la création du croissant (nous vient-il vraiment d’Autriche qui aurait crée cette pâtisserie pour commémorer une victoire contre les Turcs ?), mais aussi l’histoire du sorbet.
C’est aussi l’époque où la fourchette se popularise. L’imprimerie, qui se développe, permet également une large diffusion des recettes culinaires. De plus en plus de livres de recettes paraissent et ceux-ci sont nombreux à aborder de plus en plus le lien étroit entre la cuisine et la santé en mettant l’accent sur les bienfaits et inconvénients de certains aliments.
Parmi toutes ces nouveautés, le pain demeure bien-sûr la base de l’alimentation. Ce tome aborde notamment le commerce du pain sous Louis XIV. On marquait les pains de la marque de la boulangerie, pour pouvoir mieux retracer la trace d’éventuels fraudeurs (ceux qui trichent sur la farine, le poids du pain, etc). On découvre aussi le quotidien d’un apprenti boulanger et on apprend notamment qu’un apprenti l’était pendant cinq ans avant de passer un examen pour devenir compagnon, puis devait présenter trois ans après un chef d’œuvre devant un jury chargé de décider d’accorder ou non la licence de boulangerie.
C’est à cette époque que quelques grands noms de la cuisine apparaissent : Cyprien Ragueneau, poète et comédien mais aussi pâtissier, il aurait servi de modèle à Edmond Rostand pour son Cyrano de Bergerac ; François Varel, passé à la postérité en tant qu’organisateur de fêtes et de festins d’exception au château de Vaux-le-Vicomte, puis au château de Chantilly durant le règne de Louis XIV ; François Pierre de La Varenne, cuisinier et auteur du Cuisinier françois, un ouvrage capital qui marque le passage de la cuisine médiévale à la cuisine moderne, et qui contient les premières mentions au mille-feuilles par exemple ; ou encore Jean-Baptiste de La Quintinie, créateur du Potager du roi à Versailles, ce qui n’était pas une mince affaire si on se souvient qu’il a du rendre cultivable un terrain marécageux. Forcément, on ne parle pas alimentation sans évoquer les cultures de ce que nous mangeons, et Louis XIV était notamment particulièrement friand des petits pois.
On en apprend également un peu plus sur Louis XIV mais surtout sa table où le placement des invités est hiérarchisé ; plus on s’éloigne du roi, moins les plats sont élaborés et on peut ainsi savoir si les membres de la famille royale sont en faveur ou non… de quoi alimenter les potins des courtisans en plus de leur appétit !
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Après Louis XIV, place aux règnes de Louis XV et de Louis XVI ! Ce tome évoque la popularité du champagne à Versailles, grâce à Madame de Pompadour, la plus célèbre des maîtresses de Louis XV, et revient sur l’idée reçue qui dit que la coupe de champagne aurait été modelée sur le sein de La Pompadour.
C’est la période où la pomme de terre fait son apparition dans les assiettes mais elle a bien du mal à conquérir les cœurs, notamment à la cour. C’est Antoine Parmentier, ancien militaire, nutritionniste et hygiéniste français, qui s’est donné pour mission de promouvoir la pomme de terre et de faire reconnaître ses avantages alors qu’elle n’était alors considérée que comme un met pour les pauvres, les prisonniers et les cochons. On a du mal à imaginer, de nos jours, que la pomme de terre ait eu du mal à gagner en popularité !
Le XVIIIe siècle est aussi l’époque où les premiers restaurants commencent à voir le jour à travers des enseignes qui sont à la fois des cafés, restaurants, traiteurs et restaurateurs. C’est aussi durant le siècle des Lumières que les bases de la cuisine française vont s’installer, celle encore pratiquée de nos jours. On assiste à une évolution de la cuisine, on ne retient plus que sept saveurs principales (doux, amer, âcre, âpre, aigre, gras, salé). Si le pain reste la base alimentaire, les légumes et fruits sont désormais définitivement intégrés aux repas
C’est aussi le siècle de la nouvelle cuisine, de la sophistication et du raffinement, avec l’arrivée d’une cuisine plus élégante, plus technique, avec une grande part aux légumes, les sauces sont allégées et devenues plus onctueuses. On assiste aussi à des banquets républicains pour commémorer le 14 juillet.
Marie-Antoinette est également mise à l’honneur, en reprenant une phrase qu’on lui prête à tord (« Qu’ils mangent de la brioche »), mais aussi d’autres personnalités de la cuisine, notamment Alexandre Grimod de la Reynière, considéré comme le père fondateur de la gastronomie et qui a publié l’Almanach des Gourmands, considéré comme l’ancêtre du guide gastronomique.
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On termine avec ce tome qui porte assez mal son nom car il n’y a d’empereur évoqué que Napoléon Ier, et que ce tome couvre une période assez vaste entre le Premier Empire et la Première Guerre Mondiale.
C’est une période de bouleversements en matière de gastronomie et d’alimentation. Elle marque l’apparition des premiers guides et critiques gastronomiques, le développement d’une nourriture gourmande (de nombreux auteurs, comme Émile Zola ou Alexandre Dumas, font régulièrement référence aux restaurants dans leurs ouvrages). C’est la prolifération des restaurants, qui deviennent accessibles au plus grand nombre, et des commerces alimentaires, l’apparition des menus ainsi qu’une évolution de l’art de la table.
L’agro-industrie permet une modernisation de notre mode de consommation (développement des transports des aliments, la mise en conserve, etc), les considérations d’hygiène et de sécurité alimentaire, l’heure des repas qui colle davantage au style de vie de ce siècle (les Français mangeaient alors peu le matin, mais le souper retrouve grâce), c’est aussi l’apparition des soupes populaires, les restes des repas des plus riches sont revendus aux classes plus modestes ou pauvres, etc.
C’est une longue période qui connaît des temps de gastronomie festive, joyeuse et prospère tout comme des temps de misère avec les pénuries de la révolution française, les différentes guerres, le siège de Paris qui a contraint les Parisiens à chasser chats et chiens errants ou manger les animaux des zoos (certains passages ont d’ailleurs été durs pour moi qui suis très sensible dès lors qu’il s’agit de morts d’animaux), ou les récoltes déplorables.
Parmi les célébrités, nous avons Antonin Carême, pâtissier, surnommé « le roi des chefs et le chef des rois », le premier à porter l’appellation de chef, il est considéré comme le fondateur de la haute gastronomie, il était notamment recherché par les cours royales ; Nicolas Appert, non pas un cuisinier mais un inventeur à qui nous devons les boîtes de conserves et la conservations des aliments dans des containers en verre puis en boîtes métalliques ; Auguste Escoffier qui a codifié et modernisé la cuisine raffinée des grands hôtels et autres établissements de prestige, c’est aussi lui qui a développé le concept de brigade de cuisine (répartition des tâches dans l’équipe) et en veillant à l’image de marque du cuisinier (propre, méticuleux, non buveur, non fumeur, ne criant pas) et il a également imposé le service à la russe avec un dressage et service directement à l’assiette.
Le mot de la fin
C’est une bande-dessinée que j’ai découvert par hasard, alors que je cherchais des idées pour ma PAL de l’Ice Cream Summer Challenge, et qui s’est révélée être une bien belle découverte !
Quelle idée originale que de nous apprendre l’Histoire à travers la gastronomie en France et son évolution à travers une large période qui va du Moyen-âge jusqu’à la Grande Guerre. Un véritable voyage dans le temps qui parle boustifaille mais pas que ! Dans les cuisines de l’Histoire parle aussi bien des différents plats et aliments consommés à chaque époque que d’autres sujets comme les différentes façons de cuisiner, la culture des légumes et herbes aromatiques, les différentes techniques de conservation des aliments à travers les siècles, mais aussi les liens étroits entre l’alimentation et la santé, l’hygiène, ou le lien entre l’alimentation et le social (la façon de se tenir à table, la convivialité, la hiérarchisation à table, etc). On y parle ainsi plus que d’aliments mais de tout un ensemble qui a attrait à cet univers.
On en apprend un peu plus sur les œuvres culinaires qui ont traversé les siècles, ces ouvrages et ces personnes qui ont contribué à la révolution culinaire et qui se sont fait un nom dans le milieu gastronomique.
Chaque tome se compose de plusieurs épisodes qui illustrent un propos, c’est tantôt drôle, tantôt touchant, mais toujours instructif, avec des personnages hauts en couleur, et ça met même l’eau à la bouche ! À noter que chaque tome nous propose des recettes d’époque que nous pouvons essayer de reproduire, ce que je trouve très intéressant !
Une bande-dessinée que je conseille et que je classe parmi mes coups de cœur. Un vrai régal !
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