jeudi 23 septembre 2021

Le Grand Méchant Renard - Benjamin Renner.






Un renard chétif tente de se faire une place de prédateur face à un lapin idiot, un cochon jardinier, un chien paresseux et une poule caractérielle. Il a trouvé une stratégie : il compte voler des œufs, élever les poussins, les effrayer et les manger.







- Je comprends pas ! Pourquoi ça marche pas ? C'est quoi mon problème ?

- Je sais pas... Peut-être parce que tu as l'air aussi costaud qu'une huître... ou alors que tu as autant que charisme qu'une limace séchée dans un pot de sel... ou sinon que tu es aussi féroce qu'une tortue anémique à la retraite...


C’est l’histoire d’un renard affamé, pas très débrouillard, ni bien chanceux, qui aimerait bien croquer de la volaille, et qui se rend chaque jour dans la ferme du coin dans l’espoir de se mettre sous la dent une poule bien juteuse. Seulement, avec un degré de dangerosité proche du vers de terre et d’un talent d’intimidation et de chasseur s’apparentant à celui d’un canari, notre renard affamé n’impressionne guère les animaux de la ferme et se fait battre à plate couture par les poules qui en ont assez d’être dérangées pendant la couvée des œufs. Il est si peu impressionnant que le chien de garde le laisse passer avec un air blasé en lui intimant seulement de ranger son bordel avant de partir, et que le lapin et le cochon le saluent comme on revoit un vieil ami et lui laissent quelques légumes de côté. 


Désespéré, le renard demande des conseils au loup. Ses leçons pour faire du renard un redoutable prédateur ne fonctionnant pas, il décide d'élaborer un plan : au lieu de s’emparer d’une poule, graal inatteignable pour notre canidé roux, le renard peut voler ses œufs, les couver et attendre que les poussins deviennent suffisamment grands et gras pour que loup et renard ne puissent n'en faire qu’une bouchée. Le renard s’y plie, mais le loup omet de lui parler d’un détail : les poussins considèrent le premier être qu’ils voient comme étant leur maman. Encore plus étonnant, cette chose que personne n’aurait pu prévoir : que le renard s’attache à ses poussins et ne développe un instinct maternel… 


Quelle véritable bouffée d’air frais et de bonne humeur que cette bande-dessinée ! Découvert sur le blog de Nelja, j’ai su que je n’aurais pas pu résister en découvrant la trope du “méchant” qui développe un instinct parental envers sa proie. Le Grand Méchant Renard de cette histoire ne pouvait pas plus mal porter son nom ! Naïf, burlesque, drôle à ses dépends, il se met dans des situations improbables pour notre plus grand plaisir. Même s’il fait pitié car il n’est même pas pris au sérieux, même pas par les petits oiseaux du coin, on ne peut pas s’empêcher de s’amuser de ses mésaventures qui mêlent humour, tendresse et loufoquerie. Car il est adorable quand même ce renard qui s'agace d’abord de ces pots de colle de poussins qui vont partout où il va en l’appelant “maman”, et puis qui finit par s’attacher à ces rejetons et agir comme une vraie mère… poule. Il y a beaucoup d’humour dans cette relation improbable mais aussi de la tendresse face à ce renard prêt à tout pour protéger ses poussins. Oui, car le loup n’a pas oublié leur marché et entend bien croquer les poussins, et l’on assiste à de nouvelles péripéties pour que le renard puisse protéger sa famille hors du commun...


J’ai ri presque à chaque page, je ne me souviens pas la dernière fois qu'un bouquin m’a fait autant rire ! Benjamin Renner mêle avec brio un humour de situation, parfois très Tex Avery, à des dialogues modernes. Les dessins sont très expressifs et très aéré de par l'absence de cases. C'est joliment coloré, presque une aquarelle. Pour autant, si cette histoire cherche avant tout à nous faire rire, on se surprend parfois à arborer un sourire qui relève plus de la tendresse, on ne peut pas s'empêcher de ressentir de l'attendrissement face à ce renard solitaire qui se retrouve parent malgré lui du jour au lendemain, mais qui se prend petit à petit d'affection sincère envers ses poussins. Renard apprend à être papa et maman ainsi que les dures joies de la vie de famille... ça sent le vécu ! Les petites embrouilles et querelles des enfants ("pourquoi tu manges pas ton ver de terre ?" "j'y arriiiiiive pas"), les questions existentielles du style "pourquoi le ciel est bleu et l'herbe est verte", les chants, les parties de dînettes, les dessins, les jeux, les angoisses. C'est aussi une histoire qui parle des stéréotypes auxquels on doit se conformer, la parentalité, le jugement sur l'autre... (ce n'est pas parce qu'on est un renard qu'on est condamné à n'être que de la vermine, qu'on ne peut pas élever des jeunes d'une espèce différente, qu'on ne peut pas être bon)


C'est une jolie lecture que cette bande-dessinée ! Elle colle le sourire aux lèvres de la première à la dernière vignette. Renard est un animal maladroit, pathétique et pas débrouillard mais on s'attache à lui autant qu'il s'attache à ses poussins. Une histoire toute mignonne avec un ton décalé, drôle et tendre. Un peu de douceur et de légèreté dans ce monde de brute qui n'en montre pas assez...


Et surtout une histoire qui se finit bien pour le renard, les poussins et la poule !



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